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1 CHAPITRE: PROBLÉMATIQUE

2.1 CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

2.1.1 TYPES DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

La notion de changement organisationnel cache un terme polymorphe décliné dans la recension des écrits selon une abondance de points de vue. Il existe à ce propos de nombreuses recherches et presque autant d’écoles de pensée proposant différentes approches sur le sujet. Il se dégage néanmoins deux visions : l’une descriptive et systémique qui cherche à comprendre comment le changement se produit, et l’autre qui adopte un point de vue normatif à caractère directif.

D’abord, la vision de type compréhensif concernant la nature du changement prend la voie de l’appropriation du phénomène et invite à « faire avec » au lieu de résister. À titre d’exemple, la théorie du Développement organisationnel et celle du Choix stratégique11 font partie du type d’approches systémiques du changement. Dans ce même ordre d’idée, il apparaît intéressant de mentionner l’apport de Senge quant aux stratégies d’apprentissage organisationnel. Ces approches centrées sur l’acteur en situation d’apprentissage représentent des démarches volontaristes et proactives12, par opposition à celles imposées, issues d’une vision déterministe.

11 Rondeau, 2008.

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Selon Meier (2012), l’approche volontariste privilégie le rôle décisif des choix stratégiques, ainsi que la place des acteurs comme facteurs de transformation. Sa principale caractéristique réside, d’une part, dans la capacité des acteurs à imprégner l’organisation d’une dynamique de changement et, d’autre part, dans la finalité de l’apprentissage collectif en tant que facteur justificatif du changement. À cet effet, les travaux de Bareil13 présentent une méthodologie en sept étapes centrées sur l’acteur. L’apport de cette méthode réside dans son pouvoir inclusif, car elle possède le pouvoir de rassembler les préoccupations des destinataires du changement organisationnel, ouvrant ainsi la voie au dialogue social.

Dans la même logique, la sociologie présente le changement sous l’angle systémique et elle reste centrée sur l’acteur (Lewin, 1951 ; Nonaka et Tackeuchi, 1997 ; Senge, 1990 ; Argyris et Schön, 1978 ; Mintzberg, 1994 ; Sainsaulieu, 1997). À cet effet, le courant sociologique met l’accent sur l’interprétation de la culture, la motivation des acteurs et l’accroissement de leur implication de concert avec la diminution de leurs résistances. Dans cette perspective, selon Rondeau (2008), le changement est synonyme de « manifestation systémique complexe », car « le changement complexe est un amalgame de divers types de changements simultanés nécessitant des stratégies distinctes et parfois même contradictoires ».

Sous l’angle psychosociologique, les recherches de Lewin sur la dynamique de groupe et la motivation apparaissent en tant que précurseurs du courant du « changement planifié ». Ainsi, la dynamique de groupe est expliquée en termes de transformation (Harigopal, 2006), par analogie à l’apprentissage et au « double-loop learning » (Argyris, 1978). D’autres auteurs, dont Schein et Morgan, choisissent la culture organisationnelle comme moyen de compréhension du processus de changement et pour diminuer les résistances que celui-ci peut engendrer.

Par ailleurs, la voie normative s’adresse aux décideurs, car elle représente une philosophie qui expose un point de vue « gestionnaire », en lien avec la gestion des résistances, des processus et des transformations (Perret et Ramantsoa, 1996 ; Moss-Kanter, 1983). Généralement, l’existence de cette approche démontre le désir des organisations de contrôler le changement afin de mieux neutraliser ses répercussions et diminuer leurs impacts négatifs. Toutefois, cette voie donne le ton aux stratégies reliées aux plans de formation et de

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communication présentés dans la Théorie de la contingence (Lawrence et Lorsch, 1967) et dans la Théorie de l’écologie des populations (Hannan et Freeman, 1977).

Qu’il s’agisse de « changer » la structure pour « changer » les acteurs et améliorer leur capacité de réponse professionnelle, ou bien de « changer » les acteurs afin de « changer» la structure et modifier ainsi l’environnement de travail, les différentes approches en changement organisationnel finissent par se recouper. Cependant, la richesse des points de vue comporte un dénominateur commun sous forme matricielle avec, d’une part, l’axe

permanent/rupture et, d’autre part, l’axe imposé/négocié. Selon Autissier (2003), la rencontre

entre ces deux axes construit la matrice des possibilités de changement. Le Tableau 1 illustre ces propos. IMPOSÉ NÉGOCIÉ PERMANENT Changement organisé § Réponse à des contraintes de

l’environnement (réglementaire, technologique, etc.) § 12 à 36 mois Changement continu § Évolution de l’organisation qui amène à changer les manières dont les acteurs se représentent leur entreprise § 1 à 10 ans RUPTURE Changement dirigé (de crise) § Solution à un dysfonctionnement § 1 jour à 3 mois Changement proposé (adaptatif) § Transformation des pratiques et de l’organisation § 6 à 18 mois

Tableau 1 : La matrice des changements, Autissier (2003)

Toujours dans cette perspective normative, Rondeau (2008), inspiré par le modèle de « Balanced Scorecard » de Kaplan et Norton (1996), a mis au point une classification concernant les types de transformation. Cette classification, qui a le mérite de mettre un nom sur différentes procédures de changement, met l’accent sur les cibles à partir desquelles

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l’organisation construit sa performance et sur lesquelles elle dirige ses efforts de changement. Cette classification est illustrée au Tableau 2.

RÉAMÉNAGEMENT Faire autrement et améliorer la productivité. L’accent est mis sur le PROCESSUS RENOUVELLEMENT Revoir ses valeurs et sa culture, favoriser l’implication. L’accent est mis sur les PRATIQUES RÉORGANISATION RÉALIGNEMENT Resserrer sa façon de faire, réduire les coûts. L’accent est mis sur les RESSOURCES POSITIONNEMENT Revoir son offre de service. L’accent est mis sur le POSITIONNEMENT

Tableau 2 :La matrice des changements, Rondeau, 2008

Selon Autissier (2012) et du point de vue historique, l’évolution du concept de changement organisationnel présente plusieurs phases de développement. D’abord, de 1985 à 1995, ce processus a été externalisé en mode projet, soutenu par les cabinets de conseil. Ensuite, de 1995 à 2005, un pas en avant est fait et la notion de compétence managériale en lien avec la conduite du changement fait son apparition. À cet effet, certaines organisations développent petit à petit des programmes de formation et de développement des compétences à l’intention des managers.

Enfin, depuis 2005, on assiste à une volonté de rapatrier la conduite du changement. Cette volonté se reflète dans une professionnalisation des acteurs et le déploiement des moyens à cet effet. La première motivation de cette décision est d’ordre stratégique, car la capacité de l’organisation à évoluer est devenue « un enjeu déterminant pour le futur »14. Ensuite, la volonté de responsabiliser les acteurs pousse l’organisation à développer une structure consacrée à la conduite du changement et à investir dans ce sens.

14 Autissier, D., Moutot, J-M., 2010.

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Il apparaît important de mentionner que, dans le cas où les activités de professionnalisation sont intégrées au niveau du Service des ressources humaines, elles sont centrées sur les dimensions instrumentales du projet. Par contre, si ces dernières se trouvent rattachées à la Direction générale, elles régissent les dimensions politiques et stratégiques de la conduite du changement. Dans ce cas, nous pouvons parler d’un changement de culture.

Cependant, aucune des stratégies proposées ne peut arriver à conduire, à elle seule, à bon port un changement. Ce dernier étant un processus complexe et localisé, il nécessite l’utilisation de plusieurs stratégies de « pilotage » ou de « conduite » propres à chaque contexte organisationnel. Pour toutes ces raisons, les recherches sur le changement organisationnel ont commencé depuis peu à s’intéresser à la notion de capacité à évoluer de l’organisation. C’est pourquoi ces auteurs explorent davantage le domaine de l’apprentissage et, dans ce cas, la capacité à changer de l’organisation exprime une évolution.