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Globalisation, crises et politiques publiques en faveur de l’innovation

2.2 Géographies de la crise

Plus un système économique est globalisé, plus il est exposé, complexe et donc plus il présentera des fragilités/faiblesses (Aglietta et Le Cacheux, 2007). Dans ce sens, le capitalisme globalisé induit de très grandes perspectives de développement et de croissance, donc d’expansion et de mutations socio-économiques accélérées, mais, simultanément, il induit une propagation galopante des phénomènes de vulnérabilités, de bouleversement, voire d’irréversibilité (Levy, 2007).

Sans que les crises n’aient été provoquées directement et uniquement par l’avènement de l’économie de la connaissance, ou du modèle de développement économique capitaliste dominant, celles-ci sont aujourd’hui plus fréquentes, de plus grande ampleur,

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58 plus diversifiées, potentiellement cumulatives et leurs impacts particulièrement brutaux (Martin, Rowthorn, 1986 ; Cowie et al 2003 ; Fontagné et Lorenzi, 2005 ; Nesta 2010 ; Bost, 2012, 2014 ; Baudelle et Fache, 2014).

Depuis la fin des années 1980, les crises ne touchent plus seulement la sphère collective, mais impactent également l’individu en tant que personne, le fragilisant, l’excluant et le précarisant (Beck, 2001 ; Pumain et al, 2006). Nous souhaitons ici comprendre le renouvellement des liens entre la société, l’économie et les territoires, mais également la matérialisation spatiale des phénomènes de crise et avancer le territoire et l’innovation comme solution, facteur de résistance et de rebond.

Pour bien percevoir ce que représente la crise en géographie, nous questionnons ici ses temporalités (2.3.1), d’abord en tant qu’évènement brutal (a), puis en tant que processus cyclique faisant naître des trajectoires particulières (b). De cette façon, dans une approche chronologique, nous verrons que les marqueurs spatiaux ne sont pas les mêmes et font apparaître une chronologie territoriale en temps de crise. Nous justifierons ensuite notre choix de l’évènement de crise de 2007-2008 (2.3.2), en le singularisant des autres crises majeures survenues depuis deux siècles (a) et présenterons notre positionnement scientifique au regard de la thématique déjà étudiée en géographie de l’innovation (b).

Ainsi, nous montrerons en quoi la crise économique de 2007-2008, peut attester de la complexification de la géographie de l’innovation et de la globalisation et en quoi ce travail de thèse s’inscrit dans une contribution { un renouvellement disciplinaire nécessaire.

2.2.1 La crise : d’un évènement cyclique { un processus territorialisé

Que l’on suive le sociologue Marcel Merle qui affirme que « le monde a toujours été en crise » (Merle, 1978, p.4), ou le penseur Edgar Morin qui dit d’une société qui évolue « qu’elle se détruit pour se récupérer et que c’est une société où se multiplient les événements » (Morin, 1972, p.15), nous souhaitons ici dépasser la simple vision négative et ponctuelle de la crise. Le temps de cette dernièreest en effet celui de l’évènement qui questionne l’impact et la cause (a), mais aussi celui du processus qui dit les conséquences, les trajectoires et mobilise les géographes sur les traces spatiales en présence (b).

-a- La nécessité de caractériser la crise

Notre propos ici est de montrer que la crise est un évènement brutal, parfois accidentel, régulier, régénérateur d’un système économique, mais dans le même temps engendrant un déséquilibre, que nous souhaitons aborder comme un processus particulier.

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Un événement brutal, une rupture

Du latin impérialcrisis et du grec krisis, la crise désigne d’abord le choix, la séparation, la

coupure (Brunet, 1993 ; Hugon et al, 2002). En médecine,d’où son étude est initialement issue, elle constitue une « phase grave dans l’évolution des choses, des évènements, des idées » (Larousse, 2011, p.270). Individuelle { l’origine, avec une forte résonnance psychologique, elle devient collective en prenant un caractère social, politique ou économique. Dans les deux cas, elle est évocatrice d’images négatives et repoussantes (Bremond et Geledan, 2002), auxquelles on associe des mots à fortes connotations angoissantes, tels que « dégradation », « fragilités » mais aussi « violence », « impacts », « ruine irrémédiable » ou encore « destruction », « tension ». L’évènement de crise vient ainsi impacter négativement des acteurs, des espaces et dégrader un « équilibre » établi. C’est ainsi que l’ensemble des disciplines s’intéressant au terme de crise évoque de façon unanime une idée de séparation, de rupture par rapport à un état ex-ante. L’anthropologie lui confère, par exemple, un caractère évènementiel, que le sociologue Claude Dubar illustre comme « un état de décalage avec la situation normale » (Dubar, 2010, pp.8-9). En psychologie, c’est « le temps du traumatisme, le paroxysme de la maladie », en médecine, « la discontinuité profonde d’un processus évolutif », et en sociologie un baromètre, « une temporalité qui balise l’évolution du lien social » (Larousse, 2011).

Cette périodisation des crises se retrouve aussi en économie où elle est utilisée le plus couramment (Ravail, 2004). Elle fait alors référence à une phase de différente nature (dépression, surproduction, etc.) due à une incapacité des acteurs à maîtriser le système économique brutalement dégradé (Ravail, 2004). C’est la rupture d’un rythme de croissance ou encore le renversement d’une tendance au cours d’une évolution (Larousse, 2011). La rupture émerge dans l’abandon de relations qui unissent différents éléments du système économique tels que les forces productives et les rapports de production, mais quipeuvent également être causées par une accumulation excessive du capital ou un dérèglement monétaire spéculatif.

La crise appréhendée comme un évènement (Figure 5, P.60) sous-tend donc l’idée d’impact et de rupture pour une organisation préétablie et a priori relativement stable. On devine par ailleurs un avant et un après qui permettrait d’appréhender l’événement dans toute sa complexité et d’évoquer des fragilités et des déséquilibres pouvant { la fois bouleverser la constitution d’un système dans son ensemble, et { la fois déclencher des constructions nouvelles.

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60 Figure 5. La crise - évènement.

Un évènement cyclique de différentes natures

Selon une approche géoéconomique, l’évènement de crise doit être positionné dans un cadre, celui des fluctuations économiques de grande échelle, pour en comprendre les causes et les conséquences spatiales. Nous souhaitons ainsi déterminer à partir des fluctuations irrégulières de l’économie, ce que représentent les crises, ce qui les provoque pour montrer que les discours qui les entourent sont trop souvent empreints de négativité.

Une approche classique de l’économie l’inscrit dans une logique d’objectifs de croissance et de développement que les sociétés humaines et systèmes productifs atteignent ou non dans le temps, grâce aux facteurs de production travail (population active occupée, niveau de compétences, durée et qualité du travail) et capital (installations, matériel, équipements). L’économie s’appréhende alors comme un système en équilibre dynamique où il n’y a pas de finalités irrémédiables, mais différentes phases identifiables.

Du point de vue du marché, on parle ainsi d’évolution de conjonctures, qui s’inscrivent elles-mêmes dans des cycles économiques plus ou moins longs (selon la stabilité du régime d’accumulation et de régulation) et qui ont comme point commun de présenter des phases dites de croissance, mais également des phases de ruptures, qu’on peut qualifier de crises (Gauthier et Reynaud, 1989). Lorsque ces dernières suivent les conjonctures de la croissance, elles sont conjoncturelles. Elles sont { l’inverse structurelles lorsqu’elles sont fragilisées par la nature même du fonctionnement économique.

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61 Figure 6. Schéma des cycles longs de Kondratieff. D’après, Tonglet, 2004.

Dans le cas des cycles longs développés par Kondratieff (Figure 6), qui durent entre cinquante et soixante ans, on est essentiellement en présence de changements structurels qui peuvent être irréversibles (modes de production, systèmes financiers, normes de consommation) (Kondratief, 1992). Ici, les phases de croissance correspondent { des innovations technologiques importantes et l’évolution des modes de vie qui y est associée les stimule selon un cercle vertueux. La crise intervient à l’inverse en cas d’absence de production de produit nouveau et/ou en cas de ralentissement des évolutions sociales. L’innovation apparaît alors au cœur de ce cycle long, comme un moteur de croissance, un facteur de développement. La conjoncture a donc évolué aux rythmes des grandes phases d’innovation historiques, telles que la machine { vapeur et le coton, le chemin de fer et l’acier, l’électricité et la chimie, la pétrochimie et la voiture et désormais les nouvelles technologies.

Toutefois, plusieurs analyses se prêtent aux cycles longs. La plus célèbre est celle de Schumpeter et sa Théorie de l’évolution économique où il explique que l’innovation formate le cycle (Schumpeter, 1935). L’innovation offre d’abord { l’entrepreneur- innovateur un pouvoir de monopole, puis les gains tirés par l’innovation sont partagés par les entreprises. L’essoufflement des revenus de la consommation et de l’augmentation des prix fait ensuite ralentir le processus. Schumpeter décrit un modèle de destruction créatrice où l’obsolescence d’anciens produits est palliée par la gestation de nouveaux produitsà un moment où les taux d’intérêt sont bas (Schumpeter, 1935). En parallèle de cette analyse, de nombreuses autres approches sur les cycles longs ont été développées, intégrant de manière plus ou moins affirmée le rôle déterminant de l’innovation dans leur évolution. Alors que Schumpeter s’intéresse { l’introduction

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62 technique de l’innovation et aux dynamiques concurrentielles entre les capitalistes- entrepreneurs, en montrant bien qu’il soutient le fait que l’entrepreneur dynamique et donc l’innovation contribuent { entraîner l’économie vers la voie de l’évolution, les marxistes eux s’interrogent sur le lien entre incorporation de l’innovation dans le processus de travail et l’expulsion de la force de travail en dehors de la production, soit une vision improductive du capital et donc de l’innovation (Marx, 1867).

Il existe d’autres manières d’appréhender la crise, cette fois en fonction de cycles plus courts. Schématiquement (Figure 7), les cycles courts décrivent une dépression initiale, où la forte concurrence impose aux entreprises d’innover pour survivre. Le crédit bancaire sert à financer ces innovations et progressivement la rentabilité d’investissement s’inverse créant un cercle vertueux d’expansion. La crise réémerge alors quand les innovateurs sont à nouveau concurrencés et que la demande devient moindre tout comme les marges. La reprise se fera alors lors d’une nouvelle vague d’innovation. Ainsi, les cycles de croissance apparaissent déterminants dans la compréhension de l’émergence de phénomènes de crises, car les évolutions conjoncturelles et structurelles n’ont pas les mêmes temporalités.

Ces crises présentent alors plusieurs origines technologiques, bancaires, agricoles, industrielles, financières, économiques, diplomatiques, internationales, sociales, de confiances (Le Petit Robert, 2011). Elles peuvent donc affecter une branche ou l’ensemble de l’économie (Cabanne, 1992).

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63 Elles n’ont également pas non plus le même rapport { l’innovation. Selon leurs deux grands théoriciens, Clément Juglar et Jean Lescure, il existerait des cycles courts surtout conjoncturels, qui rythmeraient des cycles longs plus structurels. Au cours de ces cycles, on observe la présence de crises aux causes plus complexes (instabilité des taux d’intérêt, fluctuation du commerce extérieur, mouvements sociaux…) et où l’innovation joue un rôle remarquable. Les cycles de Juglar qui durent de 8 à 10 ans sont donc dépendants de la sphère monétaire et la place de l’innovation n’est pas formulée ouvertement, c'est-à-dire qu’on peut penser qu’elle se trouve dans la phase d’expansion, évoquée par Juglar comme « le moment de la hausse de production » (Juglar, 1862). Chez Lescure en revanche, c’est la sphère réelle qui est importante et la logique y est plus simple : s’il y’a profit, il y aura rentabilité, investissements et donc une croissance forte (Lescure, 1938). La crise est alors le décalage entre l’évolution différenciée des prix et des coûts de moyen de production. En effet, lorsque les prix baissent plus vite que le coût de production, on est en période de dépression. Dans la conception de Lescure, la crise incarne ainsi une fonction d’assainissement et de purge.

Enfin, la crise peut prendre plusieurs natures différentes ; celle d’un accident, d’un dérèglement ou d’une mutation. Dans chacun des cas, la crise est une notion dépendant des perceptions d’acteurs, une même crise pouvant être évaluée de façon différente (Dutton, 1986).

La crise comme accident. Dans ce cas-l{, la crise s’entend comme le résultat d’un choc

exogène (naturel, technologique, politique) et sa sortie s’obtient soit naturellement, soit par une intervention étatique. Autrement dit, malgré la présence de plusieurs évènements perturbateurs et les conséquences multiples que cela implique, le système retrouverait lui-même un nouvel équilibre. Il est supposé que le système capitaliste en place, actuellement capitaliste dominé par la finance serait capable de se rétablir automatiquement. Les récents exemples ont prouvé le contraire (perfusion d’aides pour rétablir les finances publiques d’États surendettés). On peut penser qu’il n’y a pas nécessité ici de mobiliser l’innovation incrémentale.

La crise comme dérèglement. C’est une vision plus « structurelle » de la crise qui trouve

sa source dans le mauvais fonctionnement ou la mauvaise régulation de l’économie. On peut citer les cas des crises industrielles (1873-1882), où l’on identifie des bouleversements de sous ou de surproduction. Malthus y voit un excès de l’épargne qui limite la demande et entraîne un engorgement général et Sismondi évoque un problème de sous-consommation parallèle à de la surproduction (Wolff, 1994 ; Arena, 2014). On est donc ici sur des crises de conjonctures, qui présentent un brutal retournement de l’activité, suivi ensuite par une baisse généralisée des indicateurs économiques. Ce sont des crises endogènes pratiquement inéluctables dans le fonctionnement du système, pouvant être particulièrement nocives, mais sans risque d’irrémédiabilité sur l’existence d’un système économique. L’innovation peut alors y être mobilisée comme tentative de relance.

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La crise comme mutation. Sous l’effet de déséquilibres économiques trop importants, ces

crises sont celles qui imposent les mutations structurelles les plus grandes et qui peuvent parfois se superposer { un début de cycle de Kondratieff { base d’amélioration pour de nouvelles prospérités. De cette façon, ce sont souvent les grandes crises, synonymes de changement majeur et qui nécessitent un interventionnisme politique à même de relancer l’économie. Plus qu’une simple évolution économique, ces crises peuvent se cumuler dans un environnement historique et politique particulièrement instable, { l’image de 1929 et l’enchaînement de processus politiques déstabilisateurs comme l’avancée du nazisme, l’arrivée de Roosevelt au pouvoir, l’activation du protectionnisme. Ce sont généralement ces crises qui débouchent sur les plus grands électrochocs, notamment par la construction de nouveaux équilibres entre offre et demande, et un renouvellement des politiques en elles-mêmes.

Un processus

Le rapport humain { la crise a évolué avec le temps de sorte que l’homme, aujourd’hui, fait plus que subir ou traverser une crise ; il la gère, s’en sort et en décrit l’évolution (Courbon, 2010). Plus que la gravité potentielle de la crise, c’est le lien { la fatalité du processus et { l’incertitude qu’elle génère qui a encouragé les sociétés humaines à mieux maîtriser ces phénomènes récurrents (Courbon, 2010). Elles ont appris avec le temps à mieux gérer une situation complexe en se positionnant face à celle-ci, grâce à « l’auscultation du processus, examens des signes de la crise qui décriraient un changement en cours, en vue d’un diagnostic » (Courbon, 2010, p.65). Autrement dit, il s’agit pour les sociétés humaines d’intégrer et de dépasser l’évènement.

La crise n’est donc pas un phénomène figé, inéluctable et passager, mais bien un processus dont il est difficile de prévoir l’entrée et la sortie. Si l’on veut mesurer l’ampleur de ce challenge pour les sociétés actuelles, on peut dire que la crise constitue un véritable baromètre de l’action humaine, individuelle ou collective. La gestion de la crise se trouve ainsi grandement déterminée par les décideurs politiques qui y voient un enjeu dans la poursuite d’un état stable du système socio-économique.

Par son aspect menaçant, complexe et imprévisible, la crise ouvre également un vaste sujet d’étude devant déboucher sur des outils de prévention pour les futurs chocs. La littérature, de gestion notamment, propose, par une classification des crises selon ses éléments déclencheurs, son caractère interne ou externe ou encore ses cibles, des perspectives d’actions et un cadre de jugement aux décideurs (Pundrich, Brunel et Barin-Cruz, 2009). On note également deux autres entrées analytiques concernant les crises que sont les approches événementielles (Hermann, 1963) et processuelles (Forgues, 1996). Dans le premier cas, la crise est un accident, un évènement ponctuel qui peut être déterminé dans un cadre de temps et d’espace spécifique. On s’intéresse alors { la nature de l’évènement (causes) et { ses conséquences. Dans le second cas, celui qui nous intéresse ici, la crise concerne la perte du système de référence et l’analyse doit

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65 prendre la crise dans une fourchette de temps et d’espace particulièrement élargi. Ses origines, son incubation, et sa dynamique de fonctionnement sont prises en compte de façon à comprendre quels éléments connus ont conduit au déroulement d’un dysfonctionnement.

Dans notre cas d’étude, nous nous rangeons derrière l’appréhension de la crise comme processus (Pundrich et Barin-Cruz, 2009). En effet, cette vision présente les avantages de ne pas résumer la crise à une vision « catastrophique », mais également de considérer le phénomène selon un avant, un pendant et un après. Nous tenons compte en ce sens du temps de l’évènement, de la compréhension et de la réaction. La crise est donc un évènement bouleversant certes l’équilibre établi, mais également un puissant vecteur de transformation d’une organisation, d’un système ou d’un acteur (Roux-Dufort, 2000 ; Libaert, 2005). Brunet parle en ce sens « de crise comme tendant toujours vers l’innovation et le changement » (Brunet, 1993, p.136). Descartes aussi voit la crise comme « un moyen de construire quelque chose de nouveau et de mieux », tandis qu’Edgar Morin décrit la crise comme « portant un double visage avec destruction et solution, car elle possède les déterminants de l’issue favorable comme de la destruction totale » (Morin, 1976, p.161). Autrement dit, l’innovation conceptuelle serait dans la crise.

-b- En géographie, un processus systémique et territorialisé

Dans le cadre de notre analyse géoéconomique théorique, nous cherchons à croiser le temps de la crise ainsi que ses marques et dynamiques spatiales. Ainsi, la crise n’est pas seulement un évènement associé à des impacts, c’est un processus séquentiel et systémique territorialisé, composé de marqueurs multiples qui illustreront l’étude du cas de 2007-2008 (2.3.2).

De l’espace support au territoire système

En plus de se propager dans le temps selon une logique séquentielle (avant, pendant, après), la crise et sa diffusion sont favorisées par la mondialisation qui accélère leur rythme et la fragilisation des espaces.

L’espace a longtemps été considéré comme le support neutre des activités économiques. Dans ce contexte, l’analyse classique de l’agglomération des entreprises découlait de la recherche d’économies d’échelles que l’entreprise pouvait réaliser localement (Laperche et Uzunidis, 2011). Puis, dans les années 1980, émerge une géographie évolutionniste et institutionnelle, reconnaissant que l’évolution de l’entreprise dépend désormais de son intégration dans des dynamiques locales où il existe une « dépendance au sentier » (Hassink, 2010). Les lieux jouent un rôle important dans l’explication des évolutions technologiques et la trajectoire des territoires est la conséquence de l’évolution historique du système économique (Hassink, 2010). Dans ce contexte, les nouvelles compétences de l’entreprise s’intègrent { des trajectoires territoriales déterminées par

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66 les composantes singulières des espaces locaux (histoire, routines, coutumes, normes) (Laperche et Uzunidis, 2011).

L’économie est ainsi territorialisée et l’espace apparaît comme un « système local d’innovation », un « système apprenant » en évolution, un milieu innovateurqui doit lui- même être capable de produire des dynamiques de croissance pour son propre développement (Aydalot, 1986 ; Longhi et Quéré, 1993 ; Florida, 1995 ; Camagni et Maillat, 2006). Dans ce cadre, la façon dont un espace produit de l’innovation devient