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Un choix ambigu entre des objectifs nationaux indicatifs ou contraignants

B) Un encadrement de compromis des politiques nationales

1) Un choix ambigu entre des objectifs nationaux indicatifs ou contraignants

151. Le premier volet du débat sur l’intensité de l’encadrement nécessaire a porté sur la question de la nature, indicative ou contraignante, des objectifs nationaux. D’un côté en effet certains acteurs, notamment le Parlement, estimaient que la fixation dans le droit dérivé d’objectifs nationaux contraignants était une condition nécessaire pour garantir le développement effectif des énergies renouvelables134. De l’autre, les Etats membres soutenaient l’option d’objectifs uniquement « suggestifs », de manière de conserver leur marge de manœuvre dans la définition de leurs politiques en ce domaine135.

152. Le débat sur ce point s’est cristallisé autour de la question de la compatibilité du caractère contraignant des objectifs nationaux fixés par le droit communautaire dérivé avec le principe de subsidiarité, reconnu par le droit primaire.

153. En effet, dans sa proposition de directive, la Commission s’était efforcée de trouver un moyen terme entre ces deux options. Ce projet aboutissait cependant de facto à la définition d’objectifs contraignants pour les Etats membres. D’une part, son article 3, paragraphe 2, prévoyait que les Etats membres devraient fixer des « objectifs nationaux » de consommation d'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables « conformément » aux objectifs fixés au niveau communautaire et aux engagements pris au titre du protocole de Kyoto136. D’autre part, le paragraphe 4 du même article imposait à la

Commission de proposer au Parlement et au Conseil de nouveaux « objectifs nationaux individuels et contraignants » si elle estimait que les objectifs nationaux fixés par les Etats s’avéraient susceptibles de ne pas être conformes avec les objectifs communautaires. Enfin, la proposition contenait une annexe contenant des « indications pour la fixation des objectifs nationaux », c’est-à-dire un ensemble d'objectifs indicatifs nationaux compatibles

134 Avis du Parlement en première lecture sur la proposition de directive du Parlement européen et du

Conseil relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité (A5-0320/2000), p. 26-27.

135 Rowlands (I.H.), « The European directive on renewable electricity : conflicts and compromises »,

Energy Policy, n° 33, 2005, p. 965-974.

136 Protocole de Kyoto à la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, 1998,

63 collectivement avec les objectifs communautaires. Si la Commission ne proposait donc pas formellement d’objectifs contraignants, l’approche proposée y conduisait vraisemblablement137. Il a donc été estimé que, l’énergie n’étant pas un domaine de

compétence communautaire, des objectifs formellement indicatifs mais contraignants en pratique entreraient en conflit avec les dispositions du traité CE relatifs à la subsidiarité138, ainsi qu’avec le droit des Etats membres de décider de leurs mix énergétiques139. En revanche,

le Parlement et le Conseil en tiraient des conclusions opposées, le Parlement soutenant une option permettant de corriger des objectifs nationaux incompatibles avec les objectifs communautaires et de Kyoto par l’adoption de dispositions de nature législative fixant des objectifs nationaux « individuels et contraignants », établis toutefois « en concertation avec

l'Etat membre concerné » afin de satisfaire au principe de subsidiarité140.

154. Le texte finalement adopté a été un texte de compromis, reflétant à la fois l’accord des institutions sur l’approche « nationale » des objectifs, c’est-à-dire le fait que l’objectif communautaire devait être atteint sur la base d’objectifs déclinés par Etat membre, et l’opposition du Parlement et du Conseil sur la fixation d‘objectifs indicatifs ou contraignants. La directive 2001/77/CE disposait ainsi à son article 3 que les Etats membres fixent des objectifs nationaux « indicatifs », et qui simplement « prennent en compte » ses chiffres indicatifs. En outre, il était prévu que la Commission n’émette pas de propositions de révision de ces objectifs lorsqu’ils sont « justifiés ». Enfin le caractère obligatoire des objectifs proposés en cas d’objectifs nationaux insuffisants était laissé à la discrétion de la Commission141.

155. Cette question a reçu une nouvelle solution de compromis dans la directive 2009/28/CE, dans le sens d’un plus grand encadrement par la directive des politiques nationales de soutien à la production d’électricité renouvelable. Cette seconde directive a en effet été précédée d’un « Plan d'action du conseil européen (2007-2009) », adopté par le

137 Avis du Comité économique et social sur la Proposition de directive du Parlement européen et du

Conseil relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité (2000/C 367/02), point 4.5.

138 Avis du Parlement en première lecture sur la proposition de directive du Parlement européen et du

Conseil relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité (A5-0320/2000), p. 26-27.

138 JO C 378 du 29.12.2000, p. 89.

139 Avis du Comité économique et social sur la Proposition de directive du Parlement européen et du

Conseil relative à la promotion de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables sur le marché intérieur de l’électricité (2000/C 367/02), points 3.1, 4.2 et 4.5.

140 Avis du Parlement en première lecture sur la proposition de directive du Parlement européen et du

Conseil relative à la promotion de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité (A5-0320/2000), p. 26-27.

141 Directive 2001/77/CE du 27 septembre 2001 relative à la promotion de l'électricité produite à partir

64 Conseil européen des 8 et 9 mars 2007, approuvant l’objectif d’une proportion contraignante de 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation énergétique totale de l'Union européenne à l’horizon 2020, et la définition d’« objectifs globaux des Etats membres au plan

national »142.

156. Si elle se place donc dans la continuité de la directive 2001/77/CE en maintenant l’approche « nationale » des objectifs, cette seconde directive marque en revanche une rupture sur deux points. Elle affirme d’une part le caractère juridiquement contraignant de ces objectifs, qui n’étaient auparavant qu’« indicatifs ». Elle fait d’autre part de la trajectoire « indicative » donnée dans son annexe, qui n’était que « prise en compte » par les Etats membres, une trajectoire minimum que ceux-ci sont tenus de suivre.

157. Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, la directive 2009/28/CE fixe tout d’abord, pour chaque Etat membre, des « objectifs nationaux globaux » en ce qui concerne la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables pour l’année 2020. Ces objectifs sont qualifiés de « contraignants », ce qui représente une évolution forte par rapport à la directive 2001/77/CE, qui n’en faisait que des objectifs « indicatifs », visant à garantir un cadre politique stable favorable à l’investissement143. L’importance de cette motivation politique

explique que, sur ce point, le texte finalement adopté aille plus loin que la proposition de la Commission, qui ne mentionnait pas cette qualification. Elle va également plus loin que les amendements du Parlement, qui ne proposait de qualifier d’objectif contraignant que celui de la Communauté dans son ensemble, mais non ceux de chaque Etat membre individuellement144.

158. La directive fixe ensuite, aux termes des articles 3, paragraphe 2, pour chaque Etat membre une « trajectoire indicative », qui donne un rythme de progression de la part d’énergie renouvelable dans la consommation d’énergie finale aboutissant à la satisfaction des objectifs nationaux globaux. Elle prévoit également à son article 4 l’adoption par chaque Etat membre d’un « plan d’action national en matière d’énergies renouvelables », de nature indicative, détaillant les mesures mises en œuvre pour atteindre ses objectifs finaux contraignants.

159. Cependant, si la trajectoire donnée en annexe de la directive est qualifiée « d’indicative », il s’agit en réalité d’une trajectoire minimale que les Etats membres sont tenus de suivre. En effet, la directive prévoit par ailleurs que la Commission évalue les plans d’action nationaux au regard de cette trajectoire et impose aux Etats membres de présenter un

142 Conclusions de la Présidence - Bruxelles, les 8 et 9 mars 2007, 7224/1/07.

143 Directive 2009/28/CE du 23 avril 2009 relative à la promotion de l'électricité produite à partir de

sources d'énergie renouvelables sur le marché intérieur de l'électricité, considérant 14.

144 Rapport sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à la promotion

65 plan d’action national modifié si la part d’énergie produite à partir de sources renouvelables tombe en dessous de celle-ci145.

160. Le renforcement du caractère contraignant des objectifs nationaux et du caractère minimal de cette « trajectoire indicative » est cependant relativisé par le fait que la Commission ne peut émettre qu’une « recommandation » en réponse à un plan d’action national jugé inadapté, et par l’absence de sanction en cas de non-respect des objectifs nationaux. La directive 2009/28/CE constitue ainsi une nouvelle solution de compromis entre la position des Etats membres, opposées au caractère contraignant des objectifs communautaires, et la position de la Commission, favorable à une trajectoire contraignante assortie de sanctions financières en cas de non-respect, afin de s’assurer que les Etats membres ne reportent pas leurs efforts à la fin de la période146.

2) Une solution de moyen terme entre l’harmonisation et l’encadrement des

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