• Aucun résultat trouvé

PROCESSUS D’INTÉGRATION DIFFÉRENCIATION

PROCESSUS D ’ INTÉGRATION DIFFÉRENCIATION

L'accroissement de complexité du système implique conjointement un accroissement de différenciation et de coordination. Le système, notamment à travers son système de pilotage, doit donc être en mesure de maîtriser cette dualité intégration-différenciation, une mauvaise équilibration de ces processus affectant la survie et le développement du système.

Un système sur-couplé est instable parce que toute perturbation locale se propage à tout le système. Cette instabilité interdit l’adaptation du système à son environnement et de ses parties entre elles, ainsi que son apprentissage, qui requièrent des zones stables. À l’inverse, un sous- couplage, qui correspond à un déficit de communication entre les parties du système, fait de ce dernier une collection de sous-systèmes incapable de s’auto-déterminer et de s’auto-piloter (Mélèse, 1972)375 de manière globale.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

367 Atlan H., « Organisation en niveaux hiérarchiques et information dans les systèmes vivants », in Réflexions sur de nouvelles

approches dans l’étude des systèmes, Centre d’édition et de documentation de l’école nationale supérieure des techniques

avancée, Paris, 1975.

368 Le Moigne J.-L., La théorie du système général... op. cit., p 241. 369 Le Moigne J.-L., La théorie du système général... op. cit., p 247. 370 Ibid., p 238.

371 En ce qui nous concerne, nous privilégierons la notion d’intégration justement parce qu’elle implique celle de totalité. 372 Le Moigne J.-L., La théorie du système général... op. cit., p. 245.

373 Ibid. p. 244. 374 Ibid.

Les systèmes répondant à cette double exigence de stabilité et d’évolution sont les systèmes arborescents. De ce point de vue, selon Le Moigne (1977)376, « la coordination par réseau en arborescence est génératrice de différenciation stable ». Pour Simon (1969)377, « l'arborescence est un des schémas structurels de base qu'utilise l'architecte de la complexité ». Plus, il considère que la

structuration des systèmes complexes doit adopter la solution arborescente pour pouvoir évoluer vers des formes de complexité supérieures (Simon, 1969)378.

Pour soutenir son propos, l’auteur développe une propriété des systèmes complexes arborescents, qu’il appelle la quasi-décomposabilité (Simon, 1969)379. Cette propriété décrit le fait que les

systèmes arborescents établissent une distinction entre les dynamiques à haute fréquence, qui concernent les interactions à l’intérieur des sous-systèmes, et les dynamiques à basse fréquence, qui rythment les interactions entre les sous-systèmes. Cela caractérise les interfaces, respectivement au sein et entre les entités d’un système.

La quasi-décomposabilité des systèmes arborescents permet ainsi un degré de couplage intermédiaire, qui autorise à la fois stabilité et adaptation et favorise l’évolution du système vers plus de diversité. Cela n’est cependant possible qu’à la condition que les différenciations puissent être coordonnées localement, à chaque échelon, pour ne pas saturer les échelons supérieurs (Mélèse, 1972)380.

Dans ce modèle, la différenciation se développe selon une structuration arborescente du système, qui sélectionne les niveaux stabilisateurs à partir desquels les nouvelles formes émergent ; la coordination stabilisatrice de ces formes se développe par équilibration, de sorte à pouvoir remplacer la coordination initiale. Le couple intégration-différenciation s’équilibrant aux interfaces internes d’un système arborescent permet ainsi d’accroître la variété du système tout en le stabilisant (Simon, 1969)381. Le système dispose ainsi d'un éventail de stratégies pour enrichir

ou appauvrir sa variété en réponse à l'environnement ou à son système de finalisation (Le Moigne, 1977)382.

1.2.4.3.

L

A FRONTIÈRE OU LA CONSTRUCTION TÉLÉOLOGIQUE DES LIMITES DU

SYSTÈME

La frontière apparaît comme une délimitation, la délimitation de l’ensemble fini des processeurs du système (Le Moigne, 1977)383. Puisque le système est ouvert, la frontière permet d’émettre ou de

recevoir les informations qui concernent ou affectent le comportement du système. Elle constitue en elle-même un processeur particulier, les « processeurs frontières » (Le Moigne, 1977), dont la fonction est d’organiser les flux entrants et sortants.

Devenant ainsi un sous-système doté d’une structure, de processeurs, et assurant des activités spécifiques de transfert et de codage, la frontière prend le statut de « membrane » ou d’ « interface » (Le Moigne, 1977)384.

La limite que définit la frontière n’a cependant pas de réalité ontologique, elle procède du découpage du modélisateur qui distingue le système de son environnement. Pour “construire” la

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

376 Le Moigne J.-L., La théorie du système général... op. cit., p. 247.

377 Simon H. A., The sciences of the artificial, Massachusetts, MIT Press, 1969, traduction française par J.-L. Le Moigne sous le

titre La science des systèmes, science de l’artificiel, 1981.

378 Ibid. 379 Ibid.

380 Mélèse J., L’analyse modulaire des systèmes de gestion... op. cit., p. 73. 381 Simon H. A., The sciences of the artificial... op. cit., p. 112.

382 Le Moigne J.-L., La théorie du système général... op. cit., p. 45. 383 Ibid., p. 117.

frontière, le modélisateur ou « système de représentation » s’appuie sur quelques repères, au premier rang desquels se trouvent ses propres intentions :

« Les intentions du Système de Représentation déterminent, explicitement ou non, les frontières, les séparations, dans la systémographie de l’objet. Dis-moi quels sont tes objectifs, je te dirai ce que sont les séparations sur lesquelles tu articules le modèle de cet objet. Elles s’expérimentent peut-être au hasard, mais, une fois arrêtées, nous saurons les justifier au nom de nos objectifs et donc des projets que nous attribuons à l’objet modélisé » (Le Moigne, 1977).

L’interface renvoie donc à une activité spécifique de liaison et d’échange filtré ; la frontière, procédant d’une conception topologique, correspond à la limite du système, sur lesquelles des interfaces agissent.

1.2.4.4.

L

E PROCESSEUR COMME UNITÉ D

ACTION

L’approche systémique ne traite pas directement de l’acteur tel qu’il est entendu dans les sciences sociales. S’agissant du système général, l’unité d’action est désignée par le concept de processeurs. Celui-ci correspond à un dispositif exécutant une opération sous la commande du système de finalisation du système. Le processeur n’est pas doté d’autonomie, il reste fondamentalement dépendant du système de finalisation et déterminé par lui dans son comportement.

1.2.4.5.

U

NE INTERFACE ALGORITHMIQUE

L’interface est dans l’approche systémique un sous-système. Dotée de processeurs et de structures propres, elle a pour fonction d’organiser les échanges de flux d’information, d’énergie, voire de matière (Simon, 1969)385 entre sous-systèmes différenciés dans une optique de coordination.

L’interface apparaît lorsque le système se différencie pour accroitre sa variété d’états possibles, et ainsi améliorer ses capacités à réaliser ses projets et à tirer partie de son environnement, constitué d’autres systèmes avec lesquels il est en interrelation.

De nouveaux sous-systèmes émergent alors, selon une structure arborescente concernant les systèmes complexes. L’interface relie ceux-ci en système, en établissant des interrelations pour les intégrer en un tout et coordonner ses parties. Ces interrelations coordinatrices sont déterminées par un programme, lequel transforme en processus la trajectoire souhaitée par le système. Ce programme commande à l’interface l’équilibration de la différenciation et de la coordination puisque plus les parties sont différenciées et spécialisées, plus il faut de coordination pour former un tout équilibré (Koestler, 1967)386.

Deux types d’interface sont identifiés dans les systèmes complexes : les interfaces à haute fréquence d’interaction, au sein des sous-systèmes, et les interfaces à basse fréquence, entre les sous-systèmes. Cette différenciation des interfaces, propriété des systèmes complexes, permet à ceux-ci de conjuguer stabilité et évolution en assurant un couplage fort au sein des entités et un couplage relativement faible entre eux. Cette propriété est inscrite, par exemple, dans la majeure partie des organisations humaines, à travers la structuration hiérarchique.

L’approche systémique souligne les fonctions d’échange et de coordination de l’interface, ainsi que sa contribution décisive à la stabilité de l’organisation, également identifiées dans l’analyse stratégique et la théorie de la régulation sociale, dont l’un des fondements est précisément la systémique. Cependant, ces approches sociologiques se sont écartées de la conception

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

385 Simon H. A., The sciences of the artificial... op. cit..

386

!

Koestler A., Le cheval dans la locomotive : le paradoxe humain, 1967, traduction française, 1968, Paris, Calmann-Lévy, cité

fonctionnaliste qui caractérise la systémique, laquelle attribue des fonctions aux objets en référence à l’activité générale et aux fins du système.

Cette conception apparaît également dans l’interface systémique. Celle-ci a pour fonction de coordonner les sous-systèmes en référence, uniquement, à la finalisation du système. De plus, cette coordination est programmée, c’est-à-dire qu’elle est réglée par des mécanismes rationnels qui activent chronologiquement des interrelations pour permettent une différenciation stable. L’interface systémique est donc un dispositif algorithmique ; elle exclut la finalisation autonome des sous-systèmes et donc l’émergence, le désordre et l’heuristique, éléments centraux des approches sociologiques de la régulation, que nous avons précédemment étudiées, et de la théorie socio-économique des organisations, dont nous développons à présent ce qu’elle contient concernant l’interface.

1.2.5. L'

APPROCHE SOCIO

-

ÉCONOMIQUE

La théorie socio-économique analyse l’interface comme un espace d’interactions critique, décisif du point de vue de la performance. Cet espace est caractérisé par l’instabilité et des coûts de fonctionnement élevés en raison de la différenciation tendancielle et spontanée. C’est pourquoi il convient de construire un processus d’intégration et de piloter les interfaces.

1.2.5.1.

C

RITICITÉ DE L

INTERFACE ET POTENTIALISATION DE LA PERFORMANCE

L’interface est un objet explicite dans la théorie socio-économique des organisations. Savall et Zardet le définissent comme une « zone interstitielle entre les groupements socio-organisationnels » (Savall et Zardet, 1987)387, une « nébuleuse d'activités de part et d'autre des frontières entre deux

groupements » (Savall et Zardet, 1987)388, ou encore comme une « zone critique entre deux ou

plusieurs ensembles, espaces ou univers, qui doit être pilotée pour assurer une communication efficace entre eux » (Savall et Zardet, 1995)389.

En soulignant la criticité de cette zone, comme l’a également fait Long (2003)390, les auteurs

soulignent son instabilité en raison du seuil, de la limite cognitive et politique qu’elle constitue pour chacune des entités en interaction. Cette criticité et cette instabilité ont des conséquences très directes sur les performances de l’organisation puisque les coûts-performances cachés sont localisés principalement aux interfaces (Savall et Zardet, 2006)391, d’où la nécessité de les piloter.

Notons que la contribution de l’interface à la performance de l’organisation a également été mise en évidence par Tarondeau et Wright (1995)392, Veltz (1996)393 ou encore Zarifian (1996)394.

!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

387 Savall H. et Zardet V., Maîtriser les coûts et les performances cachés. Le contrat d’activité périodiquement négociable. Prix

Harvard l’Expansion de Management Stratégique, préface de Marc-André Lanselle et de Jean-Marie Doublet, Économica, 1987, 2ème édition augmentée 1989, 3ème édition 1995, 4ème édition 2001, p 199.

388 Ibid.

389 Savall H. et Zardet V., Ingénierie stratégique du roseau, Économica, 1995, 2ème édition 2005, p. 486 390 Long N., « An actor-oriented approach to development intervention... op. cit.

391 Savall H. et Zardet V., « Théorie socio-économique des organisations : impacts sur quelques concepts dominants dans les

théories et pratiques managériales », in Savall H., Bonnet M., Zardet V. et Péron M. (coord.), Actes du colloque et séminaire

doctoral international ISEOR – Academy of Management, avril 2006, p. 756.

392 Tarondeau J.-C. et Wright R.W., « La transversalité dans les organisations ou le contrôle par les processus », Revue

Française de Gestion, n°104, 1995.

393 Veltz P., Mondialisation, villes et territoires. L’économie d’archipel, Presses Universitaires de France, 1996, 2ème édition 2000,

pp. 147-171.

Selon cette théorie, la différenciation est source de dysfonctionnements et de coûts d’interface (Savall et Zardet, 2006)395, alors que l’intégration des entités réduit ces coûts (Savall et Zardet,

2005)396.

1.2.5.2.

L

A DIFFÉRENCIATION

:

SOURCE DE DYSFONCTIONNEMENTS ET DE