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2. La pratique du lobbying : un concept désormais intégré dans la stratégie des entreprises

2.1. Un concept pluridisciplinaire à préciser

2.1.1 Un comportement politique caractérisé par la pression

La définition du lobbying inclut, non seulement un lien avec la puissance publique, mais aussi la défense plus particulière d’intérêts.

a. Une forme de comportement politique

Nous définirons de manière générale le comportement politique comme l’acquisition, le développement, la protection et l’utilisation du pouvoir en relation avec d’autres entités, le pouvoir étant entendu comme la capacités des acteurs sociaux de surmonter la résistance d’autres acteurs (Astley et Sachdeva, 1984).

Ce comportement politique peut prendre différentes formes dont seulement certaines seront du lobbying à proprement parler. Boddewyn et Brewer (1994) distinguent par exemple cinq formes de comportements politiques appartenant à deux catégories distinctes :

1. les comportements sans marchandage regroupent la soumission, l’abandon ou le contournement face à des contraintes politiques ;

2. les comportements impliquant un effort de négociation de la part de l’entreprise sont le conflit ou le partenariat avec la puissance publique.

La soumission ou l’abandon peuvent être considérés comme les deux faces d’un même comportement politique : lorsque les gouvernants représentent des obstacles, l’entreprise choisi de respecter l’autorité hiérarchique. Les entreprises se soumettent dans le cas où les actions publiques sont en leur faveur où si elles n’ont pas les ressources nécessaires à l’affrontement. Elles abandonnent ou contournent lorsque le bénéfice de ces comportements est supérieur à leur coût en terme de légitimité. Les comportements conflictuels prévalent lorsque les actions des gouvernants et celles des entreprises sont fortement en interaction, lorsque chaque partie conçoit la situation comme un jeu à somme nulle, lorsqu’elles ont chacune suffisamment de pouvoir pour affecter le résultat incertain de leur conflit. En revanche, le partenariat résultera d’une vision de la situation comme un jeu à somme positive. Ce comportement est caractérisé par le passage de transactions occasionnelles à des relations durables, du conflit à la coopération, de la dépendance à l’interdépendance, de l’opportunisme à la confiance. L’objectif du partenariat est de protéger des avantages compétitifs contre d’autres acteurs de l’environnement de marché ou non. Ce comportement peut impliquer d’autres acteurs, économiques ou non, au sein d’une action collective. Ainsi, Yoffie (1987) décrit deux types de stratégies différentes de partenariat :

1. les stratégies passives de « passager clandestin » et de « suiveur » ;

2. les stratégies actives de « leader » (qui gère la question politique pour les suiveurs), « d’ égoïste » (qui recherche une rente privée pour sa seule entreprise) ou « d’entrepreneur » (qui met en œuvre les ressources de

différentes organisations pour défendre un intérêt collectif supérieur aux intérêt de sa propre entreprise).

b. La défense volontaire d’intérêts extérieurs à l’Etat par la pression

Un groupe d’intérêt peut être définit comme un rassemblement d’individus qui sont liés par des sources d’avantage communes dont ils ont pris conscience. Mény et Surel (2001) distinguent en premier lieu le groupe d’intérêt des autres groupes de la société (famille, tribu, ethnie par exemple) par « son interaction - quelle qu’en soit la forme – avec les institutions

de l’Etat et les partis engagés dans la lutte pour la conquête et l’exercice du pouvoir. » En outre, ils isolent certains groupes d’intérêt dont les relations avec les décideurs publics sont inexistantes (associations amicales par exemple) et à l’opposé ceux dont l’objectif est la conquête du pouvoir politique (les partis politiques).

Dans un second temps, on peut même différencier avec Boucher (1993), les lobbies (assimilés dans les grandes lignes aux groupes de pression) des groupes d’intérêt en général. En effet, les groupes d’intérêt n’agissent pas uniquement par voie de pression et peuvent faire partie de l’Etat. Plusieurs définitions de groupe de pression sont avancées. « Par exemple, en

1961, Meynaud emploie la formule de groupe de pression pour exprimer les multiples interventions effectuées sur les pouvoirs publics en vue d’obtenir l’octroi d’avantages matériels ou le soutien de positions idéologiques et définit la pression comme un essai de persuasion qui revêt une intensité inégale 1, ou autre exemple, l’Encyclopedia Universalis écrit qu’un groupe de pression est une association qui est porteuse de certaines attitudes communes, de certains intérêts spécifiques et de certains buts sociaux, et qui développe une action en vue de réaliser ses buts principalement en exerçant médiatiquement ou immédiatement, certaines pressions sur les instances qui sont dépositaires de la puissance publique2 » (Boucher, 1993). Les lobbies sont généralement assimilés à ces notions, contrairement à l’acception originelle du terme plus restrictive puisqu’elle concernait uniquement les personnes fréquentant les corridors du Congrès américain.

Ainsi, en référence à la typologie de Boddewyn et Brewer (1994) développée précédemment, dans le cas des comportements sans marchandage (la soumission, l’abandon ou le contournement face à des contraintes politiques), il n’y a pas à proprement parler d’action politique de l’entreprise. En revanche, le conflit ou le partenariat peuvent apparaître comme des comportements de lobbying puisque dans ces deux cas les entreprises ne prennent pas l’environnement politique comme une donnée mais cherchent à redéfinir à la fois l’environnement, leur propre organisation ainsi que les liens qui les unissent.

1

MEYNAUD J., Nouvelles études sur les groupes de pression en France, Paris FNSP, 1962, cité dans BOUCHER, 1993

2

LADRIERE J., « Groupes de pression », Encyclopedia Universalis, Tome 10, p 1006-7 ,cité dans BOUCHER, 1993

Figure 3.

Lobbies, groupes de pression et groupe d’intérêt Groupes d’intérêt

caractériqtiques : e xistence d’un intérêt et o rganisation volontaire

Groupes de pression = lobbies

caractéristiques : e xistence d’un inté rêt et organ isation volontaire + pression et extériorité pa r rapport à l’Etat

Conception orig ine lle des lobbies du Congrès à

Washington

Source : Boucher (1993)

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