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Individualisation et autonomie, la question du regard de l’entreprise

Chapitre 2 Enjeux de la désynchronisation et dispositif méthodologique de recherche.

3. Une logique d’individualisation des temps.

3.2. Individualisation et autonomie, la question du regard de l’entreprise

L’épargne-temps ne correspond pas simplement à un congé particulier qui peut être « stocké » en vue d’une utilisation future. L’analyse des accords met en lumière trois niveaux de règles superposés qui dessinent les contours du dispositif dans le cas d’une utilisation précise.

Le premier niveau fixe les règles générales d’utilisation en temps et en argent. Il répond à un souci d’organisation « pratique » du dispositif d’épargne-temps. Ces règles décrivent les volumes pouvant être portés puis retirés des comptes. Elles précisent les modalités pratiques (durée de préavis relatifs à toute utilisation des CET, processus et moyens d’enregistrement des utilisations, version papier, lettre recommandée, informatique, périodes spécifiques d’utilisation, etc.). Le second niveau introduit des règles spécifiques à chaque type d’utilisation. Ce qui semble correspondre à une hiérarchisation « morale » entre les différentes utilisations possibles, en temps ou en argent. Le troisième niveau détermine les cas particuliers justifiant le « transfert » du contrôle du CET, du salarié à l’employeur. Le dispositif qui apparaît jugé dans certains contextes comme « dangereux » pour la bonne marche de l’entreprise, est alors « repris en main » par l’employeur dans le cadre de sa politique de gestion de la performance ou des risques. Il s’agit principalement de pouvoir s’assurer de la présence des salariés en cas de nécessité de production.

Si le premier et le troisième niveau de règles s’appliquent à tous les salariés ayant recours au dispositif au sein d’une même entreprise, le second niveau a la particularité de s’appliquer au cas par cas. Les critères d’utilisation vont en effet permettre de classer les demandes individuelles, ce qui pourrait être à l’origine d’une négociation impliquant le détenteur du CET

186 et sa hiérarchie. Dans le cas d’un service où plusieurs salariés souhaiteraient disposer de leur congé CET sur les mêmes périodes, mais où la hiérarchie estimerait qu’il n’est pas souhaitable que tous en bénéficient selon les critères requis. Les règles de second niveau vont permettre de hiérarchiser les demandes. Par exemple on peut supposer qu’un congé pour formation182

aura davantage de chance d’être prioritaire sur un congé pour convenance personnelle que l’inverse. En effet, au sein d’une même entreprise, certains congés exigent des délais de prévenance plus longs ou des justifications plus importantes et présentent des possibilités de report et de refus quand d’autres ne peuvent être ni repoussés ni rejetés et ne demandent que la simple application d’une procédure. De manière générale, le congé pour convenance personnelle s’inscrit dans le premier cas et le congé de formation dans le second. Cependant ces règles formelles et hétéronomes (Terssac, 1992), ne sont pas réellement des règles de contrôle au sens de J.D. Reynaud (1988) ni exactement de la régulation chaude (Terssac et Lompré, 1995), dans la mesure où la forme qu’elles prennent ne préfigure pas le résultat de la négociation qui suivra. Certes leur élaboration est le fruit d’une régulation conjointe (Reynaud, 1979), de la rencontre d’intérêts et de rationalités divergents, mais leur application s’écarte du modèle de la négociation (Reynaud, 1999) dans la mesure ou le résultat s’apparente davantage à une décision unilatérale. Ce qui correspondrait plus à une suspension du processus (de Terssac, 2012) qu’à la constitution d’une règle. Dans cette perspective, la mise en œuvre de ces règles s’apparente à des marchandages individuels qui ne créeraient pas de règles communes et partagées, contrairement à la définition de la négociation proposée par Allan Flanders (1968) qui voudrait que le produit des négociations collectives soit des règles et non des usages de ces dernières. En effet cet arbitrage entre plusieurs intérêts (ceux des salariés voulant utiliser leur CET et ceux de leurs managers) ne débouche pas sur un compromis acceptable qui remet momentanément à plat le rapport de pouvoir. Au contraire, ces règles formelles, mais ouvertes garantissent au manager la possibilité d’être seul maître de la décision d’utilisation de l’épargne-temps, car il peut choisir de les mobiliser ou de ne pas y faire référence. Elles paraissent être une traduction du mouvement de reféodalisation décrit par Alain Supiot (1999, 2001, 2007). Reste que des collectifs pourraient se mettre en place pour y opposer des règles autonomes (Reynaud, 1988) et tenter de s’extraire de cet arbitraire (cf. chapitre 5).

182 L’usage de l’épargne-temps pour la formation peut être considéré comme permettant un transfert de la charge de l’entreprise vers les salariés (Maggi-Germain, 1999).

187 Ces règles apportent des éléments de réponse relatifs à la question des impacts de la désynchronisation sur les modes de régulations qui se dessinent au sein des entreprises (question n°2).

Si le CET est un dispositif décrit comme à l’initiative du salarié, permettant à ceux qui le souhaitent d’accumuler des droits à congés rémunérés, les accords laissent entrevoir une réalité sensiblement différente. On constate en effet que l’usager n’est pas le seul à pouvoir déclencher l’alimentation ou l’utilisation d’un compte et qu’il doit, dans de nombreux cas, demander l’approbation de la hiérarchie. La question du regard de l’entreprise s’illustre à la fois à travers l’ensemble des règles restrictives - qui bordent les usages individuels des salariés - et par la mise en place de mécanismes d’abondements qui soutiennent et orientent ces usages. Dans cette fin de chapitre, nous présenterons les tenants et les aboutissants de ces mécanismes avant de nous intéresser aux conséquences de l’individualisation pour les salariés.

3.2.1. L’abondement pour orienter les usages

L’existence d’un abondement de l’employeur en cas d’utilisation du CET met en exergue les formes de la capitalisation du temps soutenues lors de la négociation collective. Nous émettons l’hypothèse que ces abondements sont autant d’incitations à orienter les usages des dispositifs vers les termes les plus favorables à l’entreprise et non des compensations offertes aux salariés en contrepartie de contraintes ou d’efforts imposés, exception faite des comptes collectifs.

Ainsi, on distingue deux moments cristallisant la totalité des abondements de l’entreprise : l’alimentation des comptes et l’utilisation de l’épargne. Les alimentations en temps et en argent sont toutes deux abondées dans 8% des cas et sont ouvertes à tous les détenteurs de comptes. À l’inverse, dans le cadre de l’utilisation de l’épargne-temps, les abondements sont fléchés vers certains usages et excluent de fait certains salariés.

31 56 13 21 12 Solidarité parentale Création ou reprise d'entreprises Formation Cessation progressive d'activité Fin de carrière Nombre d'accords soutenus par un abondement employeur Projets personnels Projets professionnels Gestion des temps sociaux

Figure 30 - Types de congés et abondements de l'employeur

188 On peut ainsi distinguer, en fonction de leurs horizons temporels, trois catégories de congés abondés par l’employeur : Les projets de fin de vie professionnelle, à très long terme, qui concentrent 65% des abondements, les projets de développement professionnel (26%) et le soutien à un proche (9%). Dans les faits, pour les projets à long terme, il n’est pas question de la distance entre le présent et le moment de l’utilisation de l’épargne, mais de la position relative de cette utilisation dans la carrière du salarié. Les entreprises offrent ainsi leur soutien aux utilisations situées le plus à l’extrémité du continuum temps d’un travailleur. En d’autres termes, elles privilégient les utilisations à la toute fin de carrière indépendamment du terme que cela représente. Les entreprises ne semblent pas seulement chercher à repousser le moment du remboursement de la dette qu’elles ont contracté auprès des salariés, mais également à organiser ce remboursement pour qu’il soit le plus « compact » possible.

On remarque ainsi que les entreprises ne participent que rarement à la constitution de l’épargne- temps par un abondement, contrairement à ce qui peut avoir lieu avec l’épargne d’entreprise. Les abondements sont orientés vers les usages en temps à long voire très long terme. S’il ne peut être exclu que ces abondements représentent seulement un geste de reconnaissance de l’entreprise envers ceux qui ont fait son « succès », nous postulons qu’ils sont un outil de réduction des incertitudes et des coûts liés à l’accumulation de l’épargne-temps. En d’autres termes, si l’entreprise semble avoir tout intérêt à inciter à l’épargne-temps, elle doit également prévoir le remboursement de ce « crédit » de travail consenti par les salariés. Or, dans un contexte de concurrence accrue qui ancre les entreprises dans le présent (Dubar, 2011 ; Hartog, 2003), elles pourraient avoir tendance à vouloir différer ce remboursement qui aurait pour conséquences de réduire leur compétitivité (Lojkine et Malétras, 2002). La concentration des abondements sur les utilisations de fin de vie professionnelle pourrait en être la marque.

L’orientation de l’abondement vers certains usages spécifiques à très long terme a par ailleurs des effets excluants pour les salariés en contrat à durée déterminée ou en début de carrière. La focalisation sur les mécanismes de retraite complémentaire, par capitalisation, souligne autant son acceptation par les syndicats que la persistance de ces questions de solidarité. Il s’agit d’une sorte de retour vers la réalité. À travers ces accords, les syndicats - pourtant fortement opposés dans leur ensemble à la remise en question du système de retraite par répartition - acceptent indirectement l’instauration d’un principe de capitalisation sous forme de retraite complémentaire ou anticipée.

189 3.2.2. Individualisation et rapport salarial

L’analyse des accords d’entreprise laisse non seulement entrevoir que l’expansion des mécanismes de transformation du temps en argent ne se fait pas en dehors de tout système coercitif ou moral, mais qu’elle participe également à la construction des bases d’un nouveau type de rapport salarial et de contrat de travail. Il semble que l’on assiste à une extension de la zone de négociation de la rémunération. Instituée par la loi, négociée par les partenaires sociaux, la rémunération se fixe désormais partiellement dans une négociation directe et dynamique entre le salarié et son employeur. Ce nouveau rapport de force, caractéristique de la contractualisation de la société (Supiot, 2001), pose à la fois la question de l’autonomie d’utilisation de l’épargne-temps et de la construction de la rémunération.

La rémunération du salarié est constituée d’une part fixe, le salaire, à laquelle peut venir s’ajouter une part variable, composée de primes et autres. Le salaire constitue donc un socle de rémunération commun à tous les salariés. Selon Castel (2009), ce cadre global, qui s’est construit au fil des luttes syndicales, constitue une protection pour les salariés les plus vulnérables (ne disposant de compétences ou savoir-faire irremplaçables) en instituant par exemple le salaire horaire minimum. Dans cette perspective, la part variable de la rémunération, définie pour une part au niveau de l’entreprise et pour l’autre directement entre le salarié et l’employeur, ne véhicule pas les mêmes enjeux sociétaux. Les droits qui y sont rattachés paraissent moins protecteurs pour le salarié (Ibid.). Le risque qu’encourent les salariés à construire une rémunération davantage basée sur des ajustements du contrat de travail que sur le salaire de base est donc de se retrouver davantage isolés dans la négociation des conditions de travail. Or la négociation collective sur le travail en France a historiquement été marquée par le conflit (Cross, 1989 ; Durand et Dubois, 1975 ; Howell, 1992 ; Join-Lambert et al., 2011). L’accord collectif est généralement le résultat d’un rapport de force dans lequel le nombre pèse grandement.

D’autre part, l’arbitrage entre temps et argent apparaît naturellement biaisé. Il est question de comparer deux éléments non comparables : un flux et un stock. L’un est facilement accumulable, l’autre ne l’est pas ; l’un se reconstitue éternellement, l’autre se dépense. Si le temps peut venir à manquer à un moment donné, on sait qu’il ne tarira pas. Il n’est pas en soi

190 une ressource « rare et préfabriquée »183

(Marks 1977 : 929). Si l’on peut engager une part de notre temps dans le futur, on ne peut en réalité le détruire avant de l’avoir. Ce qui nous garantit de toujours disposer d’un temps d’ajustement quotidien. Nous pouvons ainsi jouer avec nos temps physiologiques (sommeil, repas, hygiène) pour modifier le temps disponible. Au contraire, l’argent est un stock que l’on ne peut pas faire fluctuer et dont on ne peut être certain de disposer dans le futur. Dans un contexte économique hypothétique où l’emploi n’est pas garanti à vie, l’arbitrage entre temps et argent paraît donc par nature biaisé.

La transformation du temps en argent semble ouvrir de nouveaux horizons au salarié, lui redonnant en partie la main sur sa rémunération. Ce dispositif déplace cependant le lieu et l’échelle de la négociation collective, entraînant de nouveaux rapports de force qu’on ne peut ignorer. Il est donc nécessaire de s’interroger sur la nature des changements que vont générer ces nouveaux équilibres. Quelle sera l’autonomie de décision d’un salarié quand son supérieur lui demandera de se faire payer les RTT plutôt que de les prendre ? Quels seront l’audience et le soutien des syndicats quand ils entameront un combat pour le salaire ? Comment pourront- ils alors porter au niveau supérieur un conflit qui ne touche qu’une branche ou, pire, qu’une entreprise ?

Que ce soit dans la prise de congés en temps ou dans la transformation de l’épargne en argent, le salarié est confronté à une négociation directe avec la hiérarchie. Il est amené dans un rapport frontal, exclusif, qui risque de lui être défavorable (Pélisse, 2008 ; Supiot, 1999, 2007) dans un contexte économique marqué par l’abondance de la main-d’œuvre disponible (hypothèse 4).

183 “The point to be made is only that time does not present itself to us as a prefabricated scarcity even in the

191

Conclusion

Le CET est un dispositif largement négocié qui représente 10% de tous les « accords » sur le temps de travail184. Les partenaires sociaux s’engagent dans la négociation et signent massivement des accords à durée indéterminée (mais également des accords de très courte durée, voire éphémères) qu’ils n’hésitent pas à modifier par la suite. La négociation a lieu dans trois types de contextes : Elle fait suite à une évolution législative, à une aspiration sociale au « temps choisi » ou à un choc économique. S’il est particulièrement présent au sein des grandes entreprises de l’industrie et des services (75% des GE ont négocié un CET sur la période étudiée) où 3 millions185 de salariés y ont accès, les fonctions publiques, les petites entreprises et les associations peuvent également y avoir accès.

Sous un même principe d’assouplissement de la gestion des temps de travail, le CET peut avoir des objets très différents d’un accord à l’autre. Il peut être orienté vers le salarié - soit en vue d’une harmonisation ou d’une planification des temps sociaux, soit dans le cadre de la construction de sa rémunération - ou servir à l’entreprise comme outil de flexibilisation de l’activité.

Les accords compte épargne-temps instaurent des dispositifs individuels sans forcément en garantir l’autonomie d’utilisation. En effet ils peuvent être supervisés, orientés, contrôlés, voire imposés par l'employeur dans le cadre d’un usage collectif de l’épargne-temps. Le dispositif n’est pas non plus garanti à tous les salariés. Il peut être sujet à des clauses d’ancienneté ou de durée de contrat de travail. Sur la base de critères d’âges, des mécanismes « spéciaux » peuvent également émerger (compte fin de carrière par exemple), voire réserver le CET à l’usage exclusif de certains (seniors/cadres).

Les dispositifs CET suivent un cycle de vie en 4 temps : l’ouverture, l’alimentation, l’utilisation et la clôture. Ce cycle de vie n’est généralement pas inscrit dans le temps et seul le salarié peut choisir de renoncer à son compte (renonciation qui sera facilitée en argent). L’alimentation des

184

Ce chiffre découle d’une projection entre le nombre d’accords présents dans la base de données de la DIRECCTE sous la rubrique « temps de travail » et le nombre d’accords que nous avons dû ouvrir (10 000) pour obtenir l’échantillon des 1000 accords que nous nous étions fixé.

185 Selon l’Insee (2009) les ETI emploient 31% des salariés (hors agriculture, secteur financier et administrations publiques), soit près de 4 millions de personnes.

192 comptes, préalable à l’utilisation, se fait principalement en temps, mais pas uniquement. La majorité des dispositifs d’épargne de temps permettent en effet la transformation de l’argent en temps et vice-versa. Par ailleurs, certains accords CET instaurent des dispositifs de gestion du temps de travail qui fonctionnent uniquement sur la base de l’argent. Les comptes sont majoritairement plafonnés et garantis par l’AGS avec des montants maximums variant de quelques jours à plusieurs mois. La même diversité se retrouve au niveau de l’utilisation de l’épargne, qui peut être encadrée par des périodes minimales allant d’une demi-journée à plusieurs mois.

L’épargne ainsi accumulée peut être récupérée en temps, pour réaliser des projets personnels, des projets professionnels, ou pour faciliter la gestion des temps sociaux. Elle peut également être transformée en argent dans le cadre d’un complément de rémunération (direct ou différé). L’utilisation est définie par trois niveaux de règles. Un cadre général, rigide, déterminant les grandes lignes de fonctionnement, un cadre plus souple, spécifique à chaque type d’utilisation (davantage contraignants pour la récupération du temps que pour la transformation en argent) et un cadre dynamique s’adaptant au contexte économique de l’entreprise. Par ailleurs, l’abondement de l’employeur existe, mais demeure secondaire de par son volume et sa fréquence.

Une diversité de mesures semble donc être regroupée sous même dénomination. Certaines existent depuis l’origine du CET en 1994, d’autres, plus récentes, modèlent sont évolution actuelle et préfigurent l’épargne-temps de demain. Deux tendances de la négociation sur l’épargne-temps apparaissent comme particulièrement significatives :

-Nous assistons d’une part à la généralisation des possibilités de transformation du temps en argent. Ce résultat apporte un éclairage sur la question de la forme de la norme temporelle qui émerge du processus de désynchronisation (question 3). Le phénomène de sécularisation du temps (Le Goff, 1960) semble poursuivre son chemin et se renforcer avec les lois sur la monétisation qui permettent une équivalence de tous les temps en argent (hypothèse 5). Dans cette perspective, le temps devient une marchandise comme une autre, que l’on peut stocker, convertir et sur laquelle on peut spéculer (hypothèse 7). Si le temps est une marchandise, alors elle s’échange sur un marché de gré à gré entre salariés et employeur (hypothèse 3 et 6). Un marché dont l’échange peut être sujet à l’offre et à la demande de temps. Un marché aux

193 caractéristiques monopolistiques où le vendeur (l’entreprise) hiérarchise les demandes émanant des salariés et semble contrôler les flux selon ses intérêts (hypothèse 4).

-Nous constatons d’autre part une forte tendance à l’individualisation des usages. Elle est marquée par la restriction d’accès au dispositif à certaines catégories de salariés et la hiérarchisation des modalités d’alimentation et d’utilisation des comptes. Il semblerait qu’un nouveau mode de régulation émerge (question 2) du dispositif. Dans la continuité des entretiens annuels individualisés, d’où les syndicats ont été évincés (Linhart, 2009), cette régulation paraît écarter le collectif et se focaliser sur l’individu (hypothèse 2). Ce processus d’individualisation semble s’inscrire dans une dynamique de montée en puissance des considérations économiques au cœur du dispositif. Dans cette perspective, l’entreprise s’aménage un droit de regard sur les usages individuels qui pourraient entrer en conflit avec ses intérêts. Ce qui laisse penser que les intérêts des salariés pourraient être secondaires à ceux de l’entreprise (hypothèse 4). Par ailleurs, la « santé » de l’entreprise, argument majeur pour l’instauration ou la modification d’un CET, peut désormais permettre de modifier temporairement les règles d’utilisation (restrictions arbitraires d’utilisations voire utilisations collectives forcées).

La généralisation des possibilités de transformation du temps en argent et la différenciation des usages à travers l’individualisation des critères d’utilisation des comptes, font entrevoir un changement de cap où les préoccupations temporelles des salariés semblent assujetties aux préoccupations économiques de l’entreprise (hypothèse 1).

L’enrichissement législatif et conventionnel incessant, qui a caractérisé le développement des dispositifs d’épargne-temps a généré des évolutions significatives nous permettant de parler de changement de « nature » et justifiant l’utilisation du pluriel pour adresser la plasticité de ce