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Quatre études et une métasynthèse contribuent à clarifier le processus de prise de décision d’un proche pour un patient, soit celles de Swigart et collaborateurs (1996), Jacob (1998), Tilden et collaborateurs (1999), Limerick (2007) et Meeker et Jezewski (2008). Telles que présentées dans le tableau 1, ces études explicitent des phases ou des thèmes pouvant permettre de mieux comprendre le processus de prise de décision, chacune dans un contexte de soins intensifs. Par exemple, Swigart et collaborateurs (1996) explorent le processus de prise de décision lors de la cessation de traitements, et Limerick (2007) tente

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d’approfondir le processus utilisé par les proches devant la décision de cesser ou de ne pas entreprendre un traitement de maintien en vie.

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Tableau 1 : Processus de prise de décision en contexte de soins intensifs selon cinq auteurs

Auteur Swigart, Lidz,

Butterworth et Arnold (1996)

Jacobs (1998) Tilden, Tolle, Nelson, Thompson et Eggman (1999)

Limerick (2007) Meeker et Jezewski (2008)

Méthode Théorisation ancrée

Théorisation ancrée

Étude descriptive Théorisation ancrée Métasynthèse Nombre de participants 30 proches de 16 patients 17 proches de 15 patients 30 proches de 18 patients

17 proches de 17 patients 390 proches dans 14 études Nombre de

division

3 phases 3 thèmes 4 phases 3 domaines comprenant 9 thèmes 3 catégories majeures Division 1. Comprendre et recadrer l’expérience de maladie 2. Revoir et revisiter la perception du patient 3. Maintenir les rôles familiaux 1. Arriver à un jugement 2. Bouger en concert versus en désaccord 3. Regarder derrière et aller de l’avant 1. Reconnaître la futilité 2. Arriver à l’échéance 3. Porter le rôle de mandataire sur ses épaules

4. Faire face à la question

6 mois plus tard : Triangulation de la certitude

1. Domaine personnel • Soutien familial

• Évaluer condition passée et présente du patient

• Regarder la qualité de vie passée et future

2. Domaine de l’environnement des soins intensifs

• Chasse aux médecins • Développer des relations

avec les professionnels de la santé

• Confirmer les résultats médicaux probables 3. Domaine de la décision

• Arriver à des nouvelles certitudes

• Être seul pour prendre la décision • Communiquer la décision 1. Recadré la réalité • Informations • Observations 2. Être en relation • Professionnel de la santé • Famille 3. Intégration • Réconciliation • Aller de l’avant

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Bien que chaque auteur emploie un vocabulaire qui lui est propre et particulier, plusieurs étapes du processus peuvent être regroupées puisqu’ils portent sur des concepts similaires. Effectivement, quoique les auteurs identifient de trois à neuf étapes ou thèmes, nous pouvons regrouper et résumer le tout en trois phases. Suite à l’analyse des études précédemment exposées, trois dimensions semblent incontournables dans le processus de prise de décision d’un proche : l’obtention de l’information requise, la remémoration de la perception du proche et l’intégration d’une décision qui fait sens.

2.3.1 Première dimension : obtention de l’information requise

Quels que soient les modèles proposés, tous s’accordent pour dire que la première phase du processus de prise de décision substituée inclut, pour les proches, la nécessité d’obtenir de l’information, soit par l’observation du malade et de son environnement, soit en entrant en relation avec les professionnels de la santé. La relation avec les infirmières est vue comme étant particulièrement aidante et offrant plus de soutien que celle offerte par les autres professionnels (Limerick, 2007). Parmi les éléments considérés non aidants pour les proches, on note l’utilisation, par les médecins ou les autres professionnels de la santé, d’un jargon médical pour leur transmettre de l’information (Tilden et al, 1999), la présence d’une « chasse au médecin » pour obtenir l’information désirée (Limerick, 2007) ou encore de la transmission d’informations contradictoires (Swigart, 1996; Limerick, 2007).

La personne qui prend les décisions (et ses proches) a en fait besoin de ces informations pour comprendre la condition du malade (Tilden et al, 1999; Swigart, 1996). Si elle n’y parvient pas, aucune information ne sera comprise et il n’y aura pas de progression dans le processus de prise de décision. C’est notamment lorsqu’elle réalise que le malade souffre et que les traitements contribuent à cette souffrance qu’elle poursuivra le processus décisionnel. Elle pourra également avoir besoin de se faire répéter souvent les informations pour assimiler l’état terminal de l’être cher (Limerick, 2007). Il est important que les proches soient convaincus que la personne malade a reçu les meilleurs soins possibles et qu’une confiance s’installe avec les professionnels de la santé (Swigart, 1996) qui fait référence à la dimension émotionnelle de la compréhension.

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Plus les proches ont l’impression de travailler de concert avec les professionnels de la santé (le partage d’information, soins de qualité au malade et un accord mutuel par rapport au but des traitements), plus la prise de décision serait facilitée (Jacob, 1998). D’un autre côté, si les proches ont l’impression d’aller dans le sens inverse des professionnels de la santé par rapport aux buts poursuivis, d’être isolés ou de manquer d’informations, plus ils seront troublés par la situation puisqu’à leurs yeux ils ne seront pas entendus. Ainsi, pour aller de l’avant, les proches chercheront à se connecter avec une infirmière qui partage leur point de vue et ainsi être compris (Jacob, 1998).

En somme, selon Swigart et coll (1996) trouver une source d’information fiable est essentielle pour permettre de faire le lien entre les éléments du passé et la situation présente, pour comprendre l’instabilité ou la diminution de la condition du patient et pour débuter un cheminement en lien avec la probabilité de mourir. En réponse à cela, ils pourront se diriger vers l’autre phase du processus de prise de décision (Limerick, 2007; Tilden, 1999).

2.3.2 Deuxième dimension : remémoration de la perception du

proche

Suite à la recherche d’informations pertinentes, les proches tentent de se rappeler la perspective de la personne malade, donc ce qui est important pour elle, ce qui constituera une base dans leur processus de prise de décision (Limerick, 2007). Pour ce faire, le preneur de décision et les proches se remémorent certains souvenirs de leur être cher et aussi de ses expériences de vie (Swigart, 1996). De ce fait, ils seront davantage en mesure de considérer son caractère, sa personnalité et ses valeurs. En fait, les proches accordent une grande importante à faire ce que le malade aurait souhaité (Swigart, 1996). Dans ses conditions, les directives anticipées écrites ou verbales peuvent certes être utiles (Jacob, 1998). En effet, lorsqu’elles sont disponibles, elles peuvent faire une différence (Tilden, 1999). La présence de ses directives apporte une sensation de clarté qui sera aidante lors de la prise de décision (Swigart, 1996).

Pour poursuivre dans le processus de prise de décision, les proches se doivent de reconnaître la présence ou non de souffrance chez la personne malade. Comme la souffrance vécue a un impact important sur la qualité de vie du malade, il devient primordial pour les proches d’évaluer son impact (Tilden, 1999; Swigart, 1996), et ce, en

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utilisant diverses stratégies. Par exemple, ils tentent de se mettre à la place du patient et de voir comment il pourrait se sentir, ou encore ils se souviennent du caractère du malade, de sa personnalité, des valeurs auxquelles il accordait de l’importance et de ses diverses expériences de vie. (Limerick, 2007; Tilden, 1999). Comme nous l’avons vu, la qualité de vie du malade, telle que perçue par les proches, aura aussi un impact sur le processus de prise de décision (Swigart, 1996). Pour ce faire, les proches utilisent l’observation du patient en lien avec sa condition de santé passée et une projection dans le futur.

2.3.3 Troisième dimension : vers l’intégration d’une décision qui

fait sens

Concernant cette prochaine et dernière dimension, Tilden et collaborateurs (1999) soulignent l’importance de faire face à la question qui survient lors d’un changement de condition chez le malade et qu’une décision s’impose. En effet, lorsque le preneur de décision croit que la poursuite du traitement n’est plus bénéfique pour le patient, et bien qu’un sentiment de culpabilité et d’incertitude l’envahisse, il demeure conscient qu’une décision doit être prise (Limerick, 2007). La personne désignée en vient à ce constat en référence aux observations du patient, à l’évaluation de sa qualité de vie et au pronostic tel que spécifié par les professionnels de la santé (Limerick, 2007). Les familles ont dès lors besoin que les médecins agissent avec tact et sensibilité surtout lors de la réunion familiale concernant l’état du patient et la façon dont ils envisagent la suite des soins (Tilden, 1999). La famille et les proches sont d’une grande importance tout au long du processus de prise de décision et particulièrement lors de cette dernière phase, puisque les membres de la famille ont besoin d’interagir en explorant les droits, les considérations et les idées de chacun. Effectivement, pour plusieurs, la décision est facilitée lorsqu’il y a unité au sein des proches (Swigart, 1996).

Néanmoins, malgré le besoin d’unité au niveau des proches, celui qui prendra la décision a généralement besoin de se retirer. Il utilisera ce temps pour regrouper toutes les informations reçues, soit celles provenant du patient, des professionnels de la santé et des proches. Suite à ce moment de réflexion, cette personne devra communiquer sa décision de cesser ou de retirer un traitement contribuant au maintien de la vie (Limerick, 2007). Ceux qui prennent des décisions et leurs proches se doivent de donner un sens, positif ou

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négatif, à leur expérience, de l’intégrer dans leur vie et d’aller de l’avant (Jacob, 1998). Selon Jacob (1998), une relation positive existe entre le travail effectué de concert avec les professionnels de la santé durant la prise de décision et le sens qui sera donné à cette expérience.

Swigart et coll. (1996), Jacob (1998), Tilden et coll. (1999), Limerick (2007) et Meeker et Jezewski (2008) décrivent les mêmes trois dimensions du processus de prise de décision. Ainsi, les proches devraient en majorité évoluer à travers ces mêmes dimensions. Par contre, on comprend que ce processus par étapes inclue également un aspect psychologique que les proches vivent à travers cette prise de décision, et mis en lumière par Meeker (2004).