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CREATION (DESTRUCTION ) DE VALEUR

2.1. Un protocole d’exploration en deux temps pour répondre à des objectifs de recherche pluriels

2.1.2 La mise en œuvre concrète de la recherche

Notre programme exploratoire découlera de la problématique de la recherche. Cette dernière émerge des trois premiers chapitres l’étude sous la forme d’une question centrale et d’hypothèses sous jacentes.

a. La question centrale de recherche et les hypothèses sous jacentes En définitive, une question centrale de recherche semble émerger.

Quelle est l’influence des stratégies de lobbying des entreprises sur leur création de valeur?

Cette interrogation repose en réalité sur des hypothèses qui ressortent naturellement de la réflexion menée précédemment mais qui n’ont pas encore été formulées de manière explicite.

En premier lieu, nous inscrivons notre étude du lobbying dans un cadre théorique qui induit deux présupposés. D’une part, suivant l’analyse stratégique classique, l’action politique des entreprises serait une stratégie susceptible de générer un avantage concurrentiel. Or, si l’on en revient à Porter (1986) il existe un nombre limité de stratégies (par les coûts, par la différenciation ou mixte). Ce constat général pourrait bien s’appliquer aux actions politiques des entreprises : il existerait différentes types de stratégies de lobbying. D’autre part, pour la théorie des organisations, le lobbying traduit l’ouverture de l’entreprise sur son environnement. En particulier, l’environnement propre à chaque pays pourrait influencer les stratégies politiques des entreprises.

En second lieu, l’évaluation par la création de valeur suppose l’existence d’un lien entre les stratégies des entreprises et leur création de valeur, en particulier par le levier de l’avantage concurrentiel (Rappaport, 1986). Suivant ce modèle, les actions politiques des entreprises seraient donc susceptibles d’influencer la création de valeur des entreprises lobbyistes. Pourtant, cette approche connaît des limites. Entre autres, elle repose sur une parfaite rationalité des acteurs et sur la prééminence de l’entreprise sur son environnement. On peut imaginer que ce cadre théorique soit remis en cause dans certaines situations de lobbying. Dès lors, toutes les stratégies d’action politique n’auraient pas les mêmes résultats en termes de création de valeur.

Il est dès à présent possible de formuler ces quatre hypothèses de recherche. Il ne s’agit en réalité à ce stade de notre étude que de postulats, complétant la question centrale et qu’il conviendra de tester sur le plan empirique.

Hypothèse 1.a. : Il existe différents types de stratégies de lobbying des entreprises. Hypothèse 1.b : Les stratégies de lobbying sont susceptibles de différer entre les pays d’origine des entreprises lobbyistes.

Hypothèse 2.a : Les actions politiques sont susceptibles d’influencer la création de valeur des entreprises lobbyistes.

Hypothèse 2.b : La création de valeur diffère suivant les stratégies d’action politique des entreprises.

b. Une étude de terrain en deux temps : quelles actions pour quels résultats ? Les objectifs novateurs développés précédemment appellent deux nécessités : le phénomène doit être décrit (puisque nous avons choisi un sujet peu exploré) puis évalué (dans la mesure où nous avons souhaité mettre en œuvre une méthodologie quantitative). Par ailleurs, chaque étape de l’exploration empirique doit nous permettre de valider ou d’infirmer une partie des hypothèses de recherche.

Décrire les stratégies de lobbying des entreprises françaises et anglaises

Dans un premier temps il va nous falloir rechercher des informations concernant les stratégies d’action politiques menées par les entreprises françaises et anglaises sur les dernières années. Notre démarche quantitative n’est pas compatible avec une approche interne à l’entreprise (entretiens, questionnaires, documents d’entreprise) coûteuse en temps. En outre, la confidentialité du sujet pour les lobbyistes pourrait induire un certain nombre de biais. Pourtant, il n’existe pas de base de données externe regroupant les actions politiques menées par les entreprises françaises et anglaises. Il nous appartient donc de la construire, en utilisant une source importante de données primaires, externe aux lobbyistes et présente de manière comparable en France et en Grande-Bretagne. La presse nous semble répondre à l’ensemble de ces critères. Cette méthode de recueil peut paraître surprenante dans un premier temps et nous y reviendrons. Notons cependant dès à présent qu’elle n’est pas totalement théorique puisque nous avons souligné au début de l’introduction la forte médiatisation des

stratégies politiques d’entreprises. Les professionnels eux-mêmes reconnaissent aujourd’hui l’importance des échos de leurs actions dans la presse (Voix de fait, 20011).

Ensuite, nous souhaitons décrire de manière systématique les stratégies politiques des entreprises françaises et anglaises relevées dans la presse afin de tester les deux premières hypothèses (« il existe différents types de stratégies de lobbying des entreprises » ; « les stratégies de lobbying sont susceptibles de différer entre les pays d’origine des entreprises lobbyistes »). A cet effet, la constitution de la base de données doit reposer sur une grille de lecture des actions politiques, aisément transposable et aussi complète que possible, qu’il nous faudra rechercher (ou créer si elle n’existe pas). La description de l’échantillon peut être affinée par les techniques statistiques de l’analyse de données. En particulier, nous nous interrogeons sur la variété des stratégies de lobbying. Dans cette perspective, l’utilisation d’une analyse factorielle nous permettrait de mettre en évidence les dimensions essentielles à la compréhension du phénomène. Nous pourrions compléter cette première image par une classification destinée à rechercher d’éventuels groupes comportementaux parmi les entreprises lobbyistes.

Evaluer leurs résultats en terme de création de valeur pour l’entreprise lobbyiste

La description des actions de lobbying des entreprises françaises et anglaises est une étape nécessaire mais qui n’est que le préalable de l’exploration centrale de notre recherche : évaluer ces actions en termes de création de valeur.

Pour cela, il nous faut tout d’abord choisir l’indicateur de la valeur de l’entreprise qui sera étudié. Nous avons évoqué dans la partie précédente l’existence d’un certain nombre de modèles opérationnels de mesure de la création de valeur. Dans leur ensemble ils prennent en compte des données comptables de l’entreprise qui sont utilisée seules (free cash flows ou EVA) ou en relation avec des données boursières (VEX ou MVA). En conséquence, l’utilisation de ces modèles de l’approche par la valeur impliquerait une périodicité de l’étude en cohérence avec celle de la comptabilité (de l’ordre de plusieurs mois voire de plusieurs années). Or, il nous semble que sur le moyen et long terme il devient très difficile d’isoler les effets de la seule action politique sur la performance de l’entreprise parmi le grand nombre d’autres décisions stratégiques. Par ailleurs, si l’on admet au moins l’hypothèse de la semi- efficience des marchés, le cours de bourse est sensé refléter l’ensemble des informations officielles sur l’entreprise. De par la loi de l’offre et de la demande des titres, l’évolution de cette valeur de marché nous renseigne sur les perspectives de performance attendues pour l’entreprise par les acteurs financiers. In fine, on peut donc considérer que le rendement boursier d’une entreprise (taux de croissance de son cours) donne une approximation de sa

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« Le lobbying et la presse, un nouvel Eldorado ?, Voix de faits (trimestriel des praticiens du conseil en lobbying), mars 2001, pp. 3-4.

valeur. L’utilisation de ce rendement est cohérente avec notre objet d’étude, le lobbying, puisque l’évolution boursière peut être calculée quotidiennement.

Le recours au rendement boursier comme indicateur de création de valeur est également cohérent avec notre sujet d’étude (l’influence des stratégies de lobbying des entreprises sur leur création de valeur). En effet, il est la donnée centrale d’une technique quantitative d’origine financière destinée à mesurer la création de valeur liée à tout changement brutal survenant à l’entreprise : la méthode des études d’événement. On peut considérer, et nous y reviendrons de manière plus détaillée dans la suite de notre étude, qu’une action politique constitue un événement pour une entreprise. De manière générale, la méthode des études d’événement consiste à mesurer l’écart existant entre le rendement réel de l’actif étudié et un rendement théorique déterminé à l’aide de différents modèles. Il nous faudra donc relever, pour les entreprises cotées de notre échantillon initial les différentes données boursières nécessaires. Une étude d’événement globale nous permettra de tester la troisième hypothèse (« les actions politiques sont susceptibles d’influencer la création de valeur des entreprises lobbyistes »). La quatrième hypothèse (« la création de valeur diffère suivant les stratégies d’action politique des entreprises ») appelle une étude plus détaillée, en fonction des différentes stratégies de lobbying éventuellement identifiées à l’étape précédente de notre protocole d’exploration empirique.

Figure 7.

Le protocole général de recherche

Réflexion

Analyse générale de la littérature sur le lobbying

Revue de la littérature focalisée sur l’évaluation du lobbying

Une question centrale de recherche et quatre hypothèses

Description Evaluation

679 actions politiques 157 actions politiques

d’entreprises françaises et anglaises d’entreprises françaises et anglaises

Construction d’une grille de lecture et recueil des données

dans la presse

Analyse des données (analyse des correspondances

multiples et classification sur facteurs)

Typologie des stratégies de lobbying des entreprises françaises et anglaises

Sélection des actions des entreprises cotées et recueil des données boursières

Etude d’événement (de manière globale puis par type de lobbying)

Interprétation des résultats

Test des hypothèses 1.a et 1.b Test des hypothèses 2.a et 2.b

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