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Innovation et territoire, une approche géographique

1.2 L’innovation : un objet d’étude géographique récent et protéiforme

Après avoir présenté l’innovation comme un processus complexe, car récursif, cyclique et facteur d’instabilité, nous souhaitons { présent nous intéresser { la dimension spatiale de l’innovation (1.1.2). Pour cela, nous allons présenter différentes approches géographiques de l’innovation de sa diffusion à sa territorialisation (1.2.1), en mettant l’accent sur les différents territoires qui s’en dégagent (1.2.2). Puis, nous montrerons les trois différentes approches géographiques de l’innovation (1.2.3), avant de conclure par la place prépondérante acquise par l’innovation depuis l’avènement des Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC) et dans l’économie de la connaissance (1.2.4).

1.2.1 De la diffusion de l’innovation { la hiérarchie territoriale

Depuis son identification par Schumpeter à la fin du XIXème et au début du XXème siècle, l’innovation a été étudiée, d’un point de vue spatial, sous l’angle de sa diffusion, des hiérarchies territoriales qu’elle génère avant d’être abordée par l’analyse des interactions remarquables au sein des territoires qui la génèrent.

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41 C’est avec les travaux de Torsten Hägerstrand (1968), que l’innovation est envisagée directement comme un objet spatial. Le géographe suédois propose de caractériser l’innovation comme un processus de diffusion hiérarchique se développant en quatre étapes (Hägerstrand, 1968). La première étape est caractérisée par un fort contraste entre le/les centres d'innovation et les zones qui en sont éloignées. L’innovation se diffuse ainsi en fonction de la distance géographique et/ou de la distance socioculturelle. La seconde étape décrit un mouvement centrifuge à travers la dispersion de la nouveauté dans des aires de plus en plus lointaines. La troisième étape correspond à une forte diminution des disparités. Enfin, la quatrième étape est celle de la saturation caractérisée par une augmentation asymptotique de la diffusion qui tend vers un maximum (Hägerstrand, 1968).

Complémentaire de la vision de Schumpeter, l’approche du géographe suédois qui décrit « la présence d’un lieu émetteur et d’un lieu récepteur » (Baud et al, 2008) fait naître un lien direct entre le temps et l’espace de l’innovation. Antoine Bailly parlera plus tard « de prise en compte du temps dans l’espace » (Bailly, Ferras et Pumain, 1995, pp. 578-579). On observe de cette façon la structuration d’un courant académiquediffusionniste qui va tenter de localiser, quantifier et spatialiser la diffusion de l’innovation. Étant supposé que l’innovation amène le développement d’un espace, sa géographie décrit certaines hiérarchies territoriales qui la font appréhender comme « un remarquable facteur de rente différentielle et donc de différenciation des lieux » (Brunet et al, 1993, p.256). Au début des années 1980, sous l’inspiration des travaux en analyse spatiale du géographe anglais Peter Haggett (Haggett, 1973), Denise Pumain propose une conception systémique et urbaine de l’innovation en la décrivant comme « un phénomène spatial se développant souvent au sein des villes et donc de ce fait, socialement acceptée » (Hagget, 1973 ; Pumain, Saint-Julien, 1990 ; Pumain et al, 2006, pp.159-160). La géographe française analyse les interactions territoriales qui découlent de la diffusion de l’innovation sous la forme de différentes articulations : d’abord « centre-périphérie et effets de voisinage » et plus tard sous l’angle de « configurations en réseau » (Lévy et Lussault, 2006). La ville apparaît comme le primo-capteur des innovations au détriment des zones où elle se diffuse.

L’espace urbain est celui qui concentre les acteurs et les outils nécessaires { l’innovation : les équipements et infrastructures de pointe, les entrepreneurs avant-gardistes, créatifs, mais aussi une population réceptive aux nouveautés qui entretient une demande constante. Les méthodes quantitatives, la théorie des systèmes et l’analyse spatiale (Hagget, 1973 ; Pumain et Saint-Julien, 2006) permettent alors d’élargir l’étude des mécanismes de l’innovation au-delà même de son fonctionnement linéaire et économique, en tenant compte d’une dimension récursive et des problématiques sociales, culturelles, politiques et urbaines que l’innovation génère.

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1.2.2 Du district au système : vers une géographie économique et urbaine de l’innovation

Progressivement, l’innovation apparaît comme un champ d’études spatiales particulièrement fécond en concepts et outils d’aménagement du territoire. C’est en effet grâce { une meilleure compréhension de l’organisation et du fonctionnement des territoires de l’innovation, que les politiques tentent d’orienter leur développement économique et d’identifier les meilleures modalités organisationnelles et spatiales de la production d’innovations.

Depuis qu’ils travaillent sur la notion d’innovation, les économistes spatiaux et les géographes ont cherché à comprendre les bouleversements/mouvements spatiaux induits par la production d’innovations (Aydalot, 1976, 1986 ; Krugman, 1980, 1991 ; Scott et Storper, 1986 ; Fujita et al, 1999 ; Veltz, 2002 ; Pecqueur et Zimmermann, 2004). Ils se sont intéressés plus précisément { la phase amont de l’innovation c'est-à-dire à la créativité, en étudiant ses acteurs et leurs dynamiques de production d’innovation. La dynamique de production d’innovation qui naît { partir de la créativité est ainsi considérée par Michel Godet comme « la mère de l’innovation » (Godet et al, 2010, p.7) nécessitant la mobilisation et le croisement d’un certain nombre de connaissances sur des territoires que Richard Florida décrit comme « capable d’attirer et de retenir les gens talentueux en leur offrant qualité de vie et possibilité de travail intellectuel et scientifique » (Florida, 2001, in Suire, 2003, pp.6-7).

Pour ces deux auteurs, il s’est agi de comprendre quels contextes, quelles particularités locales, quels espaces rendent les gens créatifs. Leurs travaux s’inscrivent de ce point de vue dans une longue tradition d’études reposant sur les analyses d’Alfred Marshall concernant des lieux, dits districts industriels, qui favoriseraient le croisement des compétences par la présence d’employés spécialisés et d’industries complémentaires permettant l’émergence d’une atmosphère particulièrement favorable { l’innovation (Marshall, 1890).

C’est { partir des années 1970 que les districts marshalliens ont été réellement revisités et mobilisés par les sciences régionales et la géographie pour comprendre les rapports qui existaient entre innovation et territoire. L’exemple de la Troisième Italie et de ses districts industriels résistant particulièrement bien à la crise économique internationale grâce à un système organisationnel entrepreneurial flexible fonctionnant en coopétition (Bagnasco, 1977) proche de l’atmosphère marshallienne montre l’importance de l’écosystème local et des valeurs, des croyances et des comportements de sa communauté (Bagnasco, 1977 ; Beccatini, 1992).

C’est également dans cette même optique que le Groupe de Recherche Européen sur les Milieux Innovateurs (GREMI) proposel’analyse du « milieu innovateur » comme facteur de créativité. Pour le groupe de recherche emmené par l’économiste Philippe Aydalot, l’importance des ressources localement ancrées, même dans une économie jugée

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43 volatile, est identifiée comme un nouveau facteur clé de la géographie de l’innovation. Selon Aydalot, « l’entreprise innovante ne préexiste pas aux milieux locaux mais serait secrétée par eux » (Aydalot, 1986). Les comportements innovateurs dépendent ainsi essentiellement de variables définies au niveau local ou régional. En effet, le passé des territoires, leur organisation, leur capacité à générer un projet commun, le consensus qui les structure, sont { la base de l’innovation. L’accès { la connaissance technologique, la présence de savoir-faire, la composition du marché du travail et bien d’autres composantes des milieux locaux, déterminent des zones de plus ou moins grande «innovativité » (Aydalot, 1986, p.10).

Dans la globalisation, les milieux innovateurs sont donc perçus comme des incubateurs de l’innovation. Ils se matérialisent, notamment, dans les pays les plus développés par une première vague d’aménagements volontaristes : les technopôles (Grondeau, 2018). Construits sur le modèle des premiers science parks de la Silicon Valley aux États-Unis, ces parcs industriels dédiés à la haute-technologie se caractérisent par une concentration, sur un espace restreint et délimité, de petites et moyennes entreprises innovantes à proximité de centres de recherche de formations scientifiques et d’organisations financières. Ces nouveaux espaces, dont Benko propose une géographie (Benko, 1991), illustrent l’idée selon laquelle la spécialisation flexible basée sur la concentration d’entreprises en un même lieu permettrait de réduire les coûts de transaction entre les firmes (Piore et Sabel, 1984 ; Leborgne et Lipietz 1992 ; Benko et al, 1997). Allen John Scott dans Technopolis (Scott, 1993), puis Castells et Hall, dans Technopole of the World (Castells et Hall, 1994), montreront les avantages comparatifs de ces nouveaux territoires et la reproductibilité de leur modèle d’aménagement un peu partout dans le monde.

Allant au-delà de ces constats, Anna Lee Saxenian affirme pour sa part que ce sont les réseaux sociaux (professionnels, communautaires, amicaux…) qui favorisent la création d’entreprises, en se fondant sur une analyse comparative de la Silicon Valley et de la route 128 (Saxenian, 1994). Les travaux de l’enseignante chercheuse de Berkeley annoncent un virage dans la manière d’appréhender les territoires de l’innovation. À partir des années 1990, les recherches portant sur la compréhension de la performance des territoires de l’innovation vont en effet évoluer progressivement en s’intéressant de plus en plus { la notion de réseau. Michael Porter aborde les liens entre compétitivité et innovation dans son ouvrage The Competitive Advantage of Nations où il croise la compétitivité internationale avec celle des entreprises en affirmant que celle-ci réside dans le dynamisme des clusters (Porter, 1990). Dans cette optique, l’école de la Proximité française composée d’économistes, de sociologues et de géographes, s’intéresse à la fin des années 1990 aux différentes formes de proximités (organisationnelle, institutionnelle et géographique) suscitant du développement économique et donc de l’innovation (Gilly et Torre, 2000 ; Pecqueur et Zimmermann 2004 ; Bouba-Olga, Carincazeaux et Coris 2008 ; Carincazeaux, Grossetti et Talbot 2008 ; Torre, 2009, 2010). Ces travaux insistent sur la dimension interactive et située des

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44 individus ayant une démarche économique et décrivant de façon inédite l’innovation en réseau. De cette façon, l’innovation purement technologique est remplacée par une vision socio-culturelle des organisations productives comme une émanation moderne des districts industriels en y ajoutant une dimension politique (Daviet, 2003a).

Les géographes traduisent alors ces réflexions par l’identification d’espace plus adaptés { l’émergence de cluster, notion alors { la mode pour désigner les organisations spatiales qui dicteront les futures politiques d’aménagement. Bernard Pecqueur parle de développement local (Pecqueur, 1989), pointant une véritable action volontaire en faveur de l’innovation, signe que si l’innovation ne se décrète pas, elle peut toutefois être encouragée (Pecqueur, 1989). L’échelle régionale est aussi mise en avant par Benko- Lipietz dans Les régions qui gagnent (Benko et Lipietz, 1992) et La richesse des régions (Benko et Lipietz, 2000).

À partir des années 2000, les organisations productives sont en mutation. Les milieux innovateurs n’accueillent plus seulement des entreprises, mais on évoque des systèmes d’innovation qui comprennent un territoire, un réseau d’acteurs avec { la tête une institution chargée de piloter l’ensemble(Auneau, 2009). Cette voie est défendue par les économistes régulationnistes (Boyer et Lipietz) qui voient en la régulation des systèmes économiques régionaux l’influence mutuelle d’un régime d’accumulation et d’un mode de régulation sociale et par les géographes (Benko, Lipietz, Storper, Scott), qui reprennent ces idées par l’imbrication des espaces industriels dans des tissus complexes d’ordre politico-institutionnel qui fondent au final les systèmes de production locaux (Benko, 2008, p.20). L’émergence d’industries de nouvelles technologies implique une intégration plus forte du territoire et donc une géographie des systèmes productifs (Fache, 2002 ; Daviet, 2003a). La géographie de l’innovation concentre ainsi son attention sur les relations entre acteurs en employant une approche systémique qui se matérialise par les notions de Système National d’Innovation (SNI), Système Métropolitain d’Innovation (SMI) et Système Régional d’Innovation (SRI).

Les systèmes nationaux d’innovation sont présentés en premier lieu par Lundvall et Porter (Porter, 1990 ; Lundvall, 1992) comme une approche top-down de l’innovation, avant que les chercheurs tentent de théoriser l’innovation comme un processus systémique et interactif à différentes échelles où dans différents domaines. David Doloreux désigne ainsi le système régional d’innovation comme « un ensemble d’acteurs et d’organisations (entreprises, universités, centres de recherche, etc.) qui sont systématiquement engagés dans l’innovation et l’apprentissage interactif { travers des pratiques institutionnelles communes » (Doloreux, Bitard, 2005, p.7). Le processus d’innovation est alors perçu au croisement d’une échelle spatiale adaptée (la région), de l’innovation, du réseau, de l’apprentissage et de l’interaction. Bien que fonction des contextes locaux en présence, la région devient progressivement l’échelon central de l’étude de la géographie de l’innovation au détriment des seules aires/milieux urbains. Plusieurs déclinaisons sont néanmoins proposées pour compléter l’approche de

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45 l’innovation par l’interaction, comme les systèmes locaux de compétences (Grossetti, Zuliani, et Guillaume, 2006), les systèmes sectoriels d’innovation (Malerba, 2002), les systèmes métropolitains d’innovation (Diez, 2002).

Enfin, sous l’effet de la révolution numérique, le panorama de la géographie de l’innovation s’est enrichi de nouvelles formes d’espaces publics au croisement entre lieu de travail et domicile : les tiers-lieux (Burret, 2014). Au sein de cette famille composée de membres très hétérogènes, on distingue depuis le début des années 2000 aux États- Unis et début 2010 en France, les Fablabs ateliers collaboratifs plus ou moins ouverts au grand public, dont la vocation première est de favoriser la démocratisation de la production d’innovations et les collaborations pouvant les générer. Ils forment et permettent ainsi l’émergence d’innovations socioterritoriales à plusieurs titres, notamment en invitant chaque acteur à prendre part au processus de création en fonction de leurs compétences (Ferchaut et Dumont, 2017), grâce à des techniques originales d’expérimentation, de collaboration et d’apprentissage (Germinet, 1997, Lallement, 2015) inspirées du mouvement hacker/maker (Bosqué, 2015 ; Lhoste et Barbier, 2016) et ensuite parce qu’au regard des institutions publiques, notamment en France, ils constituent des lieux au fort potentiel de croissance économique et d’égalité socioterritoriale. Ils auraient ainsi le potentiel pour favoriser la compétitivité des territoires tout en luttant contre la fracture numérique et les effets locaux des crises cycliques économiques, sociales ou technologiques (Grondeau, Cabanel, 2019).

1.2.3 Trois approches de l’innovation

Si l’on croit la chronologie du développement de la géographie de l’innovation depuis les théories d’Hägerstrand jusqu’aux thèses et ouvrages les plus récents, nous pouvons ainsi distinguer trois façons de l’appréhender qui peuvent s’avérer complémentaires.

La première est l’étude de la diffusion de l’innovation. Fondée sur la théorie d’Hägerstrand, elle s’intéresse au volet technologique de l’innovation, et décrit la prépondérance de l’échelle urbaine dans les dynamiques innovantes. Ici, il est clairement établi que la ville présente une capacité d’attractivité supérieure aux autres espaces et concentre potentiellement plus de talents et d’inventivités que les autres lieux. Ceci s’explique par des caractéristiques géographiques de centralité et de concentration de l’offre d’équipements et de services rares. Dans cette optique, il s’agit pour les géographes d’analyser les relations entre les centres et les périphéries, en intégrant l’idée que chaque territoire présenterait une rente de spécialisation (Ricardo, 1817, ed 1999). Ainsi, les modèles initiaux des pôles de croissance de François Perroux (Perroux, 1964) ou la théorie des places centrales de Christaller (Christaller, 1966) s’inscrivent dans ces réflexions et abordent la hiérarchisation des lieux caractérisant fortement la géographie de l’innovation. Selon eux, c’est de la ville que part la diffusion de l’innovation, ce que confirme Laurent Carroué dans ses travaux sur la mondialisation et ses différents espaces (Carroué, 2004), mais également Pierre Veltz qui voit le monde

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46 comme une économie d’archipel (Veltz, 1996 ; Dolfus, 1997). Selon les réflexions de ce dernier, la géographie de l’innovation passe d’une pyramide urbaine hiérarchisée { une toile de relations entre métropoles mondiales.

La seconde approche géographique de l’innovation est celle des configurations territoriales optimales. Elle questionne, au regard de l’histoire économique contemporaine, la pertinence et l’efficacité des formes d’organisations territoriales devant contribuer au développement économique et { l’innovation. Selon les idées de Marshall (Marshall, 1919) puis de Beccatini (Beccatini, 1987, 2000), cette approche se fonde sur la nécessité d’une organisation basée sur les capacités locales des territoires { assurer leur développement. Grâce à de nombreux travaux monographiques, différents géographes ont analysé les modèles de technopôles, districts, clusters, contribuant ainsi à entretenir les capacités planificatrices des pouvoirs publics (Colletis, 1992 ; Grondeau, 2007 ; Grandclément, 2012). L’École de la proximité, aux confluents de l’économie, de la géographie et de la sociologie, se retrouve également dans cette perspective en essayant de décrypter les mécanismes d’organisations formels (proximité géographique et institutionnelle) et informels (proximité organisationnelle et sociale) sur laquelle se construisent les processus de développement local et d’innovation (Rallet et Torre, 1995 ; Rallet 2002 ; Zimmermann 2008 ; Bouba-Olga et Grossetti, 2008). Cette seconde approche analyse également les atouts et les faiblesses de l’interventionnisme politique dans sa capacité à reproduire ex nihilo, ce qui a fonctionné de façon spontanée par ailleurs, en particulier dans la Silicon Valley. Il s’agit alors de proposer un positionnement critique, notamment par l’intermédiaire de thèses récentes telles que les travaux d’Alexandre Grondeau sur les territoires de l’innovation, en particulier sur la pertinence des organisations technopolitaines (Grondeau, 2006, 2007) ou encore la viabilité des réseaux de type pôles de compétitivité décrits par Antoine Grandclément (Grandclément, 2012).

La troisième approche aborde enfin le rôle clé joué par l’acteur public dans la conduite de politiques spécifiques d’innovation. Par une analyse des politiques liées à l’innovation, les géographes tentent de comprendre l’évolution des schémas d’aménagement, leurs répercussions positives ou négatives et proposent des perspectives tangibles (Fache, 2002 ; Daviet, 2003b ; Grondeau, 2006 ; Grandclément, 2012). Il s’agit ainsi de comprendre les mécanismes contextuels, qui contribuent { l’extension de l’économie de la connaissance, { l’application des décrets du Traité de Lisbonne, { l’impact de politiques telles que celle des pôles de compétitivité ou encore à la perception réelle par les sociétés locales des différentes aides et aménagements qui doivent contribuer au bon développement d’une société de la connaissance. Dans un contexte de décentralisation et de recomposition territoriale, l’objectif est aussi de plus en plus l’analyse du rôle de l’échelle régionale comme acteur de l’aménagement et d’application de politiques multiscalaires.

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47 L’ensemble de ces approches souligne { nouveau le caractère riche et complexe du processus d’innovation. Il est riche parce que pluridimensionnel en faisant intervenir différents enjeux (sociaux, économiques, environnementaux, etc). Il est complexe parce qu’il fait intervenir un nombre d’acteurs de plus en plus grand, des échelles variées qui s’entremêlent et parce que c’est un processus récursif qui évolue au grès de l’évolution des technologies et des demandes des consommateurs encore plus nombreuses et spécifiques dans la globalisation.

Dans les deux cas, l’innovation décrit des dynamiques spatio-temporelles singulières ainsi que des hiérarchies spatiales importantes. Bien que nous concédions qu’il n’existe pas de définition cloisonnée de l’innovation, en tant que géographe nous la considérons comme un processus complexe, territorialisé en des espaces spécifiques et dont l’analyse de l’organisation interne peut directement influencer les politiques en charge de l’aménagement du territoire. Elle possède un puissant pouvoir opérationnel et ce d’autant plus depuis l’avènement de l’économie de la connaissance.

1.2.4 L’innovation dans l’économie de la connaissance

Depuis les années 1990, les pays développés sont progressivement passés d’une économie de type fordienne à une économie industrielle fondée sur la connaissance. Cette nouvelle forme d’économie résulte d’un double choc entre l’accroissement du stock de capital intangible dans le capital réel, et la diffusion plus rapide depuis la fin des années 1990 des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) (Vicente, 2005). L’expansion des NTIC a son importance puisqu’elle produit de nombreux effets sur l’économie (OCDE, 2000b). Les NTIC amènent d’abord l’émergence et la croissance de nouvelles industries, engendrant simultanément des gains de productivité et de temps. Elles favorisent par ailleurs une meilleure circulation de la connaissance, accélérant la vitesse du changement dans l’économie, ce qui se traduit notamment par des évolutions technologiques incessantes qui accélèrent l’obsolescence des matériels et produits. Elles poussent ainsi { l’adoption de modèles organisationnels originaux en vue d’une meilleure exploitation des nouvelles possibilités de distribution et de diffusion de l’information.

L’ensemble de ces éléments induit donc un repositionnement plus central de l’innovation dans l’économie, puisque les systèmes productifs ont muté vers les activités à forte valeur ajoutée en connaissances (Bost, 2014). Pour fonctionner, l’économie repose désormais sur la capacité de production et de gestion des connaissances et autres actifs intellectuels, donc sur l’innovation. Or, ce modèle d’innovation est devenu plus complexe que la simple activité des pôles de recherche publique et de R&D en entreprises. Les spécificités de la connaissance comme bien économique (non rival,