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1 CHAPITRE: PROBLÉMATIQUE

2.3 APPRENTISSAGE CONTINU EN ORGANISATION

2.4.2 COMPÉTENCE : DÉFINITION

Selon Dietrich67, la notion de compétence a été reconnue pour la première fois en 1959 par le psychologue R. White qui la décrit comme « l’interaction effective entre un individu et son environnement ». Les années 1970 réalisent le rapprochement entre compétence et performance auquel s’ajoutent plus tard les dimensions « savoir » et « savoir-faire ». D’ailleurs, à ce sujet, la gestion des compétences se présente comme l’harmonisation des compétences individuelles à l’avantage d’une stratégie organisationnelle.

Selon Brien (2009), la compétence se caractérise par « un ensemble de connaissances, d’habiletés et d’attitudes qui sont exploitées par la personne lors de l’accomplissement adéquat d’une tâche ». Dans cette perspective, Brien fait la distinction entre « compétence en puissance » et « compétences en acte », la première s’explique en matière de « reproduction » (capacités théoriques) et la deuxième en matière de « production » (capacités réelles). Il apparaît important de mentionner que l’usage du terme « accomplissement » occupe une place importante, car il réfère à la notion de responsabilité de résultats, contrairement au vocable « faire » qui fait appel à une responsabilité de moyens.

Avec l’arrivée du XXIe siècle, une nouvelle avancée est accomplie dans la définition de la

compétence avec la notion de « savoir-agir », ainsi que celle de « savoir-combiner »68. Selon Le Boterf, ces concepts reflètent mieux la réalité du monde du travail qui prévaut actuellement et le degré d’autonomie nécessaire à l’acteur dans le cadre de son travail. Le « savoir-agir » se définit comme élément d’un processus professionnel dynamique qui produit un résultat pertinent et valide. D’ailleurs, la compétence est décrite aussi comme un « agir efficacement »69 dans une situation type.

Toujours selon Le Boterf, développer les compétences suppose non seulement que l’acteur acquiert les ressources, mais qu’il soit capable de construire des « combinatoires »

67 Dietrich, A., Gilbert, P., Pigeeeeeue, F., 2010. 68 Le Bortef, 2000

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appropriées avec ces dernières. Le « savoir-combiner » aide à comprendre comment l’acteur utilise ses ressources afin « d’agir avec compétence »70.

De plus, la démarche explicative reliée au concept de compétence est enrichie par l’apparition d’un nouvel élément, soit le « savoir-vivre-ensemble »71. Selon Gagnon (2013), la compétence se définit comme : « un ensemble intégré de savoirs, savoir-faire, savoir-être et savoir-vivre-ensemble, pouvant être mobilisés au besoin, avec succès, pour les autres et pour soi, et ce, tout au long de la vie ».

Finalement, toute situation de travail admet une dynamique évolutive qui revendique des savoirs qui doivent progresser continuellement, de manière à demeurer toujours des « savoirs signifiants »72. Cela se concrétise par un processus récurrent d’actualisation qui relève de

l’interprétation de l’acteur, car il repose sur sa capacité de création et d’innovation. Selon Gagnon (2013), « un savoir est signifiant pour un individu dans la mesure où il est pertinent… et valide à ses propres yeux… conformément à sa position épistémologique ». À cet égard, la notion de « savoir signifiant » induit la motivation et l’adhésion à l’action et fait partie intégrante du « vouloir-agir » de l’acteur.

2.4.2.1 Compétence : éléments constituants

Selon le cognitivisme opérant (Minder, 2007), le comportement humain renferme deux composantes complémentaires, soit celle d’ordre mental et celle d’ordre concret. La première représente la partie invisible et elle inclut deux volets : la compétence et la capacité. La deuxième exprime la partie visible sous forme de performance. De ce fait, la compétence et la capacité représentent deux mécanismes internes de traitement de l’information qui doivent travailler de pair dans une dynamique interactive afin de produire la performance73.

Du reste, les auteurs s’entendent pour dire que les composantes de la compétence se déclinent en déclarative, procédurale et conative. Selon Brien (2009), il est possible d’employer des expressions synonymes, c’est-à-dire connaissances ou savoirs au lieu de « connaissances

70 Le Boterf, 2002 71 Gagnon, 2013 72 Gagnon, 2013 73 Minder, 2007

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déclaratives », et habiletés ou savoir-faire pour les « connaissances procédurales ». Concernant la composante « conative », elle renvoie à l’affectif et aux émotions.

Ces composantes font référence au savoir, pouvoir et vouloir, dont la combinaison crée le « savoir-agir 74» en situation de travail. Cependant, une simple addition entre le cognitif, l’affectif et le psychomoteur fait économie de la créativité et de la capacité d’innovation de l’individu75 qui représente des attributs propres à l’acteur compétent. Du reste, la recension des écrits présente différentes taxonomies capables d’articuler ces trois éléments. À titre d’exemple, le Tableau 6 illustre la taxonomie présentée par Minder.

Il apparaît important de mentionner que dans un processus de développement des compétences, à l’exception de la composante déclarative, les deux composantes procédurales et conatives de la compétence développent davantage de résistance et requièrent plus d’attention. Dans le cas de la composante procédurale, il s’agit des méthodes et des stratégies qu’il est question de changer. Quant à la composante conative, l’importance est mise sur les attitudes, les émotions et les motivations en lien avec les compétences relationnelles.

Nouvellement apparu dans les écrits, le concept de « savoir-devenir » se présente comme une composante avant-gardiste de la compétence, qui exprime la capacité de prospection de l’acteur. C’est pourquoi le « savoir-devenir » apparaît essentiel quant à la performance de l’Agent de changement, car cette compétence représente l’aptitude au changement et à l’innovation.

74 Le Boterf, 1998

62 Compétences Capacités Taxonomies Composante déclarative Composante « savoir-dire » Bloom Composante procédurale Cognitive Motrice (psychomoteur) Composante « savoir-faire cognitif » Composante « savoir-faire moteur » Bloom Dave Composante conative Affectif Composante « savoir-être » Krathwohl

Tableau 6 : Constituants de la compétence selon Minder (2007)

Selon Dupuich-Rabasse et Letourneux76, le « savoir-devenir » est une supra compétence qui exprime un « savoir évoluer ». Selon Lebrun (2011), « le savoir-devenir ajoute au savoir-être (façon de se comporter) une perspective dynamique et temporelle : la manière dont la personne se met en projet en tentant d'infléchir le cours des choses, en cherchant du sens dans son futur ». Lebrun nous apprend que la compétence « savoir-devenir » a été développée par Lorin Anderson (2001) et elle est issue de la nouvelle taxonomie de Bloom dans laquelle il introduit la notion de créativité. C’est pourquoi le « savoir-devenir » comporte la particularité d’enrichir le « savoir-être » avec une perspective dynamique et temporelle77, qui confère à l’acteur la capacité de se projeter dans le futur.

De plus, afin de se développer, la métacompétence « savoir-devenir » demande ce que Philippe Carré appelle « l’apprenance », c’est-à-dire « un ensemble de dispositions favorables à l’acte d’apprendre dans toutes les situations, qu’elles soient formelles ou non, expérientielles ou didactiques, autodirigées ou dirigées, intentionnelles ou fortuites ».

76 Dupuich-Rabasse, Letourneux, 2006. ANDCP, n° 470 (2006) pp. 14-15. 77 Lebrun, 2011.

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Finalement, il est possible de décrire la compétence à travers ses éléments et ses caractéristiques. Ainsi, elle représente l’articulation des savoirs, savoir-faire, savoir-être, savoir-devenir et savoir-vivre-ensemble. Elle est contingente, car fonction d’une situation. De plus, elle est de nature téléologique, car elle existe en fonction d’un objectif à atteindre. Elle est aussi immatérielle puisqu’elle se manifeste seulement par une mise en situation.

2.4.2.2 Définition du concept de compétence utilisée dans le cadre de la recherche

Aux fins de cette étude, il apparaît opportun de clarifier le sens donné à la notion de compétence. Nous nous sommes inspirée à cet effet de Lichtenberger (1999) et de son approche qui fait état de trois composantes complémentaires et indissociables nécessaires pour bâtir une compétence, c’est-à-dire, le « savoir-agir », le « vouloir-agir » et le « pouvoir- agir ». Ces trois composantes de Lichtenberger expriment la compétence par le « croisement des capacités d’un salarié et des moyens qui lui sont fournis par l’entreprise »78.

C’est pourquoi la compréhension du concept de compétence telle qu’utilisée dans le cadre de cette étude se présente à l’image de la capacité de l’acteur à mobiliser son « savoir-agir » et « vouloir-agir », de même que la possibilité que l’organisation mette à sa disposition le « pouvoir-agir », dans le but d’accomplir une prestation professionnelle réussie et validée. Il apparaît intéressant de mentionner que la compétence évolue avec le temps, elle nait, se développe et meurt. C’est ainsi qu’elle ne serait jamais capable « d’épuiser son plein potentiel de développement »79. À cet effet, le processus de développement des compétences demande un laps de temps nécessaire à l’ajustement des savoirs, savoir-faire et des attitudes80 et c’est pourquoi ce processus nécessite de faire appel à des éléments de définition clairs, ainsi qu’à des moyens de rétroaction.

78 Lichtenberger, 1999.

79 Gagnon, 2013. 80 Brien, 2009.

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