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5.1 Des convergences, des divergences et des contraintes

5.1.1 Les convergences

La présentation des convergences entre les résultats de cette étude et la littérature sera faite sous l’angle des facteurs facilitants et contraignants de la PDS et sous l’angle des sentiments vécus par le proche durant l’expérience de prise de décision.

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5.1.1.1 Les facteurs facilitants et contraignants

Cette étude a permis de mettre en évidence des facteurs facilitants et contraignants à la prise de décision similaires à ceux recensés dans la littérature.

De fait, la présence de directives anticipées vient faciliter l’expérience de la PDS, mais selon plusieurs participants, une discussion avec la personne malade sur ses souhaits relatifs à la fin de vie peut vraiment faire une différence. En effet, Wilson (2011) reconnait qu’il est plus facilitant lors d’une prise de décision substituée d’avoir eu une discussion sur les souhaits de fin de vie que de seulement détenir un document écrit. Outre les directives anticipées, les conversations que le proche a eues avec celui-ci, les expériences partagées, ainsi que les valeurs communes sont de la plus grande importance (Vig, et al., 2006). Par exemple, Louise (P4) partageait les mêmes valeurs et la même conception de la vie que son père, tout comme son frère et sa sœur. Ainsi, l’unité familiale régnait concernant la PDS, car ils avaient souvent entendu parler leurs parents de leur désir de rester à la maison et de ne pas être un fardeau pour la famille.

Tous les proches rencontrés partageaient par ailleurs le même principe pour guider leur décision, soit celui que la personne malade ne souffre pas. Comme cette souffrance affecte directement la qualité de vie, il est important pour les proches de l’évaluer (Tilden, 1999; Swigart 1996) lors du processus de prise de décision. Pour se faire, les proches tentent de se mettre à la place de la personne malade. Comme Pierre (P7) l’a spécifié, la difficulté demeure néanmoins de se mettre à la place de l’autre alors que la personne n’est peut-être pas rendue au même stade dans le cheminement d’acception de l’état de santé.

Comme nous l’avons vu, la qualité de vie de la personne malade, telle que perçue par les proches, aura aussi un impact sur le processus de prise de décision (Swigart, 1996). Pour ce faire, les proches se remémorent la condition de santé passée du patient et font une projection dans le futur. Plus le proche est présent auprès de la personne malade, plus il s’investit, plus il sera en mesure d’avoir un regard critique sur la qualité de vie de cette dernière et sera ainsi à même de développer de la résilience. Est-ce pour cela que certains participants mentionnent ressentir du soulagement lors du décès de l’être cher? Il nous est permis de le croire à la lumière de nos résultats.

Le soutien familial a aussi été nommé comme un facteur facilitant d’importance pour les proches lors de l’expérience de PDS. En effet, tel que précisé par Larsen (1999), la

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personne qui prend la décision a l’impression qu’elle peut compter sur le soutien et l’opinion des autres membres de sa famille, ce qui diminue son stress et sa souffrance. France (P6) a confirmé par ses propos cette convergence de nos résultats avec les écrits disponibles : « j’ai senti que ma famille était derrière moi et derrière les décisions qu’on prenait. Parce que… ils voulaient tous que mon père arrête de souffrir ». Le fait d’avoir un consensus au sein de la famille concernant la décision prise apparaît satisfaire davantage les proches du point de vue de leur expérience, et ce, au même titre que le précise Tilden & al. (1995).

La présence de désaccord entre les membres de la famille, si minime soit-elle, a un impact sur l’expérience de PDS. C’est ce que précise Nathalie (P3) qui était consciente que son frère ne se serait jamais opposé à une de ces décisions, mais alors qu’il était important pour elle d’obtenir son accord. En effet, durant cette période, le besoin d’obtenir l’approbation de la famille, plus spécifiquement pour le preneur de décision, est particulièrement important, puisque le sentiment de doute lié à ce type de décision est parfois très grand (Chambers-Evans & Carnevale, 2005).

Le besoin d’obtenir de l’information est également capital pour les proches lors de leur expérience PDS. Or, dans plusieurs situations. Les infirmières représentent la pierre angulaire au niveau de la transmission des informations. Tel que vécu par plusieurs participants, une multitude de manquements ont été rapportés concernant la transmission de différents types d’informations jugées nécessaires. Chambers-Evans et Carnevale (2005) stipulent que les proches sont souvent mécontents des informations reçues, car ils ne correspondent pas à leurs besoins. Lind (2012) souligne que les médecins sont fréquemment trop occupés pour donner de l’information et que les infirmières sont, quant à elle, trop vagues; les proches se sentent alors responsables d’obtenir de l’informations par eux-mêmes, notamment via d’autres sources. Ce fut le cas de Nathalie (P3), alors que ses filles se sont avérées très aidantes pour l’obtention d’information, lui permettant ainsi de progresser dans le processus de PDS.

L’établissement d’une relation de confiance entre le proche et le professionnel de la santé demeure aussi un élément central dans l’expérience de PDS. En effet, Meeker et Jezewski (2004) soulignent que les proches apprécient que les professionnels de la santé soient présents et sensibles à ce qu’ils vivent, sans être engagés dans leur drame. Comme

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Nathalie (P3) l’a précisé, en convergence avec la littérature répertoriée, cela augmente l’assurance des proches dans leur prise de décision.

Selon les participants concernés, les croyances spirituelles apparaissent apporter un réconfort du point de vue de leur expérience, surtout suivant le décès de l’être cher. Vig et collaborateurs (2007) en arrive aux mêmes résultats et précisent que les croyances spirituelles se révèlent aidantes dans le processus de prise de décision.

5.1.1.2 Les sentiments vécus par le proche durant l’expérience de prise de décision.

Au vu de nos résultats, nous souhaitons mettre en lumière l’inconfort présent lors de la prise de décision. Cet inconfort a été mentionné chez la majorité des proches lors de leur expérience de PDS. En effet, France (P6) précisait que les décisions prises pour le mieux- être de son père concernant le soulagement des souffrances, engendraient un résultat des plus négatif de son point de vue, soit le décès de son père. Gessert, Forbes et Bern-Klug (2001) soutiennent en ce sens que l’inconfort de la prise de décision vient de l’ambivalence au sujet de la mort de leur proche. En effet, ils ont la perception que la mort est plus proche, mais ne veulent pas être ceux qui la favorisent. Il est légitime de se questionner à savoir si les infirmières peuvent mettre en place des interventions permettant de diminuer cet inconfort chez les proches.

De plus, les résultats de cette étude démontrent que la culpabilité est le principal sentiment que vivent les proches durant leur expérience PDS. En effet, ce sentiment était plus fortement présent chez les participants ayant vécus, le plus récemment, leur expérience PDS. Ceux dont l’expérience PDS remonte à plusieurs années, nous ont spécifié que l’intensité de la culpabilité diminuait avec le temps. Dans le cadre de cette étude, une seule participante a précisé ne pas avoir ressenti de culpabilité au cours de son expérience. Or, dans la littérature recensée, ce sentiment est bien documenté (Meeker, 2004; Hayes, 2003; Jeffers, 1998); dans certaines expériences de PDS sur une unité de soins intensifs, il est même question de symptômes similaires au syndrome de choc post-traumatique (Azoulay et al., 2005). Ces constats amènent donc un questionnement. Pourquoi ce sentiment est-il existant malgré la présence de facteurs facilitants la PDS (directives anticipées, unité familiale)? Serait-il possible qu’en offrant une relation soignante (infirmière-proche/patient) idéale, ce sentiment

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diminue en intensité pour les participants ? En effet, la totalité des participants ont précisé que cette relation pouvait faire une réelle différence au niveau de leur expérience en atténuant le sentiment de culpabilité. Une section de ce présent chapitre sera d’ailleurs consacrée à la relation soignante.