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Chapitre 3 U NE PROPOSITION D ’ EVALUATION DU LOBBYING DES ENTREPRISES FRANÇAISES ET ANGLAISES EN TERME DE CREATION DE

2. Un protocole de recherche original

1.1. Création de valeur et performance

1.1.2 Un indicateur aisément opérationnalisable

Une importante littérature met en exergue les limites de l’approche par la valeur. En particulier, les modèles de mesure de la création de valeur seraient difficiles à utiliser. En outre, ils ne prendraient pas en compte l’aspect social de la performance de l’entreprise. Pourtant, ces modèles existent au niveau opérationnel, ce qui n’est pas le cas pour la performance sociale. Nous conviendrons donc qu’ils représentent un optimum de second rang et que la création de valeur peut être un indicateur tout à fait satisfaisant (au sens de Simon) pour la performance du lobbying.

a. Dépasser les limites de la performance sociale

Comme le soulignent Caby et Hirigoyen (2001), « les limites liées à la performance

sociale des modèles de création de valeur s’entendent tout autant au sens strict, les conséquences pour les salariés de l’entreprise, qu’au sens large, l’influence sur la société dans son ensemble ». De fait, dans un premier temps, l’augmentation de la productivité nécessaire à la création de valeur peut générer des licenciements et donc dégrader la performance sociale de l’entreprise au sens strict. Une approche plus large de la performance sociale (tournée vers l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise) serait d’ailleurs mieux adaptée au sujet du lobbying. Elle est évoquée, nous l’avons vu au Chapitre 2, par Sonnenfeld (1982) puis Bhambri et Sonnenfeld (1988) pour évaluer l’action politique des entreprises.

Pourtant, une évaluation du lobbying par la création de valeur nous semble préférable en raison de l’absence d’opérationnalisation des notions de performance sociale. Ainsi, la performance sociale interne de l’entreprise (tournée vers les salariés) se réfère à un ensemble diffus de points de références difficiles à intégrer dans un indicateur. Il s’agit par exemple de l'importance des conflits et des crises sociales (nombre, gravité, dureté) ; du niveau de satisfaction des salariés (que l'on peut apprécier par des enquêtes d'opinion internes) ; du « turn over », indicateur de fidélisation des salariés de l'entreprise ; de l'absentéisme et les retards au travail (signes de démotivation ou de travail ennuyeux, dangereux ou difficile) ; du climat social de l'entreprise (appréciation toute subjective de l'ambiance au sein de l'entreprise et des groupes qui la composent). Par ailleurs, Caby et Hirigoyen (2000)1 reconnaissent que selon Jensen, la faiblesse des théories intégrant l’ensemble des stakeholders « réside dans

l’absence d’une fonction objectif générale qui ne permet donc pas de mesurer et d’évaluer la performance des dirigeants. Il est vrai, qu’à ce jour, aucune fonction objectif alternative [à la maximisation de la valeur actionnariale] réellement sérieuse et opérationnelle n’a été

proposée ».

1

CABY J, et HIRIGOYEN G., « Michael C. Jensen », Revue Française de Gestion, mars-avril-mai 2000, pp. 60-68.

b. Des modèles opérationnels de mesure de la valeur

Un certain nombre de modèles permettent en revanche de mesurer empiriquement la valeur des entreprises. Certes, ils demeurent perfectibles1 mais ils évoluent d’une approche comptable à une approche boursière pour répondre aux critiques.

Des indicateurs comptables de performance renouvelés

Les méthodes de gestion de la valeur se singularisent par l'application méthodique du concept de « free cash flow » proposé par Jensen (1986). Le « free cash flow » représente la part de l'excédent de trésorerie produit par l'exploitation et restant disponible après financement des investissements qui sont nécessaires à la continuité de l'exploitation et à la croissance de l'entreprise, tout en dégageant une valeur actuelle nette positive. Ces investissements comportent d'une part des acquisitions d'immobilisations destinées à l'exploitation et d'autre part des investissements en capital circulant (c'est à dire des besoins additionnels en fond de roulement d'exploitation). La valeur globale de l'entreprise sera égale à la somme des « free cash flows » actualisés au coût moyen pondéré du capital. Cette méthode d'évaluation soulève des difficultés d'application. En effet, elle suppose une prévision des free cash flows à l'infini.

Pour dépasser cette limite, la valeur peut également être déterminée par la prise en compte du « profit économique » dégagé par les activités de l'entreprise. Cette notion correspond sensiblement à l’Economic Value Added (EVA) proposée par Stern et Stewart (1991). Il s'agit de l'excédent éventuellement dégagé entre le taux de rendement des capitaux investis (résultat économique net avant impôt / capital investi) et le coût moyen pondéré du capital. La nouveauté de l'EVA repose sur ses utilisations plus que dans son concept. L'EVA permet à tous les niveaux de l'entreprise de mesurer la performance d'une unité en lui appliquant un taux de rentabilité exigé individuel. Elle constitue un outil de gestion financière décentralisé. Pourtant, il peut être délicat d’évaluer le coût d’opportunité des fonds propres. En outre, l’EVA demeure centrée sur une approche interne de la performance de l’entreprise.

Des mesures de la performance de l'entreprise intégrant la valeur de marché des titres émis par l'entreprise

Le renouvellement de l’approche comptable passe par l’introduction de la valeur de marché de l’entreprise dans des indicateurs mixtes (comptables et boursiers) de performance. Il se fonde sur l’hypothèse de l’efficience des marchés financiers2 : la valeur de marché de la firme constatée est fonction des anticipations, notamment de croissance et de rentabilité. Ainsi, les méthodes de gestion de la valeur recommandent la confrontation entre la valeur de

1

Ils sont en particulier peu adaptés à la situation des petites et moyennes entreprises.

2

marché des titres émis par les entreprises et la valeur comptable des capitaux investis. Alors que le calcul du profit économique fournit un instrument orienté vers l'appréciation de la performance interne de l'entreprise, cette confrontation fournit en quelque sorte une mesure de la performance externe donc de la sanction prononcée par le marché.

La valorisation externe (VEX) est définie par la différence entre la valeur marchande des titres et la valeur des capitaux investis. Elle est à rapprocher de la « Market Value Added » ou MVA proposée par Stern et Stewart. Pour les détenteurs de ces titres, et notamment pour les actionnaires, la VEX représente l'aptitude de l'entreprise à obtenir du marché une appréciation favorable de ses projets et de sa gestion. Il convient toutefois de noter que cette approche liant performance économique et financière s’inspire largement d’un ratio classique de performance : le « Q de Tobin ». Le ratio de Tobin compare la valeur de marché des titres émis par l'entreprise à la valeur de remplacement des actifs financiers que l'on approche en fait par la valeur comptable de l'actif économique.1Il constitue une mesure ex ante du potentiel de rente lié à l'activité de l'entreprise.

L’ensemble de ces modèles est susceptible de nous inspirer pour la mise en oeuvre de notre mesure de la création de valeur générée par le lobbying. Nous y reviendrons dans ce chapitre lors de la définition du protocole de recherche.

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