• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3 U NE PROPOSITION D ’ EVALUATION DU LOBBYING DES ENTREPRISES FRANÇAISES ET ANGLAISES EN TERME DE CREATION DE

2. Un protocole de recherche original

1.1. Création de valeur et performance

1.1.1 Un concept pertinent pour traduire la performance de l’entreprise

Contrairement à ce que pourrait laisser penser une certaine « mode » autour de la création de valeur, il s’agit d’un concept ancré sur une vision traditionnelle de la performance de l’entreprise. Pour autant, la notion de création de valeur permet de dépasser quelques insuffisances liées à d’autres mesures classiques de la performance : les indicateurs comptables.

a. Un critère d'évaluation traditionnel de la performance des entreprises

Certes, nous reconnaissons avec Hoarau (2000) que « la notion de création de valeur est

devenue en quelques années un élément essentiel de la culture managériale de nombreuses entreprises à travers le monde et un nouveau produit des cabinets de conseil ». De fait, depuis le début des années 1980, dans les pays industrialisés, le rôle de l’actionnaire est mis en avant dans la gestion des entreprises (notion de gouvernement d’entreprise). Ce mouvement expliquerait pour certains le développement du concept de création de valeur, dès lors qu’il s’agit de la valeur pour l’actionnaire dont l’intérêt se confondrait avec celui de l’entreprise.

Pour autant, l’approche par la valeur n’en demeure pas moins pertinente. En réalité, elle est à relier :

1. de manière générale à la notion traditionnelle de performance1,

2. au sein de l’entreprise aux concepts classiques de productivité et de valeur actuelle nette (VAN).

Dans la logique générale de la performance économique

Le but de toute organisation économique, y compris le système économique dans son ensemble, est de satisfaire les besoins des êtres humains. La performance économique se juge par rapport à cet objectif. Cette approche n'implique pas des préoccupations uniquement matérialistes. Si la priorité va à la domination militaire ou au prestige national, alors une économie qui sert ces objectifs sera performante selon cette norme. Cependant, on émet ici l’hypothèse que les agents se soucient d'abord des biens et des services ordinaires. Le système économique est alors jugé sur sa capacité à satisfaire les besoins économiques de la population. Cette approche exige que l'on attribue des préférences aux individus. En effet, on supposera que les agents disposent d'un moyen pour mesurer leur bien-être, appelé fonction d'utilité. Ils préfèrent une situation à une autre si, et seulement si, elle procure une utilité plus grande, leur objectif étant de maximiser cet indicateur de satisfaction. La présence de la rareté implique qu'il faut faire des choix : en accroissant l'utilité d'une personne, on risque d'en léser une autre.

Dès lors, la notion de performance économique peut être définie et appliquée à différents niveaux en fonction du type de choix considéré. De manière générale, il est possible de comparer les choix possibles d'allocation de ressources. Une allocation inefficace gaspille les ressources : avec un meilleur emploi des ressources disponibles, il est possible d'améliorer la situation de certaines personnes sans nuire à d'autres. En revanche, une allocation des ressources est dite optimale au sens de Pareto s'il n'existe pas d'autre allocation possible qui améliore la situation d'une personne sans en léser une. En particulier, un processus, une organisation ou un système seront jugés performants à condition qu'il n'y ait pas d'autres choix possibles générant des résultats préférés à l'unanimité. On dit d'une entreprise qu'elle est performante si elle obtient toujours des résultats performants. L’approche par la valeur se situe précisément dans cette vision traditionnelle de la performance économique. Ainsi, Fama et Jensen ont étudié en 1985 l’incidence de la forme organisationnelle sur les règles de décisions d’investissement. Dans les sociétés ouvertes (qui correspondent aux sociétés managériales), ils concluent à la validité de la règle de maximisation de la valeur comme critère de performance, en supposant que les marchés financiers sont efficients. Plus généralement selon Copeland (1995), dans un système concurrentiel, en tentant de maximiser la valeur de leur propre part, les actionnaires maximisent la valeur de celle de tous les autres :

1

« quand une société est gagnante dans son secteur, tous ses partenaire, y compris ses salariés

finissent par en profiter ».

Dans la lignée des outils classiques d’évaluation au sein de l’entreprise

Cohérente avec le concept général de performance économique, l’approche par la valeur est en outre fortement liée aux indicateurs de base utilisés par une entreprise pour évaluer, en aval ses décisions d’investissement et en amont sa production.

« L’idée fondamentale qui est à l’origine des différentes mesures de la création de

richesse par une entreprise consiste à dire qu’une entreprise crée de la valeur pour ses actionnaires dès lors que la rentabilité des capitaux investis est supérieure au coût des différentes sources de financement utilisées ou encore coût du capital » (Albouy, 1998). Il s’agit de la transposition au niveau global de l’entreprise de la théorie financière classique du choix d’investissement (Hoarau, 2000). La règle de base en la matière est en effet de ne réaliser que les investissements dont la VAN (somme actualisée des flux de liquidités disponibles futurs générés par le projet moins coût de lancement) est positive. Notons que la modélisation de Keim et Zeithaml (1986) évoquée au Chapitre 2 s’inscrit dans cette optique d’évaluation : l’investissement est l’engagement d’une action politique ; sa VAN est mesurée par la différence entre la valeur espérée des gains (collectifs et individuels) et la valeur des coûts privés de l’action politique.

En outre, la création de valeur semble liée à la productivité (rapport entre la production et la consommation nécessaire pour produire), indicateur central de la performance productive d’une entreprise. Ainsi, sur la période 1983-1991, et pour six industries manufacturières dans les pays de la Triade (Allemagne, Japon, Etats-Unis), Copeland (1995) démontre qu’une augmentation de la productivité va de pair avec une plus grande création de richesse pour l’actionnaire. « L’objectif est de toujours parvenir à une production supérieure avec une

consommation moindre. Quand on y parvient, on crée de la valeur. Dans un environnement concurrentiel, l’amélioration de la productivité n’est pas seulement la source d’une augmentation de valeur mais la clé même de la survie » (Copeland, 1995). De fait, le modèle d’évaluation du lobbying de Fleisher (1993) est basé sur le calcul de ratios de type « outputs/inputs » proches de la notion de productivité.

b. Dépasser les insuffisances de l’évaluation comptable

Nous avons vu au Chapitre 2 que Andrews (1987) utilisait la profitabilité financière de l’entreprise comme étalon de la performance du lobbying. Cependant, l’approche par la valeur présente des avantages sur ces indicateurs classiques de la performance de l’entreprise, souvent d’origine comptable.

Les indicateurs comptables de performance classiques

Si l’on fait abstraction des indispensables retraitements comptables compte tenu des incidences diverses notamment fiscales, la compréhension de la performance peut provenir d’une analyse éclairée du compte de résultat présenté sous la forme aujourd’hui classique des soldes intermédiaires de gestion. En outre, l'utilisation de chaînes de ratio permet de décomposer facilement la rentabilité des capitaux investis (ou ROI, Return on Investment) afin d'en comprendre les composantes. On peut par exemple analyser l’égalité suivante :

propres capitaux passif * actif production * production net résultat propres Capitaux net résulat =

Cette décomposition fait intervenir trois ratios caractéristiques pour expliquer la rentabilité des capitaux propres. Le premier est un ratio de marge [résultat net/production] ; le deuxième est un ratio de rotation d'actif [production/actif] indiquant quel chiffre d'affaires on produit avec les ressources de l'entreprise (matérialisées par le total de l'actif) ; le troisième ratio [passif/capitaux propres] représente l'endettement ou le levier d'endettement de l'entreprise.

Le renouvellement de l’approche comptable par la « stratégie de la valeur »

Ces données comptables présentent un certain nombre de limites qui peuvent être dépassées par la notion de création de valeur.

Ainsi, des indicateurs tels que le return on investment (ROI), le return on equity (ROE) ou le taux de croissance ne fournissent que des informations partielles. Ils n'intègrent pas la nécessité de prendre en compte le coût du capital. Une telle limitation de l'optique d'analyse des performances induit des effets particulièrement préjudiciables pour le contrôle de l'entreprise. En effet, si les dirigeants orientent leurs décisions en tenant compte du seul résultat économique produit par les résultats qu'ils envisagent, ils peuvent être conduits à sous-estimer la contrainte liée aux exigences de rémunération des bailleurs de fonds qui financent l'entreprise et, singulièrement, des actionnaires. La gestion de la valeur ambitionne au contraire de restituer aux actionnaires leur pouvoir de contrôle en affichant de façon explicite leur exigence de rémunération et, plus encore, leur objectif fondamental de maximisation de la valeur de leurs titres.

De manière plus générale, les données comptables ne fournissent qu’une description du passé et peuvent se révéler biaisées (modification des systèmes comptables, voire comptabilité créative).

Outline

Documents relatifs