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L'AGENT DE CHANGEMENT

3 CHAPITRE : MÉTHODOLOGIE

3.1 ORIENTATIONS MÉTHODOLOGIQUES

Ce chapitre présente l’approche méthodologique utilisée dans le cadre de notre étude. C’est une approche issue d’une relation directe avec la question de recherche, en particulier en lien avec les mécanismes qui logent au cœur du développement des pratiques professionnelles des acteurs. Plus précisément, nous voulons explorer le rôle de l’Agent de changement dans une organisation. Afin de traiter de cette problématique, nous avons choisi une approche qualitative à caractère phénoménologique106, qui sollicite davantage le sens des phénomènes

et moins leur explication.

Cette démarche s’inscrit dans un paradigme compréhensif d’inspiration herméneutique, qui cherche à appréhender les événements en édifiant « des constructions objectives de constructions subjectives faites par les acteurs » (Pourtois et Desmet, 1988). Ce paradigme approuve la vision dans laquelle « le sujet et l’objet sont dépendants et où l’hypothèse intentionnaliste est posée », ce qui conduit à accepter que « la connaissance qui est produite soit subjective et contextuelle » (Renard, Saint-Amant, 2006).

Il s’agit d’une démarche exploratoire dans une perspective systémique, car l’objectif est de comprendre la complexité de l’activité sociale dans son individualité. Tout au long de cette étude, l’organisation est présentée à l’image d’un système ouvert, tel que défini par Bertalanffy (1969). Dès lors, la compréhension n’est pas seulement tributaire de l’utilité de chaque composante, mais repose surtout sur les liens qui les unissent et qui favorisent la raison critique107 en tant que fondement de l’épistémologie postmoderne en sciences de management. Pourquoi ce choix? Dans un premier temps, il est justifié par la nature de notre objectif de recherche qui renvoie à la compréhension du rôle de l’Agent de changement à travers le sens qu’il attribue à sa pratique. Dans ce contexte, nous revisitons la méthodologie qualitative, car elle est la seule capable de recourir à une vision holistique permettant une connaissance approfondie sur les interactions entre les acteurs d’un système complexe, leurs

106 «La compréhension de la signification de sens par l’acteur», Blais, Martineau, 2006, (en ligne). 107 Habermas, 1987

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attitudes et leurs sentiments. Selon Pourtois (1988), la compréhension de la dynamique humaine nécessite de capter l’ordinaire et les significations attribuées par les acteurs à leurs actes, et cela, à travers une démarche d’intersubjectivité entre le chercheur et l’acteur. Ainsi, cette compréhension est plus à même de saisir les liens mobilisés dans cette dynamique d’échange.

Ensuite, la méthodologie qualitative utilisée dans le cadre de cette étude représente, selon Pourtois, Desmet & Lahaye (2001), une méthodologie « a postérioriste ». Ce type de méthodologie priorise les faits recueillis et tend à leur donner un sens en créant des liens entre eux. Cette démarche met en relation des éléments qui a priori ne sont pas reliés, en essayant d’interpréter les résultats. Ainsi, la tâche du chercheur se concrétise dans l’action de dégager le sens que l’acteur construit à partir de sa réalité (Blais et Martineau, 2006) ou qu’il donne à son expérience (Strauss et Corbin, 1998). C’est pourquoi cette démarche apparaît susceptible de répondre à notre position épistémologique. En accord avec Guba et Lincoln (1989), nous sommes d’avis que les phénomènes sociaux sont interprétés différemment par chacun des acteurs, y compris par le chercheur lui-même.

Finalement, la recherche exploratoire encourage la réflexion et la consultation, dans une perspective systémique ayant comme but la compréhension des phénomènes. Comme le soulignent Guba et Lincoln (1989), en utilisant l’approche compréhensive qui s’attarde sur le comment des phénomènes, force est de constater que les outils qualitatifs se trouvent priorisés. Du plus, la relation qui s’établit entre le savoir de l’acteur et le savoir du chercheur représente les sources d’un savoir spécialisé qui se reconnaissent mutuellement et mûrissent ensemble afin de produire un savoir nouveau,108 car la science organise le monde en s’organisant elle-même109.

De reste, nous considérons que la recherche devrait assurer un devoir d’éthique et un pouvoir moral d’enrichir, sous diverses formes, l’action sur le terrain et faire en sorte que les acteurs puissent en tirer des bénéfices. Cette stratégie apparaît en accord avec la finalité de notre recherche qui, tout en favorisant la construction de savoirs, participe au développement des pratiques professionnelles des acteurs. C’est pourquoi il apparaît important de mentionner

108 Offredi, 1981. 109 Le Moigne ,1999.

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que, selon Argyris (1993), l’intérêt d’une recherche est de produire des connaissances « actionnables ».

Cependant, une démarche scientifiquement valide devrait correspondre aux normes de cohérence autant au plan épistémologique, théorique, technique110, que morphologique111. De plus, par souci de validité logique dans le sens donné par Smith et Glass (1987), ainsi que de validité de reliance dans le sens donné par Pourtois et Desmet (1988), tout au long de cette étude nous avons gardé une préoccupation quant au développement logique des méthodes d’accès au réel en lien avec le plan épistémologique et théorique. À cet effet, la démarche de recherche se présente sous une forme circulaire qui suit un mouvement oscillatoire, afin d’arriver à une cohésion progressive « de trois pôles, soit épistémologique, questionnement et méthodologique »112.

Selon plusieurs auteurs (Denzin et Lincoln, 1994; Miles et Huberman, 1991), la démarche suivie par le chercheur dans le cadre de sa recherche devrait permettre de garantir des résultats non biaisés. À cet égard, malgré le devoir du chercheur de faire acte de neutralité dans son travail, ce dernier est conscient néanmoins qu’à travers la réalité de la recherche, cet exercice apparaît difficilement atteignable.