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Une planification de la production de l’électricité maintenue au niveau de l’Etat

B) Une place importante de l’autorité administrative dans la politique de soutien à la production d’électricité renouvelable

2) Une planification de la production de l’électricité maintenue au niveau de l’Etat

a) La place importante des collectivités locales comme acteurs de la planification de la transition énergétique

373. La LTECV donne une place importante aux collectivités locales comme acteurs de la planification de la transition énergétique. Cette dimension de la loi vise à prendre en compte le fait, souligné lors du débat national sur la transition énergétique325, que « les

tendances lourdes d'évolution du système énergétique, et en particulier le développement des énergies renouvelables (EnR) ou fatales (par exemple l'énergie issue du traitement des déchets), accentuent par nature son degré de décentralisation »326. En effet, d’une part les

324 Commission staff working document, European Commission guidance for the design of renewables

support schemes, SWD(2013) 439 final, p. 14.

325 Conseil national du débat, Synthèse des travaux du débat national sur la transition énergétique de

la France, juillet 2013, p. 36.

326 Sokoloff (P), « Lutte contre le changement climatique, décentralisation énergétique, efficience des

politiques publiques et cohésion territoriale : une synthèse nécessaire, un défi ambitieux », Énergie -

131 sources d’énergie renouvelables, réparties sur l’ensemble du territoire, sont exploitées à une maille locale et injectées sur les réseaux de distribution, qui relèvent de la compétence des communes ou de leurs groupements. D’autre part, en raison de leur proximité avec le terrain et avec les citoyens « les collectivités locales exercent une force d'entraînement et ont donc

une obligation d'exemplarité en ce qui concerne les pratiques et comportements énergétiques ».

374. À cet égard, la LTECV s’inscrit « dans un double continuum législatif »327.

D’une part elle vient compléter les objectifs dans le domaine de l'énergie et de l'environnement fixés la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement, dite « Grenelle I », et la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « Grenelle II ». D’autre part elle s'inscrit dans le prolongement de la réforme territoriale, engagée par la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dite « loi MAPTAM », et par la loi n° 2015-991du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRE ».

375. En effet, si aucun titre spécifique n’est consacré à cet aspect, la question de la planification territoriale de la transition énergétique traverse toute la loi. Celle-ci a donc « une

portée territoriale, si ce n'est décentralisatrice de la transition énergétique au profit de différents échelons de collectivités territoriales » 328.

376. En premier lieu, la LTECV réaffirme le rôle premier des régions dans la planification de la transition énergétique, dans la continuité de la « loi MAPTAM », qui avait établi les régions comme chefs de file pour l'exercice des compétences relatives au climat, à la qualité de l'air et à l'énergie.

377. Son article 188 dispose ainsi que « la région constitue l'échelon pertinent pour

coordonner les études, diffuser l'information et promouvoir les actions en matière d'efficacité énergétique », « favorise, à l'échelon des établissements publics de coopération intercommunale, l'implantation de plateformes territoriales de la rénovation énergétique mentionnées à l'article L.232-2 du code de l'énergie et le développement d'actions visant à lutter contre la précarité énergétique en matière de logement, en application de l'article L.232-1 du même code » et « est garante de la bonne adéquation entre l'offre de formation des établissements de formation initiale et les besoins des entreprises pour répondre aux défis techniques de construction en matière de transition énergétique ».

327 Villeneuve (P), « La planification territoriale de la transition énergétique », AJ Collectivités

Territoriales, 2016, p.29.

132 378. Il revient donc, en vertu de l'article L.222-1 du code de l'environnement, au président du conseil régional d’élaborer, conjointement avec le préfet de région, le projet de schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie (SRCAE), qui est ensuite arrêté par ce dernier. Ce schéma a pour objet de fixer, à l'échelon du territoire régional et à l'horizon 2020 et 2050, « les orientations permettant d'atténuer les effets du changement climatique et de s'y

adapter », « les orientations permettant (…) de prévenir ou de réduire la pollution atmosphérique ou d'en atténuer les effets », « par zones géographiques, les objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre en matière de valorisation du potentiel énergétique terrestre, renouvelable et de récupération et en matière de mise en œuvre de techniques performantes d'efficacité énergétique (…) » et « un programme régional pour l'efficacité énergétique », qui porte les modalités de soutien aux travaux de rénovation énergétique.

379. Deuxièmement, la LTECV renforce également le rôle des EPCI dans la planification de la transition énergétique. L’article 188 de la loi impose ainsi à la métropole de Lyon et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants d’adopter un plan climat-air-énergie territorial (PCAET).

380. Aux termes de l’article L.229-26 du code de l’environnement, le PCAET définit, sur le territoire de l’EPCI ou de la métropole « les objectifs stratégiques et

opérationnels de cette collectivité publique afin d'atténuer le changement climatique, de le combattre efficacement et de s'y adapter » et « le programme d'actions à réaliser afin notamment d'améliorer l'efficacité énergétique, de développer de manière coordonnée des réseaux de distribution d'électricité, de gaz et de chaleur, d'augmenter la production d'énergie renouvelable, de valoriser le potentiel en énergie de récupération, de développer le stockage et d'optimiser la distribution d'énergie, de développer les territoires à énergie positive, de favoriser la biodiversité pour adapter le territoire au changement climatique, de limiter les émissions de gaz à effet de serre et d'anticiper les impacts du changement climatique ».

381. En cohérence avec cette nouvelle répartition de compétences, l’article 188 de la LTECV prévoit que les EPCI et la métropole de Lyon, lorsqu'ils ont adopté leurs PCAET, « sont les coordinateurs de la transition énergétique ». À ce titre, « ils animent et

coordonnent, sur leur territoire, des actions dans le domaine de l'énergie en cohérence avec les objectifs du plan climat-air-énergie territorial et avec le schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie, en s'adaptant aux caractéristiques de leur territoire ». Ils peuvent

notamment « réaliser des actions tendant à maîtriser la demande d'énergie de réseau des

consommateurs finals desservis en gaz, en chaleur ou en basse tension pour l'électricité et accompagner des actions tendant à maîtriser la demande d'énergie sur leur territoire » ou

tendant « à maîtriser la demande d'énergie des consommateurs en situation de précarité

133 b) Un rôle des collectivités locales centré sur le volet « consommation » de la transition énergétique

382. Cependant, le renforcement de la place des collectivités locales comme acteurs de la planification de la transition énergétique reste concentré sur son aspect « consommation », tandis que la planification du volet « production » reste de la compétence de l’Etat. Cela s’explique par le caractère non commandable d’une partie importante de cette production et par l’absence actuelle de modes de stockage économiquement rentables, ce qui impose de mettre en place des dispositifs d'ajustement en temps réel entre injections et soutirages à l’échelle du réseau national de transport et de distribution. Comme l’ont relevé certains auteurs, cette dichotomie n’est nullement accidentelle ou circonstancielle, mais répond à une constante structurelle de l’histoire des systèmes énergétiques en France. Ainsi, « cette territorialisation de l'énergie en France, au-delà des cycles de décentralisation et de

la prégnance croissante du cadre européen, reste cependant durablement marquée par une hiérarchie régalienne du national au local ». Cette permanence s’explique par une influence

déterminante du fonctionnement du système électrique existant sur l’organisation du développement des nouveaux modes de production. En effet, si le pilotage du développement des énergies renouvelables se fait nécessairement de manière centralisée, c’est en raison de la centralisation préalable de la gestion du transport et de la distribution de l’électricité329.

383. Cette distinction entre le rôle attribué aux collectivités locales et celui attribué à l’Etat se manifeste particulièrement dans les dispositions relatives aux territoires à énergie positive.

384. De manière programmatique, l’article 188 de la LTECV dispose que « l'Etat,

les régions ainsi que les métropoles et les établissements publics s'associent pour que deux cents expérimentations de territoires à énergie positive soient engagées en 2017 ». Cette

disposition renvoie à l’article premier de la LTECV, aux termes duquel, pour concourir à la réalisation des objectifs de la politique énergétique, « l'Etat, les collectivités territoriales et

leurs groupements, les entreprises, les associations et les citoyens associent leurs efforts pour développer des territoires à énergie positive ».

385. La notion de territoire à énergie positive (TEPOS) n’est pas nouvelle, mais connaît plusieurs définitions et approches. La LTECV la définit à son article premier comme « un territoire qui s'engage dans une démarche permettant d'atteindre l'équilibre entre la

consommation et la production d'énergie à l'échelle locale en réduisant autant que possible les besoins énergétiques et dans le respect des équilibres des systèmes énergétiques nationaux. Un territoire à énergie positive doit favoriser l'efficacité énergétique, la réduction

329 Bouneau (C) et Vila (J-B), « Transition énergétique et réforme territoriale : les enjeux d'un dialogue

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des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et viser le déploiement d'énergies renouvelables dans son approvisionnement ».

386. Cette définition est révélatrice de la distinction opérée dans la planification de la transition énergétique entre le volet « consommation », qui relève essentiellement des collectivités locales, et le volet « production », qui reste du domaine de l’Etat. En effet, le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte prévoyait de définir un TEPOS comme « un territoire qui s’engage dans une démarche permettant d’atteindre

l’équilibre entre la consommation et la production d’énergie à l’échelle locale ».

387. D’une part, il a été précisé au cours du débat parlementaire que cette démarche devait se faire « dans le respect des équilibres des systèmes énergétiques nationaux ». Cet ajout vise à indiquer que ces territoires ne doivent pas dégrader la gestion du système électrique national, ni « ne sauraient être isolés et déconnectés des réseaux nationaux »330,

conformément à l’article L.100-1 du code de l’énergie, qui prévoit que la politique énergétique garantit la cohésion territoriale331.

388. D’autre part, la LTECV précise qu’« un territoire à énergie positive doit

favoriser l’efficacité énergétique, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la diminution de la consommation des énergies fossiles et viser le déploiement d’énergies renouvelables dans son approvisionnement ». Cette disposition pose deux ensembles d’objectifs. Le premier regroupe les éléments que doit « favoriser » un TEPOS, tous axés sur le volet « consommation » de la transition énergétique, de manière cohérente avec les compétences de planification données aux collectivités locales. Le second, lié au volet « production » de la transition énergétique, est plus ambigu, la formulation « viser le

déploiement d’énergies renouvelables dans son approvisionnement » étant peu claire332. Elle

peut en effet signifier, pour une collectivité locale, soit déployer des énergies renouvelables sur son territoire afin de couvrir sa propre consommation, soit veiller à couvrir sa consommation par la fourniture d’une énergie « verte », sans considération de la localisation de sa production. À l’analyse des débats, il apparaît que cette seconde interprétation doit être retenue. En effet, le législateur a écarté une formulation alternative, suivant laquelle le TEPOS vise « le déploiement d’énergies renouvelables locales dans son approvisionnement ». Les parlementaires ont en effet estimé que l’usage du terme « local » faisait référence à une décentralisation du système énergétique, tandis que la formulation « déploiement d’énergies

330 JORF, Sénat, Session ordinaire de 2014-2015, Compte rendu intégral, Séance du mercredi 11

février 2015, p. 1414.

331 JORF, Assemblée nationale, Session ordinaire de 2014-2015, 6e séance, Compte rendu intégral, 1e

séance du mardi 7 octobre 2014, p. 6813.

332 Rapport n° 2230 fait au nom de la commission spéciale de l’Assemblée nationale pour l’examen du

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renouvelables dans son approvisionnement » confortait un système doté d’une gestion

relativement centralisée333.

389. Les questions soulevées par l’interprétation de la notion de TEPOS ont ainsi cristallisé le débat existant sur le rôle planificateur à donner aux collectivités locales en matière de production d’énergie renouvelable. Les réponses qui ont été apportées sont révélatrices du choix fait par le législateur. Dans l’instrument le plus abouti de l’intervention des collectivités locales en matière de planification de la transition énergétique, le territoire à énergie positive, l’accent est mis sur le moyen qu’est la réduction de la consommation énergétique, notamment par l’efficacité énergétique. En revanche, leur rôle est plus restreint et surtout plus encadré sur le plan de la production d’énergie. Sur ce plan, leur action doit, d’une part, rester insérée dans le système formé par les réseaux de transport et de distribution nationaux et, d’autre part, doit respecter l’équilibre du système énergétique, lequel relève d’une planification nationale. Dans cette logique, l’interprétation donnée de l’objectif consistant à viser le déploiement d’énergies renouvelables dans l’approvisionnement des TEPOS porte surtout sur l’aspect « consommation », en visant l’accroissement de la part de ces énergies dans l’approvisionnement, plutôt que sur l’aspect « production », puisque le déploiement d’installations de production sur le TEPOS lui-même n’est pas visé.

B/ La mise en place des programmations pluriannuelles de l’énergie

390. Comme l’indique l’étude d’impact du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, l’un des objectifs poursuivis par la LTECV est de «

renforcer les instruments de pilotage du mix électrique dont dispose l'Etat », termes repris par

le titre du chapitre II de son titre VIII. La LTECV fait ainsi des programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE) les instruments centraux de cette planification. Mais si elle renforce la place des PPE dans la planification du développement des énergies renouvelables (1), elle met aussi en place une certaine déconcentration de cette planification par l’Etat (2).

1) Une programmation à la place renforcée dans la planification du

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