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Types de programmes et technologie de diffusion

Des programmes spécifiques commencent à être produits en 2005 : Fox propose une déclinaison de la série « 24 heures » sous forme d’épisodes d’une minute cadrés en plus gros plan (mobisodes), destinés à Vodafone et diffusés en France par SFR. La diffusion à la

demande des nouveaux épisodes doit accompagner le rythme des saisons de la diffusion

télévisuelle.

Plusieurs médias, en particulier NRJ et M6 en France, proposent directement des offres d’abonnement à la téléphonie mobile incluant leur propre portail et leurs propres offres de téléchargement de films, de clips ou de musique, devenant donc eux-mêmes opérateurs1. TF1 propose son offre TF1 Mobile2 depuis le 2 mai 2006. Celle-ci permet d’accéder à des contenus multimédias, pages web et vidéos, provenant de TF1 et de LCI. TF1 Mobile n’est pas un opérateur virtuel : il s’agit d’un simple accord de licence commerciale passé avec Bouygues Télécom, assurant totalement la gestion technique de l’offre. En annonçant, en février 2006, le lancement prochain d’une offre de téléphonie, le PDG de TF1, Patrick Le Lay, avait pourtant évoqué la possibilité que TF1 devienne un opérateur virtuel. Les arbitrages au sein du groupe Bouygues semblent donc avoir entériné une stratégie plus prudente3.

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Il s’agit « d’opérateurs mobiles virtuels » (MVNO). M6 Mobile (M6 Mobile by Orange) est commercialisé depuis le 25 juin 2005 en utilisant le réseau Orange à la suite d’un accord du 10 janvier 2005 ; voir Le Journal du Net du 9 et du 13 juin 2005. NRJ Mobile utilise le réseau SFR, l’offre est commercialisée depuis le 2 novembre 2005, s’appuyant sur un accord daté du 10 février 2005 avec la filiale de Vivendi ; voir Zdnet du 11 février et du 17 octobre 2005.

2

. « TF1 met en vitrine son offre de téléphonie mobile » 01net du 2 mai 2006, Philippe Crouzillacq.

3

Bouygues Télécom avait déjà passé un accord de licence avec Universal, diffusant la marque Universal Mobile depuis août 20041. La marque avait été lancée initialement en septembre 2001, dans le cadre d’un accord avec SFR, au sein du groupe VU. Les stratégies et les objectifs des producteurs de contenu et des opérateurs de télécommunication peuvent donc légèrement diverger au sein d’un même groupe.

Le développement de technologies spécifiques à la diffusion de télévision sur mobile modifiera peut-être cet équilibre.

Le Ministre de l’industrie a réuni le 2 mars 2006, à Bercy, le Forum de la téléphonie mobile, regroupant notamment des opérateurs mobiles, des diffuseurs de télévision, des producteurs de contenus et des constructeurs de terminaux2, avec, pour objectif, le développement de nouvelles technologies de diffusion de la télévision sur mobile en 2007, distinctes des fréquences utilisées pour la téléphonie.

Or, les modèles défendus diffèrent évidemment suivant les liens entre opérateurs et chaînes de télévision. Pour Didier Quillot, le PDG d'Orange, ces nouveaux systèmes de diffusion ne feront que compléter l’offre actuelle :

Sur son réseau haut débit 3G « 350 000 abonnés » accrocs à la télé sur le mobile la

consomment déjà « plus de 30 minutes par mois » assure-t-il.

Discours totalement opposé de Nonce Paolini, directeur général de Bouygues Télécom, dans la minute qui suit : « Le pire, ce serait d'utiliser les réseaux télécom (c'est-à-dire la 3G, ndlr) et de n'imaginer le reste que comme un complément »... Et de démolir la 3G comme vecteur de la diffusion en masse de la télé : c'est « coûteux », « complexe », « fragile », et les terminaux seront chers.

Commentaire d'un expert : s'il y a autant de tirage dans le Forum, « c'est parce que deux mondes s'affrontent, celui hyperriche et européen, voire international, de la téléphonie mobile (incarné par Orange) et celui plutôt pauvre, et franco-français de la télévision (incarné par Bouygues) » 3.

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« Bouygues Télécom ressuscite la marque Universal Mobile » 01net du 25 août 2004, Guillaume Delaurence.

2

« Télé Phone Vision » dans Libération du 3 mars 2006, Catherine Maussion.

3

Or, d’après une étude menée sur un panel test de 185 personnes par Bouygues, Sagem et Médiamétrie1, la télévision sur mobile serait surtout utilisée comme téléviseur personnel d’appoint, le soir et au domicile, alors que les opérateurs anticipaient plutôt un usage dans les situations d’attente durant la journée. Orange aurait observé les mêmes usages, ce qui impliquerait de multiplier le nombre d’émetteurs en DVB-H et en T-DMB2

pour assurer une bonne réception dans les appartements des zones urbaines denses.

Le gouvernement a lancé une consultation auprès de l’ensemble des acteurs du marché en avril et mai 2006 qui doit aboutir à une proposition de loi en juillet 2006 pour réguler ce nouveau secteur, dans le cadre de la révision de la loi sur l’audiovisuel de 19863.

La diffusion à la demande

La diffusion à la demande se développe en parallèle depuis les portails Internet des chaînes, pour un visionnage des films sur ordinateur. Canal Plus (depuis un site dédié, Canal Play) et TF1 (sur le site TF1 Vidéo et sur la plate-forme Multivision de TPS) ont annoncé, début octobre 2005, le lancement d’offres assez similaires. La technologie employée diffère légèrement : TF1 propose les films en « flux continu » (streaming), ce qui permet une consultation immédiate. Canal Plus propose un système de téléchargement qui offre également la possibilité de commencer le visionnage en cours d’opération, ainsi que la possibilité de procéder à une consultation différée suivant les modalités choisies au moment de l’achat. Pour ne pas sembler en reste, France Télévision a proposé à titre expérimental le téléchargement d’un de ses produits emblématiques, la reprise des Rois maudits4

début novembre 2005.

Les films présentés proviennent des catalogues de droits respectifs des deux groupes. À terme, ils devraient élargir leur offre en proposant des exclusivités sur de nouveaux films5.

1

« Ecrans d’appoint… pour la maison » dans Libération du 3 mars 2006, Catherine Maussion.

2

Systèmes de diffusion de la télévision sur mobiles. Les normes DVB (Digital Video Broadcasting) utilisent la compression MPEG. Elles sont définies par l'Etsi (European Telecommunications Standards Institute), le DVB- H (handled) concernant les applications portables.

Consortium DVB: http://www.dvb.org/ .

3

« Les portables se préparent à devenir de vrais téléviseurs » Le Monde du 21 mai 2006, Nathalie Brafman.

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Version 2005 réalisée par Josée Dayan, JLA Créations.

5

Le Monde daté du 13 octobre 2005, entretiens avec Bruno Thibaudeau, directeur du développement du groupe Canal+, et Emmanuel Florent, PDG d'eTF1. Voir également Télé Satellite du 13 octobre 2005.

Canal Plus aurait ainsi vendu plus de 300000 vidéos à la demande, sur Canal Play, en trois mois, d’après Bruno Thibaudeau1

, directeur du développement du groupe Canal Plus, dont 15000 par la plate-forme du fournisseur Free qui permet d’accéder directement à l’offre.

ADSL ou mobile ?

Entre la consultation de programmes sur mobile, limitée par la taille de l’écran, et la consultation à domicile, il existe également le principe des lecteurs portables : ainsi, Canal Plus a signé le 24 novembre 2005 un partenariat avec la société Archos2 produisant des baladeurs vidéo, pour le lancement d’un baladeur cinéma qui permet d’enregistrer un choix de programmes à partir de son bouquet, pour une consultation « nomade » ou à domicile. Ainsi que l’indique Bruno Thibaudeau, directeur du développement du groupe, dans son communiqué de presse : « nous préparons la télévision de demain et les nouveaux usages qui sont en train de devenir réalité pour les consommateurs, en particulier la télévision nomade et personnelle ».

Cette annonce fait, assez curieusement, suite aux déclarations de Patrick Le Lay données peu de temps avant, le 22 novembre 2005, lors d’une conférence sur l’avenir de la télévision, intitulée « le spectateur a-t-il changé »3, organisée par l’Association des Agences de Conseil en Communication, lors de la Semaine de la Publicité sur le thème « les nouveaux enjeux de la communication » à Paris : « si vous voulez regarder la télévision, ce n'est pas pour la consommer en 20 secondes. Si vous la regardez dix minutes par jour, cela coûte 150 euros par mois. Cela fait cher pour regarder la télévision. Sans compter le fait que, en dix minutes, vous avez vidé vos batteries ».

Selon le PDG de TF14, l’avenir de la télévision passe donc plus par l’ADSL que par la diffusion sur mobile : « Si l'on veut garder des téléspectateurs, il va falloir aller sur les réseaux Internet. TF1 est en train de concevoir des nouveaux produits qui s'adressent d'abord à l'internaute, que ce soit dans le domaine de la musique, de l'information ou du sport ». Il présente de la même façon la diffusion mobile comme un simple moyen d’attirer les spectateurs vers l’offre télévisuelle classique, qui intègrerait des ressources interactives de

1

« Free, moteur de Canal Play », entretien avec Bruno Thibaudeau, Les Echos 17 janvier 2006.

2

« Archos et Canal Plus signent un accord de partenariat dans le domaine de la télévision nomade », communiqué de presse commun diffusé par Canal Plus le 24 novembre 2005 :

http://media.canal-plus.com/file/09/7/29097.pdf .

3

Programme des interventions : http://www.aacc.fr/documents/pdf/2005/dossier-presse-sdp05.pdf .

4

plus en plus étendues depuis l’accès par le téléviseur, ce qui est effectivement déjà le cas dans la diffusion par ADSL pour certains prestataires (guide de programmes, VOD, choix de langues, télétextes..).

Patrick Le Lay le réaffirme : « Ce même programme sera sur la télévision et sur les portables. On va concevoir des produits nouveaux qui vont amener l'internaute à s'habituer à la télévision sur un téléviseur, qu'il finira d'ailleurs par utiliser indifféremment pour les deux fonctions ». L’offre de programmes à visionner sur un ordinateur serait donc essentiellement transitoire, en attendant la généralisation de l’interactivité sur la télévision.

TF1 et Canal Plus, images technologiques

Les positions affirmées et développées par les deux groupes sont donc très différentes, mais cohérentes avec l’analyse qu’ils peuvent faire de leur situation dans le marché de la télévision et avec leur ancrage historique, tant en terme de métier, de marketing que de « culture d’entreprise »1

: les produits payants, la mise en avant de la technologie et la segmentation de l’offre pour Canal Plus, l’accès généraliste le plus ouvert possible pour TF1. Ainsi Canal Plus décline le principe de la chaîne initiale par abonnement sur tous les supports, en s’y adaptant, en utilisant leurs ressources propres (satellite, Internet, ADSL, mobiles, baladeurs…) et en explorant tous les moyens pour répondre à la demande des spectateurs (déclinaisons thématiques, multidiffusion sur plusieurs canaux, etc.), tandis que TF1 n’investit ces espaces qu’avec réticence, non comme des fins en eux-mêmes mais comme des moyens pour drainer les spectateurs vers sa chaîne historique. Cette réticence est cohérente avec la stratégie d’image et de lobbying de TF1, comme on peut le voir dans le cas de la TNT, et avec l’appel à l’intervention des autorités de régulation dans le domaine de la diffusion sur mobile. TF1 a, par ailleurs, été pionnière pour la numérisation de l’ensemble de sa chaîne de production, mais très discrètement, soulignant l’efficacité de la modernisation interne dans les rapports destinés aux actionnaires, tout en investissant beaucoup moins une image de haute technologie dans sa communication publique que ne le fait Canal Plus.

En terme d’impact publicitaire, la multiplication de la concurrence entraîne certes une diminution de la part de marché de TF1, mais elle fait aussi apparaître TF1, corrélativement, comme le seul médium permettant d’atteindre, à partir d’un seul support, le plus grand nombre de consommateurs possible : c’est ainsi, du moins, que la régie de TF1 essaie de valoriser la spécificité de son offre, en insistant systématiquement dans sa communication

1

financière sur son rôle de leader, permettant d’atteindre une cible large à partir d’un seul média1. La phrase « TF1 place 96 émissions dans les 100 meilleures audiences sur les dix premiers mois de l’année, confortant ainsi sa stratégie de programmation événementielle, familiale et exclusive » sert d’incipit, presque comme une invocation, à tous les documents de la chaîne en 2005.

Néanmoins, l’érosion du marché publicitaire et de ses positions a amené le groupe à intégrer de plus en plus la notion de diversité de l’offre et des publics, dans sa promotion financière et dans les documents destinés aux annonceurs, alors qu’il présentait essentiellement son leadership par rapport aux « 4 ans et plus » et aux « ménagères de moins de 50 ans ».

Sur les dix premiers mois de l’année 2005, la consommation télévisuelle établit un nouveau record à 3h23 minutes en moyenne par jour auprès des individus âgés de 4 ans et plus, soit un gain de 2 minutes par rapport aux dix premiers mois de 2004 et 3h31 en moyenne par jour auprès des femmes de moins de 50 ans soit un gain de 6 minutes par rapport au dix premiers mois de 20042.

La mise en place des nouvelles technologies d’accès aux contenus