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4.3 Axe 2 : Pistes d’actions pour les infirmières

4.3.1 Idéal normatif infirmier

4.3.1.1 Un accompagnement respectueux

L’accompagnement des proches par le personnel infirmier est une intervention infirmière qui, selon les participants, est d’une importance capitale puisqu’elle fait vraiment la différence dans leur expérience de prise de décision substituée. L’accompagnement réfère au savoir-être ainsi qu’au savoir-faire des infirmières.

Hélène (P1) a souligné l’importance de créer un climat de confiance dans le cadre de l’épisode de soins, un climat chaleureux. Cet environnement de confiance est, selon elle, le point de départ de toutes les interventions infirmières liées à l’accompagnement. Il est plus facile à créer, selon Nathalie (P3) et Louise (P4), lorsque ce sont les mêmes intervenants qui interagissent avec les proches. « Ça c’est important parce que ça aide pas mal [d’avoir] tout le temps les mêmes personnes. Ça met le monde plus en confiance [car quand ça change il ne] te connaissent pas ben, ben » (Louise, P4). Nathalie (P4) abonde en ce sens, puisqu’elle a vécu des expériences d’accompagnement de fin de vie différentes pour sa mère et pour son père. En effet, comme sa mère avait séjourné trois mois, avant son décès, sur l’unité de soins

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palliatifs d’un CH spécialisé, Nathalie (P4) et sa mère connaissaient le personnel et eux aussi les connaissaient. Par contre, elle a mentionné que son expérience fût plus difficile concernant le climat de confiance pour son père, car lors de son transfert en soins palliatifs, ils se sont retrouvés sur une autre unité où ils ne connaissaient pas le personnel.

Plusieurs participants ont indiqué l’importance pour les infirmières de respecter la personne malade et ce qu’elle souhaite. Lorsqu’elles accompagnent la famille, les infirmières peuvent soulever chez les proches un questionnement sur ce qu’aurait souhaité leur être cher. Cette intervention ne doit pas être faite, par les infirmières, pour favoriser une prise de décision pouvant être ressentie comme plus avantageuse pour les professionnels de la santé que pour les proches. Nathalie (P3) évoque ainsi une situation vécue comme un non-respect, lorsque son père était hébergé en CH.

Mais là, c’est elle [l’infirmière] qui me disait : ‘mais là qu’est-ce qu’il aurait voulu votre père?’ – Je vous l’ai dit dès le début mon père n’aurait pas voulu être attaché. ‘Mais là s’il tombe et qu’il se casse une hanche ça va être de votre faute?’ Ils ne te le disent pas ça là…’Mais [ils te disent] il est à risque très, très fort de tomber.’ – Ben oui. Je le sais. Mais tu me le donnes le choix ou tu ne me le donnes pas? Tu me donnes toutes les possibilités…. ‘Oui, mais s’il se casse une hanche… T’imagines-tu ce qui va arriver? Mais ils te donnent tellement toutes les conséquences négatives que là… (Nathalie, P3)

Hélène (P1) et France (P6) ont par ailleurs spécifié l’importance de l’humanisme, de considérer la personne malade comme un être vivant jusqu’à la fin. En effet, Hélène (P1) a stipulé que : « de toute façon, c’est pour tous les [patients] l’humanisme là, mais surtout [pour ceux qui vont] vers la mort ». Dans le même ordre d’idée, France (P6) a énoncé :

ils en parlent beaucoup […] de traiter le patient dans la dignité [et] le respect. Parce que même si tu es confus et que tu vas mourir et que t’es inconscient … Ben c’est un être humain pareil qui est là. L’humanisme. Vraiment l’humanisme [et] le respect (France, P6).

Ce respect de la personne malade jusqu’à la toute fin est important dans l’approche des soins palliatifs.

Comme l’a mentionné Nathalie (P3) : « l’expérience [de fin de vie est] beaucoup plus facile quand t’as des gens formés qui t’accompagnent là-dedans que quand t’arrives dans une place où [ils ne connaissent pas les soins palliatifs]. Ce n’est pas la même approche ». Ainsi, il serait souhaitable que les infirmières soient plus sensibles à l’approche palliative qui est

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bien différente de l’approche curative. Hélène (P1) a précisé l’importance de la famille au sein de cette approche : « il y a la famille dont il faut s’occuper et c’est aussi important que le patient qui s’en va. Souvent, le patient est inconscient à la fin – mais la famille reste consciente ». Il est clairement établi dans l’esprit de cette approche que les infirmières aident et soutiennent les personnes malades, mais aussi leurs familles, leurs proches. À cet effet, le respect des proches demeure essentiel. France (P6) a souligné l’importance de « laisser la place à la famille. D’accepter que la famille soit là » comme elle l’a vécue sur l’unité avec sa famille. Pour Anne (P2), « t’annonce pas ça de même à quelqu’un là » en parlant de l’annonce du décès de son père dans le cadre de la porte, si tu as un certain respect pour l’être humain. De plus, Anne (P2) a spécifié :

J’veux dire l’Urgence ils n’ont pas le temps […] tu t’attends à avoir (elle rit) un service un peu fast food là. Mais aux soins palliatifs, tu t’attends à un minimum là. Mais pas de se faire garrocher de même dans le couloir en sortant de la chambre. Nathalie (P3) a souligné qu’effectivement les infirmières doivent être présentes, dans tous les milieux, spécifiquement en CHSLD, puisqu’elles portent un jugement clinique essentiel et qu’elles guident les autres professionnels. En ce sens, Hélène (P1) a indiqué que les interventions infirmières devraient être d’« analyser la famille, [de] regarder leurs besoins, [de] regarder le besoin du patient ». Ainsi, il serait souhaitable pour les infirmières de rester centrés sur les besoins des proches et d’éviter, comme l’a souligné Hélène (P1), « d’être dans un monde parallèle ». Hélène (P1) fait référence ici aux infirmières qui font leur travail en ne portant nullement attention à ce que les patients et les proches considèrent comme nécessaire à leur existence. En ce sens, il semble très important pour les participants que les infirmières s’informent de l’état des proches et de leurs besoins. Aline (P5), Louise (P4) et Nathalie (P3) ont souligné qu’elles ont été reconnaissantes que l’on valide leurs besoins et que l’on tente d’y remédier. Louise (P4) a énoncé que l’infirmière qui venait les voir à domicile vérifiait avec eux s’ils se sentaient toujours capables de poursuivre les soins à domicile. « Elle nous posait plein de questions. C’est ça que je dis elle revenait souvent à la charge : ‘Êtes-vous capable? ‘Vous sentez-vous assez forts pour continuer ? Puis ça, je pense que c’est important, t’sais, de valider ça ».

Les interventions infirmières envers les proches se prolongent à la suite du décès de l’être cher. Tel que l’a indiqué Anne (P2) :

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écoute si [l’infirmière] travaille aux soins palliatifs, ça prend un minimum de psychologie, ça prend un minimum d’accompagnement. […] Il n’y a pas une infirmière qui est venue nous voir dans le salon [après le décès de mon père,] ça prend un minimum d’humanité (Anne, P2).

Pour souligner l’importance de ce type d’intervention infirmière, Louise (P4) a spécifié qu’elle avait particulièrement apprécié la visite de l’infirmière, au domicile de son père, à la suite du décès de ce dernier.

Certaines participantes ont suggéré des interventions qui pourraient être mises de l’avant par des infirmières pour soutenir les proches dans leur expérience de prise de décision substituée. Nathalie (P3) à travers son discours a énoncé l’importance d’aller chercher de l’aide pour obtenir un soutien psychologique : « je dirais va chercher de l’aide des sociétés d’Alzheimer… Va voir une psychologue pour t’aider. Moi, je ne conseillerais jamais à quelqu’un de vivre ça [la prise de décision substituée] tout seul. Ça n’a pas de sens ». De son point de vue, l’impulsion qu’une personne a besoin dans ces situations pour aller chercher de l’aide pourrait être initiée par des infirmières. Pour France (P6), si la famille « a besoin de parler, [c’est] d’offrir ta disponibilité ». Les infirmières devaient toujours offrir leur disponibilité aux proches pour les écouter et s’enquérir de leurs expériences vécues tout en soulignant au passage l’importance d’aller chercher de l’aide en remettant de l’information sur des ressources disponibles permettant un accompagnement à l’extérieur des milieux de soins. Être écouté par une personne qui n’est pas directement impliquée émotivement, dans leur prise de décision, aide à normaliser ce que vivent les proches. Comme le soulignait Nathalie (P3), la psychologue qui l’accompagnait lors de son expérience de prise de décision substituée lui « rappelait tout le temps : t’sais là il n’y a pas à se sentir coupable ». Pour sa part, Anne (P2) suggérait qu’il serait important de s’informer auprès des proches pour savoir si c’est la première fois qu’ils vivent une situation de fin de vie et s’ils souhaitent être accompagnés dans leur expérience de prise de décision substituée. De plus, elle a indiqué qu’un contact physique des infirmières envers le proche pourrait être approprié et apprécié. Elle-même, qui ne se dit pas une « toucheuse », aurait apprécié un petit geste de la part des infirmières, surtout au moment de l’annonce du décès.

Nathalie (P3), Louise (P4) et Pierre (P7) ont souligné les bénéfices de faire face à cette épreuve graduellement ce qui permet un cheminement qui est aidant dans la prise de décision substituée. Louise (P4) soulignait :

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c’est d’avoir confiance en toi que t’es capable de dealer avec ça là, de ne pas voir trop loin… De prendre les décisions […] à chaque étape là, t’sais quand ça vient t’es rendu là. […] Parce que d’un autre côté si tu penses à trop loin – tu vas dire non, tout de suite, dès le début – parce que tu ne voudras pas vivre les affaires les pires. Tandis qu’il y a des affaires qui sont moins pires à vivre. Pis à chaque step tu peux toujours revisiter (Louise, P4).

Ainsi, l’infirmière peut tenter d’accompagner les proches dans leur cheminement et les amener à prendre conscience de l’importance de vivre une étape à la fois

Comme nous l’avons vu précédemment, les participants ont pour la plupart apprécié d’avoir eu la possibilité de prendre un long moment auprès de leur être cher suite à leur décès. Pour certains participants, c’est davantage les circonstances qui ont fait en sorte qu’ils ont eu la possibilité de passer ce moment auprès de la personne décédée, mais dans d’autres ce sont les professionnels de la santé qui se sont assurés que cela puisse être possible. Ainsi, il serait souhaitable que les infirmières aspirent à offrir ce moment privilégié aux proches. Malgré la présence de contraintes du système de santé, les infirmières seraient appelées à faire preuve d’advocacy pour permettre aux proches de vivre ce moment.

Comme indiqué précédemment, à la lumière des données recueillies, l’infirmière favoriserait une expérience de prise de décision substituée plus agréable pour les proches en mettant en place des interventions qui soutiendraient davantage les proches. En somme, tel que l’a souligné Hélène (P1), qui est elle-même infirmière, l’essence même de la profession infirmière est « d’aider, il faut que tu aimes aider le monde ». Malgré les circonstances difficiles à travers lesquelles elles sont souvent contraintes d’exercer, nos résultats indiquent que les infirmières devraient se le rappellent en tout temps.