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Les diverses études recensées, en majorité de nature qualitatives, permettent de déterminer plusieurs facteurs qui peuvent avoir un impact sur le processus de prise de décision. Malgré la multitude de ces facteurs, ceux-ci peuvent être regroupés à l’intérieur de catégories similaires puisqu’ils correspondent aux mêmes concepts. Nous retrouvons ainsi les facteurs liés à la connaissance préalable du patient, la relation avec les professionnels de la santé, la relation avec les autres membres de la famille, la qualité de vie, les croyances, valeurs et caractéristiques personnelles du proche, ainsi que d’autres facteurs variés.

La notion de la connaissance préalable du patient concerne avant tout les conversations que le proche a eues avec celui-ci, les expériences partagées ainsi que les valeurs communes (Vig, et al., 2006). Ainsi, plusieurs auteurs indiquent la pertinence de connaître les directives anticipées, autant verbales qu’écrites, et les souhaits de fin de vie de la personne malade. Ces mêmes auteurs font état de l’importance de connaître les expériences de vie du patient qui favorisent ainsi la connaissance de qui il était, de ses valeurs et de ses croyances (Meeker & Jezewski, 2004; Tilden, Tolle, Garland, & Nelson, 1995; Tilden, et al., 2001; Vig, et al., 2007; Vig, et al., 2006; Wilson, 2011). Les auteurs précisent que ce partage représente une aide à la prise de décision et qu’il s’agit en fait du facteur qui a le plus d’impact sur le processus de prise de décision, tel qu’identifié dans l’étude de Tilden et collaborateurs (2001). De plus, tous comme les auteurs précédemment

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nommés, Wilson (2011) reconnait qu’il est plus facilitant, lors d’une prise de décision substituée, d’avoir eu une discussion sur les souhaits de fin de vie que d’avoir seulement un document écrit. Meeker et Jezewski (2004) affirment que cette discussion doit même avoir lieu au plus tôt dans la trajectoire de maladie du patient.

La relation, et donc la communication, entre le proche du patient et les professionnels de la santé est un autre facteur contribuant fortement à la prise de décision. Lorsque cette relation est absente, insuffisante ou non satisfaisante, elle a même un impact négatif sur la prise de décision substituée. En effet, Kirchhoff et collaborateurs (2002) font état que le meilleur antidote face à l’incertitude entourant l’expérience des proches lors d’une prise de décision substituée, ici dans le contexte d’une unité de soins intensifs, est d’avoir une communication efficace avec les professionnels de la santé. Dans le même ordre d’idée, Tilden et collaborateurs (1995) concluent leur étude réalisée auprès de familles dans ce même contexte que ce qui fait la différence entre une expérience positive ou négative est leur niveau de collaboration avec les professionnels de la santé, à savoir si les proches se sont sentis inclus dans les soins et dans les prises de décisions. De plus, dans sa revue systématique Hinkle et coll (2015) spécifie qu’une communication satisfaisante contribue à la satisfaction des soins de fin de vie. Meeker et Jezewski (2004), qui ont demandé à des proches de personnes atteintes du cancer de définir leurs besoins liés à leur rôle de mandataire, ont identifié que ceux-ci veulent que les professionnels de la santé soient présents et sensibles à ce qu’ils vivent, sans être engagés dans leur drame. Ainsi, ils apprécient la présence des professionnels de la santé, le soutien qu’ils peuvent leur offrir tout en conservant une distance professionnelle par rapport à leur situation. Suite à leur étude auprès de membres de famille ayant un proche atteint de démence au stade terminal, Caron, Griffith et Arcand (2005a) mettent eux aussi l’accent sur l’importance, pour ces personnes, d’avoir une relation personnalisée; c’est-à-dire que l’équipe de soins comprenne les besoins spécifiques à leur situation et qu’elle soit empathique. La relation personnalisée est donc un élément facilitant l’établissement d’une relation de confiance entre le professionnel de la santé et les proches du malade inapte. Cette relation de confiance est primordiale puisqu’il est souhaitable qu’elle soit efficace lors de la prise de décision, et ce, pour favoriser une expérience plus satisfaisante.

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Pour les proches, l’évaluation de leur relation avec les professionnels de la santé se base sur l’information qu’ils reçoivent de ces derniers, tant au niveau de la quantité que de la qualité de ces informations. Or, dans plusieurs cas, les proches trouvent qu’ils n’ont pas assez d’informations sur la maladie, la trajectoire de la maladie, le pronostic et les autres options disponibles (Vig, 2007; Wilson, 2011; Meeker, 2004; Chambers-Evans, 2005; Caron, 2005; Tilden, 1995; Mick, 2003; Livingston, 2010; Gutierrez, 2012) .

Les relations entre les membres de la famille ont également un impact important dans la prise de décision (Larsen, 1999; Livingston, et al., 2010; Mick, et al., 2003; Tilden, et al., 1995; Vig, et al., 2007; Wilson, 2011). En effet, lorsque la personne qui prend la décision a l’impression qu’elle peut compter sur le soutien et l’opinion préconisée par les autres membres de sa famille, cela diminue son stress et sa souffrance (Larsen, 1999). Parallèlement, le fait d’avoir un consensus au sein de la famille et/ou des proches concernant la décision prise apporte plus de satisfaction au niveau de leur expérience (Tilden, et al., 1995). Par ailleurs, il est évident que tout conflit dans la cellule familiale augmente le stress de la personne qui prend une décision substituée (Livingston, et al., 2010). Durant cette période, le besoin d’obtenir l’approbation de la famille, plus spécifiquement pour le preneur de décision, est particulièrement important, puisque le sentiment de doute lié à ce type de décision est parfois très grand (Chambers-Evans & Carnevale, 2005).

La qualité de vie de la personne malade est un autre facteur prioritaire qui affecte le processus de la prise de décision substituée (Abrahamson, Bernard, Magnabosco, Nazir & Unroe, 2016; Caron, Griffith, & Arcand, 2005b; Livingston, et al., 2010; Tilden, et al., 1995; Tilden, et al., 2001; Wilson, 2011). D’après Caron, Griffith et Arcand (2005b) ainsi que Livingston et collaborateurs (2010), la qualité de vie de la personne atteinte de démence est une dimension centrale lors du processus de prise de décision par les proches puisqu’elle est intimement liée à l’état de santé du patient ainsi qu’au stade de la maladie qui lui est associé. Le preneur de décision prendra ainsi en considération, dans la majorité des cas, la qualité de vie du malade pour juger de la pertinence des traitements. À un certain moment, avec l’évolution de la démence et la diminution des échanges, le preneur de décision en viendra à se questionner sur la pertinence des traitements. Il réalisera que la

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détérioration de la condition de la personne malade, incluant notamment la présence de douleurs, engendrera une qualité de vie quasi nulle (Caron, et al., 2005b). C’est à ce moment que débute la phase palliative dans laquelle le proche mettra l’emphase sur l’absence de souffrance et le confort du patient atteint de démence. Wilson (2011) et Larsen (1999) énoncent par exemple que la présence de traitements agressifs qui causent de la douleur a un impact sur la prise de décision puisqu’elle touche à la qualité de vie du malade. Suite à cette prise de conscience sur la qualité de vie du malade, les proches auront ainsi plus tendance à adopter une approche palliative au niveau des soins, car ils veulent éviter la souffrance et privilégier son confort.

En ce sens, Caron, Griffith et Arcand (2005b) soutiennent encore l’importance de connaître la conception de la qualité de vie du point de vue de la famille. Selon eux, ce concept est difficile à comprendre puisqu’il peut se définir d’une multitude de façons. Néanmoins, la famille doit mettre l’emphase sur les préférences de l’être cher et sur son histoire et non sur ses propres croyances relatives à la qualité de vie acceptable de la personne malade (Chambers-Evans & Carnevale, 2005; Vig, et al., 2006). Bien que conduite avec des patients hospitalisés aux soins intensifs, l’étude de Tilden et collaborateurs (1995) arrive à la même conclusion. En effet, il peut s’avérer parfois difficile pour le preneur de décision de ne pas prendre en compte, consciemment ou non, de ses propres croyances et ses valeurs.

Les croyances des proches peuvent être difficilement écartées du processus de prise de décision et ont ainsi un réel impact sur celui-ci (Haley, et al., 2002). Cet impact est en fait beaucoup plus important lorsque les croyances du proche vont à l’encontre de ce que la personne malade souhaite. En effet, lors d’un désaccord, il est difficile pour le proche de mettre ses croyances de côté et de se concentrer sur les souhaits du patient (Chambers- Evans & Carnevale, 2005). Ainsi, le preneur de décision risque de baser sa décision sur ses croyances personnelles par rapport à une qualité de vie acceptable, par exemple, et mettre complètement de côté les souhaits de la personne malade (Vig, et al., 2006). Par ailleurs, on constate que les croyances et valeurs des preneurs de décisions ne font pas que s’interposer dans les prises de décisions. En effet, elles peuvent constituer un appui essentiel au processus de décision. Elliott, Gessert et Pedan-McAlpine (2007; 2009; 2006)

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explorent les valeurs et les croyances que les familles de personnes âgées ayant des troubles cognitifs utilisent pour guider leur prise de décision en fin de vie. Une de ces études (2007) démontre que les participants emploient par exemple la spiritualité pour contrôler leur stress et comme source de confiance. Vig et collaborateurs (2007) précisent pour leur part que les croyances spirituelles s’avèrent aidantes dans le processus de prise de décision.

Enfin, certains auteurs ont soulevé d’autres facteurs pouvant avoir un impact sur le processus de prise de décision, mais ils restent peu documentés dans la littérature. Néanmoins, Wilson (2011) signale le besoin d’accepter la mort du malade et la futilité du traitement pour aller de l’avant et prendre une décision sans prolonger inutilement la vie. Un sentiment de déni quant à la situation du malade, bien que souvent compréhensible, peut en effet retarder la prise de décision. Dans le même ordre d’idée, Gessert, Forbes et Bern-Klug (2001) soutiennent que l’inconfort de la prise de décision vient de l’ambivalence au sujet de la mort de leur proche. En effet, ils ont la perception que la mort est plus proche, mais ne veulent pas être ceux qui la favorisent ou qui l’acceptent. Bref, on constate que plusieurs facteurs peuvent influencer l’expérience d’un proche prenant une décision substituée. C’est ainsi dire que l’expérience du proche est unique et propre à sa situation et à l’environnement dans lequel il se retrouve. Il reste néanmoins qu’il peut se dégager une trame commune mettant en évidence différentes phases associées au processus de prise de décision.