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Le pilotage des interfaces organisationnelles. Contribution à l'équilibration des processus d'intégration-différenciation des organisations

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Contribution à l’équilibration des processus

d’intégration-différenciation des organisations

Sofiane Seghier

To cite this version:

Sofiane Seghier. Le pilotage des interfaces organisationnelles. Contribution à l’équilibration des

pro-cessus d’intégration-différenciation des organisations. Gestion et management. Université Jean Moulin

- Lyon III, 2012. Français. �tel-00685340�

(2)

T

HÈSE POUR L

OBTENTION DU TITRE DE

D

OCTEUR EN

S

CIENCES DE

G

ESTION

Présentée et soutenue publiquement par

Sofiane SEGHIER

le 13 février 2012

L

E PILOTAGE DES INTERFACES ORGANISATIONNELLES

Contribution à l’équilibration des processus d’intégration-différenciation des

organisations

Jury%

Monsieur Henri SAVALL, Professeur Émérite des Universités

Université Jean Moulin Lyon III

Directeur de la recherche

Monsieur Claude JAMEUX, Professeur de Sciences de Gestion

Université de Savoie

Rapporteur

Monsieur Gilles PACHÉ, Professeur de Sciences de Gestion

Université de la Méditerranée Aix-Marseille II

Rapporteur

Madame Véronique ZARDET, Professeur de Sciences de Gestion

Université Jean Moulin Lyon III

Suffragant

Madame Virginie DE CLERCQ, Directrice Générale

Mutualité Chrétienne Hainaut Picardie (Belgique)

Suffragant

(3)
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T

HÈSE POUR L

OBTENTION DU TITRE DE

D

OCTEUR EN

S

CIENCES DE

G

ESTION

Présentée et soutenue publiquement par

Sofiane SEGHIER

le 13 février 2012

L

E PILOTAGE DES INTERFACES ORGANISATIONNELLES

Contribution à l’équilibration des processus d’intégration-différenciation des

organisations

Jury%

Monsieur Henri SAVALL, Professeur Émérite des Universités

Université Jean Moulin Lyon III

Directeur de la recherche

Monsieur Claude JAMEUX, Professeur de Sciences de Gestion

Université de Savoie

Rapporteur

Monsieur Gilles PACHÉ, Professeur de Sciences de Gestion

Université de la Méditerranée Aix-Marseille II

Rapporteur

Madame Véronique ZARDET, Professeur de Sciences de Gestion

Université Jean Moulin Lyon III

Suffragant

Madame Virginie DE CLERCQ, Directrice Générale

Mutualité Chrétienne Hainaut Picardie (Belgique)

Suffragant

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(6)

L’Université Jean Moulin Lyon III n’entend donner ni approbation, ni improbation aux opinions émises dans les thèses. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

(7)
(8)
(9)
(10)

Ce travail de recherche a été jalonné de rencontres avec des personnes qui ont contribué, parfois sans le savoir, à son commencement, sa réalisation et son achèvement Qu’elles puissent trouver ici l’expression de ma profonde gratitude et de mon immense reconnaissance.

Mes remerciements s’adressent au Professeur Henri Savall, directeur de ma recherche. La qualité de ses enseignements et de ses conseils, ses questionnements constructifs et son regard avisé m’ont permis d’enrichir considérablement ma réflexion. Chacun de nos rendez-vous a été l’occasion pour moi de bénéficier de sa rigueur épistémologique et méthodologique, qui constitue un exemple que j’espère suivre dignement. Je le remercie également, et très chaleureusement, pour son immense patience et sa disponibilité.

Je remercie le Professeur Claude Jameux pour me faire l’honneur de participer au jury et pour avoir bien voulu accepter d’évaluer mon travail. Le regard critique porté sur mes travaux me permettra de bénéficier de ses connaissances sur les organisations et sa grande expérience de chercheur.

Mes remerciements s’adressent également au Professeur Gilles Paché. En me faisant l’honneur de participer au jury en tant que rapporteur, il m’offre une occasion de lui témoigner de ma profonde gratitude pour avoir éveillé en moi, il y a quelques années et en d’autres lieux, une véritable passion pour l’organisation humaine et la recherche.

Très chaleureusement, je remercier le Professeur Véronique Zardet pour l’honneur qu’elle me fait de participer au jury. Sa profonde connaissance des organisations et son expertise en matière de recherche-intervention continueront d’enrichir nos travaux et notre réflexion. Je tiens également à la remercier pour son soutien et ses précieux conseils méthodologiques, dont j’ai bénéficié lors des séminaires doctoraux organisés par mon laboratoire d’accueil.

Que Madame Virginie De Clercq, Directrice générale de la Mutualité Chrétienne Hainaut Picardie, trouve ici l’expression de mes sincères remerciements, pour avoir accepté de partager son expertise au sein du jury de soutenance et pour sa contribution, à travers son action ambitieuse, à la recherche en Sciences de gestion.

Les recherches-interventions auxquelles nous avons participé ont toutes été menées par des équipes de chercheurs. Travailler à leurs côtés m’a considérablement enrichi. Je tiens à leur exprimer ici toute ma reconnaissance.

Je remercie tout particulièrement Monsieur Vincent Cristallini, Maître de conférences en Sciences de gestion, pour m’avoir encadré lors de recherches-interventions. Je lui suis très reconnaissant pour son accompagnement et ses conseils, la confiance et la disponibilité qu’il m’a accordées, ainsi que pour le partage de ses nombreuses connaissances en matière de recherche-intervention. La qualité de nos échanges a constitué pour moi un véritable soutien.

Que Monsieur Olivier Voyant, Maître de conférences en Sciences de gestion, trouve également ici l’expression de mes sincères remerciements. Ses précieux conseils lors de recherches-interventions et nos riches échanges ont considérablement contribué à ma réflexion.

(11)

Au cours de ces années de recherche, j’ai partagé avec Samia Khenniche, aujourd’hui docteur en Sciences de gestion, d’innombrables réflexions qui ont considérablement stimulées ma réflexion. Pour ses apports substantiels, son regard critique et constructif, je la remercie sincèrement.

Monsieur le Professeur Sylvain Biardeau a été d’une aide précieuse. Je lui suis très reconnaissant pour ses apports pédagogiques, notamment sur le thème du traitement quantitatif des données, pour sa grande disponibilité et pour l’intérêt qu’il a accordé à nos travaux.

Je remercie chaleureusement Mademoiselle Floriane Bouyoud, docteur en Sciences de gestion, pour la précieuse relecture de ce travail et la pertinence de ses remarques.

Ce travail n’aurait pu voir le jour sans la contribution des membres des organisations partenaires de la recherche. Nous remercions tout particulièrement les membres de la Mutualité Chrétienne Hainaut Picardie pour avoir partagé leurs projets, leurs problématiques, leurs réalisations et pour leur accueil chaleureux.

La recherche bénéficie également du regard et de l’expérience de chercheurs expérimentés rencontrés lors d’événements organisés au profit de doctorants, auxquels nous avons eu la chance de participer. Je souhaite à cet égard remercier l’ensemble des chercheurs qui prennent part au Cercle Doctoral Européen de Gestion et au Tutorat Grand Sud.

Enfin, je ne peux qu’exprimer ma plus profonde gratitude et mon infinie reconnaissance à mes proches, dont le soutien et le réconfort m’ont été essentiel durant ces six dernières années.

Je pense en premier lieu à mes parents, à qui je dédie avec émotion ce travail. Il est en grande partie le résultat de leur “travail“, qui a nécessité bien plus que six années, de courage et de détermination. Du fond du cœur, ce que je ne peux exprimer qu’imparfaitement avec des mots et en cette circonstance, je leur rends hommage, et leur exprime ici mon indéfectible reconnaissance pour leur soutien et leur bienveillance. Merci pour tout.

Ma reconnaissance envers mon frère et mes sœurs est également immense. Merci à Dris et à Sarah, pour leur fastidieux travail de relecture et pour le sérieux avec lequel ils l’ont mené. Je remercie également Naïma pour son soutien et la joie qu’elle m’apporte. J’associe également à ces remerciements Anthony, pour la précision de sa relecture.

Je remercie tout particulièrement Sabrina, pour sa patience, son aide et sa tendresse. Sa présence à mes côtés est un réel bonheur.

Je remercie enfin, très amicalement, les membres de l’Adc (Benjamin, Laurent, Julien P., Mathieu, Florent, Julien C.), de l’Hil (Karim et Nicolas) et du M2id, en particulier Ramane, pour leur contribution, leur patience et leur fidélité, en dépit de mes indisponibilités chroniques.

(12)

R

EMERCIEMENTS

... 7

S

OMMAIRE

... 9

C

HAPITRE INTRODUCTIF

.

P

RÉSENTATION DE LA RECHERCHE

... 11

P

REMIÈRE

P

ARTIE

F

ONDEMENTS CONCEPTUELS ET MÉTHODOLOGIQUES DE LA RECHERCHE

... 41

C

HAPITRE

1. L’

INTERFACE ORGANISATIONNELLE COMME ZONE DE RÉGULATION DES PROCESSUS D

INTÉGRATION

-

DIFFÉRENCIATION

... 43

C

HAPITRE

2.

L

E CADRE EXPÉRIMENTAL DE LA RECHERCHE

... 107

D

EUXIÈME

P

ARTIE

L

ES DÉTERMINANTS DES INTERFACES ORGANISATIONNELLES

... 147

C

HAPITRE

3.

U

N MODÈLE GÉNÉRIQUE DE L

INTERFACE ORGANISATIONNELLE

... 149

C

HAPITRE

4.

T

YPOLOGIES DES INTERFACES ORGANISATIONNELLES ET DÉTERMINANTS

... 229

T

ROISIÈME

P

ARTIE

É

QUILIBRATION DES PROCESSUS D

INTÉGRATION

-

DIFFÉRENCIATION ET PILOTAGE DES INTERFACES ORGANISATIONNELLES

.

P

REMIERS RÉSULTATS D

EXPÉRIMENTATION

... 317

C

HAPITRE

5. C

OÛTS DE RÉGULATION DES INTERFACES ORGANISATIONNELLES

:

CAS D

UN

O

RGANISME GESTIONNAIRE D

ASSURANCE MALADIE ET DE MUTUELLE

... 319

C

HAPITRE

6. F

ONDEMENTS ET ACTIVATION D

UN SYSTÈME DE PILOTAGE DES INTERFACES ORGANISATIONNELLES

... 379

C

HAPITRE

7. L

E PILOTAGE DES INTERFACES ORGANISATIONNELLES

:

RÉSULTATS ET IMPLICATIONS

... 423

C

ONCLUSION GÉNÉRALE

.

A

PPORTS

,

LIMITES ET PERSPECTIVES DE LA RECHERCHE

... 479

B

IBLIOGRAPHIE

... 509

T

ABLE DES ILLUSTRATIONS

... 525

T

ABLE DES ANNEXES

... 531

(13)
(14)

C

HAPITRE INTRODUCTIF

PRÉSENTATION DE LA RECHERCHE

L’introduction générale présente le noyau dur de la recherche. Elle présente dans un premier temps ses motifs et ses enjeux (0.1). Elle explicite ensuite le thème de la recherche, à travers son objet et son champ (0.2). Le positionnement épistémologique adopté (0.3) ainsi que le cadre théorique retenu (0.4) sont ensuite explicités. Enfin, elle annonce le fil conducteur de la thèse (0.5).

0.1.

M

OTIFS ET ENJEUX DE LA RECHERCHE

0.2. L

E THÈME DE LA RECHERCHE

0.3. P

OSITIONNEMENT ÉPISTÉMOLOGIQUE

0.4 C

ADRE THÉORIQUE

(15)
(16)

0.1. MOTIFS ET ENJEUX DE LA RECHERCHE

L’origine de la recherche se situe dans notre cursus universitaire et notre parcours professionnel. Ses enjeux sont à la fois théoriques et pratiques.

0.1.1. L

ES MOTIFS DE LA RECHERCHE

Notre intérêt pour les interfaces organisationnelles a émergé lors de notre deuxième cycle universitaire. Il a été réalisé à l'Institut Universitaire Professionnalisé “Management des entreprises”, mention ”Management des Interfaces de l'Industrie et de la Distribution (MIID)”, de l'Université de la Méditerranée Aix-Marseille II, piloté par le Centre de Recherche sur le Transport et la Logistique (CRET-LOG).

Les problématiques relatives aux interfaces intra et inter-organisationnelles sont au cœur de ce programme, son objectif étant de former des gestionnaires d’interfaces. Deux idées centrales, nous semble-t-il, structurent ses enseignements : d’une part, l’interface est une zone critique, singulière et complexe, différente des entités interfacées, d’autre part, leur gestion suppose, pour les acteurs qui y sont situés, des compétences pluridisciplinaires et une vue globale des activités.

Parallèlement, nous observions dans le cadre de notre activité professionnelle l’importance des problèmes d’interface et la dégradation des performances due à un manque de gestion de ces zones. Nous évoluions depuis plusieurs années, entre 1998 et 2004, dans le secteur de la grande distribution au sein d’un grand groupe français : quatre années en surface commerciale, une année en “logistique aval” (pilotage des flux physiques entre l’entrepôt du distributeur et ses points de vente) puis une année en ”logistique amont” (pilotage des flux physiques entre les fournisseurs et les entrepôts).

Nous faisions alors le constat que, malgré l’utilisation de technologies de l’information très sophistiquées, les flux d’information et de produit étaient fréquemment rompus et que la fréquence de ces ruptures était plus importante entre les maillons de la chaîne d’approvisionnement qu’en leur sein. L’origine de ces ruptures était moins le fait de défaillances techniques que de dysfonctionnements récurrents dans l’organisation humaine de l’action collective. Les discontinuités de la chaîne logistique, en raison de ses cycles très rapides et des volumes de produits en jeu, ont des conséquences lourdes et immédiates du point de vue de la performance, au premier rang desquelles la rupture de stock et le sur-stock.

Pour approfondir notre compréhension des interactions entre acteurs, notamment d’un point de vue organisationnel, nous avons intégré en 2005 le Master Recherche en Gestion Socio-Économique à l’Institut d’Administration des Entreprises de Lyon, de l’Université Jean Moulin Lyon III, piloté par l’Institut de Socio-Économie des Entreprises et des Organisations (ISEOR).

Dans le cadre de notre mémoire de recherche, nous observions au sein d’une entreprise de 15 personnes, spécialisée dans les technologies de l’Internet sans fil (Wifi), des problématiques d’interface similaires à celles du grand groupe de distribution. Nous avions alors pour mission d’élaborer des outils de gestion pour améliorer les interfaces entre le dirigeant et les techniciens d’une part, entre ces derniers et les commerciaux/marketeurs d’autre part.

Nous avons ensuite démarré notre thèse en 2006 au sein du laboratoire Iséor, sous la direction du Professeur Henri Savall, dans l‘objectif de mieux comprendre ce qu’est une interface. Nous avons intégré dans le même temps l’équipe d’intervenants-chercheurs du laboratoire, au sein de laquelle nous avons participé à de nombreuses recherches-interventions.

(17)

0.1.2. L

ES ENJEUX DE LA RECHERCHE

La recherche se propose d’approcher, puis d’expliciter et de structurer le concept d’interface dans le champ de l’organisation humaine. Le concept, souvent usité par les praticiens et les chercheurs, est encore, semble-t-il, imprécis.

Les évolutions contemporaines des environnements socio-économiques, notamment du fait du développement des technologies de l'information et de la communication et de la montée des exigences des clients, dans une économie de la demande, augmentent considérablement les tensions exercées sur les organisations. Dans cet environnement complexe et incertain, les organisations sont engagées dans des cycles de plus en plus courts, dans le cadre desquels les (re)développements s’accélèrent et les exigences contradictoires se multiplient.

Cette accélération rend peu à peu caduque la forte séquentialité qui caractérisait, et qui caractérise encore bien souvent, les modes d’organisation, au profit de l’intégration en amont, notamment transversales, d’entités différenciées (organisations, fonctions, services, acteurs) impliquées dans la conception, la fabrication, la distribution du produit et/ou du service. Le développement des structures matricielles, des groupes de projet, des dispositifs collaboratifs ou encore des réseaux intra et inter-organisationnels constitue à cet égard un indicateur très révélateur.

Les organisations cherchent à développer leur capacité de réaction ou mieux de pro-action, ce qui implique de plus fréquentes et de meilleures interactions tant transversales que verticales, intra qu'inter-organisationnelles.

Dans ces mouvements, les interfaces organisationnelles constituent des points faibles à la fois parce que les tensions s’appliquent ou se cristallisent autour d’elles et parce qu’elles sont critiques. Cette criticité est inhérente à la clôture, toujours relative, qui délimite les entités en interaction et qui définit un seuil au delà duquel chacune des entités perçoit l’autre comme une boîte noire. Le problème de l’interface, au fond, est celui de l’altérité dans l’action collective, soumise à des objectifs de performances.

L’enjeu de la recherche est double, il est théorique et pratique.

Les interfaces organisationnelles sont peu étudiées en tant qu'objet de recherche. Les éléments conceptuels à notre disposition sont dispersés tant à l'intérieur des sciences de gestion qu'au sein des sciences sociales. La recherche présentée tente justement d’observer globalement “ce qui se passe” concrètement dans la zone intermédiaire entre entités, sans en privilégier a priori une dimension, d’en proposer un modèle et d’identifier ses déterminants.

Les problèmes d'interface font subir aux organisations une déperdition de ressources considérable. À première vue, la nature conflictuelle de l’interface, que l’on peut expliquer par la différenciation des entités, est l’une des causes majeures de cette déperdition. Elle sur-valorise les objectifs particuliers et locaux, la performance locale, par rapport aux objectifs généraux de l’organisation. Les performances locales peuvent ainsi se neutraliser quand, à l’interface, le mur remplace le pont.

La recherche propose également des éléments de réponse aux problèmes d’interface, en déplaçant le centre de gravité de la fonction de pilotage en cette zone, pour synchroniser, stabiliser, in fine générer de la coopération entre entités.

(18)

0.2. LE THÈME DE LA RECHERCHE

Le thème de la recherche, encore appelé “sujet”, est formulé en associant l'objet et le champ de la recherche (Savall et Zardet, 2004)1. Notre objet de recherche, l’interface organisationnelle, est

observé au sein d’organisations hiérarchiques, le champ de la recherche.

0.2.1. L’

OBJET DE LA RECHERCHE

Nous présentons succinctement ici ce qui constitue le cœur de notre objet de recherche, c’est-à-dire l’interface organisationnelle, en le situant dans la littérature.

L’origine du concept se situe dans les sciences physiques. Il a été importé par l’informatique puis par les sciences sociales (Lebraty et Teller, 1994)2. Le concept d’interface est mobilisé pour signifier

une zone relationnelle et/ou transactionnelle entre deux ou plusieurs éléments de constitution hétérogène, pour exprimer notamment l’articulation souvent problématique de ces éléments (Lebraty et Teller, 1994)3.

Il est par conséquent extrêmement présent dans la littérature. Il l’est de fait dans l’ensemble des développements théoriques qui concerne les relations entre au moins deux entités, acteurs individuels ou collectifs. Cette présence est cependant implicite dans la plupart de ces développements.

Les sciences de gestion mobilisent ce concept en référence aux relations entre deux ou plusieurs fonctions ou organisations, à l’inter-fonctionnel et à l'inter-organisationnel, notamment dans un but de communication et de coordination.

Ainsi, Adam (1976)4 parle d’activités d'interface pour désigner l’articulation de relations,

d'influences internes et/ou externes, que réalise un acteur à son groupe de travail. Pour Savall et Zardet (19875, 19956), l'interface est une nébuleuse d’activités développée autour d’une frontière

ou encore une « zone critique entre deux ou plusieurs ensembles, espaces ou univers ». La criticité de cette zone se traduit par le fait que les coûts-performances cachés apparaissent principalement aux interfaces (Savall et Zardet, 2006)7 ; c’est pourquoi les auteurs préconisent d’appliquer des

dispositifs de pilotage en ces zones (Savall et Zardet, 1995)8.

La structuration des interfaces est également au cœur de la logistique et, plus globalement, du management des chaines logistiques, puisque ce sont des activités fondamentalement transversales. Ainsi, pour Aurifeille et al. (1997)9, la logistique est la fonction qui fait l’interface

entre les fonctions marketing et la production. C’est donc une interface inter-fonctionnelle.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

1 Savall H. et Zardet V., Recherche en sciences de gestion : Approche qualimétrique. Observer l’objet complexe, préface du Pr. Boje

D., Paris, Économica, 2004, p. 38

2 Lebraty J., Teller R., Ingénierie du diagnostic global d’entreprise, Liaisons, 1994, p. 97. 3 Ibid., p. 97.

4 Adams J., « The Structure and Dynamics of Behaviour in Organizational Boundary Roles », Handbook of industrial and

organizational psychology, eds M. Dunette, Rand MC Nally College Publishing Company, Chicago, 1976.

5 Savall H. et Zardet V., Maîtriser les coûts et les performances cachés. Le contrat d’activité périodiquement négociable. Prix Harvard

l’Expansion de Management Stratégique, préface de Marc-André Lanselle et de Jean-Marie Doublet, Économica, 1987, 2ème

édition augmentée 1989, 3ème édition 1995, 4ème édition 2001, 410 p.

6 Savall H. et Zardet V., Ingénierie stratégique du roseau, Économica, 1995, 2ème édition 2005, p. 486.

7 Savall H. et Zardet V., « Théorie socio-économique des organisations : impacts sur quelques concepts dominants dans les

théories et pratiques managériales », in Savall H., Bonnet M., Zardet V. et Péron M. (coord.), actes du colloque et séminaire doctoral international Iséor – Academy of Management, avril 2006, p. 745.

8 Savall H. et Zardet V., Ingénierie stratégique du roseau, Économica, 1995, 2ème édition 2005, p. 486.

9 Aurifeille J.-M., Colin J., Fabbes-Costes N., Jaffeux C. et G. Paché, Management logistique : une approche transversale, Litec,

(19)

Dans le cadre plus étendu des entreprises dites virtuelles (Fabbes-Costes 200510, Colin 200511), les

interfaces, ici inter-organisationnelles, traversent les frontières externes de l’entreprise et structurent la communication et la coordination entre les entreprises et leurs fonctions pour mobiliser des compétences partagées. La maîtrise de ces interfaces constitue un élément clé pour ce type d’entreprise, à tel point que Fulconis et Paché (2005)12 émettent l’hypothèse que les

prestataires de services logistiques, grâce notamment à leur maîtrise des interfaces logistiques, pourraient occuper à termes le statut de firme pivot au sein de ces réseaux dynamiques d’entreprises. Ajoutons que Fabbes-Costes (2005)13 souligne également l’importance des interfaces

inter-personnelles, puisqu’elles tissent et stabilisent les ajustements mutuels dans ces organisations.

La structuration des interfaces concerne autant les interfaces inter-fonctionnelles qu’inter-organisationnelles, ce qui apparaît clairement dans la définition de l’interface proposée par Lédi et

al. (2002)14 : « zone de jonction, de tension ou de recoupement entre des buts, des responsabilités et/ou des

activités de deux ou plusieurs entités : acteurs de la chaine logistique (interfaces inter-organisationnelles) ou sous-systèmes dans une organisation (interfaces intra-organisationnelles) ».

Les approches sociologiques interactionnistes, notamment l’analyse stratégique (Crozier et Friedberg, 197715 ; Friedberg, 199316) et la théorie de la régulation sociale (Reynaud, 197917, 198918,

199519), conçoivent l’interface organisationnelle comme une zone de pouvoir, dynamisée par la

divergence des intérêts, des projets et des stratégies d’acteurs interdépendants. L’analyse stratégique fait de l’interface un système d’action concret dont les interdépendances sont si fortes que le fonctionnement de l’interface s’autonomise par rapport au fonctionnement des entités en interaction et à l’organisation ; la théorie de la régulation sociale en fait davantage une zone de conflit, de négociation et de production de règles articulée autour de la relation dialectique entre contrôle et autonomie.

La sociologie conventionnaliste (Boltanski et Thévenot, 1991)20, insiste quant à elle sur la

production d’accords entre des entités appartenant à des « mondes » différents, par exemple par l’émergence d’un dispositif commun pouvant articuler cognitivement ces « mondes ».

On peut également identifier ce qui correspond à l’interface dans l'approche cognitive des organisations (Weick, 1995)21. L’interface y médiatise la construction des représentations des

entités en interaction. Les environnements sont ainsi “enactés” par le truchement d’interfaces. Dans l’approche systémique (Le Moigne, 1977)22, l’interface est considérée comme un point

d’interrelations programmées pour permettre la réalisation des finalités du système. Abordées

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

10 Fabbes-Costes N., « La gestion dynamique des supply chains des entreprises virtuelles », Revue Française de Gestion,

n° 156, mai-juin, 2005, pp. 150-166.

11 Colin J., « Le Supply Chain Management existe-il réellement ? », Revue Française de Gestion, n° 156, mai/juin, 2005, pp.

133-149.

12 Fulconis F. et Paché G., « Piloter des entreprises virtuelles : quel rôle pour les prestataires de services logistiques ? », Revue

Française de Gestion, n° 156, 2005, pp. 167-186.

13 Fabbes-Costes N., « La gestion dynamique des supply chains des entreprises virtuelles », op. cit. 14 Lédi C., Livolsi L. et Roussat C., « Glossaire des termes logistiques », Logistiques Magazine, 2002. 15 Crozier M., Friedberg E., L’acteur et le système, Éditions du Seuil, 1977.

16 Friedberg E., Le pouvoir et la règle. Dynamiques de l’action organisée, Éditions du Seuil, 1993, 2ème édition revue et complétée,

1997.

17 Reynaud J.-D., « Conflits et régulation sociale. Esquisse d’une théorie de la régulation conjointe », Revue Française de

Sociologie, XX, 1979.

18 Reynaud J.-D., Les règles du jeu. L’action collective et la régulation sociale, Armand Colin, 1989, 3ème édition 1997, 349 p. 19 Reynaud J.-D., Le conflit, la négociation et la règle, Octarès Éditions, 1995, 2ème édition augmentée 1999.

20 Boltanski L., Thévenot L., De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991. 21 Weick K.E, Sensemaking in Organizations, Sage Publications, Londres, 1995.

22 Le Moigne, J.-L., La théorie du système général. Théorie de la modélisation, Presses Universitaires de France, 1977, 4ème édition

(20)

sous un angle plutôt fonctionnaliste, les interfaces permettent à la fois au système de maintenir son unité, sa cohérence et d’évoluer vers plus de complexité. L’unité du système repose sur la communication et la coordination que les interfaces assurent entre les sous-systèmes. La complexification du système, qui procède d’une structuration arborescente de celui-ci, repose sur la formation de nouveaux sous-systèmes qui permettent de réaliser de nouvelles opérations, et, concomitamment, sur l’émergence de nouvelles interfaces, qui couplent localement ces sous-systèmes au système.

Enfin, l'approche économique moderne, à travers la théorie de l’agence (Jensen et Meckling, 1976)23

et celle des coûts de transaction (Williamson, 197524, 198525), considère implicitement l’interface

comme une ligne conflictuelle où est partagée une valeur, entre et par des agents maximisateurs et, dans le cas de la théorie de l’agence, rationnels, ayant des intérêts contradictoires. L’approche préconise la mise en place, aux interfaces, de mécanismes de coordination — règles incitatives et structure de gouvernance — pour maximiser la création de valeur.

La majorité de ces développements théoriques concerne cependant davantage les entités en relation que leur zone interstitielle. Quelques unes des caractéristiques de cette zone peuvent néanmoins être extraites de ces théories puisque l’interface y est présente en creux.

Il se dégage de la littérature l’idée centrale selon laquelle l’interface est une zone singulière par rapport aux entités en relation (figure 0.1). C’est une zone délicate d’échange, de coordination, de coopération et d’émergence, autrement dit de nouveauté. Parallèlement, la différenciation des stratégies et des objectifs, des structures ou encore des représentations, active le conflit. L’interface constitue une zone où les différences et les divergences se côtoient et, compte tenu des contraintes qu’implique l’action collective, s’articulent et s’intègrent. L’interface est donc une zone critique et singulière dont la dynamique est fondamentalement inscrite dans la dialectique de la différenciation et de l’intégration, telle qu’analysée par Lawrence et Lorsch (1968)26.

L'interface organisationnelle, qui constitue le cœur de notre objet de recherche, est donc observée en relation avec d'autres sous-objets qui lui sont étroitement liés : les processus d'intégration-différenciation et les performances (figure 0.2).

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

23 Jensen M. et Meckling W., « Theory of the firm: managerial behavior, agency cost, and ownership structure », Journal of Financial

Economic, 1976, pp. 305-360.

24 Williamson O.E., Markets and Hierarchies : Analysis and Antitrust Implications, Free Press, 1975.

25 Williamson O.E., The Economic Institutions of Capitalism, Free Press, 1985, trad. française : Les institutions de l’économie,

Inter-éditions, 1994.

26 Lawrence P., Lorsch J., Adapter les structures de l'entreprise, 1968, édition française 1993.

Figure 0. 1 : une représentation de l'interface

Différenciation

Interface Performances

Intégration

Figure 0. 2 : composition de l’objet de recherche

Entité 1 Entité 2 Interface

(21)

Nous avons dénombré un peu moins d’une dizaine de définitions de l’interface au sein des sciences sociales27. Les modélisations du concept et de ses dynamiques sont en revanche beaucoup

plus rares. Seule une modélisation a été identifiée lors de notre recherche bibliographique, dans une recherche doctorale en génie industriel (Koike, 2005)28.

L’auteur, au moyen d’une observation participante, étudie les interfaces de la fonction logistique dans le cadre de projets de conception de produits manufacturés. Il définit l’interface comme « un

ensemble d'éléments fondamentaux qui supportent et rationalisent les interactions entre les acteurs d'une équipe multimétiers durant l'activité de conception concourante ». Sa modélisation de l’interface, très

structurale, met en mouvement cinq éléments fondamentaux : les acteurs-interfaces, les objets intermédiaires, les outils de gestion, les procédures et les règles, les espaces et le temps. L’espace et le temps encadrent les acteurs-interfaces, qui entretiennent des relations rationalisées par les trois autres éléments du modèle.

L’interface organisationnelle demeure néanmoins un objet flou, d’un point de vue substantif, fonctionnel et dynamique. Schématiquement, dans les recherches qui traitent directement de cet objet, celui-ci est synonyme de zone de communication et de coordination médiatisées par des objets de rationalisation ; les connaissances que l’on peut extraire des développements qui traitent implicitement de cet objet, qui relèvent de dimensions politiques, cognitives, structurelles ou symboliques, sont assez éparses et cloisonnées alors que l’action gestionnaire appelle une approche globale et multidimensionnelle.

Grima (2003)29 et Koike (2005)30 estiment dans ce sens que l’interface, souvent mobilisée pour

comprendre des phénomènes, est elle-même faiblement étudiée. Notre recherche s’attache précisément à étudier de manière globale les interfaces entre acteurs engagés dans une action collective, à comprendre leurs dynamiques et à en identifier les déterminants.

0.2.2. L

E CHAMP DE LA RECHERCHE

Le champ de la recherche est constitué de 70 organisations hiérarchiques, de petite et de moyenne tailles. Relevant de 11 secteurs d’activité, ces organisations ont des effectifs compris de 50 à 500 personnes.

0.2.3. L

A PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE

L’organisation n’est pas homogène, il y a plutôt hétérogénéité, discontinuité, voire rupture (Friedberg, 1993)31. Cela parce qu’elle se structure en différenciant les ensembles qui la composent.

Cette différenciation s'opère en référence à des objectifs vitaux d'adaptation de l'organisation à son environnement (Lawrence et Lorsch, 1968)32. La différenciation s'opère également en référence

à des objectifs moins instrumentaux. La sociologie des organisations a mis en évidence qu'elle se développe également spontanément, qu'elle fait partie intégrante de la régulation sociale : « la

distinction, qui est la recherche de la supériorité dans l’interdépendance des décisions, est à l’œuvre dans la

plupart des pratiques sociales » (Reynaud, 1997)33.

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27 Cf. 1.1.6. Une définition de l’interface, p. 56.

28 Koike T., Les interfaces pour l'intégration de la logistique dans les projets de conception. Une contribution basée sur le cas du projet

d'un tracteur à chenilles, Thèse de doctorat en Génie Industriel, Institut National Polytechnique de Grenoble, 2005, 309 p.

29 Grima F., « Activités frontalières aux frontières internes et externes de l’organisation : le cas des responsables de la

formation continue en entreprise », Revue Sciences de Gestion, n° 38, p. 77-101, 2003.

30 Koike T., Les interfaces pour l'intégration... op. cit. 31 Friedberg E., Le pouvoir et la règle... op. cit.

32 Lawrence P., Lorsch J., Adapter les structures de l'entreprise, op. cit., p. 26. 33 Reynaud J.-D., Les règles du jeu... op. cit., préface de la 3ème édition, 1977, p. 6.

(22)

Comme l'ont observé Lawrence et Lorsch (1968)34, la différenciation entraîne le fractionnement et la

dispersion de l'organisation, tant sur le plan des structures que des comportements. Cela aboutit in

fine, selon les auteurs, à des conflits et à des déficits de coordination entre les acteurs, individuels

et collectifs.

L’une des formes et des sources principales de la différenciation est la spécialisation du travail, horizontale et verticale (Mintzberg, 1982)35. De nombreuses recherches ont montré que la

spécialisation est à l’origine de nombreux dysfonctionnements, en termes notamment de compatibilité stratégique, de communication et de coordination (Mintzberg, 1982)36. C’est

pourquoi, nous disent Lawrence et Lorsch (1968)37, le fonctionnement des entités différenciées

doit être intégré pour être efficace. Selon les auteurs, les organisations performantes sont celles qui parviennent à équilibrer leur degré d’intégration et différenciation (Lawrence et Lorsch, 1968)38.

Cette intégration est en soit une entreprise difficile tant les acteurs, dans la recherche ou la protection de leur autonomie, cherchent à limiter leur dépendance par rapport aux autres en « découplant » autant que possible leurs fonctions ou leurs tâches de celles des autres (Friedberg, 1993)39.

Pour pallier cela, l’organisation introduit des dispositifs d'intégration des fonctions, des équipes et des métiers, comme les postes de liaison, les cadres intégrateurs, les équipes de coordination, les groupes de projet ou encore les structures matricielles (Mintzberg, 1982)40. Il n’en reste pas moins

que le cloisonnement et le conflit, en tant que conséquences de la différenciation, ne sont pas des phénomènes exceptionnels mais qu'ils constituent plutôt la norme pour bon nombre d'organisations (Crozier et Friedberg, 197741 ; Friedberg, 199342). Les processus

d’intégration-différenciation demeurent par conséquent déséquilibrés.

Cela n’est pas sans effet sur les performances : déficits de coordination, ruptures de flux d’information, coûts de fonctionnement élevés ou encore défauts de qualité. Ces problèmes d’interaction expliquent, selon Veltz (1996)43, qu'une organisation peut obtenir une performance

générale relativement faible alors que la performance des entités qui la composent, prises isolément, est relativement élevée. L'auteur explique cette synergie négative par la « productivité

des interfaces ».

Ces interfaces font contradiction en ce qu'elles relient et séparent des “mondes” différents. Elles définissent des zones critiques (Savall et Zardet, 199544 ; Long, 200345) entre les entités et

apparaissent comme des discontinuités sociales (Long, 2003)46.

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34 Lawrence P., Lorsch J., Adapter les structures de l'entreprise... op. cit.

35 Mintzberg H., Structure et dynamique des organisations, Les Éditions d’Organisation, 1982, pp. 97-97. 36 Ibid., p. 90.

37 Lawrence P., Lorsch J., Adapter les structures de l'entreprise, op. cit. 38 Ibid., p. 37.

39 Friedberg E., Le pouvoir et la règle... op. cit., p. 118. 40 Mintzberg, 1982

41 Crozier M., Friedberg E., L’acteur et le système, op. cit. 42 Friedberg E., Le pouvoir et la règle... op. cit.

43 Veltz P., Mondialisation, villes et territoires. L’économie d’archipel, Presses Universitaires de France, 1996, 2ème édition 2000, pp.

147-171.

44 Savall H. et Zardet V., Ingénierie stratégique du roseau, op. cit., p. 486.

45 Long. N., « An actor-oriented approach to development intervention, in Rural Life Improvements in Asia », Tokyo : Asian

Productivity Organisation, 2003.

(23)

La différenciation et l’intégration sont des processus qui se construisent et se régulent en premier lieu dans la zone interstitielle et commune des entités en interaction. La différenciation, on l’a vu, est plutôt spontanée du fait de phénomènes sociologiques ; l’intégration reste un « artefact contre-nature et centripète » à construire (Savall et Zardet, 2006)47. L’interface est donc

par nature instable et conflictuelle, c’est pourquoi un nombre important de dysfonctionnements émerge en cette zone (Tarondeau et Wright, 199548 ; Veltz, 199649 ; Savall et Zardet, 200050).

Ces zones interstitielles et leur rôle décisif dans la création de performances semblent pourtant ne pas faire l'objet d'une attention particulière par les acteurs. Les dispositifs gestionnaires déployés dans les organisations ont essentiellement pour espace d’application les entités, les fonctions ou les services par exemple, beaucoup moins les interfaces entre elles. Ainsi, les activités dans une organisation apparaissent comme une « constellation de travaux » entre lesquelles il y a un couplage lâche : « l’image est celle d’agrégats d’événements à l’intérieur de chacun desquels le couplage est fort et

entre lesquels le couplage est faible » (Weick, 1976)51.

Les questionnements d’ordres théorique et pratique relatifs à cet objet de recherche nous amènent à formuler la problématique de la façon suivante :

Les processus d’intégration-différenciation à l’œuvre dans les organisations sont régulés à l’interface de leurs entités et sont déséquilibrés. Ces processus occasionnent aux interfaces d’importantes déperditions socio-économiques.

Sur ces bases, dans quelle mesure les organisations peuvent-elles améliorer les performances socio-économiques de leurs interfaces ?

La problématique a été déclinée en cinq questions de recherche principales : ! Qu’est-ce qu’une interface organisationnelle ?

! Comment la régulation des processus d’intégration-différenciation influe-t-elle les interactions aux interfaces, et quels en sont les effets ?

! Comment la régulation aux interfaces varie-t-elle selon le type d’entité en relation ? ! Dans quelle mesure l’instabilité socio-organisationnelle aux interfaces grève-t-elle la

performance économique des interfaces ?

! Comment développer la performance des interfaces ?

La problématique, qui cristallise le projet de connaissance (Allard-Poesi et Maréchal, 1999)52,

constitue la pierre fondatrice de la recherche sur laquelle reposent différentes hypothèses, que nous explicitons à présent.

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47 Savall H. et Zardet V., « Théorie socio-économique des organisations : impacts sur quelques concepts dominants dans les

théories et pratiques managériales », op. cit., p. 757.

48 Tarondeau J.-C. et Wright R.W., « La transversalité dans les organisations ou le contrôle par les processus », Revue

Française de Gestion, n°104, 1995.

49 Veltz P., Mondialisation, villes et territoires. L’économie d’archipel, op. cit.

50 Savall H. et Zardet V., « La décision managériale multidimensionnelle comme fondement des sciences de gestion », in La

décision managériale aujourd'hui. Mélanges en l'honneur du Professeur Jacques Lebraty, Martin et Teller Éditeurs, IAE de

Nice, Rodige, 2000.

51 Weick, K. E., Educational Organizations’as Loosely Coupled System, Administrive Sciences Quaterly, 1976, pp. 1-19. 52 Allard-Poesi F. et Maréchal C., « Construction de l’objet de recherche », in Thietart R.-A. et al., Méthodes de recherche en

(24)

0.2.4. L’

HYPOTHÈSE CENTRALE DE LA RECHERCHE

En réponse à la problématique, les hypothèses de recherche ont pour vocation de formuler la thèse que le chercheur souhaite défendre dans le cadre de ses travaux (Bryman et Bell, 2003)53. Une

hypothèse centrale résume ici le projet de la recherche ; elle s'exprime par une idée-force, qui constitue notre thèse (Savall et Zardet, 2004)54. Elle reflète, telle qu’elle est formulée, la

connaissance acquise sur l’objet au moment de la rédaction de la thèse :

L’amélioration des performances socio-économiques des interfaces organisationnelles suppose une équilibration des processus d’intégration-différenciation. Cette équilibration requiert l’implantation et l’activation d’un système de pilotage de ces interfaces.

L’équilibration des processus d’intégration-différenciation, en référence à Piaget (1975)55 et aux

auteurs qui ont importé ce concept en économie et en gestion (Perroux, 197856 ; Savall, 197957 ;

Lorino, 199758), désigne la transformation de la régulation de ces processus, laquelle se situe dans

le champ de la reproductibilité et du maintien.

Le pilotage, que l’on peut définir comme l’action d’« orienter un système d’activités (structuré par la

division du travail) vers la réalisation de certains objectifs » (Lorino, 1997)59, opérationnalise cette

équilibration. Il en contient même la problématique puisqu’il consiste à la fois à intégrer les acteurs et leurs activités dans le cadre de l’atteinte d’objectifs et qu’il se réfère clairement à la différenciation et à la dispersion tendancielles des acteurs (Lorino, 1997)60.

Le pilotage suppose par conséquent la définition d’objectifs partagés et de dispositifs de mesure. Il cible par définition la zone d’interaction où les processus d’intégration-différenciation s’entre-définissent, où l’action individuelle et locale se transforme en action collective et globale. Il renvoie finalement, et intrinsèquement, à une intervention finalisée aux interfaces.

Le système de pilotage des interfaces désigne quant à lui un ensemble de dispositifs de pilotage

articulés, installés et distribués aux différentes interfaces de l’organisation. Son développement

est fondé sur l’hypothèse selon laquelle l’équilibration générale d’une organisation dépend de la capacité de traitement des équilibrations internes (Savall, 1979)61.

Ainsi, le projet de recherche questionne l’interface, son pilotage et ses performances, en lien avec les processus d’intégration-différenciation (figure 0.3).

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53 Bryman A. et Bell E., Business research methods, Oxford University Press, New York, 2003, 608 p.

54 Savall H. et Zardet V., Recherche en sciences de gestion : approche qualimétrique. Observer l’objet complexe, préface du Pr. Boje

D., Économica, 2004, p. 267.

55 Piaget J., L'équilibration des structures cognitives : problème central du développement, Paris, Presses Universitaires de France,

1975.

56 Perroux F., « L'équilibre des unités passives et l'équilibration générale des unités actives », Économie Appliquée N°3-4, 1978. 57 Savall H., Reconstruire l’entreprise. Analyse socio-économique des conditions de travail, Dunod, 1979, p. 208.

58 Lorino P., « Les deux fonctions du pilotage de l'entreprise », in : Guilhon B. et Al., Économie de la connaissance et

organisations, L'Harmattan, 1997, p. 111.

59 Ibid., p. 111. 60 Ibid., p. 117.

(25)

Figure 0. 3 : composition de l’objet de recherche (2)

0.3. POSITIONNEMENT ÉPISTÉMOLOGIQUE

Les sciences de gestion s'inscrivent dans un champ épistémologique dont les deux extrémités sont le positivisme et la phénoménologie, laquelle est représentée en sciences de gestion par le constructivisme.

Selon Le Moigne (1990)62, le positivisme obéit à cinq principes :

! Le principe ontologique : il existe a une réalité et la science dispose d'un caractère de vérité. Son but est de découvrir la vérité en découvrant et en décrivant la réalité.

! Le principe de l'univers câblé : le réel est déterminé. Le but de la science est de découvrir le plan de câblage, c'est-à-dire les chaînes de causalité qui relient les effets aux causes. ! Le principe d'objectivité : le sujet doit être indépendant de l'objet. L'observation de l'objet

réel par l'observant ne doit modifier ni l'objet réel ni l'observant.

! Le principe de naturalité de la logique : la logique naturelle doit s'imposer dans toute situation de recherche scientifique. Tout ce qui ne pourra être découvert de cette manière devra être considéré comme non scientifique.

! Le principe de moindre action : il y a une solution optimale unique. Entre deux théories, la plus simple sera choisie.

Le paradigme constructiviste s’est construit notamment sur la base des travaux de Piaget, chercheur en psychologie de l’enfant, travaux dans lesquels il démontre que chaque enfant construit progressivement sa propre représentation de la réalité (Piaget, 193663, 193764). Ce

paradigme repose sur les propositions suivantes (Usunier et al., 199365 ; Igalens et Roussel, 199866) :

! La réalité est socialement construite, le monde n'est pas donné une fois pour toutes. ! Le processus de transformation de l'objet étudié et le changement ne sont pas des

problèmes pour le chercheur, ils constituent une dimension clé inhérente aux systèmes de production, lesquels sont reconnus dans leur composante sociale (Everaere, 1993)67.

! La neutralité du chercheur est un mythe. L'interaction entre observateur et observé est par définition la condition même de la connaissance. L’idée d’objectivité est abandonnée.

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62 Le Moigne, La Modélisation des systèmes complexes, Dunod, 1990.

63 Piaget J., La naissance de l'intelligence chez l'enfant, Paris, Delachaux et Niestlé, 1936. 64 Piaget J., La construction du réel chez l'enfant, Paris, Delachaux et Niestlé, 1937.

65 Usunier J.C., Easterby-Smith M., Thorpe R., Introduction à la recherche en gestion, Paris, Économica, 1993, 2ème édition 2000. 66 Igalens J. et Roussel P., Méthodes de recherche... op. cit.

67 Everaere C., « Le constructivisme, chainon manquant de l’approche systémique ? Économies et Sociétés, revue Sciences de

Gestion, n° 19, 1993, pp. 171-202.

Différenciation

Interface Performances

Intégration Pilotage

(26)

Les recherche interprétatives ou exploratoires sont bien souvent ancrées dans les épistémologies constructivistes.

Martinet (1990)68 ou David (2000)69 considèrent que le clivage et l'opposition entre les deux

paradigmes dominants sont désuets. Des positionnements moins tranchés et plus féconds sont possibles et proposés. Dans ce sens, nous adoptons le cadre épistémologique du « constructivisme générique », encore appelé « contingence générique », développé par Savall et Zardet (Savall, 197970 ; Savall et Zardet, 199571, 200472 ; Bonnet 2007)73.

Ce cadre permet de transcender positivisme et constructivisme (Cappelletti, 2007)74. Il est proche,

par exemple, des positions défendues par Miles et Huberman (1994)75, se réclamant d'un

positivisme aménagé, lequel « propose de découvrir des relations légitimes et raisonnablement stables

entre les phénomènes sociaux, qui existent dans les esprits et la réalité en raison de la complexité de l'objet d'étude ».

Le constructivisme générique réfute tout autant « la quête d'invariants prétendument universels que les

floraisons éphémères nées d'un abus de la théorie de la contingence » (Savall et Zardet, 2004)76. Pour les

auteurs : « la contingence générique désigne la combinaison possible entre contingence et

universalisme : un noyau dur de connaissances génériques complété par des périphéries contextuelles issues de cas différents. Le noyau dur comporte d'une part des connaissances sur les principes structurels communs aux différentes périphéries, d'autre part des connaissances sur les processus et méthodologies de découverte de ces principes » (Savall et Zardet, 2004)77.

Les connaissances génériques correspondent à des invariants ou régularités de l’objet de recherche, observés dans divers contextes. Cela s'opère concrètement par l'étude comparée de nombreux cas variés. Ainsi est dégagé un noyau dur de connaissances génériques, des régularités traversant les cas, et des connaissances contextuelles, spécifiques à chacun d’eux.

0.4. CADRE THÉORIQUE

Notre recherche tente de restituer et de modéliser l’interface et ses dynamiques, d’un point de vue organisationnel et gestionnaire. Elle s’appuie sur trois courants théoriques principaux : l’analyse stratégique de Crozier et Friedberg, la théorie de la régulation sociale de Reynaud et la théorie socio-économique des organisations développée par Savall et Zardet (figure 0.4).

Chacun de ces corpus décrit et éclaire de manière différente et complémentaire des composants de notre objet de recherche. Ensemble, ils définissent, croyons-nous, une base conceptuelle cohérente en mesure d’orienter et de soutenir l’étude du concept d’interface organisationnelle.

Plus explicitement, de l’analyse stratégique nous retenons la théorisation de l’acteur en tant qu’acteur stratège et celle des frontières organisationnelles en tant que système d’action concret. Le conflit et la négociation seront analysés à partir de la théorie de la régulation sociale. Nous

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68 Martinet A.-C. (coord.), Épistémologies et sciences de gestion, Économica, 1990, 249 p.

69 David A., « Logique, épistémologie et méthodologie en sciences de gestion : trois hypothèses revisitées » in David A.,

Hatchuel A., Laufer R. (coord.), Les nouvelles fondations des sciences de gestion, Vuibert, 2000, pp. 83-109.

70 Savall H., Reconstruire l’entreprise. Analyse socio-économique des conditions de travail, Dunod, 1979. 71 Savall H. et Zardet V., Ingénierie stratégique du roseau, op. cit.

72 Savall H. et Zardet V., Recherche en sciences de gestion... op. cit.

73 Bonnet D., Le pilotage de la transformation en environnement de coopération inter-organisationnelle. Essence

socio-économique de la transformation et des stratégies de transformation, Thèse de doctorat en Sciences de gestion, Université Jean Moulin Lyon 3, 2007.

74 Cappelletti L., « L'exploitation des pratiques professionnelles dans une recherche en audit et contrôle : apports de la

recherche-intervention qualimétrique », Revue Sciences de Gestion, n°59, pp. 67-90.

75 Miles M. B. et Huberman A., Qualitative Data Analysis: An Expanded Sourcebook, Sage, 1994. 76 Savall H. et Zardet V., Recherche en sciences de gestion... op. cit.

(27)

nous appuyons enfin sur la conceptualisation structuro-comportementale de l’organisation, la théorie du changement, le concept de pilotage ainsi que sur l’instrumentation gestionnaire proposés par la théorie socio-économique des organisations. Les deux premières approches éclairent la régulation aux interfaces ; la dernière, gestionnaire, plus prescriptive, peut englober les premières et introduit l’équilibration comme sous-bassement à l’intervention sur ces régulations, via le pilotage.

Figure 0. 4 : cadre théorique de la recherche

Les trois corpus qui définissent le cadre théorique de la recherche sont présentés ci-dessous. Nous commencerons par les corpus de la sociologie et finirons par le corpus socio-économique, la théorie socio-économique pouvant fédérer les théories sociologiques retenues. Par ailleurs, des théories auxiliaires, souvent connexes, telles que la théorie de la justice distributive (Adams, 1963)78 ou les

économies de la grandeur (Boltanski et Thévenot, 1991)79, sont également mobilisées dans la thèse.

Elles seront introduites au fur et à mesure de leur utilisation.

0.4.1. L’

ANALYSE STRATÉGIQUE

L’analyse stratégique est issue des travaux de M. Crozier et de l’équipe du Centre de Sociologie des Organisations. Ces travaux ont pour origine l’étude de la bureaucratie et des dysfonctionnements qu’elle génère (Crozier, 1963)80.

L’analyse stratégique contient une théorie de l’acteur stratégique sur laquelle nous nous appuyons pour interpréter le comportement de l’acteur à l’interface. Cette analyse éclaire également, sans doute mieux que toute autre approche, les dynamiques relationnelles aux frontières internes et externes de l’organisation.

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78 Adams J. S., « Toward an Understanding of Inequity », Journal of Abnormal and Social Psychology, 1963, 67, 422-436. 79 Boltanski L., Thévenot L., De la justification... op. cit.

80 Crozier M., Le phénomène bureaucratique, Paris, Seuils, 1963.

Interface

Acteur stratège (Crozier et Fiedberg, 1977 ; Friedberg , 1993) Relations frontalières (Crozier et Friedberg, 1977) Équilibration pilotage (Savall, 1978 ; Savall et Zardet, 1987, 1995 ; Lorino, 1995) Analyse socio-économique (Savall, 1975, 1979 ; Savall et Zardet, 1987) Conflit coopération négociation (Reynaud, 1979, 1989, 1995)

(28)

0.4.1.1.

R

ÉFUTATIONS FONDATRICES ET OBJECTIFS

Les auteurs réfutent les paradigmes antérieurs de la sociologie, qui expliquent l’organisation à travers des contraintes. Pour eux, l’action collective ne va pas de soi, elle n’est pas spontanée, elle ne provient pas d’une dynamique naturelle des groupes et n’est pas une réponse aux contraintes technologiques ou économiques.

Ils s’opposent à tout déterminisme des structures et au fonctionnalisme. L’analyse remet en cause la définition rationnelle des rôles ainsi que la conformité mécanique de l’occupation des rôles par rapport aux partenaires. Les auteurs critiquent également les théories béhavioristes puisqu’elles sont fondées sur des a priori, tels que la nature de l’homme, l’intérêt ou la psychologie. Ils rejettent l’explication des relations entre individu et organisation à partir des concepts de besoins matériels ou psychologiques de l’individu, et l’idée selon laquelle la relation entre individu et organisation se nouerait selon un modèle contribution/rétribution.

Les hypothèses qui sous-tendent l’homo œconomicus, rationnel et déterminé, sont également rejetées. Au contraire, l’acteur fait des choix qui n’ont pas qu’un intérêt économique. La réfutation des déterminismes classiques conduit Crozier et Friedberg à retenir le paradigme systémique et la rationalité limitée (Simon, 1955)81 comme fondements de leurs analyses.

Pour les auteurs, l’existence de l’organisation pose problème. Elle ne peut être expliquée qu’à travers une construction sociale qui se développe autour des contraintes que suppose et entraîne toute action collective. Pour l’analyse stratégique, cette dernière s’appréhende à partir des comportements individuels.

0.4.1.2.

L

A THÉORIE DE L

ACTEUR STRATÉGIQUE

L’action collective est toujours médiatisée par des jeux dont les règles et les mécanismes de régulation structurent les processus d’interaction, d’échange et de négociation. À travers eux, les acteurs gèrent leur interdépendance, qui donne naissance à leur coopération, en même temps que la coopération maintient cette interdépendance (Friedberg, 1993)82.

L’analyse repose sur les postulats suivants (Bernoux, 2003)83 :

! L’organisation est un construit, non une réponse aux contraintes. Ce sont les acteurs qui fabriquent les réponses en fonction des contraintes de l’organisation.

! Les hommes n’acceptent pas d’être traités comme des moyens au service des décideurs. ! Les conflits sont plus procéduraux que substantiels ; chaque acteur a une stratégie

vis-à-vis de l’organisation.

! Les individus disposent irréductiblement de marges d’autonomie dans le système de règles. Ce sont des acteurs qui interprètent donc des rôles. Ils sont actifs et transforment par conséquent leur environnement.

! Les conduites sont rationnelles mais la rationalité est limitée et contingente.

L’acteur, le pouvoir, l’incertitude et le système sont les quatre principaux concepts au moyen desquels est observée l’organisation.

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81 Simon H., « A behavioral model of rational choice », Quaterly Journal of Economics, 1955, n°69, pp. 99-118. 82 Friedberg E., Le pouvoir et la règle... op cit., p. 121.

83 Bernoux P., « Michel Crozier et Erhard Friedberg : l’analyse stratégique », in Allouche J. (dir.), Encyclopédie des Ressources

(29)

En fonction de ses buts, de sa rationalité, l’acteur développe une stratégie par rapport aux autres acteurs. Ses comportements sont liés aux opportunités que la situation d’action lui offre. En conséquence, la stratégie et les objectifs de l’acteur se (re)construisent tout au long des situations d’action qu’il rencontre. Dans ce cadre, l’acteur ne choisit pas la solution optimale mais une solution satisfaisante. Il est à noter que cette stratégie est développée dans l’organisation et vis-à-vis des réseaux et des relais qui forment son contexte.

L’analyse fonde l’action organisée sur des relations de pouvoir. Ce faisant, elle réhabilite le conflit comme une situation normale dans les organisations (Bernoux, 2003)84. Le pouvoir, conçu comme

la capacité d’agir sur d’autres individus ou groupes, est le mécanisme fondamental de stabilisation des comportements humains, c’est une relation non transitive, réciproque et déséquilibrée.

La source fondamentale de pouvoir pour un acteur réside dans le contrôle qu’il détient sur ce qui constitue une incertitude pour les acteurs avec qui il est en relation. Contrôler ces incertitudes permet à l’acteur de négocier à son avantage sa participation et celle de ses partenaires à l’effort collectif. Partant, les acteurs ont une propension à maintenir le doute sur leurs objectifs et leurs stratégies. La rationalité, d’un acteur, est donc limitée par ses capacités cognitives mais aussi par l’action stratégique de ses partenaires.

Ces jeux de pouvoir, qui se structurent autour des enjeux organisationnels, stabilisent l’organisation par l’interdépendance qu’ils instaurent entre les acteurs. Les auteurs expliquent ainsi pourquoi « l’organisation tient le coup ». Ils théorisent ce phénomène par le concept de « système

d’action concret », défini comme un « ensemble humain structuré qui coordonne les actions de ses participants par des mécanismes de jeux relativement stables et qui maintient sa structure, c'est-à-dire la stabilité de ses jeux et les rapports entre ceux-ci, par des mécanismes de régulation qui constituent d'autres jeux » (Crozier et Friedberg, 1977)85.

En 1993, Friedberg approfondit et actualise la théorie (Friedberg, 1993)86. Les organisations sont

devenues des constructions autonomes d’ensembles appelés « ordres locaux », dont les règles sont perpétuellement reconstruites, partielles et provisoires.

L’action sociale y est envisagée comme une (re)structuration des espaces d’action à travers la création et la stabilisation de systèmes d’alliances et de réseaux d’acteurs. Cette conception transcende les « distinctions savantes » entre les modes de coordination : le marché, l’organisation, la solidarité, etc. L’organisation structure en elle-même un marché de comportements, via des structures et des règles qui régulent ce marché (Friedberg, 1993)87.

0.4.1.3.

L’

AUTONOMISATION DE LA FRONTIÈRE

Nous abordons la question de la frontière organisationnelle, à travers la contribution, majeure, de l’analyse stratégique. Nous aurons à positionner ce concept par rapport à celui d’interface88 mais

disons ici, de manière liminaire, que interface et frontière sont étroitement liées, imbriquées même : l’interface “existe” parce que la frontière “existe”. Nous proposons de considérer la frontière comme un élément constitutif de l’interface puisque que cette dernière est une zone frontalière. Le concept d’interface est en effet plus riche sémantiquement parce qu’il implique une organisation pour jouer un rôle fonctionnel plus étendu que la fonction topologique prioritairement attribuée à la frontière. Ajoutons également que la frontière est un concept qui

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84 Bernoux P., « Michel Crozier et Erhard Friedberg... », op. cit. 85 Crozier M. et Friedberg E, L’acteur et le système, op. cit., p 286. 86 Friedberg E., Le pouvoir et la règle... op cit.

87 Ibid, p. 184.

Figure

Figure 0. 3 : composition de l’objet de recherche (2)
Figure 0. 4 : cadre théorique de la recherche
Figure 1. 2 : une première représentation de l’interface organisationnelle
Figure 1. 3 : segmentation de l'organisation et synchronisation
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