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Forces productives et potentiels d’innovation de la région PACA

4.1 Un cadre territorial contrasté et bipolarisé

Comme mentionné dans l’introduction générale, le terme même de Région Provence- Alpes-Côte d’Azur illustre une diversité d’identités et de paysages. Ce cadre territorial est fait de contrastes de peuplements, adossés à une forte métropolisation (4.1.1) tandis que la situation géographique fait de la région PACA une région ouverte sur l’international (4.1.2).

Provinces historiques jusqu’en 1789, départements après la Révolution française, puis régions modernes à partir du début du XIXème siècle, sous la forme de régions Clémentel en 1919, de préfectures régionales jusqu’en 1949 ou de régions des programmes d’action régionale, la région comme échelon rationnel de mise en œuvre des politiques publiques a souvent changé de visage. Elle a également muté dans ses fonctions en tant qu’établissement public, c'est-à- dire administré par un conseil régional assisté d’un comité économique et social, mais ce n’est que depuis 1982 qu’en tant que collectivité territoriale, la région dispose de compétences notoires en aménagement. Par souci d’efficacité, la dernière réforme de 2015 a fait passer le nombre de régions de 25 à 13, suscitant la fusion de régions entre elles et leur donnant plus de responsabilités au détriment des départements (loi Notre cf. le 5.1). Il est important de mentionner cette réforme qui est survenue durant notre travail d’enquête et dont les données couvrent la période 2004-2016, même si la région PACA n’a pas vu ses frontières modifiées. En revanche, à des fins de marketing territorial, PACA est depuis récemment mentionnée comme région Sud-PACA Provence Alpes Côte d’Azur. « Cette région mérite bien mieux qu’un acronyme. Nous ne

sommes pas PACA. Nous sommes la Provence, les Alpes, la Côte d’Azur », s’est ainsi

justifié le président de région Renaud Muselier. Toutefois, et parce que cette décision a été contestée par le préfet de région en 2018 sous prétexte qu’un point cardinal, ne pouvait constituer en rien une originalité, nous conserverons l’acronyme PACA pour évoquer la région dans ce travail.

Ici, l’objectif principal du diagnostic territorial de la région PACA sera d’identifier le potentiel existant, construit ou mobilisé en faveur de la compétitivité territoriale (attractivité, développement local) et de voir comment il s’organise d’un point de vue systémique, formant une configuration théoriquement plus résistante aux contextes de crise. Il s’agit en particulier de croiser les potentiels d’innovation et les modalités d’accompagnement nécessaire { leur évolution dans le temps. Au sein de ce chapitre 4, nous poserons le cadre territorial (4.1) avant d’analyser le potentiel industriel (4.2) puis le potentiel scientifique (4.3)

Chapitre 4 - Les multiples potentiels d’innovation de la région PACA

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4.1.1 Des contrastes de peuplement adossés à une forte dynamique de métropolisation

Les contrastes de peuplements observés en PACA sont parmi les plus forts { l’échelle européenne. On observe une forte concentration de la population sur les littoraux de Marseille à Menton (80% de la population vivant sur 10% de la surface régionale), à l’exception des deux poches alpines représentées par les chefs-lieux de Gap et Digne-les- Bains (Carte 1, P.129). En outre, les habitants de la région sont essentiellement des urbains, la population des deux métropoles niçoises et marseillaises couvrant 81% du total régional. Ce chapelet urbain s’organise en effet autour de deux des plus grandes villes de France que sont Marseille, deuxième avec 862 211 habitants et Nice, cinquième avec 342 637 habitants en 2016 (INSEE). Les trois autres grandes villes régionales sont Toulon, Aix-en-Provence et Avignon sur l’axe rhodanien. L’intérieur de la région est clairement moins dense, comme en témoignent les Alpes de Haute-Provence et les Hautes-Alpes qui concentraient en 2016 seulement 6% de la population régionale (INSEE). Cette géographie contrastée de la population donne des indices sur la répartition des activités économiques et de l’innovation dans les espaces urbains et métropolitains, souvent littoraux, signe notamment de l’exploitation de la façade maritime.

En effet, les nombreuses communes de la région sont aimantées par une grande variété d’espaces urbains, soit de façon univoque autour de pôles de grande ou petite taille, soit en étant multipolarisée (Guerois et Paulus, 2002) (Carte 2, P.130). Ces découpages sont utilisés par l’INSEE afin de mesurer les aires d’influence des villes en termes d’emplois sur leurs environnements (INSEE, 2012a). Sont ainsi distingués les grands pôles qui regroupent une unité urbaine c'est-à-dire « une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu qui compte au moins 2000 habitants » (INSEE, 2012a) et au moins 10 000 emplois, les pôles moyens avec une unité urbaine comptant entre 5000 et 10 000 emplois et enfin les communes multipolarisées et celles qui sont isolées de ces pôles. Ce découpage nous renseigne sur la dimension fonctionnelle de la concentration urbaine, puisque l’on observe la façon dont les habitants occupent un espace moins continu et plus flottant d’un point de vue morphologique et administratif. On note ainsi que la moitié des communes régionales est polarisée par les six grands pôles urbains d’Avignon, Marseille, Toulon, Nice, Digne-les-Bains et Gap, taux qui s’élève { presque 60% lorsque l’on étend l’analyse aux pôles moyens.

On observe ainsi une géographie urbaine sous forme d’agglomérations multipolaires avec par exemple Marseille-Aix-Aubagne-Fos-Etang-de-Berre-Salon, Nice-Cannes- Grasse, Toulon-La Seyne-sur-Mer-Hyères ou encore Avignon-Orange-Carpentras- Cavaillon. Les villes secondaires comme Aix-en-Provence ou Sophia-Antipolis y sont souvent plus riches que la ville centre. Par ce développement, on signifie qu’il existe une véritable logique de métropolisation régionale.

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129 Carte 1. Le cadre territorial de la région PACA. Sources : INSEE et annexes.

Aéroports 1 Avignon Provence 2 Marseille Provence 3 Toulon Hyères 4 Cannes-Mandelieu 5 Nice Côte d’Azur Ports 6 Marseille Fos 7 Toulon 8 Marseille 9 Toulon Brégaillon 10. Cannes 11. Antibes 12. Nice Gares 13. Orange 14. Avignon TGV 15. Arles 16. Aix en Provence TGV 17. Marseille Saint Charles 18. Toulon

19. Draguignan 20. Cannes 21. Nice 22. Gap

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130 Carte 2. La région PACA selon ses différents pôles urbains. Sources : INSEE.

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131 Nous entendons la métropolisation comme « un degré particulier de l’urbanisation qui conjugue concentration des emplois les plus qualifiés dans certains pôles spécialisés, diffusion de l’habitat et des pratiques de consommation, de loisir et dissociation entre lieux de consommation, de formation et de travail » (Région PACA SRADDT, 2013, p.12). C’est aussi « l’ensemble des processus qui privilégient les grandes dimensions urbaines marquées par les transformations du système productif, appréhendé au niveau international et mondial. Elle conduit à des organisations et à des recompositions territoriales nouvelles, tant au plan interne des ensembles urbains concernés que sur celui, de leurs relations externes » (Lacour, Puissant, 1999).

Ce processus est tout { la fois une force régionale par la croissance qu’il génère (externalités positives) et un handicap puisqu’il comprend souvent une fracture sociale et une précarisation croissante par une compétition dans l’usage des ressources (foncier, habitat). Mobilisé dans le cadre du socle territorial, il interroge l’attractivité de la région PACA et l’évolution de la population. Celle-ci a connu une croissance forte entre 1996 et 2006 (+8,8%), mais s’est tassée depuis avec +4,4% de croissance sur la décennie suivante. On parle de dynamisme démographique plus faible que la moyenne nationale en raison du vieillissement de la population et de la réduction des classes d’âge actives (INSEE, 2017a, n°47). Cependant, on observe bien une action de siphon des villes régionales quant à l’arrivée de population. En effet, entre 2009 et 2014, trois nouveaux habitants sur dix de la région PACA se sont implantés dans les vingt-cinq plus grandes villes et près de deux nouveaux habitants sur dix l’ont fait dans les seules communes de Marseille, Aix-en-Provence, Avignon, Nice et Toulon, indicateur encore une fois de l’attractivité urbaine du territoire régional (INSEE). Cependant, au regard de la situation nationale, la croissance des deux principales villes de Nice et Marseille est relativement faible (+0,2% contre +1,1% pour Lyon, +1,2% pour Toulouse et +1,5% pour Montpellier par exemple). Par ailleurs, la périurbanisation remarquée par le dynamisme des couronnes des pôles urbains, caractéristique de la région PACA demeure forte, mais connait un ralentissement (INSEE, 2019, n°48). Il existe donc un risque de renforcement du déséquilibre territorial au profit des grandes villes régionales.

4.1.2 Une région ouverte sur l’international

La qualité du système territorial structurant se mesure aussi au regard de son accessibilité et de son ouverture vers l’extérieur en fonction notamment de sa localisation dans des espaces plus larges et de son potentiel en infrastructures. Au centre de l’arc méditerranéen entre l’Espagne et l’Italie, face au Maghreb, en aval de l’axe Rhin-Rhône et Paris-Marseille, la régionPACA bénéficie { plusieurs titres d’une situation stratégique. Très bien desservie d’Ouest en Est par l’axe autoroutier A54, A50 et A8 et vers la vallée du Rhône du Nord au PACA via l’A7 et l’A51, la région PACA présente tout de même quelques « carences » comme la nécessité de prolongement de l’A51 entre Gap et Grenoble qui pourrait encourager les coopérations transrégionales avec Rhône-Alpes voir à un désenclavement de la partie Est frontalière du Piémont. La région demeure

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132 toutefois déj{ fortement accessible par ses voies ferroviaires et l’axe TGV Paris-Marseille qui ouvrent la région PACA sur le nord de la France et de l’Europe et qui pourrait être prolongée de façon directe jusqu’{ Nice. « Le TGV à Nice ne marchera jamais, parce que

l’intérêt du TGV c’est de pouvoir faire l’aller-retour { Paris dans la journée. C’est pour ça que ce sont deux villes différentes, Marseille est proche de Paris et Nice est sur l’international » nuance tout de même Bernard Morel pour expliquer ce projet oscillant

pour l’heure entre modernisation de la ligne et véritable construction d’une ligne { grande vitesse23. Toujours est-il que l’axe Paris-Marseille est une vraie porte

d’accessibilité régionale qui devrait faire voyager 18,5 millions de passagers en 2020 (SNCF, 2004).

L’ouverture territoriale s’adosse également aux aéroports de Nice et Marignane respectivement troisième et cinquième aéroport de France par leur fréquentation. Ils représentent près de 30% du trafic national, en dehors des aéroports parisiens, après avoir accueilli respectivement 13 et 9 millions de passagers en 2017, en hausse de 6% par rapport à 2016 (Union des Aéroports Français, 2017). Par ailleurs, le port de Marseille constitue quant à lui une importante ouverture maritime régionale sur la Méditerranée. En effet, il est le premier port français en tonnage de marchandises avec 80,4 millions en 2017 contre 3 millions pour Toulon et le quatrième port de conteneurs de France et le vingt-deuxième port européen 24 (Commissariat Général au

Développement Durable, 2017). Il constitue désormais un port touristique grâce au développement de l’activité croisiériste. Enfin, la voie fluviale construite entre le complexe industrialo-portuaire de Fos et Arles puis Avignon constitue aujourd’hui un atout logistique alternatif compétitif pour la région PACA, puisque depuis 1996 le Rhône constitue un objet de rapprochement stratégique entre Marseille et Lyon (Daumalin, Girard, Raveux, 2003). La région PACA apparaît ainsi comme ouverte à tous les vents. La qualité du socle territorial structurant s’exprime également par le niveau de richesse et les caractéristiques socio-économiques régionales. Jean Claude Prager parle en ce sens d’indicateurs généraux d’activités, en tant que données de base et résultantes du processus d’innovation (Prager, 2007). En ce sens, la région PACA est avant la réforme de 2015, la troisième région française en termes de production de richesses que ce soit en PIB par habitant ou en millions d’euros en 2016. Dans le détail, la structure économique de la régionPACA est plutôt tournée vers les activités de services avec une part de la population active concentrée à 84% dans le tertiaire marchand, ce qui est plus que la moyenne des quatre régions européennes avec près de 63% et même de l’Ile de France pourtant très densément représentée en activité de services avec près de 81%. La région PACA apparaît donc comme une région tertiaire suite à sa forte désindustrialisation (voir plus loin) et la progression importante des emplois liés au 23https://www.nicematin.com/vie-locale/nice-a-4-heures-de-paris-cest-pour-quand-trois-questions- que-vous-vous-posez-sur-le-tgv-sur-la-cote-dazur-150776 https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/ligne-nouvelle-provence-cote-azur- projet-est-rails-1539522.html 24https://www.lantenne.com/Classements-des-ports-mondiaux_a26954.html

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133 tourisme qui s’élevaient { 6,2% de l’emploi total et dégageaient 4,6% de la richesse régionale en 2014 (INSEE, 2018a, n°8). D’après ces éléments économiques, on distingue donc la région PACA des autres régions françaises et européennes où les activités industrielles sont mieux représentées.

Nous mobilisons également quelques données relatives à la population qui renseignent cette fois sur le profil social de la population et leur niveau d’équipement. La région PACA présente alors un visage plus contrasté, plus proche des régions méditerranéennes. C’est d’abord la deuxième région française en termes d’exposition { la pauvreté avec 17,4% de la population concernée, seule la Corse présente un taux plus élevé avec 19,8% (INSEE). Par ailleurs, si le taux d’activité reste le cinquième de France avec 73,8% des 15-64 ans, au-dessus de la moyenne française, mais en dessous de la moyenne européenne, le taux de chômage régional en revanche est le troisième plus important de France derrière les Hauts-de-France et l’Occitanie avec 11,4% de la population. Cette donnée est d’autant plus importante qu’il existerait en région PACA, autant de personnes au halo du chômage ou en sous-emploi, ce qui indique que le volume de précarité pourrait s’accroître (INSEE, 2017b, n°52).

La RégionPACA présente ainsi plusieurs signes de précarité sociale que l’INSEE explique notamment par le faible taux d’activité féminine, une part importante de familles monoparentales, mais aussi des difficultés à se loger en raison des prix du foncier parmi les plus chers de France. Ces éléments n’interfèrent pas toutefois sur l’équipement des ménages et notamment l’accès { Internet qui renseigne sur la capacité de diffusion des technologies dans la société (Prager, 2007). La région PACA est alors au-dessus de la moyenne française. Enfin, la structure des revenus des ménages présente des particularités. En effet, les revenus liés aux pensions de retraite et aux rentes sont en moyenne de deux points plus importants que la moyenne nationale (31% contre 29%). Les revenus issus des prestations sociales y sont quant { eux plus importants qu’ailleurs, signe que l’économie productive qui reste majoritaire est largement complétée par l’économie résidentielle et le tourisme. La région PACA qui contribue fortement aux richesses nationales présente ainsi une économie qui ne dépend pas uniquement des retombées des activités industrielles ou tertiaires, ce qui peut limiter l’impact des activités innovantes sur le territoire. Pour finir, c’est un terrain d’inégalités, la deuxième région de France en 2014, où les écarts entre les 10% de la population la plus riche et des 10% les plus pauvres sont les plus importants (INSEE, 2017c, n°53).

Ainsi, le cadre territorial de la région PACA présente une image géographiquement contrastée, avec une tendance à la bipolarisation exercée par les métropoles de Nice à l’Est et de Marseille { l’Ouest. Elle est un espace majeur de création de richesses pour l’échelon national, dont le rayonnement et l’attractivité sont soutenus par de grandes infrastructures logistiques et de communication. Mais c’est aussi un lieu d’inégalités sociales et territoriales. On y note une précarité sociale en termes d’accès { l’emploi, un taux de pauvreté fort, ainsi qu’une structure des revenus ne dépendant pas seulement de l’activité, mais aussi de rentes et retraites. D’un point de vue stratégique toutefois, la région PACA est au cœur d’un carrefour euro-méditerranéen d’envergure, lui donnant

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134 un rôle politique et un potentiel de développement que les présidents de région ont toujours cherché à valoriser.

4.2 Un système industriel en transition vers les activités