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Un objectif appliqué concrètement par le législateur

B) Une place importante de l’autorité administrative dans la politique de soutien à la production d’électricité renouvelable

2) Un objectif appliqué concrètement par le législateur

263. S’il n’est pas formellement mentionné parmi les objectifs de la politique de l’énergie, l’objectif de diminution de l’impact des mécanismes de soutien à la production d’électricité renouvelable sur le fonctionnement du marché de l’électricité se trouve matériellement repris par le législateur dans les dispositions du titre V de la LTECV. Celles-ci en effet appliquent les deux principes suivis par les LDAEE 2014, le principe de la dépendance des mécanismes de soutien au marché de l’électricité et le principe de leur adaptation régulière aux conditions de marché. Suivant le projet de loi226, ce titre vise

notamment à modifier ces mécanismes de soutien en ouvrant la possibilité de créer un nouveau dispositif de soutien sous la forme d’un « complément de rémunération », permettant de lier davantage les tarifs d’achat aux variations du marché. Il vise par ailleurs à préciser les critères de détermination des niveaux de rémunération.

a) L’application du principe de la dépendance des mécanismes de soutien au marché de l’électricité

97 264. Tout d’abord, le principe de la dépendance des mécanismes de soutien au marché de l’électricité est mis en œuvre par les dispositions de l’article 104 relatives au complément de rémunération.

265. L’article 104 de la LTECV a ajouté au code de l’énergie une section spécifique instituant un nouveau mécanisme de soutien sous la forme d’un « complément de rémunération ». L’article L.314-18 de ce code dispose ainsi que « sous réserve de la nécessité

de préserver le fonctionnement des réseaux, Electricité de France est tenue de conclure, lorsque les producteurs intéressés en font la demande, un contrat offrant un complément de rémunération pour les installations implantées sur le territoire métropolitain continental (…) ». En conséquence, le législateur a également, par le même article, intégré aux charges

imputables aux missions de service public prévues à l’article L.121-7 du code de l’énergie le financement du complément de rémunération, sur le modèle du mécanisme d’obligation d’achat.

266. Si la loi ne donne pas de définition de ce mécanisme, il est indiqué dans l’étude d’impact du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte que « ce

dispositif consiste en la possibilité de vendre directement sur le marché l’électricité produite tout en bénéficiant du versement d’une prime ». Ce mécanisme a vocation à rendre le soutien

octroyé aux producteurs plus réactif au marché de l’électricité qu’il ne l’est sous le régime de l’obligation d’achat, afin notamment à apporter une réponse au problème d’apparition de prix négatifs227.

267. Il s’agit, de cette manière, de prendre en compte la place de plus en plus importante des énergies renouvelables dans ce marché et leur maturité croissante228. L’instauration du complément de rémunération marque en effet un tournant dans la politique de développement des énergies renouvelables, visant à terme à reconnaître les producteurs des filières matures « comme de vrais acteurs de marché », le contexte n’imposant plus, comme au début des années 2000, d’accompagner leur émergence. Dans cette perspective, ce nouveau mécanisme de soutien correspond à une « phase transitoire », qui consiste à « imposer à ces

producteurs de vendre leur électricité sur le marché de gros, en réduisant progressivement le soutien public jusqu'à ce que soit atteint un seuil et faire face aux autres moyens de production »229. Toutefois, en raison même du lien étroit entre complément de rémunération

et marché, le législateur a limité l’application de ce mécanisme d’aide au réseau métropolitain

227 Etude d’impact du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, p. 120. 228 Rapport n° 2230 fait au nom de la commission spéciale de l’Assemblée nationale pour l’examen du

projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, Tome I, p. 23 et suivantes.

229 Cloché-Dubois (C), « Électricité d'origine renouvelable : obligation d'achat et complément de

98 continental, la taille des réseaux des zones insulaires non interconnectées à celui-ci (ZNI) ne permettant pas l’existence d’un véritable marché de l’électricité230.

268. La LTECV est en revanche muette sur la forme du mécanisme du complément de rémunération, notamment quant au caractère fixe ou variable de la prime, et renvoie les modalités de sa mise en œuvre à un décret. Cette absence de précision reflète la volonté du Gouvernement de tirer profit du fait que la Commission n’a pas imposé dans les LDAEE 2014 de conditions particulières au recours à l’un ou l’autre système231 pour laisser le pouvoir réglementaire appliquer ces modalités en fonction des niveaux de maturité, des rythmes d’évolution et des potentiels d’intégration au marché des différentes filières de production d’énergies renouvelables232. Le ministre chargé de l’énergie s’est ainsi engagé « à ce que

l’essentiel des soutiens soit mis en place selon le principe d’une prime variable » pour les

filières les plus matures, tout en laissant ouverte la possibilité de mettre en place des primes fixes pour les filières non matures233.

269. Une telle répartition permet d’assurer aux producteurs de la majorité des filières une rémunération stable et « une visibilité et une sécurité financière proche, voire

équivalente à celles dont ils bénéficient dans le cadre des tarifs d’achat garantis » grâce au

recours à un dispositif de prime variable et ex post. Elle permet par ailleurs de réserver le dispositif de prime fixe et ex ante à certains cas particuliers dans lesquels le recours à ce système, qui expose totalement les producteurs au risque marché, peut être économiquement pertinent. Cela est le cas « lorsque le signal-prix sous-jacent est représentatif des coûts de

développement de long terme de l’unité de production marginale du parc et qu’il permet donc de donner un signal à l’investissement, pour tenir compte des besoins du système électrique en termes d’équilibre offre-demande »234.

b) L’application du principe d’adaptation régulière des mécanismes de soutien aux conditions de marché

230 JORF, Assemblée nationale, Session ordinaire de 2014-2015, 236e séance, Compte rendu intégral,

2e séance du jeudi 21 mai 2015, p. 4856.

231 Réponse des autorités françaises à la consultation de la Commission sur le projet de lignes

directrices concernant les aides dans le domaine de l’environnement et de l’énergie.

232 Rapport n° 2230 fait au nom de la commission spéciale de l’Assemblée nationale pour l’examen du

projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, Tome I, p. 458.

233 JORF, Sénat, Session ordinaire de 2014-2015, Compte rendu intégral, Séance du mardi 17 février

2015, p. 1855.

99 270. Le principe d’adaptation régulière des régimes d’aides aux conditions de marché est repris dans plusieurs dispositions de la LTECV.

271. L’article 104 de la LTECV renforce tout d’abord le lien entre les paramètres pris en compte dans la définition du niveau de soutien et les conditions du marché, à partir d’une distinction essentielle entre les « conditions » et le « niveau » du complément de rémunération ». Les premières regroupent l’ensemble des paramètres pris en compte pour établir les conditions de bénéfice du contrat et les modalités de fonctionnement de celui-ci. Le second vise l’importance économique du complément apporté au bénéficiaire. Si cet article ne fixe pas le mode de calcul du niveau de rémunération, l’objectif étant qu’il fasse l’objet d’une concertation avec les acteurs des filières concernées, le principe énoncé au cours des débats est que celui-ci « ne peut reposer que sur les coûts de production »235. Sont donc écartées toutes les autres considérations, notamment les effets des installations de production sur le réseau ou sur le marché, tels que la contribution à la création d’emplois en France ou le caractère commandable de la production236. Ces considérations sont en revanche intégrées dans les « conditions du complément de rémunération » listées à l’article L.314-20 du code de l’énergie. Le même principe de fixation du niveau de l’aide est appliqué au mécanisme de l’obligation d’achat, bien que la distinction terminologique entre le niveau du tarif d’achat et les « conditions de l’obligation d’achat » ne soit pas formellement reprise par l’article L.314-4 du code de l’énergie.

272. Le principe relatif au « niveau » du tarif d’achat ou du complément de rémunération est fixé, de manière succincte, aux articles L.314-4 et 20 du code de l’énergie. Ces articles disposent que les conditions d'achat et le niveau du complément de rémunération « ne peuvent conduire à ce que la rémunération totale des capitaux immobilisés, résultant du

cumul de toutes les recettes de l'installation et des aides financières ou fiscales octroyées au titre de celle-ci, excède une rémunération raisonnable des capitaux, compte tenu des risques inhérents à son exploitation ». À cette fin, il est également prévu que le bénéfice du

complément de rémunération puisse être subordonné à la renonciation, par le producteur, à certaines aides financières ou fiscales.

273. Le cadre législatif des « conditions » d’achat et du complément de rémunération vise quant à lui à faciliter l’intégration des énergies renouvelables dans le marché de l’énergie et à mieux refléter les conditions économiques des filières soutenues.

274. L’article L.314-20 du code de l’énergie liste tout d’abord cinq éléments, non exhaustifs, qui doivent être pris en compte pour établir les conditions du complément de rémunération. Il s’agit des investissements et des charges d'exploitation « d'installations

performantes représentatives » de chaque filière, du coût d'intégration de l'installation dans le

235 Rapport n° 263, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, tome I, p. 490. 236 Ibid., p. 490, Amendement n° 275.

100 système électrique, des recettes de l'installation, et notamment la valorisation de l'électricité produite et la valorisation des garanties de capacité, de l'impact de ces installations sur l'atteinte des objectifs de la politique énergétique, et enfin, dans les cas d’autoconsommation, de tout ou partie de l'électricité produite par les installations concernées.

275. Parallèlement, l’article 119 de la LTECV a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi pour assurer une meilleure intégration des installations de production d’électricité renouvelable au marché de l’électricité « en clarifiant les dispositions relatives à l’obligation d’achat », notamment « en précisant le

contenu ainsi que les critères de détermination (…) des conditions d’achat de l’électricité produite par ces installations ». En application de cette disposition, l’ordonnance n° 2016-

1059 du 3 août 2016 relative à la production d'électricité à partir d'énergies renouvelables, ratifiée par la loi n° 2017-227 du 24 février 2017, a rapproché le cadre législatif applicable de celui mis en place pour le complément de rémunération. Cette ordonnance a notamment encadré de la même manière les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l'économie et de l'énergie arrêtent les conditions d'achat de l'électricité. Son article 3 a ainsi précisé que ces conditions d'achat « prennent en compte notamment », les frais de contrôle des installations, les investissements et les charges d'exploitation d'installations performantes représentatives de chaque filière, et la compatibilité de l'installation avec les objectifs de la politique énergétique définis par le code l’énergie. Cette disposition impose ainsi au pouvoir réglementaire des exigences nouvelles, au regard de celles auparavant fixées par l’article 8 du décret n° 2001-410 du 10 mai 2001 relatif aux conditions d'achat de l'électricité produite par des producteurs bénéficiant de l'obligation d'achat.

276. Les articles L.314-2 et 21 du code de l’énergie, qui portent sur les possibilités de renouvellement des contrats d’achat ou de complément de rémunération, ainsi que l’article L.314-19 du même code, qui porte sur la possibilité de bénéficier d’un contrat de complément de rémunération après avoir bénéficié d’un contrat d’achat, disposent enfin que les conditions des contrats renouvelés doivent tenir compte « des conditions économiques de fonctionnement

des installations performantes représentatives des filières concernées »237, dispositions qui visent à garantir que ces conditions assurent une « rémunération normale des capitaux »238.

277. Les dispositions législatives de la LTECV prévoient ensuite une adaptation régulière des niveaux de rémunération.

237 Cette formulation a été adoptée par l’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016, pour remplacer

celle initialement adoptée à l’article 104 de la loi de transition énergétique, qui disposait, en reprenant les termes de l’article L.314-7 dans son ancienne rédaction, que leurs conditions d'achat devaient être « adaptées à leurs nouvelles conditions économiques de fonctionnement ».

101 278. L’habilitation donnée par l’article 119 de cette loi au Gouvernement pour prendre par ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi en vue d’assurer une meilleure intégration des installations de production d’électricité à partir de sources renouvelables au marché de l’électricité prévoyait également de clarifier les dispositions relatives à l’obligation d’achat, notamment en précisant « les critères (…) de révision des

conditions d’achat de l’électricité produite par ces installations ». L’objectif était de rendre le

dispositif plus réactif au marché et de limiter ainsi les distorsions créées par les tarifs d'achat garantis. À cette fin, il prévoit que les conditions d'achat puissent être révisées pour s'ajuster aux coûts réels de production et au prix de l'électricité239. Aux termes de l’article L.314-4 du code de l’énergie, mis en place sur le fondement de cette disposition par l’ordonnance n° 2016-1059 du 3 août 2016, et aux termes de l’article L.314-20 du même code, résultant de l’article 104 de la LTECV, les conditions d'achat et les conditions du complément de rémunération doivent donc faire l'objet de révisions périodiques. Ces révisions ont pour finalité de « tenir compte de l'évolution des conditions économiques de fonctionnement des

installations performantes représentatives des filières concernées » pour les conditions

d'achat, et de « tenir compte de l'évolution des coûts des installations bénéficiant de cette

rémunération » pour les conditions du complément de rémunération. Elles visent à pouvoir

prendre en compte l’importante évolution attendue des gains de productivité dans ces filières, et donc la baisse régulière des coûts des installations bénéficiaires des mécanismes de soutien240, mais aussi, même si le texte de la loi part du postulat d’une baisse des coûts, les conséquences d’une éventuelle hausse des coûts. Il est à noter que les coûts ainsi pris en compte sont entendus très largement, et ne se limitent pas nécessairement aux coûts de production et d’investissement. C’est en effet à cette fin que la rédaction retenue ne comprend pas de précision quant à leur nature, de manière à pouvoir tenir compte d’autres coûts éventuels, tels que ceux de la recherche ou de la formation professionnelle241.

II/ Un objectif de maintien de la rentabilité des investissements instauré par le législateur

279. Dans le contexte juridique et politique de 2015, l’enjeu pour le législateur était de conformer le droit interne aux nouvelles exigences introduites par la Commission dans les LDAEE 2014, tout en maintenant un cadre juridique limitant l’incertitude de rentabilité pour les investisseurs afin d’éviter les coûts économiques liés à ces risques, notamment en termes de report de décisions d’investissements industriels et de taux d’emprunt du capital. Plusieurs dispositions de l’article 104 de la LTECV résultent ainsi de la volonté constante du législateur de tempérer l’application des principes de dépendance et d’adaptation régulière des

239 Etude d’impact du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, p. 144. 240 Rapport n° 263 fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, tome I, p. 202. 241 Rapport n° 2230 fait au nom de la commission spéciale de l’Assemblée nationale pour l’examen du

102 mécanismes de soutien au marché de l’électricité par un principe de garantie de la rentabilité des investissements existants ou à venir.

280. Compte tenu de l’importance donnée à cet enjeu par le législateur, il semble qu’il faille lire le premier objectif donné à la politique de l’énergie comme fondant un principe de garantie de la rentabilité des investissements (A), lequel est ensuite mis en place par certaines dispositions de l’article 104 de la loi (B).

A/ Un principe implicite et ambigu

281. Aucun principe de garantie de la rentabilité des investissements dans le cadre des mécanismes de soutien à la production d’énergie renouvelable n’est exprimé à l’article premier de la loi, relatif aux objectifs de la politique énergétique (1). Toutefois, sa mise en œuvre par l’article 104 de la LTECV peut s’appuyer sur l’objectif général de compétitivité de la transition énergétique (2).

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