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1 CHAPITRE: PROBLÉMATIQUE

2.3 APPRENTISSAGE CONTINU EN ORGANISATION

2.3.2 CULTURE DE L’APPRENTISSAGE

Dans la recension des écrits, le concept de culture organisationnelle met l’accent sur l’importance du facteur humain dans le fonctionnement d’une organisation, particulièrement sur « l’aspect tacite de la connaissance »42. Ce concept explique la cohésion de l’action collective et souligne l’importance de la création d’une symbolique commune et des représentations partagées par tous. À cet égard, la culture joue un rôle essentiel dans le processus d’apprentissage, car son rôle est celui d’un catalyseur d’intelligence collective en utilisant des valeurs communes.

Cependant, comprendre la notion de culture, et particulièrement celle de culture d’apprentissage, comme un partage constant des connaissances suppose d’interpréter les mécanismes à la base de la dynamique sociale43. Ces mécanismes renvoient à plusieurs types d’apprentissage, dont l’apprentissage par imitation, à l’aide du partage des connaissances et par observation. Toutefois, l’adhésion des acteurs à la culture exprime un processus complexe « qui fait intervenir des aspects cognitifs et des aspects affectifs »44 et où la socialisation représente un critère essentiel.

Selon Nonaka et Takeuchi (1997), la socialisation est produite par l’interaction culturelle, donc informelle, des individus au milieu d’un groupe. Dans ses travaux, Nonaka explique

42 Nonaka, Takeuchi, 1997 43 Prax, 2012

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que le développement des savoirs en organisation est soutenu par une dynamique de « diffusion » entre plusieurs états de la connaissance. C’est pourquoi, aux fins de la recherche, nous préférons employer le terme « diffusion » et non pas « transfert », car la diffusion de connaissances implique l’enrichissement d’une partie avec ce que l’autre conserve, par opposition au « transfert » qui implique qu’une partie gagne ce que l’autre perd.

Selon Thévenet (2003), analyser la culture c’est « chercher les points de cohérence dans le fonctionnement collectif ». De même, le sociologue Edgar Morin (1994) considère la culture comme un savoir collectif, construit et interprété à l’image d’un ensemble de valeurs et de normes propres aux groupes sociaux. Ainsi, la compréhension du concept de culture nécessite de « considérer le besoin d’ordre et de consistance cognitive qui sert de motivateur décisif dans la recherche d’un langage commun et des catégories partagées de perception et de pensée »45. Selon Schein (1985), la culture organisationnelle repose sur les artefacts (symboles, comportements, rites), les valeurs et les croyances qui s’expriment dans l’organisation.

La force qu’exerce la culture sur le fonctionnement d’une organisation est présentée à travers deux principaux pivots que représentent la sociabilité et la solidarité (Goffee et Jones, 1998). Le premier exprime la nature des relations entre les acteurs, ainsi que leur degré identitaire au collectif de travail, rehaussé du plaisir de travailler ensemble. Le deuxième pivot représente la volonté de l’acteur de s’impliquer dans le travail collectif, en affichant ainsi son niveau d’engagement dans l’organisation. À cet effet, une culture forte est issue d’un niveau élevé d’autonomie des acteurs (Autissier, 2010).

La recension des écrits au sujet de la culture organisationnelle révèle une typologie détaillée autour de quatre familles (Goffee et Jones, 1998). D’abord, la culture « communautaire » caractérisée par un puisant sentiment d’engagement des acteurs, associé à une forte identité au collectif de travail. Ce type de culture représente un niveau élevé de sociabilité et de solidarité. Ensuite le type « Réticulaire » où l’intérêt pour le travail est de nature ludique et le type « Fragmenté » caractérisé par un faible sentiment d’appartenance des acteurs au sein de leur organisation. Finalement, le type « Mercenaire » où le contexte de travail ne permet

45 Schein, E., 2000

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aucune socialisation de la part de ses acteurs. La Figure 7 illustre cette typologie à travers les quatre familles culturelles.

Aux fins de cette étude, le concept de culture de l’apprentissage symbolise le sens que les acteurs donnent à leur implication dans le processus d’apprentissage continu, ainsi que la valeur qu’ils attribuent aux résultats qui en découlent. La culture symbolise aussi la volonté des acteurs « à cultiver l’apprentissage » au sein de leur organisation, à l’image d’une vision commune capable de mobiliser les forces collectives dans une même et unique direction, le processus d’apprentissage continu.

Figure 7 : Typologies des cultures d’entreprise selon Goffee et Jones (1998) CULTURE DE TYPE RÉTICULAIRE CULTURE DE TYPE COMMUNAUTAIRE CULTURE DE TYPE FRAGMENTÉE CULTURE DE TYPE MERCENAIRE

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C’est pourquoi il apparaît que la culture communautaire, en privilégiant la solidarité et la sociabilité entre ses membres46, est la mieux positionnée afin d’accueillir et de soutenir la culture d’apprentissage.

La culture de l’apprentissage symbolise un ensemble de significations collectives que les acteurs utilisent afin d’interpréter leur environnement ainsi que leurs relations avec ce dernier. Elle est souvent associée à la mémoire organisationnelle capable de guider les interactions entre ses membres. À cet effet, plusieurs auteurs affirment qu’une organisation peut volontairement créer une culture orientée vers l’apprentissage (Schein, 1992; Fiol et Lyles, 1985), bénéfique pour l’individu et la collectivité, puisque stimulée et enrichie par des valeurs de partage qui favorisent l’innovation (Senge, 1990 ; Argyris et Schon, 1978). Cependant, un changement de culture au sein d’un groupe ne se fait pas aisément, car il nécessite un apprentissage en deuxième boucle, c’est-à-dire un changement des valeurs. À cet effet, Autissier (2012) mentionne l’importance du pouvoir fédérateur du travail collectif capable d’orienter les acteurs vers de nouvelles valeurs culturelles.

Finalement, selon Aubert (2007), un changement de valeurs exige trois types d’actions. D’abord, les processus sociodynamiques qui développent la cohésion dans les groupes, ensuite le leadership qui expose une vision commune et, finalement, l’apprentissage qui développe l’innovation et les nouvelles connaissances sur lesquelles repose l’évolution de l’organisation. À cet égard, l’élément central qui permet de développer l’innovation et la création s’identifie au processus d’apprentissage continu que nous présentons brièvement dans la prochaine section.