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Globalisation, crises et politiques publiques en faveur de l’innovation

2.3 Crises et politiques en faveur de l’innovation

La crise est un moment et un processus décisifs où, selon Hippocrate, on peut juger le milieu, les éléments et les conditions qui constituent l’environnement qu’elle touche (Courbon, 2010). Les territoires s’imposent, { l’intérieur de ce moment et de ce processus, comme un réceptacle, mais également comme un acteur déterminant de la crise, qui plus est dans un système économique libéral, puis néolibéral.Fernand Braudel abordait ainsi le capitalisme comme un moteur { explosion qui s’améliorait { chaque difficulté (Braudel 2014 ; in Alesina 2008), traçant les contours d’une analyse processuelle que nous nous proposons de suivre pour étudier la crise de 2007-2008. Ici, nous abordons le rapport entre crise et innovation, comme ayant évolué d’un lien involontaire où les cycles économiques étaient rythmés par des innovations, vers des politiques d’innovation tentant de protéger les acteurs, territoires et activités des évènements de bouleversements. Nous rappelons donc dans un premier temps le rôle de l’innovation dans chacune des précédentes crises (2.3.1), et identifions ensuite les grandes politiques de territorialisation de l’innovation depuis la seconde moitié du XXème siècle (2.3.2). Ceci nous permet enfin de mieux analyser la crise de 2007-2008, comme nouvel évènement modifiant les rapports entre territoires et innovation, en mesurant notamment l’impact de l’évènement sur les activités d’innovation (2.3.3).

2.3.1 L’innovation, cause et conséquence des grandes crises de l’histoire contemporaine

Les systèmes techniques moteurs de l’innovation, donc de la croissance économique, sont en instabilité permanente (Caron, 1997). Autrement dit, ces derniers tâtonnent pour proposer des objets techniques en phase avec les usages et les besoins des consommateurs. Ce contexte implique que crise économique et innovation ont toujours été liées (Denervaud et al, 2009). Les crises remettent en cause les équilibres traditionnels et forment ainsi des terreaux propices aux innovations et nouveaux modèles organisationnels (Denervaud et al, 2009). Les innovations produisent des conjonctures théoriquement favorables { la stabilité et { l’expansion des économies, mais aussi { de nouvelles crises. Toutefois, il n’existe pas un modèle de crise et d’innovation, ce que rappellent les évènements passés.

La première crise du XXème siècle est la Première Guerre mondiale. Guerre mécanique (Hobsbawm, 1994), elle s’est nourrie des progrès techniques et scientifiques générés depuis la première révolution industrielle, { l’origine d’activités nouvelles (chimie, métallurgie, automobile, aviation, électricité) (Boutillier, 2013). Nous sommes { l’époque sur une économie du progrès technique et scientifique.

Vient ensuite la période d’après-guerre de reconstruction pour certains (l’Europe notamment) et de progression pour d’autres. Aux États-Unis par exemple, malgré

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75 plusieurs années de troubles sociaux majeurs, l’économie capitaliste américaine devient la première puissance mondiale. Elle doit toutefois répondre { l’émergence d’une société de consommation et de crédit, qui prône des mœurs libres et un mode de vie mécanisé. Pour y répondre, une autre innovation, bien que déjà en place depuis le début du siècle, est mobilisée, le fordisme. Cette nouvelle organisation du processus de production permet par une parcellisation des tâches de renforcer l’efficacité et le rendement du travail et ainsi de répondre aux nouvelles demandes (Dormois, 2012). La diffusion d’innovations va de pair (éclairages électriques, radio, cinéma, aspirateur, automobile, aviation commerciale, etc.). Mais, les « années folles » (1920-1929), développent aussi une forte spéculation boursière qui finance certes cette société de consommation, tout en accroissant l’instabilité conjoncturelle, en atteste le krach boursier d’octobre 1929. Alors, le New Deal aux États-Unis et la stratégie d’armement de l’Allemagne nazie, par des financements publics massifs dans l’industrie sortent les économies de leurs torpeurs et amènent provisoirement un meilleur climat social et entrepreneurial, qui produit de nouvelles économies de guerre.

Dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale le lien entre crise et innovation est encore plus fort. Au-del{ de l’issue dramatique du conflit, il en ressort également des économies et des industries dévastées, qui appellent cette fois à une réorganisation du système économique et politique global (Brasseul, 2003). Cela se fait avec une organisation productive qui tient compte des compromis sociaux et qui permet théoriquement d’améliorer le sort de tous (Gilles, 2009). Ce changement institutionnel, économique et politique a une importance majeure puisqu’il est le vecteur des Trente Glorieuses (1950-1973), nouvelle phase importante d’innovations. Elles découlent pour la plupart de l’expansion du fordisme, par l’accroissement du stock de machines et d’équipements, mais aussi par l’élévation du stock de connaissances (éducation). En parallèle, on observele développement du secteur tertiaire et les débuts de l’informatisation, l’ensemble se traduisant par des progrès majeurs en termes de croissance économique, de productivité, de démographie et d’équipements des ménages (Brasseul, 2003).

Plusieurs éléments mettent fin à cette période au début des années 1970. Cela se matérialise notamment par une succession de crises monétaires (1961, 1963, 1965, 1968) et par les deux chocs pétroliers de 1973 et 1978. Ces derniers sonnent la fin de la consommation énergétique bon marché (coût croissant de la matière première, augmentation des coûts techniques et politiques). Les effets se ressentent sur les économies importatrices via une rétractation de la consommation et de l’activité des firmes. Ce contexte amène alors les pays importateurs à réfléchir à leurs consommations et à leurs investissements en recherche et innovation (Gilles, 2009). En effet, en parallèle les États soutiennent la recherche et développement dans la mesure où elle est susceptible d’apporter des résultats concrets. Les efforts les plus importants sont consentis en matière de sécurité nationale et grands programmes civils (physique nucléaire, radioastronomie, programmes spatiaux), de développement économique, de santé, de recherche universitaire et fondamentale. Toutefois, les efforts les plus massifs

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76 sont issus de la recherche industrielle, d’où proviennent { cette époque les principaux facteurs d’évolution technologique des nations comme des firmes (Caron, 1997).

Les Trente Glorieuses malgré des remises en causes d’ordres monétaires et énergétiques, ont donc majoritairement été caractérisées par de la stabilité, et par des développements majeurs en termes de technologies, de l’économie domestique qui y est associée, tout comme de l’information et de la communication via la radio, l’image et le son, le téléphone et les industries chimiques et des matériaux. La période suivante tranche de façon flagrante dans la mesure où les crises se vivent de façon plus rapprochées (krach boursier de 1987, crise du système monétaire européen, effondrement du bloc soviétique, crise immobilière asiatique, crise du Nasdaq). On peut certes y voir la progressive intégration internationale et financière des économies (capitaux chinois et pays de l’ex-URSS), comme des territoires qui connaissent aussi de nombreuses fragilités politiques, mais également la marque de certaines innovations sans qui cette intégration n’aurait pas été possible (offre en micro-électronique, système de traitement de l’information et portée de la découverte des micro-processeurs), c’est la progressive révolution des NTIC à partir de la fin des années 1980. Encore une fois, l’innovation se met au service de l’expansion d’un capitalisme globalisé (Gilles, 2009). En effet, des mutations majeures se répandent comme la désindustrialisation de certains pays développés et la mutation du marché du travail qui implique un accroissement du chômage. Après le développement d’Internet dans les années 1990 et 2000, les réseaux de communications ont inondé les réseaux techniques, dont la finance Caron, 2010). Stockage, échange d’information, nouveaux usages (service bancaire, réseaux sociaux) évoquent « le glissement de l’Internet occasionnel { l’Internet toujours activé » (Lombard, 2007). C’est un élément déterminant dans la compréhension des crises les plus récentes, puisque la technologie informatique et électronique n’a pas impliqué seulement la croissance, mais a aussi favorisé la propagation des fragilités financières des pays connectés aux marchés désormais globalisés.

On voit donc qu’avant l’évènement de 2007-2008, crise et innovation sont les facettes d’un même jeu, dans la mesure où elles s’influencent alternativement. Pourtant, la croyance selon laquelle l’innovation est source de progrès technique et social a encouragé les efforts publics en la matière.

2.3.2 De l’innovation cyclique { de véritables politiques d’innovation

La relation étroite entre crise et innovation et par voie de conséquence le devenir des territoires, interroge aussi celle entre gouvernance et innovation. La gouvernance incarnerait en effet un levier propice { l’innovation dans les entreprises, mais aussi dans les universités et les laboratoires de recherche (Berthiniet-Poncet, 2014).

Jusqu’{ la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’activité économique a surtout été rythmée par des innovations « involontaires » balisant des cycles longs (automobile,

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77 électricité, chimie) et n’a pas fait l’objet de véritables politiques d’innovation { proprement parler (Caron, 1997). Ces activités recevaient certes des appuis nationaux, mais qui se diluaient de façon générale dans un soutien aux industries (Caron, 1997). Bien qu’il soit erroné de conclure que les Trente Glorieuses sont une période blanche en la matière (construction de grands laboratoires, alliances, multiplication des instances étatiques), il faut tout de même attendre les années 1970 pour observer les premiers efforts publics concrets en termes d’innovation et/ou de développement territorial en temps de crise. En effet, les difficultés engendrées par les crises énergétiques de 1973 et 1978, mais aussi par les prémices de la désindustrialisation dans des régions dominées par des secteurs d’activités lourds de l’économie fordiste, imposent aux pouvoirs publics d’élargir leur action à la simple intervention sectorielle ou stratégique.

Les principaux pays développés prennent aussi conscience de la nécessité de hisser l’innovation au rang d’élément stratégique primordial. Il s’agit alors d’adapter les politiques de R&D à ce nouveau contexte en croisant les dynamiques académiques et scientifiques de celles du monde de l’entreprise. Ce glissement se matérialise principalement par l’émergence aux États-Unis des technopôles qui, caractérisés par la présence sur un même espace géographique d’une grande diversité d’acteurs se côtoyant au quotidien, sont « un moyen de dynamiser ou de redynamiser des territoires, un outil de développement local fort, et un moyen de se positionner dans l’évolution de l’économie » (Grondeau, 2004, p.90). Le succès de ces territoires et de leurs deux exemples emblématiques, la Silicon Valley californienne et la Route 128 de Boston, invite d’autres pays { les imiter. Or, la co-présence d’acteurs ne suffit pas et il demeure difficile de reproduire { l’identique les aménités de ces deux espaces (climat, proximité d’une main d’œuvre bon marché, industries nationales stratégiques, grandes écoles, culture locale).

On reconnaît alors que si l’innovation ne se décrète pas, ni ne se reproduit, elle peut être encouragée (Grondeau, 2004). Les décennies 1980-2000, nouveau contexte de concurrence par l’innovation, propagent l’idée de compétitivité territoriale, selon laquelle la performance des entreprises et des états ne dépend plus seulement de leurs dynamismes respectifs, mais des stratégies locales d’attractivité (investissements, entreprises) de développement et de rayonnement pour les territoires (Martin et Simmie, 2008). La gouvernance de l’innovation se renforce ainsi dans le but de coordonner les relations entre acteurs hétérogènes, de faciliter les relations de coordination et de manager les connaissances qui y circulent (Berthiniet-Poncet, 2014). Concrètement, il s’agit de construire un cadre public qui structure les relations et interactions au sein des territoires concernés (Berthiniet-Poncet, 2014). On passe d’une géographie de la concentration dans des sites, à celle des réseaux territorialisés (Fache, 2008). C’est ainsi qu’une vague de technopolisation (Grondeau, 2015) envahit les métropoles et régions occidentales dans la décennie 1990, avec plus ou moins de succès (Frenkel, 2001). Dans le deuxième cas, on parle parfois de technopoles pour désigner des villes technologiques.

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78 Malgré cette expansion, en France, ce n’est que depuis le début des années 2000, soit une quinzaine d’années que l’on parle d’une politique d’innovation véritablement structurée et structurante (Pisani-Ferry, 2016). Jusque-l{, l’État s’en était tenu { d’importantes politiques de recherches et de technologies dans le cadre de la modernisation de l’économie française.

Dès lors, deux axes sont empruntés : celui des politiques « d’environnement » c'est-à- dire d’assurer des conditions propices { l’innovation et celui du soutien par des investissements directs (Pisani-Ferry, 2016). Concrètement, il s’agit d’encourager l’effort de R&D des entreprises, inciter les entreprises { inventer et { innover, renforcer les coopérations et les partenariats, valoriser les résultats de la recherche publique, accroître le rythme de renouvellement du tissu d’entreprises et financer la croissance des futures entreprises innovantes. En ce sens, de nouveaux dispositifs et politiques sont apparus. On compte parmi elles notamment, la loi sur la Recherche et l’Innovation de 1999, la promotion des technologies clés au début des années 2000 et plusieurs politiques en faveur de l’innovation en 2002, 2009 et 2013. Parmi les exemples les plus emblématiques, on note le Crédit d’Impôt Recherche depuis 1983, les incubateurs Allègre depuis 1999, ou encore les Instituts Carnot. Tous/toutes œuvrent au décloisonnement du monde de la recherche et de l’entreprise et donc { celui du processus d’innovation.

Par ailleurs, sous l’effet des nouvelles directives de la Stratégie de Lisbonne tournée vers l’économie de la connaissance, l’État a également lancé la politique des pôles de compétitivité en 2004. Celle-ci vise à « structurer l'activité économique de certains secteurs porteurs autour de l'innovation d'une part, et de pôles performants d'autre part, mais aussi de rassembler, sur un même territoire, entreprises, centres de formation et unités de recherche publiques et privées, autour d'objectifs communs de développement et d'innovation » (Tabarly, 2008). Par ce biais, l’État prend les devants et n’est plus dans une logique de rattrapage ou de reconversion, mais ouvre de nouvelles trajectoires pour l’économie nationale. En parallèle, les récentes réformes de l’enseignement supérieur et de la recherche, notamment au niveau des universités ont amené la construction de véritables pôles de la connaissance non plus seulement destinés à la formation des étudiants, mais aussi à la production de connaissances pouvant irriguer le tissu industriel local.

Par ailleurs, le système d’accompagnement doit s’adapter depuis la crise économique de 2008 à un certain nombre de mutations. La révolution numérique a amené l’État à adapter son offre d’accompagnement en développant des outils favorables { cette nouvelle économie et permettre de donner au pays une chance dans l’entrepreneuriat vers le monde des start-ups (dispositif French Tech depuis 2015) (Bourdin, Nadou, 2018). Il s’agit aussi de s’adapter aux mutations du monde de l’entreprise plus souvent représenté aujourd’hui par des structures de petite taille, plus dynamiques et plus flexibles. De plus, la prise en compte d’une innovation centrée autour des usages et des problématiques environnementales et sociales a invité les pouvoirs publics à

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79 s’intéresser aux tiers-lieux, c'est-à-dire à un nouveau niveau organisationnel de l’innovation, celui des usages. A ce titre, un appel à projet aidant au financement de tiers- lieux avait été émis par le gouvernement français en 2013, sans qu’il n’ait véritablement eu de suite après la première phase de labellisation. De manière plus large, les politiques publiques doivent donc s’adapter aux perspectives de l’économie créative, dont la définition est certes floue et fugace, mais dont de nombreuses réalités émergent à l’échelle de l’urbain et de l’infra-urbain (Fache, Hamdouch, 2014). La compétitivité ne repose plus en effet seulement sur la dimension technologique de l’innovation, mais aussi sur des logiques d’innovation par le bas et les multiples initiatives locales qui peuvent en découler, soit une économie d’expérimentation (Godet, Durance et Mousli 2010 ; Durance 2011).

Ainsi, on observe que les liens entre crise et innovation se lisent sous l’angle de la gouvernance et de l’adaptation politique. Bien que l’on ne perçoive pas les mêmes logiques et problématiques selon les espaces et les époques, on remarque un glissement d’une situation cloisonnée entre mondes académiques/scientifiques et industriels avec essentiellement des politiques d’investissement et de grands programmes sectoriels, vers une ouverture aux problématiques de l’innovation sous l’effet des enjeux conjoncturels liés aux évènements de crise, de mondialisation et d’économie de la connaissance. Alors, les nouvelles concurrences qui en découlent, impliquent plus de coordination et d’accompagnement entre acteurs, pas seulement pour résister aux crises, mais surtout pour s’en prémunir et/ou pour mieux en rebondir. À ce titre, la crise n’engendre donc pas que des répercussions négatives. Dans le cas de 2007-2008, on peut même penser qu’elle a libéré de nouvelles énergies et formes de créativité individuelle, de nouvelles trajectoires (après celles des secteurs et des territoires) que les acteurs de la gouvernance doivent désormais encadrer.

2.3.3 La marque de 2007-2008 sur les activités d’innovation

À l’image des précédents évènements de bouleversement analysés précédemment (2.3.1), il s’agit désormais de situer la place de l’innovation dans le contexte de 2007- 2008. Nous verrons ainsi que la sophistication de la finance due en partie aux innovations dans les NTIC (a) était un terreau fertile pour les évènements cumulatifs de 2007-2008 (b). Quant aux conséquences sur les activités d’innovation dans le monde, elles sont quant à elles complexes, car pour le moins contradictoires (c).

-a- Un capitalisme financier aux fragilités structurelles flagrantes

À l’image des crises précédant l’évènement de 2007-2008, on peut soumettre l’hypothèse que le climat économique dégradé et saccadé est à rattacher aux caractéristiques intrinsèques du capitalisme financier.

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80 Théoriquement, la souplesse de la finance est pourtant censée éliminer les crises (Boyer, 2009). Or, une série de caractéristiques intrinsèques à ce modèle économique font penser le contraire. Le capitalisme financier repose en effet sur les contextes favorables et multiples que forme la conjonction de la mondialisation des échanges, de la dérèglementation financière, de la flexibilisation des statuts salariaux, de l’effondrement des économies planifiées et de la révolution informatique (Batsch, 2002). Il implique également une professionnalisation du domaine financier avec des investisseurs/actionnaires chargés de faire fructifier le capital aux risques et périls des particuliers, des entreprises et des marchés. Il se fonde enfin sur un modèle actionnarial, où le régime monétaire et financier est au cœur du modèle de croissance et une importance notoire est accordée aux institutions financières et banques d’investissement. De cette façon, « dans le modèle financiarisé ce n’est plus la logique de création de valeur ajoutée qui domine, mais l’anticipation de la richesse future mesurée par la bourse, qui déclenche le processus de production […] et { ce titre les anticipations et la confiance sont déterminantes » (Boyer, 2009).

Ainsi, les conséquences sont plurielles. On note l’expansion des liquidités mondiales, une baisse des primes de risque qui amène les acteurs à chercher des actifs plus risqués pour leurs placements, une baisse des taux d’intérêts { long terme, une expansion du crédit dans un contexte non inflationniste et une montée des prix d’actifs qui induit une expansion des crédits hypothécaires, les emprunts étant gagés sur la valeur des actifs immobiliers (Artus et al, 2008). On observe également des déséquilibres microéconomiques qui se manifestent par plus d’exigence de rentabilité sur les placements depuis la chute des valeurs boursières en 2000, ce qui encourage les banques { être plus laxistes sur les conditions d’attribution de prêts. Par ailleurs, cet environnement instable tient au déploiement de pratiques financières à haut risques, via notamment le système de titrisation c'est-à-dire des prêts bancaires en titres négociables qui peuvent comporter un transfert du risque du crédit et qui se font dans des conditions plus ou moins opaques et via des entités juridiques disparates (Trémoulinas, 2010).

Dès lors, l’innovation s’imbrique { ce contexte et de plusieurs façons. D’une part parce que les progrès dans les NTIC ont permis la sophistication du marché, donc l’activité financière massive et incontrôlée en améliorant son fonctionnement. D’autre part parce que l’économie de l’innovation via les activités des entreprises et des laboratoires de recherche s’inscrit pleinement dans l’économie du risque incarnée par le monde de la