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Un système industriel en transition vers les activités métropolitaines et créatives

Forces productives et potentiels d’innovation de la région PACA

4.2 Un système industriel en transition vers les activités métropolitaines et créatives

À partir du cadre territorial présenté ci-dessus, nous questionnons cette fois le concept de Système Régional d’Innovation en fonction des acteurs, des secteurs et des espaces effectivement rencontrés. Entreprises, acteurs académiques et scientifiques, consommateurs et usagers sont { prendre en compte dans le parcours de l’innovation actuelle qui se fonde à parts égales sur la recherche, la production et le besoin (Mercier- Laurent, 2011). C’est pourquoi nous mobilisons tout d’abord le potentiel industriel dont nous retraçons les mutations sur la longue durée, car les territoires ont une histoire dont il faut savoir déceler l’empreinte.

L’enjeu est ici d’établir une géographie du potentiel industriel et créatif afin d’obtenir une photographie des forces en présence. Nous mobilisons ainsi les phénomènes de territorialisation, d’ancrage et de trajectoire du potentiel d’innovation, en tenant compte de la capacité des entreprises { sécréter et mobiliser une culture locale. Il s’agit de déterminer les évolutions qui ont abouti au paysage industriel actuel. De nombreux travaux portant sur les logiques régionales en région PACA (Morel, 1997, 1999 ; Daviet 1999, 2003 ; Daumalin et al, 2003 ; Rychen et Zimmermann 2000 ; Grondeau, 2006 ; Garnier, 2000 ; Grandclément, 2012) appuient notre approche chronologique.

4.2.1 Genèse du système productif marseillais (de la fin du XIXème aux années 1960)

C’est { la fin du XIXème siècle que se situe l’élément fondateur de la géographie industrielle régionale. L’activité économique marseillaise, pour partie liée à sa position de port colonial, est alors diversifiée (savon, huilerie, agroalimentaire, tuilerie, tabac) (Daumalin et Mioche, in Daumalin, Girard et Raveux, 2003, p.171) et déjà en transition vers les nouvelles spécialisations de la seconde révolution industrielle (industries pétrolières, industrie électrique, soude, engrais, soufre) (Daumalin et Mioche, in Daumalin, Girard et Raveux, 2003, p.171). En effet, cette industrie très variée qui irrigue l’ensemble du tissu urbain connaît des soubresauts au début du XXème siècle. L’industrie agroalimentaire d’abord présente des secteurs aux destins inégaux, parmi lesquels les oléagineux et le sucre tirent leur épingle du jeu dans les années 1920, tandis que la raffinerie ou encore la minoterie connaissent leurs premières difficultés. Par ailleurs, les industries mécaniques et métallurgiques sont en panne de renouvellement alors que l’industrie chimique se régénère. Garnier (Garnier 2011) décrit le système marseillais comme cœur névralgique du système industriel régional, dans la mesure où il est victime d’une triple crise : crise de ses industries traditionnelles, de la seconde

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135 industrialisation et de son organisation en tant que système industrialo-portuaire centré sur la ville de Marseille et déconnecté de son arrière-pays (Garnier et Zimmermann, 2006).

Les années 1950 marquent un tournant caractérisé par l’asservissement de certaines activités aux institutions nationales, la figure de la grande entreprise avec la constitution d’un bassin de sous-traitance en parallèle, d’un monde ouvrier prépondérant, ce qui permet la constitution des premiers grands systèmes productifs locaux autour de multiples centralités décrivant un cercle plus large au-delà de Marseille (Garnier, 2011) :

- le complexe industrialo-portuaire de Marseille poursuit son expansion vers l’Ouest.

L’entre-deux-guerres avait déj{ vu les débuts de la pétrochimie sur les rives de l’étang de Berre, l’après-guerre confirme son expansion. D’autres grandes industries ayant besoin d’espace s’y développeront comme les constructions navales (Port de Bouc), l’aéronautique (Istres) et bientôt la sidérurgie (Fos).

- le complexe industrialo-énergétique de Gardanne se développe au Nord dans le contexte

de la reconstruction et des Trente Glorieuses. Partant des puits miniers d’extraction de lignite exploités depuis le XIX, la centrale électrique se développe { l’ombre de la nationalisation opérée par les Charbonnages de France, favorisant l’expansion du groupe Péchiney. L{ aussi, la territorialisation s’observait dans le conditionnement des temporalités sociales Le complexe industrialo-énergétique de Gardanne décrivait donc « un système mine » avec une interaction entre appareil productif et territoire dans ses dimensions physiques, économiques et sociales (Rychen et Zimmermann, 1999 ; Rychen et Zimmermann 2000 ; Carbonell et al, 2011).

À côté de ces pôles { l’identité marquée, certaines filières ont un destin beaucoup plus diffus { l’échelle régionale : c’est le cas de l’aluminium, de la construction navale et de l’aéronautique en particulier.

- la filière régionale de l’aluminium prend sa source dans les minerais de bauxite de

Brignoles et Mazaugues avant d’être acheminée vers Gardanne et Marseille et d’être expédiée sur les sites d’électrolyse dont ceux de Salindres et surtout de l’Argentière la Bessée dans les Hautes-Alpes. La filière s’est développée par la présence conjointe de gisements de bauxite et de lignite, de lignes de chemin de fer, de ressources hydro- électriques et de fabrication de soude qui ont favorisé la mise en relation des trois segments de la filière (Langevin et al, 2002, (Lambert, in Daumalin, Girard et Raveux, 2003, p.219). Dans chacun de ces segments est reproduit le modèle de la ville-usine ou du quartier-usine (Garnier, 2011).

- le complexe de réparation navale s’est constitué sur le littoral provençal de Port-de-

Bouc à la Seyne-sur-Mer en passant par Toulon, Marseille et La Ciotat un chapelet de villes-usines orientées vers la construction navale (Mullard et Tabuteau, 1979 ; Mendez et Mercier, 2005). On y observe des gestions publiques (Arsenal de Toulon) et d’autres { fonds privés largement contrôlés par la famille Terrin (Garnier, 2011). C’était un marché régional de 50 000 emplois, d’où découlaient de nombreuses valeurs de solidarités et

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136 représentations du travail. A ce titre, La Ciotat apparaît { l’époque en troisième position nationale derrière Saint-Nazaire et Dunkerque (Chastagnaret et Mioche, 1998).

- l’aérospatiale. Ce secteur bien que représenté à trois endroits différents (Marignane,

Istres et Cannes-La Bocca) n’est pas territorialisé comme les précédents (Garnier, 2011). En effet, Marignane n’était que le lieu de délocalisation des activités de La Courneuve, Istres accueillait certains essais de Dassault et Cannes-La Bocca n’était que le lieu de travail de spécialistes des satellites qui vivaient pour la plupart dans l’arrière-pays. Ici, il n’existait donc pas d’interaction, de dépendance réciproque entre espace productif et espace urbain (Garnier, 2011 ; Riondet, 2011).

- d’autres cohérences socio-économiques multiples. On compte en parallèle la présence

d’autres cohérences aux spatialisations diverses, plus ou moins anciennes telles que les tanneries de Barjols, les céramiques de Salerne, les confiseries d’Apt, les tuileries de Marseille, le complexe ferroviaire de Miramas, le complexe agroalimentaire du Vaucluse ou encore le complexe chimique de Château-Arnoux-Saint-Auban (Chastagnaret et Mioche, 1998 ; Garnier, 2011). Parmi ces exemples, on peut retenir la forte phase d’expansion de l’usine de chlore de Saint-Auban dans les années 1950, les usines de transformation des fruits et légumes de Carpentras, Orange ou Avignon, ainsi que les tuileries qui deviennent une activité majeure au détour de la Première Guerre mondiale (Daumalin et Mioche, in Daumalin, Girard et Raveux, 2003, p.171).

- Plus { l’Est, le tissu agro-industriel de la parfumerie de Grasse s’est construit sur les

bases de la tannerie dès le XVIIIème, puis des gants parfumés. L’utilisation de ressources naturelles pour une utilisation industrielle s’est développée très tôt (Monge, 2013). Ce n’est toutefois qu’{ la fin du XIXème siècle avec la modernisation des savoir-faire et l’amélioration des voies de communication, que Grasse se destine { devenir le premier système productif de la parfumerie, avec l’exploitation florale de la basse vallée du Var. Par ailleurs, Grasse qui contrôle à cette époque 95% des échanges mondiaux de matières premières aromatiques donne naissance { d’autres industries corollaires comme les verriers de Cannes La Bocca. On est ici en présence d’une vraie ville industrielle, puisque les usines participent directement à la croissance de la ville (Dupuy, 1956). Toutefois, les séquelles des deux guerres et de la crise de 1929, ainsi que le développement des échanges internationaux limitent la suprématie grassoise dans la deuxième moitié du XXème siècle.

Bien que très diversifiée, la région PACA est caractérisée dans les années 1950 par quelques pôles d’industries lourdes et traditionnelles et des industries de pointe qui pèsent alors relativement peu dans l’appareil productif régional (Grandclément, 2012). C’est dans ce paysage morcelé et instable que naissent les grandes mutations et les efforts annonciateurs du paysage innovant actuel.

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4.2.2 Multinationalisation de l’économie régionale et rôle de l’État (1960-1980)

Le paysage industriel morcelé et instable tel que présenté précédemment a d’abord muté sous l’effet de la pénétration des tissus locaux par les structures multinationales. Puis, c’est dans un second temps que l’on a pu observer l’État dans un rôle de bâtisseur, { l’initiative de plusieurs essaimages décentralisés sur le territoire de la région PACA, qui a engagé de véritables dynamiques de développement sur des logiques de sites ou de filières spécifiques (Garnier, 2011).

-a- 1960-1970 : la percée des multinationales dans le paysage régional

Entre les décennies 1960-1970, on observe d’abord des logiques de déterritorialisation de l’appareil productif régional sous l’effet de l’internationalisation de celui-ci et de l’arrivée de structures multinationales (Garnier, 2011). Le territoire n’est plus « l’instance dominante de l’intégration », c'est-à-dire le support, le socle d’interactions (Garnier, 2011). La fin de cette articulation entre ressources humaines et ressources matérielles spécifiques affecte directement l’ouvrier de métier et impacte surtout directement les anciennes cohérences socioterritoriales. On peut citer en ce sens, le complexe des industries navales qui, trop dépendant des financements nationaux et n’ayant pas assez diversifiés ses activités, subit de plein fouet les doubles chocs pétroliers de 1974 et 1978 et le rattachement de La Ciotat et de la Seyne à la NORMED de Dunkerque ne constitue qu’un accompagnement vers la fin de l’activité (Chastagnaret et Mioche, 1998 ; Daviet, Girard et Morel, in Daumalin, Girard et Raveux, 2003 ; Mendez et Mercier, 2005,).

Parallèlement, l’organisation du complexe industrialo-portuaire marseillais est également altérée sous l’effet d’une double fragilité : la décolonisation et la dépendance croissante à des groupes étrangers dans le capital (Daviet, Girard et Morel, in Daumalin, Girard et Raveux, 2003, p.295). La filière de l’aluminium subit les restructurations issues de la fusion en PUK des groupes Péchiney et Ugine-Kulhman. Dès 1973 la bauxite provençale est ainsi remplacée par une bauxite moins coûteuse et lorsque l’intégralité du minerai est importée l’organisation nationale entièrement restructurée abandonne Saint-Louis les Aygalades (1968), l’Argentière-la-Bessée et la Barrasse à leurs sorts (Daviet, Girard et Morel, in Daumalin, Girard et Raveux, 2003). A l’inverse, la parfumerie de Grasse a su composer avec les logiques d’internationalisation. Très tôt, cette dernière a cherché { se développer vers l’international pour produire vite et { moindre coût des huiles et essences de qualité et développer des surfaces importantes, ce qui a fragilisé les horticulteurs régionaux. Or, les émergences progressives des productions étrangères, l’insertion de coupages sous l’appellation « Jasmin de Grasse » ont commencé { menacer l’activité locale (Monge, 2013) avant que des entreprises familiales ne soient rachetées par des capitaux étrangers (Mendez et Mercier, 2005). Pourtant, des processus

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138 d’essaimage par l’intermédiaire de création de coopératives en vue d’obtenir une appellation d’origine contrôlée émergent et attestent d’un processus de résistance. Ces différentes évolutions témoignent ainsi de la fragilité du potentiel industriel régional trop spécialisé, peu flexible et peu anticipateur. C’est dans ce contexte que l’état se positionne en gestionnaire actif de revitalisation des territoires (Garnier, 2011).

-b- 1970-1980 : essaimages et nouvelles dynamiques d’un État stratège

Au cours de ces deux décennies, l’État favorise l’implantation de nouvelles structures, encore considérées aujourd’hui comme germes du potentiel d’innovation actuel, en tant que site ou filières régionales stratégiques.

Le centre d’études nucléaires de Cadarache. Il est issu d’une planification du

Commissariat { l’Énergie Atomique dans le but d’étendre ses activités de recherche militaires et civiles. Entre 1957, date des premières implantations et la fin des années 1980, près de 200 laboratoires s’installent sur place, entraînant la création d’un véritable tissu de sous-traitance de près de 2000 entreprises dans les Bouches-du- Rhône, le PACA des Alpes de Haute Provence et le Vaucluse (entreprises parisiennes délocalisées, entreprises artisanales locales de mécanique et d’électricité). Par ce biais, l’ouest de la région connaît l’émergence de la robotique, des process productifs, de l’instrumentation de captage (Garnier, 2011). Ainsi, Manosque, Peyrolles, Pertuis, Venelles ou encore Aix-en-Provence accueillent de nouvelles populations hautement qualifiées. En effet, on parle aujourd’hui d’un territoire attractif aux portes de la métropole (INSEE, 2017, n°44).

Le centre d’études techniques de l’équipement des Milles. Ce complexe émerge notamment

parce que la croissance démographique de la ville centre impose un desserrement vers la Pioline puis vers les Milles (Daviet, Girard et Morel, in Daumalin, Girard et Raveux, 2003, p.295). Par ailleurs, depuis les années 1950 un certain nombre de services des administrations centrales et un des bureaux d’études du Ministère de l’Équipement s’implantent en 1968 dans le centre-ville avant de déménager dans la nouvelle zone industrielle. Ingénieurs et techniciens migrent également pour faire de cet espace une zone riche de spécialités informatiques, d’études et une véritable fusion entre technologies informatiques et technologies industrielles prend forme.

Le technopôle de Sophia-Antipolis. Il fait partie des aménagements régionaux et

nationaux emblématiques. Le projet est lancé au début des années 1970 par les acteurs locaux et Pierre Laffitte, le sénateur des Alpes-Maritimes qui voulait faire de ce territoire « une ville de la science et de la sagesse et un haut lieu du fonctionnalisme urbain » (Grondeau, 2006, p.41). La promotion locale du projet s’est faite notamment par les installations de l’aérospatiale { Cannes La Bocca, d’IBM { La Gaude et de Texas- Instruments à Villeneuve-Loubet. Les aménités locales depuis le climat jusqu’{ la proximité du deuxième aéroport international de France vont être un autre argument de

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139 poids { l’arrivée de cadres, ingénieurs et techniciens. L’État, va quant à lui favoriser l’implantation sur le site de plusieurs institutions de recherche et d’enseignement susceptibles de déclencher et d’entretenir une dynamique de développement technologique (Fache, 2002 ; Grondeau, 2006). La spécialisation se fait dès lors sur les secteurs de la pharmacologie, de la biologie et de la chimie ainsi que sur l’informatique, les télécommunications et l’électronique. En 1974, on comptait ainsi une centaine d’entreprises et près de 7000 salariés dont de grands groupes tels que Thomson, Hewlett-Packard, IBM, faisant ainsi naître des processus d’essaimages également { l’est de la région.

Le complexe de Fos-sur-Mer. C’est une volonté de l’État de greffer en PACA un pôle

dynamique d’industrialisation. Cette création a également pour but de redynamiser le développement commercial et industriel de la ville de Marseille dont le destin social et économique doit être mieux intégré à sa proche périphérie (Langevin, 2007). C’est par ce biais que l’on commencera d’ailleurs { évoquer l’idée d’une « aire métropolitaine marseillaise25 » (Morel 1999 ; Garnier et Zimmermann, 2006 ; Ronai 2009 ; Pache 2015).

En effet, ce projet de développement de la DATAR vise à inscrire Marseille comme métropole d’équilibre (Roncayolo, 1990). L’ambition se matérialise par la création d’un port en eau profonde en 1967, puis d’un terminal méthanier de Gaz de France en 1972. Nous sommes à l'apogée du mythe des "industries industrialisantes", la sidérurgie en est considérée comme le fleuron. C’est la sidérurgie qui va incarner l’industrie la plus emblématique de Fos-sur-Mer. Le projet d’une sidérurgie sur l’eau remonte { plusieurs décennies. Il a failli ne pas voir le jour, car Wendel-Sidelor lui préfèrerait Le Havre. L’État a donc pesé de tout son poids. La société Solmer a été constituée pour construire une usine sidérurgique à Fos-sur-Mer, dans le cadre des orientations fixées par le VIe

Plan, mais à partir de 1973, elle arrive à contre-courant de la conjoncture. Elle reste l'une des deux grandes aciéries de France. Depuis 2006, avec l'OPA de Mittal sur Arcelor, le site est contrôlé par des capitaux indiens.

Le cycle de l’off-shore et ses prolongements. « Ce secteur s’est développé sous l’impulsion

des grandes firmes pétrolières qui avaient besoin d’un tissu de prestataires acceptant de prendre des risques et susceptibles d’innover aussi bien dans les domaines du transport spécialisé et de l’instrumentation que dans celui des technologies associées { la plongée en mer profonde » (Garnier, 2011, p.76). Les équipes spécialisées de l’off-shore étaient soit des entreprises régionales filiales de grandes entreprises nationales comme SPIE- Capag ou GTM soit certaines entreprises locales de réparation et de construction navale en recherche de diversification comme ACMP Industrie à Marseille ou CNC à La Ciotat. À l’échelle régionale, les succès d’entreprises de petite taille se nommaient Comex, Cybernétix ou Intersub.

La micro-électronique de la haute vallée de l’Arc. La mise en place de cette filière dans les

Bouches-du-Rhône s’est établie de façon exogène (Daviet, 1999, 2003b, 2005). Ici, l’état

25 Elle est entendue ici en tant que phénomène spatial, plus qu’en termes de construction institutionnelle

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140 cherche { nuancer les difficultés de cette partie de la région par la mise en place d’un segment stratégique pour l’industrie nationale. Le Plan Composants doit notamment pallier l’extinction progressive du bassin de Gardanne, tout en préparant l’arrivée de nouveaux secteurs. Eurotechnique voit le jour en 1979 comme joint-venture de Saint- Gobain et National Semiconductor : « cette création s’inscrit dans le droit fil de ce que Bernard Morel appelle la politique gaullo-colbertiste fondée sur la rencontre et la mise en synergie de la politique publique et de logiques privées » (Daviet, 2005, p 52). C’est ainsi au début des années 1980 que les premiers processus d’essaimage émergent avec les naissances d’ES2 et Gemplus (ce dernier deviendra le leader mondial de la carte { puce) entre 1984 et 1989. Pourtant, un tissu territorialisé n’est observable qu’{ partir de 1988 (Rychen et Zimmermann, 2011). En effet, à partir de 1986, Gemplus profite de la défiscalisation des zones de Gémenos et de La Ciotat pour se développer, des entreprises de services commencent { se développer dans l’agglomération d’Aix-Marseille et un vrai processus d’intégration territoriale se construit autour de STMicroelectronics et ATMEL implantés dans la zone industrielle de Rousset (Daviet, 1999). On observe ainsi l’amont de la filière { Rousset et l’aval de la filière avec GEMPLUS { Gémenos. Ce n’est qu’{ partir de 1992, que la micro-électronique provençale impulse une connexion entre entreprises et laboratoires régionaux par une endogénéisation plus grande de la filière. Le CREMSI vise ainsi à créer des liens entre industriels et scientifiques et le paysage régional de la micro-électronique ressemble dès lors à la filière du silicium à Rousset et Peynier, celle de la carte { puce { Gemenos et La Ciotat et celle des équipementiers dans l’ensemble du territoire. Plus tard, le Centre Intégré de Micro-électronique de PACA vise à associer les composantes régionales de l’ouest (Aix et Marseille) { celles de l’Est situées { Sophia- Antipolis, davantage tournées sur la partie application et conception.

L’aérospatiale. Enfin, la dernière grande mutation par construction correspond à la

structuration progressive d’une industrie aéronautique sur les bords de l’étang de Berre dont les premiers pas ont débuté en 1915 (Riondet, 2011). En 1936, se développe en parallèle le site de Cannes-La Bocca, tout comme le centre d’essais en vol en 1954 { Istres (Daviet, Girard et Morel, in Daumalin, Girard et Raveux, 2003). Un tournant s’opère alors { cette période sous l’impulsion de l’état qui pousse l’établissement de Marignane et son emblématique Alouette II à devenir le principal centre de fabrication d’hélicoptères national. A la fin des années 1970, 20% du parc civil mondial d’hélicoptères proviennent de Marignane (Daviet, Girard et Morel, in Daumalin, Girard et Raveux, 2003). Une date qui correspond { l’ouverture sur le site de la firme privée Dassault-Bréguet, de la SNECMA et du Centre d’essais en vol de la Direction des Constructions Aéronautiques. Eurocopter devient le plus grand établissement industriel de la région, en s’insérant dans l’ensemble EADS tout comme le site de Cannes La Bocca spécialisé quant à lui dans la mise en orbite de satellites.