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L’incertitude quant à l’objectif de la valorisation des garanties d’origine

conciliant les différents objectifs poursuivis

1) L’incertitude quant à l’objectif de la valorisation des garanties d’origine

511. Les garanties d’origine ont été introduites dans le droit communautaire par la directive 2001/77/CE, et ont été reprises par la directive 2009/28/CE qui en a harmonisé l’utilisation. L’article 5 de la directive 2001/77/CE imposait ainsi aux Etats membres de veiller à ce que des garanties d'origine soient délivrées en réponse à une demande afin de certifier l'origine de l'électricité produite à partir de sources d'énergie renouvelables. La

173 directive 2009/28/CE, qui a repris cette obligation, définit les garanties d'origine à son article 2 comme « un document électronique servant uniquement à prouver au client final qu'une

part ou une quantité déterminée d'énergie a été produite à partir de sources renouvelables ».

Son article 15 dispose que « les Etats membres font en sorte que l’origine de l’électricité

produite à partir de sources d’énergie renouvelables puisse être garantie comme telle au sens de la présente directive, selon des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. À cette fin, les Etats membres veillent à ce qu’une garantie d’origine soit émise en réponse à une demande d’un producteur d’électricité utilisant des sources d’énergie renouvelables ».

512. Un principe central des garanties d’origine est donc que son unique finalité est de prouver qu’une quantité d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables. De manière constante, le droit de l’Union européenne a donc dissocié garanties d’origine et mécanismes de soutien. Ainsi l’article 6 de la directive 2001/77/CE expliquait à son considérant 10 que « les régimes prévus pour la garantie d'origine n'entraînent pas par

nature le droit de bénéficier des mécanismes de soutien nationaux instaurés dans différents Etats membres » et à son considérant 11 qu’« il importe de bien distinguer les garanties d'origine des certificats verts échangeables ». La directive 2009/28/CE explique quant à elle à

son considérant 52 que « les garanties d’origine, délivrées aux fins de la présente directive,

serviraient uniquement à prouver au client final qu’une part ou une quantité déterminée d’énergie a été produite à partir de sources renouvelables », et rappelle la distinction « entre les certificats verts utilisés pour les régimes d’aide et les garanties d’origine ». Enfin, la

directive précise expressément à son article 15 que « les Etats membres peuvent prévoir

qu’aucune aide n’est accordée à un producteur lorsqu’il reçoit une garantie d’origine pour la même production d’énergie à partir de sources renouvelables ».

513. Ces dispositions ont été transposées dans l'ordre juridique interne par l’ordonnance n° 2011-1105 du 14 septembre 2011, dont les dispositions ont remplacé le mécanisme de « certificats verts » qui existait auparavant. L’article L.314-16 du code de l'énergie dispose notamment que sur le territoire national seules les garanties délivrées par l’organisme désigné par l'autorité administrative en vertu de l’article L.314-14 du même code410 « ont valeur de certification de l'origine de l'électricité produite à partir de sources

renouvelables aux fins de démontrer aux clients finals la part ou la quantité d'énergie produite à partir de sources renouvelables que contient l'offre commerciale contractée auprès de leurs fournisseurs d'énergie ». Conformément à l’article 15 de la directive, le même article

précise qu’une unique garantie d'origine est émise pour chaque MWh produit, qui ne peut être utilisée que dans les douze mois suivant la production correspondante et est annulée dès son utilisation. En application également de l’article 15 de la directive, l’article L.314-15 du code de l’énergie précise que les garanties d'origine provenant d'autres Etats membres de l'Union européenne et délivrées conformément aux dispositions de la directive 2009/28/CE sont

410 L’arrêté du 19 décembre 2012 a désigné l’entreprise Powernext comme organisme chargé de la

174 reconnues de la même manière qu'une garantie d'origine liée à une unité de production située sur le territoire national.

514. Dans ce cadre, antérieur à la LTECV, l'article L.314-14 du code de l’énergie prévoyait que l’acheteur obligé était subrogé au producteur bénéficiant du contrat d’achat dans son droit à obtenir la délivrance des garanties d'origine correspondantes. Parallèlement, l’article L.121-24 de ce code disposait que la totalité de la valorisation de ces garanties d’origine par l’acheteur obligé était déduite de la compensation des charges de service public constatées pour cet acquéreur. Il en résultait une absence d’incitation à leur valorisation, avec pour conséquence qu’aucune garantie issue d'une production bénéficiant d’un mécanisme de soutien n'était valorisée411. Ainsi, en 2013, en France, 99 % de l’électricité d’origine renouvelable certifiée provenaient de centrales hydroélectriques, c’est-à-dire d’installations fonctionnant hors du système de l’obligation d’achat412.

515. Cette situation contrastait avec le développement important au niveau européen du marché des offres « vertes » fondées sur les garanties d’origine. Le volume de garanties d’origine effectivement utilisées par les fournisseurs au sein des 19 pays européens ayant standardisé leurs modalités de certification et d’échange des garanties d’origine au sein du système européen EECS (European Energy Certificate System) correspondait ainsi à 30% de la production renouvelable de ces Etats pour l’année 2014, avec une croissance continue. L’exemple de certains Etats montre la place importante que peuvent prendre les garanties d’origine dans le marché de l’électricité. Ainsi, 63% des clients résidentiels des Pays-Bas, et la totalité au Luxembourg, souscrivent à une « offre verte »413.

516. L’institution du complément de rémunération a permis de reconsidérer ce système. En effet, puisque dans ce cadre l’énergie produite n’est plus achetée par EDF ou les ELD, les garanties d’origine correspondantes ne leur sont plus automatiquement transférées, ce qui a nécessité de redéfinir le régime d’usage de leur propriété et de leur bénéfice.

517. En première lecture à l’Assemblée nationale, une nouvelle composante a donc été ajoutée aux éléments composants les recettes de l'installation dans le projet de loi, imposant au pouvoir réglementaire d’ajouter « la valorisation par les producteurs des

garanties d'origine » à la valorisation de l'électricité produite et des garanties de capacité. Le

débat parlementaire a fait émerger deux problèmes principaux sur ce point, liés entre eux. Le premier portait sur l’opportunité de fixer le régime de la valorisation des garanties d’origine par la loi ou de maintenir une certaine flexibilité sur ce point en le renvoyant au pouvoir réglementaire. Le second portait sur l’opportunité de mettre en place un marché des garanties

411 Rapport n° 285 fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat.

412 OFATE, Etude, Garanties d’origine et labellisation d’électricité verte en France et en Allemagne,

septembre 2016.

175 d’origine ou de se limiter à une simple déduction de leur valorisation du complément de rémunération versé.

518. Sur la question du véhicule juridique adéquat, la solution initialement envisagée, qui consistait à prévoir dans la loi la part du bénéfice des garanties d’origine restant au producteur et celle qui serait déduite du complément de rémunération, a été abandonnée au cours des débats. En effet, il a été considéré que, la fixation de la forme du complément de rémunération, ex ante ou ex post, étant réglementaire, inscrire une telle disposition dans la loi risquait de poser des problèmes de compatibilité en fonction de la forme qui serait ultérieurement définie. Il a donc été décidé de renvoyer également au décret organisant le complément de rémunération la précision des modalités de bénéfice des garanties d’origine, sur le modèle de qui existait déjà dans le régime des garanties d’origine appliqué au cas du biométhane414. L’objectif était de conserver une certaine souplesse pour

mener les concertations et mettre en place un nouveau modèle énergétique, dont tous les effets n’étaient pas connus au stade de la discussion de la loi. La mention de « la valorisation par

les producteurs des garanties d’origine » dans la loi visait donc seulement à prévoir que la

valorisation sur le marché des garanties d’origine serait comprise dans le calcul du complément de rémunération pour les producteurs sans en clarifier la répartition.

519. Cette première question était en partie liée à la seconde, car l’un des objectifs des partisans de la solution de la disposition légale était d’éviter que la simple mention des garanties d’origine ne conduise à un dispositif identique à celui qui existait déjà dans le cadre de l’obligation d’achat. En effet, deux solutions ont été envisagées lors de la discussion de la loi.

520. La première solution, à laquelle le Gouvernement était favorable, consistait à considérer que, étant donné qu’un marché pour les offres d‘« électricité verte » existait, il était opportun d’inciter à la valorisation des garanties d’origine. L’objectif était que le bénéfice correspondant vienne en déduction du coût du soutien à la production d’électricité renouvelable par la compensation des charges résultant des obligations de service public. Il était donc proposé de répartir le bénéfice des garanties d’origine entre une part allant au producteur et une autre part qui serait déduite du complément de rémunération, également sur le modèle du système déjà existant, appliqué au biométhane415.

521. La seconde solution consistait à transposer dans le régime du complément de rémunération le système alors en vigueur dans le régime de l’obligation d’achat, à savoir la

414 Décret du 21 novembre 2011 relatif aux garanties d’origine du biométhane injecté dans les réseaux

de gaz naturel.

415 Rapport n° 2230 fait au nom de la commission spéciale de l’Assemblée nationale pour l’examen du

176 déduction totale de la valorisation des garanties d’origine de la compensation des charges résultant des obligations de service public.

522. Cette question n’a été tranchée de manière claire ni par le texte de la loi, ni par le débat parlementaire. En effet, l’amendement adopté, qui a conduit à n’inscrire dans la loi que « la valorisation par les producteurs des garanties d'origine » dans les éléments compris dans le calcul des recettes de l'installation, explique expressément qu’« il s’agit de prévoir

que la valorisation sur le marché des garanties d’origine qui certifient la provenance « verte » de l’électricité produite soit comprises dans le calcul du complément de rémunération pour les producteurs, de la même manière que c’est le cas aujourd’hui, pour EDF, en matière d’obligation d’achat »416. Or la discussion parlementaire a montré une

différence d’interprétation de cette disposition, en raison de la précision « de la même manière

que c’est le cas aujourd’hui » dans l’exposé sommaire de l’amendement. D’un côté, selon le

ministre chargé de l’énergie, cette disposition de l’article L.314-20 du code de l’énergie avait pour finalité de permettre de créer un marché des garanties d’origine. Il expliquait donc qu’« il est prévu que lorsqu’une garantie d’origine est vendue, une part de la recette fixée par

décret vient en déduction du complément de la rémunération versée au producteur ». D’un

l’autre côté, au contraire, pour le rapporteur M. Baupin, puisque l’exposé sommaire de l’amendement adopté précisait « de la même manière que c’est le cas aujourd’hui », cette disposition visait à reprendre le système alors en vigueur dans le cadre de l’obligation d’achat, et la loi ne viserait donc pas à créer un marché des garanties d’origine.

523. Un critère d’interprétation a été proposé par le rapporteur du texte au nom de la Commission des affaires économiques lors du débat au Sénat. Pour celui-ci, l’absence de précision sur la répartition du bénéfice des garanties d’origine impliquait que le producteur bénéficiant du complément de rémunération conserve le bénéfice des garanties d’origine correspondantes. En effet, « dans la mesure où, contrairement aux contrats d’achat où

l’électricité est effectivement acquise par l’acheteur obligé et pour laquelle il est par conséquent nécessaire de préciser, comme c’est le cas à l’article L.314-14 du code de l’énergie, que les garanties d’origine associées restent la propriété du producteur, le complément de rémunération aboutit non pas à une cession d’électricité au payeur obligé, mais uniquement au versement d’un complément financier. Ainsi, dès lors que le producteur reste propriétaire de l’électricité produite et qu’il lui appartient de la vendre sur le marché, celui-ci conserve automatiquement le bénéfice de ses garanties d’origine » 417.

524. Ainsi, le texte initial de l’article L.314-20 du code de l’énergie laissait donc une grande incertitude quant à l’interprétation à donner aux termes « la valorisation par les

producteurs des garanties d'origine » dans l’énumération des éléments compris par les

416 Amendement n° 2187, déposé sur le texte n° 2188.

417 JORF, Sénat, Session ordinaire de 2014-2015, Compte rendu intégral, Séance du mardi 17 février

177 recettes de l'installation, selon que l’on se fondait sur l’intention supposée être celle du législateur, sur l’exposé des motifs de l’amendement adopté ou sur l’analyse du texte faite par le rapporteur au nom de la Commission des affaires économiques du Sénat.

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