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Encadré 6. Plan du Chapitre

2. Consultation de base de données, du minitel ou de sites internet au prix de la communication

2.3. Une vision plus large de la performance du lobbying

2.3.2 Une évaluation de l’efficience

Plus loin que l’examen des résultats du lobbying, il possible de les rapporter au moyens mis en œuvre pour évaluer l’efficience de l’action politique. Deux études vont dans ce sens. Celle de Keim et Zeithaml (1986) est cependant moins aboutie que celle de Fleisher (1993) dans la mesure où la première s’inscrit à nouveau dans le cadre de la cellule en charge du lobbying alors que la seconde élargit son analyse à l’entreprise.

a. Keim et Zeithaml (1986)

Nous avons déjà fait allusion à l’étude de Keim et Zeithmal (1986) qui modélise les calculs décidant l’action politique individuelle sur la base d’une approche coût / bénéfice. Rappelons que les coûts sont les ressources actuelles ou potentielles dépensées par l’individu pour s’engager dans l’action politique et que les bénéfices sont séparés sur le modèle du « public choice » entre les bénéfices individuels et les bénéfices collectifs. Les bénéfices individuels sont ceux qui sont touchés seulement par l’action individuelle, comme par exemple le fait de pouvoir rencontrer un élu dans une réunion ou soutenir un candidat le jour d’une élection. Dans ce dernier exemple, le bénéfice privé est simplement généré par la satisfaction de voter pour le candidat choisi. Les bénéfices collectifs de la participation individuelle apparaissent seulement lorsque l’action politique individuelle a aussi un impact sur une question politique générale ou modifie le comportement d’un décideur politique. L’exemple classique est la situation dans laquelle le vote d’un individu influence les résultats d’une élection. Ces bénéfices collectifs sont probabilisables et apparaissent seulement après l’action politique individuelle. Sur cette base les auteurs modélisent les différents facteurs qui déterminent la probabilité qu’un individu choisisse de mener une action politique.

Encadré 9.

Action de lobbying, gains et coûts

A =EO + P – C Avec:

A : la probabilité qu’un individu choisisse de mener une action politique

E : la probabilité que cette action politique individuelle produise des gains collectifs O : la valeur des gains collectifs pour l’individu

EO : la valeur espérée des gains collectifs issus de l’action politique individuelle pour l’individu P : la valeur des gains privés issus de l’action politique individuelle

C : la valeur des coûts privés de l’action politque individuelle

Source : Keim et Zeithaml (1986)

Ainsi, toutes choses égales par ailleurs, la probabilité d’une action politique individuelle s’accroît avec la probabilité que cette action s’accompagne de gains collectifs et privés et la valeur accordée par l’individu aux gains collectifs, elle décroît avec la valeur des coûts privés engendrés par cette action et inversement. En ce centrant sur le cas de l’action politique de l’entreprise nous retrouvons ici la notion d’efficience du lobbying égale à la création de valeur permise (EO + P) diminuée des coûts engendrés (C).

De manière plus concrète, dans ce modèle, les gains collectifs pour une action politique individuelle (E) dépendent de l’évaluation subjective de l’individu concernant :

1. le nombre des autres individus susceptibles d’être actifs sur le problème ou l’élection concernée : plus ce nombre est faible, plus la probabilité qu’une action politique individuelle affecte le résultat d’une décision collective est élevée (ce résultat concorde par ailleurs avec la théorie des jeux que nous avons développée précédemment) ;

2. la proximité supposée de leurs conséquences : plus le problème politique a des répercussions communes, plus l’action politique individuelle est susceptible d’avoir un impact collectif.

La valeur personnelle accordée aux gains collectifs (O) dépend, elle aussi, de l’évaluation subjective par l’individu des résultats collectifs potentiels. Par exemple, si la question concerne une proposition d’augmentation des normes en matière de pollution, cette valeur est déterminée par la différence entre la valeur subjective accordée par l’individu aux normes actuelles et celle accordée aux normes modifiées.

Finalement, la valeur espérée des gains collectifs pour l’individu dépend de la valeur combinée de ces évaluations subjectives (E et O). Ainsi, même si l’individu accorde une valeur personnelle élevée aux gains collectifs, si les résultats collectifs issus de l’action politique individuelle sont très faibles, il en résultera une valeur individuelle de gains proche de zéro.

La valeur des coûts privés (C) de l’action politique individuelle dépend du niveau de ressources que l’individu anticipe comme nécessaire à l’action politique du moment. Pourtant, cette valeur est aussi affectée par les coûts privés liés à l’acquisition de l’information sur les questions politiques, la positions des élus et les résultats attendus1. Au fur et à mesure que la taille de l’entité publique s’accroît, le nombre des problèmes politiques collectifs croît aussi. En conséquence, les coûts individuels pour acquérir de l’information pertinente et compréhensible sur ces sujet augmentent. Si les gains anticipés de cette nouvelle information ne compensent pas au moins ces coûts, l’individu ne sera pas incité à engager de tels coûts.

b. Fleisher (1993)

Fleisher (1993) développe un modèle général de description puis d'évaluation des actions politiques des entreprises plus élaboré. La description de l’action politique managériale comprend plusieurs dimensions.

1. « L’ environnement » : Fleisher différencie le contexte extérieur de l’entreprise (à savoir les parties prenantes, les opportunités et les menaces apportées par les processus politiques dans lesquels évolue l’organisation) des conditions externes au départements affaires publiques mais internes à l’entreprise.

2. Les facteurs mis en jeu (les « inputs ») : deux sortes de facteurs semblent essentielles à Fleisher : les ressources (humaines, informationnelles, financières et temporelles) et les objectifs.

3. Les « processus et les structures » : il s’agit ici de la planification des actions politiques.

4. La production (« outputs ») ou mise en œuvre des actions de lobbying : typiquement, il s’agit de l’information (chiffrée ou qualitative), des plans (décisions et choix) ou des programmes (activités stratégiques ou tactiques organisées) qui découlent de la phase précédente.

5. « Les résultats » ou l’impact du lobbying dont la performance de ces résultats peut être évaluée à l’aune de plusieurs critères : la production doit être cohérente avec les objectifs planifiés ; la cible ultime de l’activité politique doit avoir été influencée ; il ne doit pas y avoir de subversion majeure des outputs par les politiques contradictoires ; un lien causal théorique doit être établi entre des modifications de comportements et la réalisation des objectifs de lobbying planifiés.

Le modèle de Fleisher utilise six éléments du déroulement d’une action de lobbying (les objectifs, les ressources, la programmation d’une action politique, la mise en place de

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cette action, ses conséquences et son évaluation) qu’il situe dans les cinq dimensions ci- dessus. Il établit en outre des liens d’induction ou de déduction entre ces six éléments. Ces liens permettent finalement d’établir des critères d’évaluation de la performance du lobbying.

Les critères d’évaluation en-eux même sont finalement présentés sous la forme d'une matrice. Cette matrice permet différents niveaux d'analyse : suivant la taille de la structure étudiée (de la personne en charge du lobbying à l'entreprise entière), la nature des décisions mises en jeux (stratégiques, managériales, opérationnelles) et la place de l'étude dans le temps (évaluative ou prospective), l'optique d'évaluation (interne ou externe par comparaison avec d'autres entreprises). Elle met en relation, pour chaque niveau d'analyse choisi, les facteurs utilisés par l'action politique ou les structures et processus de lobbying (importance de sa planification en particulier) avec la mise en œuvre et les résultats du lobbying.

Il est possible d'en tirer des ratios de performance du type « résultats/ressources engagées » utiles dans l'absolu mais surtout pour établir des comparaisons entre entreprises. Cela peut permettre de déterminer les éléments qui conditionnent l'efficience du lobbying des entreprises. Cependant, ce modèle demeure très général et conceptuel. Fleisher lui-même prescrit à la fois des compléments théoriques et empiriques à ses travaux. En effet, il n’a pas réalisé d’étude quantitative d’envergure pour tester sa matrice. La seule application évoquée consiste dans des entretiens semi-directifs, avec dix huit cadres responsables des actions politiques de leur entreprise, destinés à valider et à compléter le modèle.

Tableau 12.

Matrice d’évaluation multi-niveau de l’action politique des entreprises

Niveau de la structure étudiée Personne lobbyiste Projet de lobbying Fonction spécifique d’action politique Département affaires publiques en entier Ensemble des éléments de l’organisation en relation avec l’action publique Nature des décisions mises en jeu (de manière évaluative ou prospective) -stratégiques - managériales -opérationnelles Optique d’évaluation - interne - externe Partie de l’action politique étudiée - facteurs - structures et processus - mise en œuvre - résultats Source : d’après Fleisher (1993)

Tableau 13. Principaux travaux focalisés sur une approche élargie de la performance du lobbying

Références Sujet Problématique Hypothèses Méthode Résultats

Andrews, 1987 Evaluation du

lobbying des entreprises.

Comment évaluer l’action politique des entreprises ?

1ier modèle : pas de distinction entre les facteurs qui sont sous le contrôle des praticiens et ceux qui ne le sont pas ; pas de prise en compte du rôle des parties prenantes,

focalisation sur le seul service en charge du lobbying dans l’entreprise.

Démarche inductive : création puis application de deux modèles d’évaluation à l’échantillon utilisé par l’étude du BU PRAG (1981).

Pas de résultats chiffrés et peu de résultats qualitatifs mais construction de deux modèles.

1ier modèle : modèle

« fonctions/objectifs » qui utilise deux dimensions : les trois objectifs organisationnels du lobbying (capacité de réponse, crédibilité, profitabilité) sont croisés avec les quatre fonctions génériques du lobbying (collecte d’information, coordination interne, communication externe, programmes d’action).

Fleisher, 1993 Analyse de

l’évaluation de l’efficience des actions politiques des

entreprises sous un angle opératoire.

Peu d’études précises sur l’efficience du lobbying existent dans la

littérature d’économie et de gestion avant 1993. Comment mesurer cette efficience ?

L’efficience de l’action politique d’une entreprise est liée à la qualité et à la quantité de son évaluation.

- Théorique (construction d’un modèle d’évaluation après une revue de la littérature) - Empirique (test de ce modèle par l’envoi d’un questionnaire à 18 cadres chargés du lobbying dans des entreprises aux Etats-Unis)

Construction d’un modèle matriciel d’évaluation des actions politiques des entreprises qui met en relation pour différents niveaux d’analyse choisis (suivant la partie de la structure chargée de l’action politique à évaluer, la nature des décisions mises en jeux, les optiques

d’évaluation), les ressources utilisées, l’importance de sa planification, la mise en œuvre de l’action politique et les résultats obtenus.

Les interviews semblent valider le modèle.

Références Sujet Problématique Hypothèses Méthode Résultats Keim et Zeithaml, 1986 Etude théorique de l’efficience des différentes stratégies d’action politiques des entreprises.

Les différentes stratégies d’action politique des entreprises sont-elles toujours efficaces ?

Tentative de théorisation des comportements toutes choses égales par ailleurs, en particulier en ne tenant pas compte des interactions entre les différents acteurs et du problème de la durée de l’action politique de l’entreprise.

Théorique : revue de la littérature, élaboration d’un modèle général des décisions politiques et typologies des différentes stratégies des entreprises dans différentes situations politiques.

Il existe 5 grandes stratégies d’action politique des entreprises qui ont des efficacités différentes suivant la situation politique concernée ou non par une problématique particulière sur laquelle les électeurs peuvent être en accord ou non. Rutsrom et Redmond, 1997 Etude des conséquences des activités de lobbying dans le cadre de la réforme de la Politique Agricole Commune européenne. En fonction de l’évaluation des bénéfices des différents lobbyistes, quelle est la réforme qui a le plus de chances d’être adoptée ?

- Il n’existe que deux groupes d’intérêt distinct à ce sujet : les

agriculteurs et les non- agriculteurs.

- Hypothèse de

rationalité des agents qui sont capables d’estimer l’utilité espérée de leurs actions.

- Utilisation d’un modèle macroéconomique dit « des

amis et des ennemis »

- Test suivant ce modèle de cinq propositions de réforme de la PAC

- Analyses de variance

La Communauté Européenne aura tendance à préférer la proposition incluant des paiements

compensatoires intégraux qui est celle qui maximise la somme des utilités espérées par les lobbyistes en présence.

Sonnenfeld, 1982 Etude de la

performance sociale du lobbying

Existe-il un lien entre, d’une part les structures internes et la culture d’une entreprise, et d’autre part sa capacité de réaction à des problématiques de lobbying ?

La réception, la

transmission ainsi que la coordination de

l’information

déterminent la capacité de réaction d’une entreprise.

- Etude de cas : les six plus grandes entreprises

américaines de l’industrie forestière.

- Recherche documentaire puis interviews et

questionnaires au sein des entreprises et auprès de 75 décideurs publics en relations avec ces entreprises.

- Plus une organisation est structurée de manière à recevoir, transmettre et coordonner l’information, plus ses actions de lobbying seront performantes socialement

(l’entreprise Pacific Timber maximise ainsi sa performance sociale).

- Cette performance sociale est également liée à la culture et à l’histoire de l’entreprise.

Bilan du chapitre

L’approche théorique du lobbying en terme de coût paraît pertinente. D’une part, au sein de l’entreprise, l’action politique induit des dépenses en facteurs de production. D’autre part, des coûts de transaction et d’agence sont susceptibles d’apparaître en raison de la nature même de l’activité politique en information imparfaite.

Cependant, les travaux cherchant à évaluer de manière plus concrète la performance du lobbying demeurent insuffisants. Une grande partie de ces recherches s’intéressent uniquement à l’influence des actions politiques sur la décision publique (notion d’efficacité). Un nombre plus restreint de travaux concernent les conséquences du lobbying sur l’entreprise (sur le plan de la performance sociale ou financière). Enfin, quelques études ébauchent une mesure de l’efficience (sous la forme d’un bilan « coûts/bénéfices »).

Chapitre 3

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EVALUATION DU LOBBYING DES

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