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PROCESSUS D’INTÉGRATION DIFFÉRENCIATION

IMPLICATIONS À L ’ INTERFACE DES ENTITÉS

1.1. VERS UNE DÉFINITION DE L’INTERFACE ORGANISATIONNELLE

1.1.6. U NE DÉFINITION DE L ’ INTERFACE

L’interface constitue une zone singulière où s'articulent difficilement les différentes entités de l'organisation, dans leurs limites physiques, politiques et cognitives respectives.

Les différentes approches exposées précédemment soulignent des traits caractéristiques de l’interface organisationnelle :

! C’est un espace frontalier de rencontres, d'interactions, d'échanges paradoxaux et complexes dont les propriétés, émergentes, sont différentes de celles des entités interfacées ;

! La nature paradoxale de l'activité de cette zone relève de la dialectique liaison / séparation qu'elle supporte et construit ;

! Elle constitue un lieu fondamental d'intégration et de différenciation ;

! Elle joue un rôle majeur dans les dynamiques de communication et de coordination ; ! Elle est caractérisée par une propension au conflit parce que les acteurs y interagissant

sont porteurs de différences et d’intérêts contradictoires ;

! Elle est une zone de négociation et donc de régulation des conflits ;

! Elle constitue un objet actif relativement organisé, corollaire à sa relative autonomie. Sur ces bases, nous définirons l’interface comme une zone critique développée autour d’une frontière, qui relie et sépare au moins deux entités, et par laquelle les formes entre ces entités migrent.

La définition proposée appelle quelques remarques par rapport à celles proposées dans la littérature (cf. tableau 1.1) :

! L’interface est considérée, à l’instar de Savall et Zardet (1995) et de Lédi et al. (2002), comme une zone, c’est-à-dire comme un objet doté d’épaisseur, un espace social singulier en raison d’une activité et d’une organisation lui étant propres.

! Elle reprend le caractère critique de l’interface souligné par Savall et Zardet (1995) et Long (2003).

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! Elle introduit une distinction entre interface et frontière, la seconde étant un élément constitutif de la première. La frontière, croyons-nous, est une représentation de la délimitation et, partant, du domaine, du périmètre, du territoire, de la clôture ; l’interface est plus directement fonctionnelle et téléologique. Elle inclut la frontière, mais aussi l’espace immatériel entre les acteurs frontaliers, les acteurs eux-mêmes ainsi que les objets matériels et immatériels qui évoluent dans cet espace, pour constituer un organisé qui supporte et façonne les relations d’entités par définition délimitées.

! Elle restitue la consubstantialité de la liaison et de la séparation, mise en évidence par Chazal (2002). En effet, la liaison n’est possible que si les entités sont séparées ; la séparation n’est possible que si les entités sont préalablement liées. Cela permet de neutraliser la survalorisation du caractère reliant de l’interface souvent constatée dans la littérature, ce qui revient à survaloriser l’intégration des entités à l’interface et à oblitérer la différenciation qu’elle est censée contrebalancer, ce qui aura d’importantes conséquences d’un point de vue méthodologique, comme nous le verrons au chapitre 2.

! L’entité désigne un acteur individuel ou collectif.

! Elle prend en compte l’ensemble des objets qui circulent entre les entités, qui incorporent, même temporairement, leur développement organisationnel. C’est pourquoi ils sont qualifiés de formes. Il peut s’agir de flux d’information, de flux physiques, de flux financiers ou même d’acteurs.

! La frontière, la liaison, la séparation et la migration sont considérées comme des propriétés de l’interface, des attributs qui lui sont propres.

Tableau 1. 1 : définitions de l'interface organisationnelle recensées dans la littérature

Nous proposons de représenter l’interface à partir de ses quatre propriétés (figure 1.2) : la liaison, la séparation, la frontière et la migration. Cette représentation générique sera mobilisée tout au long de la recherche et sera enrichie au fur et à mesure de la présentation des résultats.

L’interface est une zone qui réalise les liaisons entre des entités qu’elle sépare. Cette dialectique est à l’origine de son instabilité. Nous dirons même que interface et intégration-différenciation sont contenues implicitement l’une dans l’autre. La liaison institue le mouvement d’intégration des

entités ; la séparation celui de leur différenciation. Les deux mouvements, inhérents à la coexistence de groupes humains, sont interdépendants et se régulent dans la zone leur étant commune, d’où son l’instabilité, l’oscillation des frontières et, ce faisant, la modification des modalités de migration des différentes formes.

Figure 1. 2 : une première représentation de l’interface organisationnelle

Les approches traitant explicitement de l’interface focalisent sur l’une ou l’autre de ses propriétés. En sciences de gestion, les études ciblent principalement l’échange d’information et la coordination entre fonctions ou organisations. Long (2003), en parlant d’interfaces sociales, met quant à lui l’accent sur la confrontation des points de vue et des intérêts, les conflits et les négociations continus à l’interface. Enfin, Chazal (2002) développe une conception plus globale et complexe, très riche et d’un haut degré de généralité mais sans enracinement dans le champ qui nous intéresse, l’organisation humaine finalisée.

De plus, en sciences sociales, l’interface n’est pas associée aux processus fondamentaux d’intégration-différenciation, alors que les définitions proposées (tableau 1.1) font généralement référence soit à l’intégration, soit à la différenciation. Or, ces processus peuvent expliquer les différentes problématiques d’interface soulevées de manière assez cloisonnée dans la mesure où, depuis les célèbres travaux de Lawrence et Lorsch (1968)227, le lien entre le couple intégration-

différenciation et l’état des relations entre entités fait l’objet d’un consensus.

L’interface apparaît néanmoins en creux dans ces travaux. De même, de nombreux courants théoriques traitent implicitement de l’intégration-différenciation et de l’interface ; ils en contiennent chacun une théorie implicite. Nous proposons, dans la section qui suit, d’extraire à partir des principales théories mobilisées pour l’étude des organisations les théories de l’interface qu’elles contiennent et de les comparer.

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227 Lawrence P. et Lorsch J., Adapter les structures de l'entreprise, 2ème édition, 1986, traduction de l'américain par Ledru J., 1ère

1.2. L’INTÉGRATION

ET

LA

DIFFÉRENCIATION

AU

SEIN

DE