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4.2 Axe 1 : L’expérience de la PDS

4.2.1 Varie en fonction de l’organisation des soins et des services de santé

4.2.1.2 Impacts de l’accès aux services de santé

Une multitude de contraintes ont été recensées auprès des participants concernant l’accès aux services de santé. En effet, des contraintes en lien avec l’hébergement en soins de longue durée ont été exposées par des participants. De plus, certains participants ont indiqué la difficulté d’obtenir des services et des soins. Quelques participants ont également fait état de certains bons coups du système.

Deux participantes ont souligné les difficultés liées au réseau des résidences privées. En effet, lorsque les patients (locataires) ne correspondent plus aux critères établis, ceux-ci doivent quitter l’établissement et se retrouvent généralement à l’urgence, ce qui a pour effet d’entrainer diverses situations des plus délétères. Pour la mère d’Aline (P5), la déqualification de sa mère de 102 ans par rapport aux critères de la résidence où elle habitait a contraint cette dernière à devoir séjourner durant 4 jours à l’urgence; celle-ci n’était plus considérée comme étant « semi-autonome ».

Le père de Nathalie (P3) qui a eu des troubles de comportements liés à sa démence, s’est pour sa part retrouvé à l’urgence et a été contraint de quitter la résidence privée où il

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habitait. Ainsi, il a dû être hospitalisé durant plus de deux mois avant de retrouver une place en CHSLD.

Eux-autres [la résidence privée], quand ils ont un problème de comportement…[il l’envoie à l’urgence] pis ils ont dit, ‘on ne le reprend plus.’ Il s’est ramassé pendant deux mois et demi [à l’] hôpital, [en soins de longue durée], en attendant d’avoir une autre résidence (Nathalie, P3).

Comme le précise Nathalie (P3), se déplacer avec son père atteint de parkinson ou sa mère atteinte d’Alzheimer pour une visite médicale, « ça demande beaucoup aux proches » et ces rencontres peuvent être fréquentes. Comme l’a indiqué Nathalie (P3), l’urgence n’est pas un milieu de soin convenable pour une personne atteinte d’Alzheimer. À ces occasions, Nathalie (P3) devait par ailleurs demeurer en permanence au chevet de mère sans quoi « ils l’attachaient dans son lit ». Il est par ailleurs à noter que le fait de vouloir demeurer au chevet d’un proche est en soit contraire à certaines règles institutionnelles – notamment à l’urgence. Des participantes comme Aline (P5) nous ont par ailleurs confié qu’on les avait invités à ne demeurer au chevet de leur proche que 5 minutes par heure. Une règle institutionnelle inhumaine du point de vue d’Aline (P5) que celle-ci n’a jamais respecté. La forte personnalité d’Aline (P5) et le fait que le médecin qui prenait soin de sa mère avait été témoin d’une conversation entre elle et un professionnel qui l’invitait à quitter l’aurait amené à pouvoir bénéficier d’une « dérogation » à cette règle.

Lorsqu’une personne âgée est en attente d’une place en CHSLD, elle est inscrite sur une « liste d’attente », un registre régional. Celle-ci peut exprimer ses préférences quant au lieu où elle souhaite être hébergée. Toutefois, selon les témoignages des participants, l’attribution des places se fait davantage en fonction de l’urgence de la situation et des places disponibles, qu’en fonction des souhaits des personnes âgées ou de la situation géographie des proches. Nathalie (P3) a vécu cette situation avec son père et a précisé qu’aucun refus d’assignation n’était possible même si la résidence sélectionnée était géographiquement très éloignée de son domicile. « T’as aucun choix. Ah, c’est son tour…pis la place est libérée, c’est là! […] Il n’y a rien pour faciliter la vie là ».

D’après les dires de la majorité des participants, obtenir des services ou des soins du système de santé peut être complexe dans plusieurs situations. Anne (P2) a souligné la difficulté rencontrée lorsqu’elle a voulu obtenir une seconde chaise de façon à ce qu’elle

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puisse s’asseoir au chevet de son père. Celle-ci a également souligné les problèmes associés au fait de devoir partager une chambre dans un contexte de soins palliatifs : « là on était encore dans une fucking chambre double ; pis la fille d’à-côté n’était même pas en soins palliatifs – elle sortait d’une chirurgie… »

Dans un autre ordre d’idées, Nathalie (P3) a stipulé avoir réussi à obtenir les services d’une travailleuse sociale de la part du CLSC. Par contre, celle-ci a souligné ne pas avoir vu la même intervenante plus de deux fois, car il y avait beaucoup de roulement de personnel. De plus, elle a précisé que deux travailleuses sociales différentes avaient été assignées à sa mère et à son père. Toujours selon les dires de Nathalie (P3), la présence d’infirmières dans les résidences privées est rare et cela aurait eu un impact sur son expérience.

Pis au privé ben ils n’en paient pas d’infirmières, mais il y a une grosse différence entre une infirmière pis une infirmière auxiliaire. Pis les préposés(e)s ont besoin d’être guidés pis ça prend quelqu’un qui est capable un peu… plus de diagnostiques et de jugement … ce qu’ils n’ont pas. Ils ne sont pas équipés dans le personnel (Nathalie, P3).

En effet, cette situation a fait en sorte que Nathalie (P3) a dû mettre en place différents outils, par exemple, un tableau dans lequel les infirmières auxiliaires devaient cocher le moment de la journée où sa mère avait des comportements agressifs et ainsi, aider les intervenants à déterminer le bon moment d’administration de la médication. De plus, comme elle constatait le peu de formation du personnel en ce qui a trait aux troubles de comportement, Nathalie (P3) a effectué des démarches pour obtenir l’aide d’une infirmière spécialisée dans ce domaine. Celle-ci a alors mis en place des interventions infirmières appropriées pour sa mère. La résidence privée conventionnée au sein de laquelle le père de Nathalie (P3) a obtenu des soins palliatifs, ne mettait pas à la disposition du personnel et de Nathalie (P3) le matériel nécessaire à la prestation de soins adaptés à la fin de vie. Elle précise : « mais si je ne l’avais pas vécu avec maman, je n’aurais pas su ce que ça prenait pour papa ».

Ainsi, Nathalie (P3) a dû elle-même contacter sa pharmacie pour obtenir le matériel nécessaire. De plus, elle nous a confié qu’une propension extrême au sein des CH à vouloir assurer la sécurité des patients a énormément affecté l’état de santé de son père : « t’sais c’est comme l’extrême protection qui l’a rendu au plus bas. « Dans le milieu où il a été le plus

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médicalisé… c’est là qu’ils me l’ont dégradé le plus ». En effet, dû à son risque de chute important, les professionnels de la santé l’ont contentionné à outrance et il s’est retrouvé déconditionné. Nathalie (P3) a expliqué cette situation : « j’pense qu’ils ne [réfléchissent pas] assez avant de [prendre la décision]… ils sont en mode : « je soigne, OK. » Selon les propos d’Aline (P5), c’est à l’urgence que la situation serait la plus problématique, et qu’il y a de la « confusion ». En effet, elle précise : « c’est l’urgence qui est chaotique – mais un coup que t’es rendu à l’étage, […] j’ai trouvé qu’on a été traité dans le respect. Surtout rendu aux soins palliatifs ».

Pierre (P7) n’a pas vécu de problèmes d’accès au système de la santé ni pour l’obtention de soins et de services. Nous pouvons nous questionner à savoir si la situation familiale particulière de Pierre (P7), c’est-à-dire une grande proportion d’infirmières et de médecins parmi les membres de sa famille, a pu améliorer son expérience. Celui-ci précise : « [tu sais, il y a] beaucoup de docteurs pis d’infirmières dans la famille eh ben c’est sûr que c’a été peut-être plus facile que dans d’autres familles là. T’sais on ne dépendait pas nécessairement du CLSC là pour lui donner ses soins ». En plus, le médecin traitant de sa mère était son employeur.

« [Je] dois dire qu’on a quand même eu un service – comme je vous le mentionnais tantôt – ses médecins c’étaient ses patrons là. On a eu comme un service hors pair. Vu qu’il y a beaucoup de médecins dans la famille ben on avait des différentes expertises. Si on voulait avoir d’autres opinions, c’étaient plus simple » (Pierre, P7). Dans le système de santé québécois, en serions-nous rendus à devoir travailler dans ce système pour comprendre les différentes failles et ainsi, mieux les accepter pour finalement trouver d’autres moyens d’arriver à nos fins. Pour Pierre (P7) « c’est peut-être parce qu’on comprend le système de la santé que c’est peut-être plus facile d’accepter ce qui peut ne pas fonctionner ».

Pour sa part, Nathalie (P3), a fait plusieurs constats troublants sur le système de santé. T’as la chance d’avoir un proche aidant qui est là. Mais il n’y a rien pour l’aider. Ça fait qu’imagine ceux qui n’ont personne. C’est terrible ! Le système c’est épouvantable ! Ça, ça fait peur… pour vieillir sincèrement là. […] Heureusement qu’ils avaient de l’argent. J’ai pu leur payer la résidence privée. Ce qui a fait que j’ai été capable de les y amener. Parce qu’oublie ça… j’n’aurais pas pu les entrer dans un CHSLD, en partant… et, j’ai pu payer le médecin privé (Nathalie, P3).

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Nathalie (P3) s’expliquait cette situation par une pénurie de moyens dans le système de santé québécois :

moi, ça, je le vois par la pénurie de moyens qu’on a… t’sais ça n’a pas de bon sens que je transfère mes parents pour m’en occuper. Parce qu’on a besoin… on ne peut pas les dumper en quelque part…ça prend du monde alentour des personnes âgées. Je les transfère [ici] en me disant que j’vais m’en occuper. Pis j’ne suis pas capable d’avoir un médecin de famille ici, voyons c’est un non-sens là (Nathalie, P3).

Malgré les problèmes rencontrés par les participants dans le système de santé, il apparaît important de souligner des points positifs et ce qui s’est révélé aidant pour eux. Dans la situation rapportée par Aline (P5), lors de l’admission à l’urgence, le personnel a fait en sorte de lui offrir une expérience plus humaine en pouvant bénéficier d’une civière qui était plus à l’écart. « À l’urgence, ils lui ont trouvé une petite salle qui était un peu plus éloignée là près du bureau d’une infirmière proche, en tout cas, on était vraiment tranquille là ». Aline (P5) nous a par ailleurs révélé être convaincue que si elle n’avait pas proposé elle-même un transfert rapide à l’unité de soins palliatifs, l’équipe de l’urgence lui aurait offert ce transfert de son propre chef. Sylvie (P4) a été étonnée de la rapidité des services reçus : « les services vraiment… on appelait pis c’n’était pas long qu’ils nous rappelaient. […] Même le lit d’hôpital là, ils sont venus nous le porter la veille de Noël à 4 heures dans l’après-midi ». Pour sa part, France (P6) a spécifié avoir eu « la chance » de bénéficier d’une chambre privée pour son père. Chambre qui leur a été proposée par l’équipe de soins. Dans le même sens, Pierre (P7) a indiqué que lorsque sa mère avait davantage besoin de soins, le médecin traitant se déplaçait pour effectuer des visites à domicile.