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PROCESSUS D’INTÉGRATION DIFFÉRENCIATION

IMPLICATIONS À L ’ INTERFACE DES ENTITÉS

1.2. L’INTÉGRATION ET LA DIFFÉRENCIATION AU SEIN DE L’ORGANISATION : IMPLICATIONS À L’INTERFACE DES ENTITÉS

1.2.1.3.3. U NE ZONE FRONTALIÈRE FAIBLEMENT SOCIALISÉE

La frontière apparaît dans cette approche comme une zone socialisée. Les acteurs frontaliers sont en interrelation les uns avec les autres (Lawrence et Lorsch, 1968)291 ; ils sont engagés dans des

processus de communication, de coordination plus ou moins organisés formellement et dans des conflits.

La socialisation de cette zone est cependant très réductrice puisqu’elle est pensée uniquement en termes de fonctions ou de rôles des acteurs et qu’elle est très directement façonnée par les caractéristiques de l’environnement. La socialisation correspond à la construction de liaisons, qui comprend la gestion des conflits, et a pour fonction de concilier les effets de la différenciation, elle-même déterminée par l’environnement, avec les objectifs de l’organisation.

1.2.1.3.4. U

N ACTEUR DÉTERMINÉ PAR LES EXIGENCES DE L

ENVIRONNEMENT

Bien que l’acteur soit considéré dans ses interactions avec les autres, il reste rationnel et est fortement déterminé par son contexte environnant. Dans cette approche, et plus généralement dans la théorie de la contingence structurelle, le comportement de l’acteur dépend de la structuration de l’organisation, laquelle dépend des caractéristiques de son environnement. Par extension, les objectifs dont les acteurs sont porteurs et les comportements qu’ils adoptent ne sont pas endogènes à leur socialisation mais sont seulement attribués par l’organisation formelle, ce qu’ils acceptent spontanément.

1.2.1.3.5. U

NE CONCEPTION FONCTIONNALISTE DES INTERFACES

Les analyses de Lawrence et Lorsch apportent un élément fondamental pour la compréhension de notre objet de recherche : la relation entre l’état des interfaces organisationnelles et l’équilibre des processus d’intégration et de différenciation. Ils montrent en effet que le déséquilibre de ces processus, dans le sens de la différenciation, engendre des défauts de communication, de coordination et des conflits aux interfaces.

Ces zones, mouvantes et instables selon l’évolution croisée de ces deux processus, sont essentiellement des zones de liaison dont la fonction consiste à neutraliser les effets de la différenciation, laquelle est fonction des caractéristiques de l’environnement. Elles consistent, en somme, à neutraliser les effets produits par l’adaptation de l’organisation à son environnement. Dans ce cadre, les interfaces qui réalisent efficacement cette fonction sont celles dont les caractéristiques sont « intermédiaires » à celles des entités interfacées. Ces caractéristiques peuvent porter sur les structures, les objectifs, les compétences ou encore sur la représentation du temps. À partir de ce positionnement intermédiaire, les acteurs en charge de l’intégration (individuels ou collectifs) suscitent l’intermédiation, la confiance et la négociation pour obtenir des consensus.

Les apports de cette approche, bien que substantiels, méritent néanmoins d’être relativisés. Les travaux des auteurs et le courant de recherche dans lequel ils s’inscrivent ont fait l’objet de nombreuses critiques, résumées par Friedberg (1993)292. Ces critiques renvoient notamment à

l’objectivisme qui caractérise la conception des structures et du contexte, au déterminisme de l’adaptation des structures de l’organisation en fonction de son environnement et à la sélection quasi-darwinienne des organisations par le marché.

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291 Ibid., p. 25

292 Friedberg E., Le pouvoir et la règle. Dynamiques de l’action organisée, Éditions du Seuil, 1993, 2ème édition revue et complétée

Ces postulats, qui font de l’organisation une entité cohérente orientée par des buts permettant de réaliser des choix de structure, de diviser le travail et de coordonner les tâches afin d’augmenter son efficacité, débouchent sur une vision fonctionnaliste de l’organisation et des interfaces, pour laquelle l’essentiel se situe dans le schéma moyens / fins.

Ces critiques bousculent les relations que ce courant de recherche établit entre les caractéristiques de l’environnement et celles des organisations, y compris en matière d’intégration et de différenciation. Pour Lawrence et Lorsch, dans une organisation efficace, « l’état de différenciation est

compatible avec chacun des secteurs de l’environnement, et l’état d’intégration est compatible avec l’exigence

d’interdépendance de l’environnement » (Lawrence et Lorsch, 1968)293. Le degré d’intégration et de

différenciation est ainsi, pour les auteurs, déterminé par l’environnement.

Or, des travaux ultérieurs ont montré la motricité de l’organisation quant à sa structuration. Citons par exemple ceux de Child (1972)294, qui introduisent la stratégie comme variable explicative des

structures, ou ceux du courant de la ressource-dépendance (Pfeffer et Salancik, 1978295 ; Grandori,

1987296), pour lesquels l’organisation, active, cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis de

l’environnement. Ajoutons également les travaux de Weick (1969297, 1976298), qui mettent en

évidence que la perception et l’interprétation de l’environnement par les acteurs sont étroitement liées aux conditions de l’action collective de ces mêmes acteurs.

Il en découle deux remarques complémentaires. Premièrement, les relations entre intégration- différenciation et environnement établies par Lawrence et Lorsch ne sont pas nécessaires, la régulation aux interfaces ne dépend donc pas seulement de l’environnement de l’organisation, d’où la seconde remarque. La régulation aux interfaces implique des phénomènes locaux, spontanés, moins directement liés à l’environnement, à la structure, aux objectifs et aux rôles formels.

Ces remarques ne remettent cependant pas en cause l’hypothèse essentielle pour notre recherche, selon laquelle l’état des interfaces entre entités dépend à la fois du degré de différenciation et du degré d’intégration de ces mêmes entités. Cette hypothèse sera néanmoins enrichie, notamment, par les approches sociologiques, qui mettent l’emphase sur les stratégies d’acteurs et sur les jeux qui se structurent autour des éléments formels d’organisation. Avant cela, nous verrons ce que nous apprennent les théories économiques contractualistes sur l’interface principal / agent.

1.2.2. L

ES APPROCHES ÉCONOMIQUES CONTRACTUALISTES

Les approches contractualistes retenues s'inscrivent dans le mouvement de l'économie néo- institutionnelle : la théorie de l’agence et la théorie des coûts de transaction. Elles expliquent les phénomènes sociaux à partir des comportements individuels, ceux-ci étant orientés par la maximisation de leur utilité (Charreaux, 1999)299.

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293 Lawrence P. et Lorsch J., Adapter les structures de l'entreprise, op. cit., p.149.

294 Child J., « Organizational Structure, Environment and Performance : The Role of Strategic Choice », Sociology, VI, pp. 1-

21.

295 Pfeffer J. et Salancik G.R., The external control of organizations: a resource dependence perspective, New York: Harper & Row,

1978.

296 Grandori A., Perspectives on Organization Theory, Cambridge, Mass., Ballinger, 1987. 297 Weick K. E., The Social Psychology of Organizing, reading, Mass., Addison/Wesley, 1969.

298 Weick, K. E., « Educational Organizations as Loosely Coupled System, Administrive Sciences Quaterly », XXI, 1976, pp.

1-19.

299 Charreaux G., « La théorie positive de l'agence : positionnement et apports », Working Papers, FARGO, Université de

Toutes deux, partageant une même base conceptuelle, mettent en relation au moyen d’un contrat des agents différenciés par leur statut et leur intérêt de maximisation économique. Grâce à des mécanismes de coordination, l’interface réalise une répartition optimale de la valeur entre ces agents.

1.2.2.1.

D

IFFÉRENCIATION ET COÛTS D

AGENCE

Dans ces deux théories, les contrats constituent l'épine dorsale de l'organisation interne des entreprises (Aréna et Charbit, 1997)300, le contrat pouvant être défini comme « un accord par lequel des parties se créent des obligations mutuelles afin de se coordonner, c'est-à-dire rendre leurs actions compatibles et partager le surplus d'utilité ainsi créée » (Brousseau, 1997)301.

L'entreprise est ainsi réduite à un réseau centralisé de contrats. Au centre de ce réseau, le principal, qui bénéficie du surplus produit par les agents et qui peut revendre à un tiers l'ensemble du réseau de contrats. Ces deux protagonistes entretiennent une relation dite d’agence. Celle-ci s’applique dès lors qu'une des parties, désignée comme l'agent, agit soit de la part, soit comme le représentant de l'autre, désignée comme le principal (Ross, 1973)302. Les acteurs sont alors liés par

des contrats d’agence.

Maximisateurs et opportunistes, les acteurs sont fondamentalement différenciés par leurs statuts et leurs intérêts propres, chacun cherchant à tirer le plus partie de la relation. Dans ce contexte, l’agent utilise à dessein l’incomplétude qui caractérise nécessairement les contrats et mobilise à son avantage l’asymétrie informationnelle dont il dispose. Il s’aménage ainsi une zone de discrétionnarité qui entrave son contrôle par le principal, ce contrôle ayant pour but d’assurer la bonne exécution du contrat de la part de l’agent.

En raison des divergences d'intérêt entre le principal et l’agent, des conflits apparaissent nécessairement. Ces conflits, qui trouvent leur origine dans l’incomplétude des contrats, dans l’asymétrie informationnelle et l’opportunisme des agents, induisent des coûts qui réduisent de fait la valeur que les partenaires peuvent se partager.

On retrouve l’idée que le conflit entre entités émerge de leur différenciation. Ces entités sont en effet différenciées par leur position (propriétaire ou non des contrats), par leurs intérêts respectifs, fréquemment contradictoires, et par l’information dont ils disposent.

Pour pallier ces conflits d’agence et leurs coûts, les deux théories préconisent d’intégrer les entités au moyen d’arrangements. L’intégration renvoie alors à l’harmonisation des intérêts entre les protagonistes, à la réduction de leur opportunisme et la maximisation de leur utilité respective.

1.2.2.2.

I

NTÉGRATION

,

MÉCANISMES INCITATIFS ET STRUCTURE DE GOUVERNANCE

L’intégration des agents est envisagée différemment par la théorie de l’agence et celle des coûts de transaction. Dans le premier cas, ses modalités sont prévues lors de la rédaction des contrats, dans le second, ses modalités sont, de plus, prévues et adaptées lors de la réalisation de ces contrats.

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300 Aréna R. et Charbit C., « Frontières de la firme, frontière des firmes : un point de vue néo-marshallien », in Garrouste P.

(coord.), Les frontières de la firme, Économica, 1997, p. 17.

301 Brousseau E., « Théorie des contrats, coordination interentreprises et frontières de la firme », in Garrouste P. (coord.), Les

frontières de la firme, Économica, 1997, p. 29.

302 Ross S. A., « The Economic Theory of Agency: The Principal's Problem », American Economic Review, 1973, Vol. 63, n°2,