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Un dispositif plébiscité par les syndicats.

Chapitre 2 Enjeux de la désynchronisation et dispositif méthodologique de recherche.

1. Le CET au prisme des logiques juridiques, d’entreprises et de

1.3. Un dispositif plébiscité par les syndicats.

1.3.1. Un dispositif porté par les syndicats « réformistes » et les indépendants

En moyenne 2,65 syndicats sont présents lors de chaque négociation. Cette présence fluctue grandement d’un syndicat à l’autre allant de 58% pour la CFDT à 5% pour SUD. Au vu de leur représentativité nationale, la CFE-CGC et la CFTC sont proportionnellement davantage présentes lors des négociations sur le temps de travail que les autres syndicats. A contrario la CGT est particulièrement sous-représentée dans les négociations portant sur l’épargne-temps.

58% 44% 49% 35% 48% 5% 7% 9% 8% 85% 81% 93% 88% 64% 50% 94% 97% 91% Taux de présence syndicale taux de signature 0% 5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% Présence dans l'échantillon CET Audience syndicale 2013 (DARES) Représentativité syndicale 2006 (INSEE)

Figure 11 - Taux de présence et de signature des syndicats Figure 12 - Présence syndicale et niveau de représentativité nationale

155 D’autre part le taux de présence ne semble pas avoir de lien direct avec le soutien apporté au dispositif. Il varie de 50% au minimum pour SUD et monte jusqu’à 94% pour la CFE-CGC et l’UNSA. En moyenne les accords sont ratifiés par 83% des partenaires sociaux participants aux négociations. Quand d’autres acteurs sont sollicités, le taux de signature des représentants des comités d’entreprise et autres négociateurs indépendants est de 97%. Il ne nous est pas possible de relativiser cette donnée avec le nombre de négociations non abouties où des négociateurs indépendants ont joué un rôle. La présence de négociateurs non affiliés semble cependant être décisive dans l’aboutissement d’une négociation. La question reste de savoir si les tendances observées par Jens Thoemmes (2009a) lors des négociations des années 2000 sur l’aménagement et la réduction du temps de travail se vérifient ici aussi. Il avait alors été montré que les négociateurs mandatés avaient obtenu de meilleurs accords, pour les salariés, que ceux négociés par les délégués syndicaux.

1.3.2. Réduction du nombre des partis prenants de la négociation.

Le nombre de syndicats présents à la table des négociations varie d’un à huit. Un tiers des négociations se déroule de manière bilatérale avec un seul représentant syndical et plus de la moitié avec un maximum de deux partenaires représentant les salariés. Par ailleurs on constate une baisse du taux de signature quand le nombre de syndicats présents augmente. Cette distribution pourrait être le signe d’une plus grande liberté d’expression liée à une présence syndicale forte ou à minima la formulation d’un environnement où différentes perceptions évoluent ensemble. 36% 17% 15% 15% 12% 4% 1% 0% 100% 95% 86% 88% 68% 74% 46% 56% Présence moyenne des syndicats Taux de signature 0% 10% 20% 30% 40% 50% 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 1 syndicat 2 syndicats 3 syndicats 4 syndicats

156 Par ailleurs, une perspective longitudinale de la présence syndicale permet d’observer la réduction du nombre moyen de syndicats par négociation. En effet seules les négociations comptant un ou deux syndicats sont en progression. Ainsi uniquement 30% des négociations comptaient plus de deux partenaires sociaux en 2013 contre 48% sur l’ensemble de la période étudiée.

Cette réduction du nombre de représentants des salariés ne peut être interprétée sans tenir compte de la réforme de la représentativité des syndicats, induite par la loi du 20 août 2008166

. La présomption irréfragable de représentativité qui était jusque-là accordée aux cinq confédérations historiques (CGT/CFDT/CFTC/FO/CFE-CGC) a été abrogée. Elle laisse place à un nouveau système dans lequel toute organisation syndicale doit obtenir au minimum 10% des suffrages au premier tour des élections professionnelles de l’entreprise pour être considérée comme représentative. Ce palier est ramené à 8% pour la représentativité par branche et au niveau national interprofessionnel. D’autre part pour qu’un accord d’entreprise soit accepté il doit être soutenu par des organisations pesant au minimum 30% des voix. Ainsi, tout syndicat ayant atteint ce niveau de représentativité peut à lui seul impulser une direction. Cette nouvelle loi offre ipso facto deux pistes d’explication pour la contraction du nombre d’organisations syndicales présentes à la table des négociations : La réduction du nombre d’organisations syndicales représentatives et la possibilité d’imposer un accord avec 30% des voix. Cette approche de la négociation par blocs « majoritaires » était décrite dans la presse167

à la suite des élections de 2013 comme l’émergence d’un « camp réformiste » composé de la CFDT, CFTC et de la CFE-CGC et pesant 51%.

Si la tendance à la réduction du nombre de négociateurs peut, au moins partiellement, être expliquée par la loi, elle n’en est pas moins la révélation d’une fragmentation des négociations collectives sur le compte épargne-temps. On peut dès lors se demander si les accords négociés tiennent compte de l’ensemble des salariés de l’entreprise ou seulement de l’électorat des organisations présentes à la table des négociations.

166

Loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail 167 « Dans ce cadre-là est pris en compte, non pas le score brut, mais le « poids relatif » de chacun au sein du seul

club des cinq représentatifs. La CFDT obtient alors 29,74 % et n'est donc pas, petite déception pour elle, en mesure de signer seule. Mais avec la CFTC (10,6) % et la CGC (10,8 %), le camp réformiste pèse 51 %. La CGT (30,6 %) et FO (18,2 %) « calent » à 49 %. »

http://www.lesechos.fr/29/03/2013/lesechos.fr/0202673798188_representativite-syndicale--la-cftc-sauvee--les- reformistes-majoritaires.htm

157 Si elle fluctue au fil des lois et des cycles de l’activité économique, la négociation collective sur le compte épargne-temps est particulièrement dynamique dans les secteurs industriels et les services. Le dispositif y est massivement soutenu par les partenaires sociaux bien qu’ils soient de moins en moins nombreux à s’asseoir à la table des négociations pour des raisons qui apparaissent avant tout d’ordre juridique. Trois types de rationalités semblent sous-tendre la négociation d’un dispositif d’épargne-temps. Il peut être question d’une opportunité engendrée par des modifications du code du travail, d’un besoin de répondre aux aspirations sociales des salariés ou d’une nécessité de s’adapter à un environnement économique. La finalité des dispositifs dessinés par les partenaires sociaux évolue donc considérablement d’un accord à l’autre. Le CET apparaît pour certains comme un mécanisme orienté vers le salarié et ses aspirations en termes de temps et pour les autres comme un dispositif davantage tourné vers l’entreprise et les marchés (question n°1).

L’analyse des mécanismes et de leur fonctionnement fait ressortir deux grandes tendances sur lesquelles les parties suivantes de ce chapitre ont été structurées : La généralisation des possibilités de transformation du temps en argent (Question n°3) et la montée de l’individualisation des conditions d’attribution et d’utilisation de l’épargne-temps (Question n°2).

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