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Changement organisationnel dans une perspective d'apprentissage : le développement des pratiques professionnelles

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Academic year: 2021

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CHANGEMENT ORGANISATIONNEL DANS UNE

PERSPECTIVE D’APPRENTISSAGE : LE

DÉVELOPPEMENT DES PRATIQUES

PROFESSIONNELLES

Thèse

Luminita Cismigeanu

Doctorat en technologie éducative

Philosophiae doctor (Ph. D.)

Québec, Canada

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CHANGEMENT ORGANISATIONNEL DANS UNE

PERSPECTIVE D’APPRENTISSAGE : LE

DÉVELOPPEMENT DES PRATIQUES

PROFESSIONNELLES

Thèse

Luminita Cismigeanu

Sous la direction de :

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RÉSUMÉ COURT

Issue d’un besoin présent dans la pratique de tous les jours des organisations, cette étude part d’une volonté d’aider l’organisation à s‘approprier le changement par une utilisation efficace de sa capacité d’apprentissage. Bien que la profession d’Agent de changement ne soit pas très répandue, nous pensons qu’elle revêt une importance capitale quant au développement de la capacité organisationnelle à évoluer.

Cette étude est située dans le champ de la recherche en développement des pratiques professionnelles en milieu de travail et s’inscrit dans un cadre socioconstructiviste. Elle vise à comprendre le rôle de l’Agent de changement et à décrire ses compétences.

Pour ce faire, nous utilisons une étude de cas auprès d’une population œuvrant dans le domaine de l’industrie des services. Nos acteurs sont des gestionnaires ayant un rôle d’Agent de changement dans leur organisation. Nous interrogeons la portée de leur rôle dans l’organisation et les conditions nécessaires à leur développement professionnel.

Notre conclusion avance l’idée que l’apprentissage continu en organisation soutient le développement d’un « savoir évoluer » de l’Agent de changement nécessaire dans l’appropriation du changement par l’organisation. À l’aide d’un répertoire des compétences ainsi que les conditions aptes à favoriser leur développement, nous proposons un modèle d’apprentissage continu qui prend en compte la notion de Responsabilité Sociétale des organisations.

Mots clés :

Apprentissage continu, Agent de changement, développement des compétences, changement organisationnel, responsabilité sociétale des organisations.

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RÉSUMÉ LONG

Issue d’un besoin présent dans la pratique de tous les jours des organisations, cette étude part d’une volonté d’aider l’organisation à s‘approprier le changement par une utilisation efficace de sa capacité d’apprentissage. Bien que la profession d’Agent de changement ne soit pas très répandue, nous pensons qu’elle revêt une importance capitale quant au développement de la capacité organisationnelle à évoluer.

Cette étude est située dans le champ de la recherche en développement des pratiques professionnelles en milieu de travail et s’inscrit dans un cadre socioconstructiviste. Elle vise à comprendre le rôle de l’Agent de changement et à décrire ses compétences.

Pour ce faire, nous utilisons une étude de cas auprès d’une population œuvrant dans le domaine de l’industrie des services. Cette dernière a été choisie en fonction de deux caractéristiques, soit sa répartition géographique multi-sites, ainsi que la polyvalence de ses services. Nos acteurs sont des gestionnaires ayant un rôle d’Agent de changement dans leur organisation. Notre méthodologie utilise deux types d’entrevue, à savoir, huit entrevues individuelles et une entrevue de groupe. Nous interrogeons la portée du rôle de l’Agent de changement ainsi que les conditions nécessaires à son développement professionnel. Notre conclusion avance l’idée que l’apprentissage continu en organisation soutient le développement d’un « savoir évoluer » de l’Agent de changement nécessaire dans l’appropriation du changement par l’organisation. Nos résultats font état de deux styles définissant ce rôle. D’une part, l’Agent de changement qui met au centre de son intérêt l’acteur, en s’efforçant de répondre à ses besoins en lien avec l’appropriation du changement et, d’autre part, à l’opposé, l’Agent de changement qui cède la place principale à l’organisation. Enfin, à l’aide d’un répertoire des compétences ainsi que des conditions aptes à favoriser leur développement, nous proposons un modèle d’apprentissage continu qui prend en compte la notion de Responsabilité Sociétale des organisations.

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TABLE DE MATIÈRES

RÉSUMÉ COURT ... iii RÉSUMÉ LONG ... iv LISTE DES ANNEXES ... ix LISTE DES TABLEAUX ... x LISTE DE FIGURES ... xi REMERCIEMENTS ... xiii INTRODUCTION ... 1 CHANGEMENT ORGANISATIONNEL ET APPRENTISSAGE CONTINU EN ORGANISATION ... 3 AGENT DE CHANGEMENT ET RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DE L’ORGANISATION ... 6 1 CHAPITRE: PROBLÉMATIQUE ... 9 1.1 CONTEXTE ORGANISATIONNEL ... 9 1.2 PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE ... 12 1.3 BUT ET OBJECTIF DE LA RECHERCHE ... 15 1.4 QUESTION DE RECHERCHE ... 16 1.4.1 SOUS QUESTIONS ... 17 2 CHAPITRE : CADRE THÉORIQUE ... 18 2.1 CHANGEMENT ORGANISATIONNEL ... 18 2.1.1 TYPES DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL ... 19 IMPOSÉ ... 21 NÉGOCIÉ ... 21 Changement organisé ... 21 Changement continu ... 21 Changement dirigé (de crise) ... 21 Changement proposé (adaptatif) ... 21 2.1.2 CAPACITÉ À ÉVOLUER DURABLEMENT DE L’ORGANISATION ... 23 2.1.2.1 SENS ATTRIBUÉ À LA CAPACITÉ À ÉVOLUER DE L’ORGANISATION ... 25 2.1.3 CHANGEMENT ORGANISATIONNEL : CONCEPT UTILISÉ DANS LE CADRE DE CETTE ÉTUDE ... 25 2.1.4 APPRENTISSAGE CONTINU ET CHANGEMENT ORGANISATIONNEL : QUELLE RELATION ? ... 28 2.1.5 RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DES ORGANISATIONS ET CHANGEMENT ORGANISATIONNEL : QUELLE RELATION ? ... 29 2.2 RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DES ORGANISATIONS ... 31 2.2.1 ISO 26000 ... 33 2.2.1.1 Responsabilité sociale au Québec ... 36

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vi 2.3 APPRENTISSAGE CONTINU EN ORGANISATION ... 37 2.3.1 APPRENTISSAGE ORGANISATIONNEL ET MANAGEMENT : POINTS D’ANCRAGE POUR LA RECHERCHE ... 37 2.3.1.1 Théories de l’activité et de l’action ... 37 2.3.1.2 Apprentissage continu et le concept de « Ba » ... 40 2.3.1.3 Management participatif et apprentissage organisationnel ... 42 2.3.2 CULTURE DE L’APPRENTISSAGE ... 44 2.3.3 APPRENTISSAGE CONTINU : STRATÉGIE D’ÉVOLUTION ... 47 2.3.3.1 L’approche cognitive ... 51 2.3.3.2 L’approche comportementale ... 52 2.3.3.3 Sens donné à l’apprentissage continu en organisation ... 55 2.3.4 APPRENTISSAGE CONTINU ET DÉVELOPPEMENT DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES ... 56 2.4 COMPÉTENCE ... 57 2.4.1 CONCEPT DE COMPÉTENCE : POINTS DE VUE ... 57 2.4.2 COMPÉTENCE : DÉFINITION ... 59 2.4.2.1 Compétence : éléments constituants ... 60 2.4.2.2 Définition du concept de compétence utilisée dans le cadre de la recherche ... 63 2.4.3 COMPÉTENCE : CONTEXTE ORGANISATIONNEL ... 64 2.4.3.1 Compétences : classification ... 66 2.4.3.2 Management des compétences et management par les compétences ... 67 2.4.3.3 Développement des compétences et formation continue au Québec ... 68 2.4.3.4 Évaluation des compétences de l’Agent de changement ... 69 2.5 AGENT DE CHANGEMENT ... 70 2.5.1 RÔLE DE L’AGENT DE CHANGEMENT : PONTS DE VUE ... 71 2.5.1.1 POINTS DE VUE ORGANISATIONNELS ... 71 2.5.1.2 POINTS DE VUE THÉORIQUES ... 73 2.5.1.3 RÔLE DE L’AGENT DE CHANGEMENT : CONCEPT UTILISÉ AUX ... 75 FINS DE CETTE ÉTUDE ... 75 2.5.2 DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES DE L’AGENT DE CHANGEMENT ... 77 2.5.3 AGENT DE CHANGEMENT ET RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DES ORGANISATIONS : QUELLE RELATION ? ... 79 3 CHAPITRE : MÉTHODOLOGIE ... 82 3.1 ORIENTATIONS MÉTHODOLOGIQUES ... 82 3.2 MÉTHODE DE RECHERCHE ... 84 3.3 POPULATION ... 87 3.3.1 Critères de sélection de l’organisation participante ... 87 3.3.2 Recherche de l’organisation participante ... 88 3.4 PRÉSENTATION DE L’ORGANISATION PARTICIPANTE ... 89 3.5 TYPE D’ÉCHANTILLON ... 90

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vii 3.5.1 Critères de sélection des acteurs ... 91 3.6 INSTRUMENT DE COLLECTE DES DONNÉES ... 93 3.6.1 Choix de l’instrument de collecte de données ... 95 3.6.1.1 Volet : entretiens individuels ... 95 3.6.1.2 Volet : entretien de groupe ... 97 3.6.2 Construction du questionnaire ... 100 3.6.2.1 Volet : Entretien individuel ... 100 3.6.2.2 Volet : Entretien de groupe ... 102 3.7 DÉROULEMENT DE LA RECHERCHE ... 104 3.8 MÉTHODE D’ANALYSE DE DONNÉES ... 109 3.9 PRÉPARATION DES DONNÉES POUR ANALYSE ... 111 4 CHAPITRE : ANALYSE DES DONNÉES ET INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ... 117 4.1 L’ANALYSE DES DONNÉES ... 117 4.1.1 ANALYSE DES DONNÉES ISSUES DES ENTRETIENS INDIVIDUELS ... 119 4.1.2 ANALYSE DES DONNÉES ISSUES DE L’ENTRETIEN DE GROUPE ... 128 4.2 INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS ... 150 4.2.1 RÔLE DE L’AGENT DE CHANGEMENT ... 150 4.2.2 COMPÉTENCES CLÉS DE L’AGENT DE CHANGEMENT ... 153 CONCLUSION ... 158 RÉPONSE À LA QUESTION DE RECHERCHE ... 159 PROPOSITION DE MODÈLE D’APPRENTISSAGE CONTINU ... 160 PERTINENCE SCIENTIFIQUE ET SOCIALE ... 166 PERTINENCE SCIENTIFIQUE ... 166 PERTINENCE SOCIALE ... 167 LIMITES DE LA RECHERCHE ... 169 PERSPECTIVES DE RECHERCHE ... 169 BIBLIOGRAPHIE ... 171 ANNEXE 1 ... 185 ANNEXE 2 ... 186 ANNEXE 3 ... 188 ANNEXE 4 ... 190 ANNEXE 5 ... 194 ANNEXE 6 ... 196 ANNEXE 7 ... 197

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LISTE DES ANNEXES

Annexe 1 : Panorama de la norme ISO 26000

Annexe 2 : Invitation à participer et présentation du projet de recherche Annexe 3 : Déroulement du projet

Annexe 4 : Questionnaire utilisé lors de l’entretien individuel

Annexe 5 : Grille de pondération relative aux compétences clés de l’Agent de

changement aux fins de l’entretien de groupe

Annexe 6 : Plan de travail pour l’entretien de groupe

Annexe 7 : Questionnaire utilisé lors de l’entretien de groupe

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1 : La matrice des changements, Autissier (2003) Tableau 2 : La matrice des changements, Rondeau, 2008

Tableau 3 : La complémentarité des théories de l’activité et de l’action, adapté

Tableau 4 : Modèle de création et de conversion de la connaissance selon Nonaka et Takeuchi (1997)

Tableau 5 : Deux conceptions complémentaires de la dynamique apprentissage/désapprentissage selon Bureau (2012) Tableau 6 : Constituants de la compétence selon Minder (2007)

Tableau 7 : Profil des participant

Tableau 8 : Déterminants socioprofessionnels des participants Tableau 9 : Le processus d’analyse utilisé

Tableau 10 : Distributions de réponses en lien avec le thème Rôle de l’Agent de changement Tableau 11 : Les deux premiers choix de compétences de

Tableau 12 : Les éléments d’attitudes, d’habiletés et de connaissances, déclaratives et procédurales, choisis par les participants en lien avec la compétence Donner du sens au changement

Tableau 13 : Les éléments d’attitudes, d’habiletés et de connaissances, déclaratives et procédurales, choisis par les participants en lien avec la compétence un Leadership

Tableau 14 : Les éléments d’attitudes, d’habiletés et de connaissances, déclaratives et procédurales, choisis par les participants en lien avec la compétence Démontrer une Capacité relationnelle et communicationnelle Tableau 15 : Les éléments d’attitudes, d’habiletés et de connaissances, déclaratives et procédurales, choisis par les

participants en lien avec la compétence Adopter une Vision systémique

Tableau 16 : Éléments illustrant les conditions favorables au changement et à l’apprentissage selon les participants à l’entretien de groupe

Tableau 17 : Compétences clés de l’Agent de changement en termes de fréquence et d’étendue des réponses Tableau 18 : Prototype de répertoire des compétences clés de l’Agent de changement

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LISTE DE FIGURES

Figure 1 : Problématique de la recherche

Figure 2 : Dynamique individu/collectif/organisation

Figure 3 : Les niveaux d’apprentissage selon Argyris et Schön (1978) Figure 4 : Démarche holistique qui encadre les questions centrales RSO Figure 5 : Les relations et les conditions de travail, ISO 26000

Figure 6 : The Four Characteristics of Ba, Nonaka et Konno (1998) Figure 7 : Typologies des cultures d’entreprise selon Goffee et Jones (1998) Figure 8 : Modèle « Iceberg », Spencer et Spencer (1993)

Figure 9 : Le rôle de l’Agent de changement en organisation

Figure 10 : Articulation entre la RSO et les trois niveaux organisationnels d’adhésion Figure 11 : Thèmes abordés lors des entretiens individuels

Figure 12 : Thèmes abordés lors de l’entretien de groupe Figure 13 : Modèle d’analyse des données

Figure 14 : La logique méthodologique utilisée

Figure 15 : Éléments de la grille d’analyse concernant le Rôle de l’Agent de changement

Figure 16 : Éléments de compétences clés déclinés sous forme d’attitudes, habiletés et connaissances selon les participants à l’entretien de groupe

Figure 17 : Compétences clés de l’Agent de changement selon les participants à l’entrevue de groupe

Figure 18 : Compétences collectives (l’équipe) en lien avec le changement organisationnel selon les participants à l’entretien de groupe

Figure 19 : Compétences organisationnelles en lien avec le changement selon les participants à l’entretien de groupe Figure 20 : Rôle de l’Agent de changement quant à l’appropriation changement par les acteurs

Figure 21 : L’apprentissage continu en contexte organisationnel et la Responsabilité sociétale des organisations Figure 22 : Les trois dimensions organisationnelles dédiées à l’apprentissage continu

Figure 23 : Cadre de développement des pratiques professionnelles de l’Agent de changement Figure 24 : Proposition de modèle d’apprentissage continu

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REMERCIEMENTS

En tant que directeur de recherche, croiser le chemin d’une thèse dont le processus de rédaction apparaît assez avancé et son historique connu que très marginalement, n’est pas chose aisée et démontre du courage ainsi que la foi dans la profession d’enseignant. Avec patience et rigueur, une incroyable disponibilité et une grande générosité, monsieur Richard Gagnon a relevé ce défi de manière exceptionnelle, en plus d’amener l’étudiant à bonifier son projet. Nous ne le remercierons jamais assez. Malgré des périodes plus difficiles, monsieur Gagnon nous a soutenue dans cette démarche et a toujours su trouver les mots d’encouragement judicieux. Et nous en avions souvent besoin, car le processus d’écriture étant ce qu’il est, il a exigé constamment une énorme confiance quant à nos capacités. C’est pourquoi nous lui exprimons notre gratitude.

Nous tenons à remercier très sincèrement monsieur Robert Brien, qui a été présent pendant toutes ces années et à toutes les étapes du processus de rédaction et nous a toujours soutenue et incitée à persévérer dans notre démarche.

Quant à celui par qui ce projet a débuté, monsieur Jean-Pierre Fournier1, nous lui gardons

pour toujours une pensée précieuse.

Finalement, le mot de la fin revient à notre famille pour son soutien inébranlable et l’écoute dont elle a su faire preuve surtout en période de doute et de remise en question. Un merci tout spécial à Alain qui a eu la patience de lire et de relire plusieurs fois le texte afin de procéder aux corrections nécessaires.

1 Pendant la rédaction de cette étude, à la suite d’un événement inattendu qui nous a accablée et affligée, notre directeur de recherche,

monsieur Jean-Pierre Fournier, nous a quittés subitement. En prenant la relève avec générosité et dévouement, monsieur Richard Gagnon a su faire de cette responsabilité une expérience enrichissante sur le plan professionnel et personnel.

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1 INTRODUCTION

Nous vivons actuellement dans un monde où la stabilité représente l’exception et le changement la norme, car tel qu’il se présente, notre environnement est synonyme d’incertitude et d’imprévisibilité. Ainsi, les dernières décennies ont engendré de multiples transformations issues de la mondialisation et de la financiarisation de l’économie, au rythme accru de la concurrence et à l’essor de nouvelles technologies de l’information et des communications. Toutefois, force est de constater que cette complexification environnante prend des ampleurs exponentielles avant même qu’en tant qu’acteurs engagés, nous puissions en prendre conscience.

Cette étude s’inscrit dans un contexte où les changements observés entraînent de nouveaux défis sur le plan individuel et collectif, porteurs de possibilités d’évolution inattendues pour les organisations. Ces dernières s’efforcent de réagir rapidement et efficacement en utilisant de nouvelles stratégies et en se redéfinissant continuellement afin de changer le présent pour édifier le futur.

Dans cette perspective, nous avons voulu comprendre davantage cet aspect qui opère de façon incontournable sur l’évolution organisationnelle. Or la recension des écrits concernant cette nouvelle dynamique organisationnelle présente autant d’approches qu’il existe d’objets d’étude relatifs au changement organisationnel et à sa « conduite ». Par exemple, celui-ci est étudié en tant que stratégie (Pettigrew, 1987; Hamel et Prahalad, 1990; Johnson, Hohnson, Stanne, 2000; Autissier, Bensebaa, Moutot, 2012 ), comme ressource (Vendangeon-Derumez), comme processus (Lewin, 1959 ; Kanter, 1992 ; Prax, 2012 ; Moutot et Autissier, 2003) et aussi sous forme de gestion de projet. De plus, selon Bootz (2012), le changement organisationnel, synonyme de possibilité d’évolution pour l’organisation, se situe à la frontière entre l’action d’apprendre et la réflexion prospective. Il apparaît important de mentionner que la notion de changement organisationnel, telle qu’utilisée aux fins de cette étude, représente une composante à part entière du quotidien de l’organisation, un état perpétuel dont l’existence est connue, mais les conceptions divergent quant à sa nature. Néanmoins, les auteurs s’accordent pour dire que gérer le changement organisationnel équivaut à gérer la complexité (Morin, 1984; Autissier, Moutot, 2003; Nonaka, Takeuchi,

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1997; Vendangeon-Derumez, Autissier, Vas, 2010; Rondeau, 2008). D’ailleurs, les recherches à ce sujet utilisent différents points de vue pour appréhender ce processus, notamment les circonstances de son apparition, les moyens d’assimilation, les phases de sa « conduite »1, ainsi que les effets produits sur l’organisation.

Du reste, le changement organisationnel est devenu un enjeu stratégique de taille pour toute organisation exposée à un environnement instable et complexe. La recherche de solutions à cet effet revendique une double implication, collective et individuelle, et amène l’organisation à revisiter ses façons de faire, à comprendre et à s’approprier la complexité qui l’entoure. Dans cette situation, évoluer exprime une obligation, à défaut de quoi les organisations sont condamnées à disparaître.

Comment réussir ces défis? La recension des écrits à ce sujet propose généralement deux types de solution. D’abord, les solutions inclusives, centrées sur l’acteur, dont la formation, l’apprentissage continu, ainsi que les moyens capables de développer les capacités individuelles. Ensuite, les solutions qui désavouent l’acteur, lesquelles, centrées sur l’organisation, se traduisent par la délocalisation et l’automatisation de la productivité. Cependant, selon Autissier, Bensebaa, Moutot (2012), nombreuses sont les organisations qui ont compris que le changement se décline à la fois en termes de résultats attendus et des ressources constituées et gérées en tant qu’avantage concurrentiel.

Aux fins de cette recherche, le changement organisationnel est présenté dans une perspective d’apprentissage (Argyris, Autissier), à l’instar d’une stratégie organisationnelle d’évolution. C’est pourquoi le point de vue du chercheur s’attarde sur les mécanismes d’appropriation du changement, dont l’apprentissage tient le rôle principal.

Du reste, il ne peut pas exister de changement viable et d’apprentissage durable sans implication aussi bien individuelle que collective, soutenue par une volonté politique de l’organisation. De ce fait, cette étude s’intéresse, d’une part, au rôle du Gestionnaire de proximité/Agent de changement en tant que facilitateur et, d’autre part, aux conditions favorables concernant le développement de ses pratiques professionnelles.

1 Bareil, 2004.

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D’ailleurs, pendant notre propre pratique professionnelle, nous avons eu l’opportunité de participer, au sein de diverses entreprises, à la mise sur pied des programmes d’apprentissage et des d’activités de formation répondant à des préoccupations concernant la « conduite » du changement. Force est de constater que nombreuses sont les organisations qui échouent dans leurs tentatives d’édifier un processus d’apprentissage continu sur des bases solides. Ce processus prend racine en organisation dans une culture apte à le valoriser, mais aussi une structure capable de le favoriser. Aussi, la mobilisation des acteurs nécessite une implication formelle de la part de la direction, dont dépend la réussite du projet.

Finalement, le changement organisationnel demande un leader social sous la forme de l’Agent de changement. Cependant, si l’on considère que la notion « Agent de changement » est de plus en plus utilisée en organisation, la recension des écrits à ce sujet révèle des failles dans sa compréhension qui n’exprime pas un concept uniforme.

Selon Audet (2009), malgré l’existence d’une riche documentation concernant la « conduite » du changement en organisation, le succès de cette pratique n’est pas acquis et le taux d’échec demeure élevé. Plusieurs explications sont avancées à cet égard. D’abord l’absence de volonté politique exprimée de la part de la Direction générale, intensifiée par une culture et une structure organisationnelle inadéquates quant au processus de changement. Ensuite, un faible taux de réussite quant à la transformation des comportements des acteurs. Enfin, une carence en termes de réflexion stratégique concernant l’analyse situationnelle et la planification des actions à prendre2.

CHANGEMENT ORGANISATIONNEL ET APPRENTISSAGE CONTINU EN ORGANISATION

En tant que solution concrète aux problèmes engendrés par la régularité avec laquelle le changement se manifeste, l’apprentissage continu contribue à cristalliser le pouvoir d’action de l’organisation dans sa triple dimension individuelle, collective et organisationnelle. Or il appert que l’apprentissage continu désigne à la fois une capacité en termes de compétence et une disposition de travail en termes d’apprenance (Carré, 2005) nécessaires à sa mise en

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œuvre. De plus, l’apprenance s’exprime dans le sens d’une mutation, et c’est pourquoi elle représente une stratégie d’évolution pour l’organisation. L’apprentissage continu apparaît ainsi gage d’amélioration et source de viabilité, car il extrait l’organisation de son statut de témoin impuissant devant cette conjoncture d’incertitude permanente.

En ce qui concerne la recension des écrits relatifs au changement, plusieurs typologies font leur apparition en fonction de sa nature et de son intensité. Dans le premier cas, le changement est présenté sous forme d’une manifestation réactive, car imposé et subi. À l’opposé, il s’exprime aussi à l’aide d’une dynamique proactive de nature volontaire, issue d’une intention formelle. Selon l’intensité à laquelle l’organisation l’expérimente, le type de changement est qualifié de progressif ou de brutal, selon le rythme imposé à l’organisation. Il apparaît intéressant de mentionner que l’appropriation du changement prend forme dans une dynamique collective de nature inclusive et collaborative, nécessitant l’adhésion de tous les acteurs. Pour ce faire, ces derniers sont invités à trouver un sens et un intérêt communs, afin de dégager une nouvelle conception de leurs rôles respectifs dans la création d’une dynamique renouvelée. Dès lors, leur participation soutient la construction d’un changement transformationnel profond et durable qui demande une évolution dans la façon de voir et de faire. Ainsi, un changement des valeurs ou transformationnel requiert plus qu’un changement des règles de fonctionnement, et c’est pourquoi il est souvent qualifié de systémique (Senge, 1990; Argyris, 1993) ou bien de changement en « U » (Scharmer, 2012). Du reste, le changement transformationnel sollicite une construction mentale de type systémique, qui demande un effort auquel nous faisons appel moins souvent, contrairement à la pensée de Descartes et du rationalisme dont nous sommes entourés. Cependant, Edgar Morin nous renseigne davantage à ce sujet. Pour lui, la pensée systémique nécessite, et cela dès les premières classes, un enseignement dans le sens de relier et non de séparer : « Perdre l’aptitude à globaliser au profit de l’aptitude à séparer, c’est risquer d’être conduit à une intelligence aveugle. Connaître, en effet, c’est, dans une boucle ininterrompue, séparer pour analyser et relier pour synthétiser ou complexifier »3.

3 Morin, 2003

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Pourquoi tel intérêt pour l’apprentissage continu? Voici trois éléments de réponse déclinés à travers trois niveaux d’action. D’abord, du point de vue organisationnel, l’apprentissage continu interpelle par la précarité de son utilisation, en faisant bien entendu abstraction de la grande entreprise et des multinationales qui, par la force des choses, sont obligées de se mettre à niveau dès l’instant où elles se retrouvent sur le marché international. Cela pourrait s’expliquer par la nature complexe du concept qui fait intervenir des conditions humaines, matérielles et surtout culturelles dont l’organisation ne possède pas nécessairement la maîtrise. Et pour cause, le modèle classique de gestion nous dévoile une recherche d’efficacité polarisée uniquement selon la productivité. Or le nouvel environnement organisationnel construit autour de la société du savoir, la collaboration et la transparence, revendique une dynamique systémique, dont les bénéfices sont mesurés en matière de capital-connaissances. De là, notre intérêt à démocratiser son utilisation.

Ensuite, l’apprentissage continu représente collectivement une façon de grandir ensemble dans un processus professionnel participatif. Ce dernier est porteur de socialisation, attribut nécessaire pour la construction de l’identité organisationnelle à travers une culture de l’apprentissage. À ce titre, le « collectif » contribue à donner un sens commun au processus d’apprentissage et à faciliter ainsi le développement des pratiques professionnelles. D’ailleurs, pour Edgar Morin (1984), la culture représente un système qui fait communiquer une expérience existentielle personnelle et un savoir collectif constitué. C’est pourquoi l’organisation devrait incorporer ses valeurs et ses stratégies au cœur de sa culture, en tant que pivot central d’évolution collective. Sur cet aspect, nous portons un intérêt particulier envers le processus professionnel participatif.

Enfin, du point de vue individuel, l’apprentissage continu est synonyme d’émancipation personnelle et professionnelle dont nous avons tous besoin en tant qu’acteurs de notre époque. Autrement dit, ce processus induit la capacité d’empowerment des acteurs, capacité qui loge à la base de toute motivation et implication individuelles vers une création collective. Dès lors, l’organisation qui adopte ce contrat psychosocial, qui accueille le processus d’apprentissage continu et qui valorise le développement des compétences de ses acteurs répond aux critères quant à la Responsabilité sociétale (RSO). Pourquoi? Parce que le développement des pratiques professionnelles représente un des piliers de la norme ISO

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26000, la Responsabilité sociétale de l’organisation. La dynamique collaborative autour de cette norme participe à la construction d’une nouvelle identité culturelle, à l’image de l’organisation du XXIe siècle.

Du reste, la finalité du processus d’apprentissage continu se reflète dans sa capacité à trouver continuellement des réponses adéquates aux problèmes créés par une succession de changements complexes auxquels toute organisation est confrontée. À cet effet, selon Senge (1990) l’organisation axée sur l’apprentissage continu développe constamment son aptitude à créer son propre avenir. De même, la capacité de l’organisation à gérer « la connaissance » est synonyme de compétence clé, car elle est soutenue par un processus d’apprentissage stratégique (Kaplan & Norton, 1996).

En d’autres mots, le processus d’apprentissage continu conduit l’organisation vers une évolution durable, en articulant appropriation du changement, création et innovation. Cependant, une telle évolution réclame, de la part d’une organisation, une adaptation au concept de Responsabilité sociétale, en utilisant des structures et des politiques à cet effet. Dans la société du savoir les organisations ne peuvent plus gérer leurs employés comme des « ressources », à l’instar des facteurs de production, qu’ils soient matériels ou financiers. Le capital humain se réclame désormais « partie prenante » de l’organisation au même titre que les investisseurs, car ils apportent un capital-savoir sur lequel repose l’avantage concurrentiel de l’organisation.

AGENT DE CHANGEMENT ET RESPONSABILITÉ SOCIÉTALE DE L’ORGANISATION

Aux fins de cette recherche, le concept de Responsabilité sociétale et son double rôle en organisation sont reconsidérés. D’abord, en tant qu’appui en faveur du développement des pratiques professionnelles et des compétences des acteurs, particulièrement pour l’Agent de changement. Ensuite, par son pouvoir d’implanter le changement à l’aide de nouvelles façons de faire, en collaboration avec tous les acteurs de l’organisation.

Cette étude revisite la pensée systémique et invite à explorer la dynamique des organisations, notamment relative au nouveau contrat psychosocial que demande la Responsabilité

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sociétale. Ce contrat est situé à la frontière entre les attentes des acteurs quant à leur condition professionnelle et les attentes de productivité que l’organisation témoigne à leur égard. C’est pourquoi cette dynamique de réciprocité reformule les bases d’employabilité auxquelles nous sommes habitués et s’inscrit dans les nouvelles façons de faire.

Avec ces nouvelles balises, en développant les pratiques professionnelles des acteurs, l’organisation souscrit à un nouveau contrat psychosocial capable de soutenir ses interventions dans un cadre moral et éthique formel. À ce sujet, la Communauté européenne, dans son Livre vert publié en 2001, définit le concept de Responsabilité sociale de la manière suivante : « Être socialement responsable signifie non seulement satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aller au-delà et investir encore dans le capital humain […] ». En adhérant à ce principe, l’organisation reconnaît le besoin de développement professionnel et personnel de ses employés et la nécessité de mettre en place des conditions stimulantes afin de développer leurs compétences et favoriser leur épanouissement au travail. De même, l’Organisation Internationale du Travail4 (OIT) exprime la nécessité et l’urgence d’agir, particulièrement pour les organisations multinationales, davantage exposées aux multiples contraintes culturelles et économiques : « […] Les trois dernières décennies ont vu

se produire sur la scène internationale des changements en matière de gouvernance. De nouveaux acteurs sont apparus et ont introduit de nouvelles modalités d’action. Les entreprises multinationales sont ainsi devenues de plus en plus nombreuses à faire de la responsabilité sociale, puis plus largement sociétale, une partie intégrante de leurs activités

[…] ».

Du reste, il existe aujourd’hui des moyens de reddition de compte sous forme d’indices internationaux, tel que le Dow Jones Groupe Sustainability Index (DJSI)5 et, récemment, la création du Dow Jones Sustainability Index Diversified Family, qui mesure la performance des organisations en matière de Responsabilité sociétale. L’existence de ces indices boursiers montre l’intérêt de plus en plus grandissant des organisations envers l’intégration de ces nouveaux principes de gouvernance.

4 http://www.skillsforemployment.org/KSP/fr/index.htm 5 DJSI, 2013. Voir à l’adresse : www.sustainability-indices.com

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De plus, en dépassant le cadre juridique interne, l’adhésion à cette norme permet d’interagir avec un système étendu à l’image des parties prenantes. À ce sujet, selon Ballet et De Bry (2011), une telle organisation assume une « responsabilité complète » envers ses partenaires et, finalement, envers toute la société. Dans ces conditions, cette « réceptivité sociale » exprime ce que Deslandes (2012) appelle une « sensibilité sociétale ». Il apparaît ainsi approprié de parler non pas de Responsabilité sociale, mais de Responsabilité sociétale, afin d’exprimer toute l’étendue dont fait état cette notion.

En 2010, l’Organisation Internationale de Normalisation (ISO), par l’intermédiaire de son groupe de travail sur la Responsabilité sociétale, a élaboré la Norme ISO 26000. Cette norme, développée avec la participation d’experts de plus de 90 pays et de 40 organisations internationales, fait depuis référence en matière de Responsabilité sociétale.

Le concept de Responsabilité sociétale sera utilisé tout au long de notre recherche comme fondement nécessaire au développement des pratiques professionnelles du Gestionnaire de proximité/Agent de changement, particulièrement relatif à ses compétences clés. D’ailleurs, l’adhésion au concept de RSO représente un bon exemple de changement pour l’organisation et ainsi, une opportunité de développement de compétences et d’apprentissage continu. Dans ce contexte, l’Agent de changement, comme d’ailleurs tous les autres acteurs, est invité à développer ses pratiques professionnelles et à ouvrir la voie d’une réévaluation des rôles de chacun dans l’organisation.

Aux fins de cette recherche, notre intention est dans un premier temps, de comprendre le rôle que l’Agent de changement pourrait jouer en faveur du processus de changement. D’ailleurs, à ce sujet, la recension des écrits nous renseigne peu, car, on trouve peu de cohésion concernant les frontières attribuées à ce rôle et aux actions qui en découlent. Dans un deuxième temps, notre questionnement fait référence aux conditions favorables mises de l’avant par l’organisation, si ces conditions existent, afin de développer les pratiques professionnelles de l’Agent de changement. Dans cette logique, le prochain chapitre présente la problématique et la question de recherche.

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1 CHAPITRE: PROBLÉMATIQUE

1.1 CONTEXTE ORGANISATIONNEL

« Aujourd'hui, la valeur du travail qualifié, complexe et créatif, croît rapidement. En conséquence, le succès économique des pays et des individus repose de plus en plus sur le capital humain : nos compétences, nos apprentissages et nos talents ».

OCDE, 2007

L’avènement du marché mondial ainsi que le développement des nouvelles technologies cristallisent de multiples changements, autant sur le plan social, économique, qu’environnemental. Prenons l’exemple très simple de l’achat de billets d’avion en ligne. Ces changements technologiques nous donnent accès instantanément au marché mondial et facilitent de beaucoup la vie des consommateurs que nous sommes. Néanmoins, cette révolution technologique, qui représente, pour les compagnies de transport aérien, le moyen idéal d’augmenter leur part de marché, engendre plusieurs changements dans les façons de faire individuelles et collectives. Ainsi, en plus d’une importante modification des valeurs dans les habitudes de consommation, ces changements bonifient et facilitent l’offre en laissant une empreinte environnementale non négligeable.

En tant que société, nous développons généralement une prédisposition favorable pour les nouvelles technologies, prédisposition qui trouve sa source dans le sentiment d’assurance qu’elles nous procurent. Deux facteurs capables de fournir des éléments de réponse à cet effet peuvent être identifiés. D’abord, depuis toujours, la technologie est signe de progrès quant à sa capacité à apporter des solutions diverses aux problèmes de la société. Ensuite, il s’avère que la technologie comporte une propension à nous simplifier la vie. Par ailleurs, toute transformation, qu’elle soit technologique ou autre, ne représente pas nécessairement une amélioration, voire une évolution.

De plus, la mondialisation, phénomène qui revendique un système de référence aux dimensions universelles, sollicite de nouvelles ressources et moyens d’action. Dans ces

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conditions, le défi est d’être capable de discerner la dynamique d’évolution à travers une multitude de transformations. Cette considération implique une compréhension de l‘environnement dans lequel l’homme occupe une place importante et nourrit notre réflexion tout au long de la recherche.

Tout à fait représentative de la société, l’organisation est aussi confrontée aux mêmes problèmes. Les changements de valeurs, de même que la complexification de son environnement l’obligent à s’engager dans des chemins qui ne la conduisent pas toujours vers une véritable évolution. Cependant, en accueillant activement le changement, l’organisation développe un nouvel équilibre de pouvoir et, par le fait même, accroît le degré d’interdépendance de ses acteurs (Warnotte, 2000). De ce fait, elle apparaît davantage attentive aux liens qui se créent entre ses sous-systèmes et change peu à peu ses valeurs, dont une redistribution des forces qui construisent sa dynamique. Toutefois, force est de constater que cette dynamique ne se réalise pas toujours aisément.

Il apparaît intéressant de mentionner l’importance que revêt, pour l’organisation, la construction d’une relation de partenariat durable avec les acteurs, ancrée dans le respect mutuel et capable d’édifier une plus-value sociale et sociétale au bénéfice de tous. Cette relation, construite à partir d’une performance collective, se trouve assujettie à une logique de collaboration et de coopération entre l’acteur et son organisation. Par conséquent, il est légitime de penser à l’existence d’un rapport de stabilité « gagnant-gagnant » bâti, d’une part, sur l’implication dont les acteurs devront faire preuve et, d’autre part, sur l’offre organisationnelle en termes d’avantages socioéconomiques à la mesure de nouvelles responsabilités.

Dans ces conditions, quel est le rôle de l’apprentissage? Un premier élément de réponse nous est donné par les sciences économiques. En économique, le lien entre éducation et croissance économique est établi clairement depuis longtemps, car plus un individu est compétent, plus sa productivité augmente et plus son empreinte de travail favorise la performance organisationnelle et, par conséquent, la croissance économique (OCDE, 2007). Sur ces bases, il apparaît évident que toute organisation devrait faire fructifier l’effet de levier que son capital humain lui procure, et cela dans le but précis de bonifier sa productivité.

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Or de nombreuses actions structurées de la part d’organismes démontrent que la formation et le développement des compétences sont synonymes d’efficacité. À titre d’exemple, en réponse à la crise financière de 2008, l’Union européenne a mis sur pied le Fonds structurel d’aide, investissement fait dans une perspective stratégique à long terme. Fait aussi partie du même type d’investissement, le Fonds européen d’ajustement à la mondialisation (FEM), qui s’intéresse en particulier aux individus aux prises avec des licenciements découlant de la fermeture ou de la délocalisation d’unités de production de la grande entreprise. Plus particulièrement, ce fonds permet aux acteurs désorientés par les impacts économiques de la crise de développer de nouvelles compétences en vue d’accéder une fois de plus à un nouvel emploi. Cet effort financier, situé dans l’actuel contexte mondial, démontre l’importance reconnue de la formation et du développement des compétences au sein de l’organisation. Ensuite, un deuxième élément de réponse découle des sciences de la gestion et de leur intérêt marqué devant le pouvoir de développement organisationnel que procure l’apprentissage. À titre d’exemple, les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix ont vu apparaître la théorie des ressources. Son utilité réside dans sa capacité à fournir une lecture quant au développement organisationnel à l’intérieur d’environnements de plus en plus complexes. À cet effet, l’organisation n’est plus définie sur la base de ses activités, mais en termes de ressources humaines lui permettant de mobiliser les compétences clés comme principale source d’avantages concurrentiels. En témoigne entre autres, l’approche par les compétences de Prahalad et Hamel (1990) ou bien l’approche par la connaissance de Nonaka et Takeuchi (1995).

Cependant, le quotidien des PME démontre une réalité différente, car les PME, séduites par des solutions à court terme, ne se préoccupent pas nécessairement de développer le talent des acteurs. Selon une étude canadienne faite par la Société de recherche sociale appliquée (Montréal, 2012)6, les arguments en faveur de cette pratique font référence entre autres aux manques de ressources, de temps et d’infrastructures adéquates. Du reste, la formation, l’apprentissage et le développement des compétences, principaux leviers d’évolution pour l’organisation, sont davantage envisagés comme des dépenses, voire des pertes. Ainsi, à la

6 www.centrersa.qc.ca

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différence des multinationales et de la grande entreprise, les PME n’utilisent pas ces leviers à bon escient.

Dans ce contexte, il apparaît important pour l’organisation de formaliser le rôle de l’Agent de changement et de développer les conditions favorables au développement de ses pratiques professionnelles.

1.2 PROBLÉMATIQUE GÉNÉRALE

Telle que présentée précédemment, la problématique de notre recherche, illustrée à la Figure 1, est issue d’une dynamique de changement permanent qui façonne l’organisation. À cet effet, nous constatons le volet inexploré du développement des pratiques professionnelles, plus spécifiquement dans le milieu des PME, car nous y avons travaillé pendant plusieurs années. Ainsi, malgré le changement permanent auquel ces entreprises sont confrontées, il apparaît néanmoins qu’elles démontrent un faible intérêt à la pérennisation d’un processus d’apprentissage continu et de développement des compétences. La recension des écrits explique cette situation par l’absence de volonté politique qui côtoie des efforts de formation et de développement des compétences malheureusement inefficaces, car ils s’avèrent ponctuels et non planifiés.

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Figure 1 : Problématique de la recherche

Du reste, la méconnaissance des bénéfices qu’entraîne le processus d’apprentissage continu de même que de son important effet de levier pour l’organisation sont aggravés par une collaboration manquante avec l’acteur en tant que partie prenante du processus de développement organisationnel.

C’est pourquoi l’organisation qui assume le développement professionnel de l’Agent de changement témoigne d’une volonté politique et stratégique de passer d’un mode réactif à un mode proactif. De plus, la mise à jour des compétences fait partie intégrante du développement des pratiques professionnelles des acteurs et concrétise l’adhésion organisationnelle aux critères de Responsabilité sociétale.

CONTEXTE •ORGANISATION VIT UN CHANGEMENT PERMANENT • APPARITION NORME ISO 26000 • RELATION ENTRE APPRENTISSAGE ET PERFORMANCE SUJET • PROFESSION: AGENT DE CHANGEMENT • FONCTION: GESTIONNAIRE DE PROXIMITÉ • COMPÉTENCES CLÉS DE L'AGENT DE CHANGEMENT • CONDITIONS FAVORISANT LE DÉVELOPPEMENT DES COMPÉTENCES DE L'AGENT DE CHANGEMENT PROBLÈMATIQUE •RÔLE DE L'AGENT DE CHANGEMENT: PEU CONNU ET MAL DÉFINI • DISCURS PROFESSIONNEL: INEXPLORÉ • DÉVELOPPEMENT DES PRATIQUES PROFESSIONNELLES DE L'AGENT DE CHANGEMENT PEU RÉPANDU

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Il apparaît important de mentionner que la valorisation de la qualité de vie au travail, ce que l’Organisation Internationale du Travail désigne sous l’appellation « travail-décent7», se trouve corrélée avec la performance des employés, car elle représente un indicateur de performance et de rétention du personnel. Dès lors, l’organisation qui se préoccupe et qui matérialise un programme de développement des pratiques professionnelles répond aux critères de Responsabilité sociétale conformément à la norme ISO 26000. À titre d’exemple, les résultats qui se dégagent de l’étude « Employeurs de choix au Canada 2010 », menée par Hewitt Associates (2010), font référence à une étroite relation entre le niveau d’engagement des employés dans l’organisation et leur perception de l’attitude de l’employeur en matière de Responsabilité sociale.

Enfin, les conditions capables de faciliter le développement professionnel sont issues d’une logique de coopération et de responsabilité bilatérale, porteuse d’évolution socio-économique. Cette dynamique se manifeste par l’articulation entre l’organisation qui s’implique dans la professionnalisation de ses employés et l’acteur qui accepte de perfectionner ses compétences de manière continue. Dans ce contexte, l’organisation est responsable de favoriser un apprentissage continu et de rendre disponibles les moyens à cet effet.

C’est pourquoi adhérer au concept de Responsabilité sociétale pourrait résulter en des bénéfices importants, car l’engagement et l’implication des acteurs dans leur développement professionnel se traduisent par l’augmentation de leur performance. D’ailleurs, l’Organisation Internationale de Normalisation8 (ISO) traduit cette démarche holistique et stratégique de développement des pratiques professionnelles à l’intérieur de la norme ISO 260009.

Ainsi, « […] la 26000 n'est pas un document amené à faire l'objet de certifications, c'est un

document qui tiendra compte de la diversité des situations [...] C'est un outil de progrès dans une logique de responsabilité sociétale et de progrès permanent et participatif, respectueux de l'environnement, respectueux des agents, et des hommes et des femmes, tout en assurant la pérennité économique. Nous sommes dans une logique d'ouverture et d'évolution de

7 Terme utilisé pour la première fois à la 87eme Conférence internationale du travail, 1-17 juin 1999. 8 International Organization for Standardization

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culture ». (Norme ISO 26000, point 6.4.7, Développement du capital humain, AFNOR10, 2010).

Dans ce contexte et aux fins de cette recherche, nous considérons que les principaux éléments en lien avec le changement ayant un impact sur l’organisation sont l’apprentissage continu, la formation et particulièrement le développement des compétences de l’Agent de changement.

1.3 BUT ET OBJECTIF DE LA RECHERCHE

Cette étude veut explorer le développement des pratiques professionnelles à la lumière du rôle de l’Agent de changement dans une organisation. Aussi, elle veut comprendre la nature des compétences clés de l’Agent de changement et, enfin, décrire les conditions organisationnelles capables de favoriser leur développement.

Cette étude revisite les notions d’apprentissage continu, de compétence, de changement organisationnel, ainsi que celle de la Responsabilité sociétale en tant que principe intégrateur quant à l’organisation. L’articulation de ces éléments prendrait appui sur trois capacités organisationnelles.

D’abord, une structure capable de pérenniser l’apprentissage continu, exprimant le

pouvoir-faire organisationnel. Ensuite, une culture apte à valoriser et à cultiver l’apprentissage

continu, synonyme du vouloir-faire organisationnel. Enfin, le développement des compétences clés de l’Agent de changement et de sa performance professionnelle, cristallisé par le savoir-faire organisationnel. Par performance professionnelle de l’Agent de changement, nous faisons référence à son rôle de passeur, capable de réussir l’appropriation du changement par tous les acteurs. Aussi, le lien avec l’organisation apprenante est notamment défendu, car cette dernière possède la capacité d’innover et de développer des stratégies et des pratiques qui favorisent et valorisent l’apprentissage continu.

10 Idem.

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1.4 QUESTION DE RECHERCHE

À l’égard de la question de recherche, notre volonté est de comprendre :

Dans une organisation, quelles sont les compétences définissant le rôle de l’Agent de changement, ainsi que les conditions au profit desquelles ce dernier développe sa pratique professionnelle.

L’intérêt de la recherche est dirigé vers l’acteur qui assume un double rôle dans l’organisation, celui de Gestionnaire de proximité et d’Agent de changement. Cependant, aux fins de cette étude, nous concentrons nos efforts exclusivement sur le développement des compétences de l’Agent de changement.

À cet effet, il est question d’articulation entre capacités individuelles, collectives et organisationnelles à l’intérieur d’une synergie créatrice de valeur. Cette synergie, illustrée à la Figure 2, inclut toutes les possibilités d’action interniveau et intraniveau. Cette synergie est tissée autour de l’apprentissage continu et du développement des pratiques professionnelles de l’Agent de changement.

Figure 2 : Dynamique individu/collectif/organisation

NIVEAU ORGANISATIONNEL NIVEAU INDIVIDUEL NIVEAU COLLECTIF

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1.4.1 SOUS QUESTIONS

Nous abordons notre question de recherche en trois temps :

1. Quel est le rôle de l’Agent de changement?

2. Quelles sont les compétences clés de l’Agent de changement? 3. Quelles sont les conditions favorisant le développement des

pratiques professionnelles de l’Agent de changement ?

Les trois sous-questions nous aident à mieux cerner les conditions facilitantes quant à la pratique professionnelle de l’Agent de changement dans un contexte d’organisation multiservice. Afin d’y répondre, nous utiliserons une recherche de type exploratoire à l’aide d’une étude de cas. En effet, en sachant qu’aucune méthode n’a pu démontrer la capacité d’éclairer parfaitement la richesse du terrain, l’étude de cas apparaît la plus appropriée.

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18 2 CHAPITRE : CADRE THÉORIQUE

Ce chapitre comporte cinq sections qui tracent un portrait des principaux courants de pensée qui nous ont inspirée aux fins de cette étude, en plus de faire ressortir les principaux points d’ancrage.

Dans un premier temps, nous essayons de circonscrire la notion de compétence dans un contexte organisationnel. Cette dernière sera développée à l’aide de différents points de vue exprimes dans la recension des écrits, en passant par le management des compétences. De même, nous essayons d’appréhender les liens possibles entre le concept de l’apprentissage continu et le développement des pratiques professionnelles. Aussi, nous présentons le concept d’Agent de changement et le développement de ses compétences. Ensuite, afin de mieux comprendre le changement organisationnel, nous proposons de circonscrire les différents types de changement qui nous intéresse aux fins de la recherche. Finalement, nous exposons le concept de Responsabilité sociétale des organisations vu sous l’angle du développement des pratiques professionnelles.

2.1 CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

« Dans les sciences sociales, on a affaire à des sujets dont le comportement varie en fonction des connaissances qu’ils ont de la situation […]. La connaissance que l’on a de la société devient donc un facteur agissant sur la société elle-même. C’est ce qu’ont montré les sociologues qui envisagent le sujet social comme un acteur compétent. »

Anthony Giddens, 1998, p.40

Les débats sur la notion de changement organisationnel trouvent écho dans les écrits qui se sont enrichis par leur controverse, car ce concept renferme un processus complexe et difficilement catégorisable. Afin d’appréhender sa complexité, il apparaît nécessaire de comprendre la nature de multiples influences, à la fois internes et externes, dont l’organisation est témoin.

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En tant que processus social, le changement organisationnel requiert deux types d’approches, à savoir « accompagner » et « gérer ». La première prend appui sur le social à l’image de la formation et de la communication. La seconde fait référence à la gestion, autant des changements et des transformations que des résistances rencontrées de la part des acteurs. Cependant, toutes ces démarches se révèlent incomplètes lorsque prises indépendamment, car elles évoquent des points d’ancrage hétérogènes qui focalisent sur le même objet. Afin de mieux comprendre le changement organisationnel, nous présentons les typologies existantes dans la recension des écrits, les liens de ce dernier avec l’apprentissage continu en organisation, ainsi qu’avec le concept de Responsabilité sociétale.

2.1.1 TYPES DE CHANGEMENT ORGANISATIONNEL

La notion de changement organisationnel cache un terme polymorphe décliné dans la recension des écrits selon une abondance de points de vue. Il existe à ce propos de nombreuses recherches et presque autant d’écoles de pensée proposant différentes approches sur le sujet. Il se dégage néanmoins deux visions : l’une descriptive et systémique qui cherche à comprendre comment le changement se produit, et l’autre qui adopte un point de vue normatif à caractère directif.

D’abord, la vision de type compréhensif concernant la nature du changement prend la voie de l’appropriation du phénomène et invite à « faire avec » au lieu de résister. À titre d’exemple, la théorie du Développement organisationnel et celle du Choix stratégique11 font partie du type d’approches systémiques du changement. Dans ce même ordre d’idée, il apparaît intéressant de mentionner l’apport de Senge quant aux stratégies d’apprentissage organisationnel. Ces approches centrées sur l’acteur en situation d’apprentissage représentent des démarches volontaristes et proactives12, par opposition à celles imposées, issues d’une vision déterministe.

11 Rondeau, 2008.

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20

Selon Meier (2012), l’approche volontariste privilégie le rôle décisif des choix stratégiques, ainsi que la place des acteurs comme facteurs de transformation. Sa principale caractéristique réside, d’une part, dans la capacité des acteurs à imprégner l’organisation d’une dynamique de changement et, d’autre part, dans la finalité de l’apprentissage collectif en tant que facteur justificatif du changement. À cet effet, les travaux de Bareil13 présentent une méthodologie en sept étapes centrées sur l’acteur. L’apport de cette méthode réside dans son pouvoir inclusif, car elle possède le pouvoir de rassembler les préoccupations des destinataires du changement organisationnel, ouvrant ainsi la voie au dialogue social.

Dans la même logique, la sociologie présente le changement sous l’angle systémique et elle reste centrée sur l’acteur (Lewin, 1951 ; Nonaka et Tackeuchi, 1997 ; Senge, 1990 ; Argyris et Schön, 1978 ; Mintzberg, 1994 ; Sainsaulieu, 1997). À cet effet, le courant sociologique met l’accent sur l’interprétation de la culture, la motivation des acteurs et l’accroissement de leur implication de concert avec la diminution de leurs résistances. Dans cette perspective, selon Rondeau (2008), le changement est synonyme de « manifestation systémique complexe », car « le changement complexe est un amalgame de divers types de changements simultanés nécessitant des stratégies distinctes et parfois même contradictoires ».

Sous l’angle psychosociologique, les recherches de Lewin sur la dynamique de groupe et la motivation apparaissent en tant que précurseurs du courant du « changement planifié ». Ainsi, la dynamique de groupe est expliquée en termes de transformation (Harigopal, 2006), par analogie à l’apprentissage et au « double-loop learning » (Argyris, 1978). D’autres auteurs, dont Schein et Morgan, choisissent la culture organisationnelle comme moyen de compréhension du processus de changement et pour diminuer les résistances que celui-ci peut engendrer.

Par ailleurs, la voie normative s’adresse aux décideurs, car elle représente une philosophie qui expose un point de vue « gestionnaire », en lien avec la gestion des résistances, des processus et des transformations (Perret et Ramantsoa, 1996 ; Moss-Kanter, 1983). Généralement, l’existence de cette approche démontre le désir des organisations de contrôler le changement afin de mieux neutraliser ses répercussions et diminuer leurs impacts négatifs. Toutefois, cette voie donne le ton aux stratégies reliées aux plans de formation et de

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21

communication présentés dans la Théorie de la contingence (Lawrence et Lorsch, 1967) et dans la Théorie de l’écologie des populations (Hannan et Freeman, 1977).

Qu’il s’agisse de « changer » la structure pour « changer » les acteurs et améliorer leur capacité de réponse professionnelle, ou bien de « changer » les acteurs afin de « changer» la structure et modifier ainsi l’environnement de travail, les différentes approches en changement organisationnel finissent par se recouper. Cependant, la richesse des points de vue comporte un dénominateur commun sous forme matricielle avec, d’une part, l’axe

permanent/rupture et, d’autre part, l’axe imposé/négocié. Selon Autissier (2003), la rencontre

entre ces deux axes construit la matrice des possibilités de changement. Le Tableau 1 illustre ces propos. IMPOSÉ NÉGOCIÉ PERMANENT Changement organisé § Réponse à des contraintes de

l’environnement (réglementaire, technologique, etc.) § 12 à 36 mois Changement continu § Évolution de l’organisation qui amène à changer les manières dont les acteurs se représentent leur entreprise § 1 à 10 ans RUPTURE Changement dirigé (de crise) § Solution à un dysfonctionnement § 1 jour à 3 mois Changement proposé (adaptatif) § Transformation des pratiques et de l’organisation § 6 à 18 mois

Tableau 1 : La matrice des changements, Autissier (2003)

Toujours dans cette perspective normative, Rondeau (2008), inspiré par le modèle de « Balanced Scorecard » de Kaplan et Norton (1996), a mis au point une classification concernant les types de transformation. Cette classification, qui a le mérite de mettre un nom sur différentes procédures de changement, met l’accent sur les cibles à partir desquelles

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l’organisation construit sa performance et sur lesquelles elle dirige ses efforts de changement. Cette classification est illustrée au Tableau 2.

RÉAMÉNAGEMENT Faire autrement et améliorer la productivité. L’accent est mis sur le PROCESSUS RENOUVELLEMENT Revoir ses valeurs et sa culture, favoriser l’implication. L’accent est mis sur les PRATIQUES RÉORGANISATION RÉALIGNEMENT Resserrer sa façon de faire, réduire les coûts. L’accent est mis sur les RESSOURCES POSITIONNEMENT Revoir son offre de service. L’accent est mis sur le POSITIONNEMENT

Tableau 2 :La matrice des changements, Rondeau, 2008

Selon Autissier (2012) et du point de vue historique, l’évolution du concept de changement organisationnel présente plusieurs phases de développement. D’abord, de 1985 à 1995, ce processus a été externalisé en mode projet, soutenu par les cabinets de conseil. Ensuite, de 1995 à 2005, un pas en avant est fait et la notion de compétence managériale en lien avec la conduite du changement fait son apparition. À cet effet, certaines organisations développent petit à petit des programmes de formation et de développement des compétences à l’intention des managers.

Enfin, depuis 2005, on assiste à une volonté de rapatrier la conduite du changement. Cette volonté se reflète dans une professionnalisation des acteurs et le déploiement des moyens à cet effet. La première motivation de cette décision est d’ordre stratégique, car la capacité de l’organisation à évoluer est devenue « un enjeu déterminant pour le futur »14. Ensuite, la volonté de responsabiliser les acteurs pousse l’organisation à développer une structure consacrée à la conduite du changement et à investir dans ce sens.

14 Autissier, D., Moutot, J-M., 2010.

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Il apparaît important de mentionner que, dans le cas où les activités de professionnalisation sont intégrées au niveau du Service des ressources humaines, elles sont centrées sur les dimensions instrumentales du projet. Par contre, si ces dernières se trouvent rattachées à la Direction générale, elles régissent les dimensions politiques et stratégiques de la conduite du changement. Dans ce cas, nous pouvons parler d’un changement de culture.

Cependant, aucune des stratégies proposées ne peut arriver à conduire, à elle seule, à bon port un changement. Ce dernier étant un processus complexe et localisé, il nécessite l’utilisation de plusieurs stratégies de « pilotage » ou de « conduite » propres à chaque contexte organisationnel. Pour toutes ces raisons, les recherches sur le changement organisationnel ont commencé depuis peu à s’intéresser à la notion de capacité à évoluer de l’organisation. C’est pourquoi ces auteurs explorent davantage le domaine de l’apprentissage et, dans ce cas, la capacité à changer de l’organisation exprime une évolution.

2.1.2 CAPACITÉ À ÉVOLUER DURABLEMENT DE L’ORGANISATION

Toute capacité doit être ancrée dans la culture organisationnelle afin de fonctionner

Prahalad, Hamel, 1990

Le Petit Robert (1985) évoque le mot capacité, du latin capacitas, pour exprimer la puissance

de faire quelque chose, aptitude, faculté, compétence. Selon Minder (2007), la capacité

représente l’activité mentale transdisciplinaire à mettre en œuvre afin de mobiliser la compétence. Elle exprime «…la variable opération, un savoir-faire transversal et décontextualisé qui représente une démarche, non plus de contenu, mais de méthode et qui détermine les apprentissages, les conditions et leurs niveaux de réalisation… ». Dans ce contexte, la capacité est définie comme un « modus operandi » ayant ses propres règles de conduite, qui se présente comme une métacompétence capable de mobiliser les compétences. Selon Lorino (2001), ce qui différentie compétence et capacité est que la première représente un potentiel et la deuxième, la réalisation de ce potentiel.

Transposée au niveau organisationnel, la capacité à évoluer représente un concept complexe issu de l’articulation entre la théorie de l’apprentissage et le courant du management par les

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capacités. Elle exprime une ressource dynamique qui représente la façon dont l’organisation se transforme dans le temps, car « capacité » est synonyme d’objectif déterminé et se distingue de la « compétence » qui est exprimée sous forme d’objectif délimité (GCO, UQAM)15.

Ainsi, le courant du management par les capacités s’apparente à la théorie évolutionniste de la firme de Penrose16. Selon cette auteure, le savoir du gestionnaire représente un savoir expérientiel spécifique, un savoir tacite qui demande à être partagé avec l’équipe. C’est ainsi qu’une fois partagé, ce dernier se transforme en savoir collectif, capable de donner sens à l’action collective. En effet, c’est à partir de cette prémisse que l’étude définit le rôle de l’Agent de changement, à savoir: éveiller la motivation et l’implication des acteurs quant au processus d’apprentissage et d’appropriation du changement par l’action collective.

De plus, les écrits établissent une nette différence entre le management par les capacités, particulièrement les capacités dynamiques, ainsi que le management par les compétences, ce dernier courant étant dépassé actuellement par le premier. Ainsi, la nature systémique du courant du management par les capacités fait en sorte que dans ce contexte la capacité à évoluer est présentée sous forme des liens entre les ressources, plutôt que par la ressource elle-même (GCO)17.

Ensuite, selon St-Amant et Renard (2004), l’organisation est constituée d’un ensemble de capacités qui se retrouvent connectées et contextuellement situées et qui s’expliquent par « le déploiement, la combinaison et la coordination de ressources, des compétences et des connaissances à travers différents flux de valeur pour mettre en œuvre des objectifs stratégiques ».

Selon Rondeau (2008), « développer la capacité à changer, c’est assurer que l’organisation devient perméable au changement, que les divers acteurs organisationnels sont en mesure d’accéder aux compétences, aux outils et aux ressources permettant au changement de prendre racine ».

Dans ce contexte, la capacité à évoluer demande une volonté politique, de la part de

15 Groupe de recherche sur les capacités organisationnelles, 2007.

16 Penrose, E., 2003. Published to Oxford Scholarship Online : November 2003.

17 « La problématique contemporaine du management est désormais le management de l’interface, plus précisément de la synergie sujet-communauté d’action ». Groupe de recherche sur les capacités organisationnelles, UQAM. http:⁄⁄www.gco.uqam.ca⁄

Figure

Figure 2 : Dynamique individu/collectif/organisationNIVEAU ORGANISATIONNEL  NIVEAU  INDIVIDUEL NIVEAU COLLECTIF
Tableau 1 : La matrice des changements, Autissier (2003)
Figure 3 : Les niveaux d’apprentissage selon Argyris et Schön (1978)
Figure 4 : Démarche holistique qui encadre les questions centrales RSO 31
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