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Tropisme placentaire

4. VIROLOGIE ET PATHOGENÈSE

4.5. Tropisme cellulaire et tissulaire

4.5.4. Tropisme placentaire

Dès 2014, les épidémies à ZIKV ont été associées à une augmentation du nombre d’anomalies fœtales graves. Depuis, le virus a été retrouvé dans le placenta de quelques mères infectées, avec présence de lésions histopathologiques (calcifications, fibrose, inflammation des villosités et des espaces inter-villeux,…) [52, 53]. Chez les modèles murins, l’infection par le ZIKV peut entraîner un ralentissement de la croissance fœtale et des fausses couches. Néanmoins, la grossesse murine diffère de la grossesse humaine de plusieurs manières. Le placenta humain est

hémomonochorial ; il est formé par l’invasion d’un unique trophoblaste fœtal dans la decidua

basalis26(ou caduque basale) maternelle. Cette particularité permet au tissu fœtal (chorion) d'être

en contact direct avec le sang maternel, réalisant le paradoxe immunologique que constitue la survie du fœtus dans un organisme qui lui est en partie étranger. La compréhension des mécanismes de transmission materno-fœtale ne peut se faire sans un rappel préalable de la structure du placenta humain [86].

4.5.4.1. Structure du placenta humain

Le placenta humain est composé d'une partie maternelle constituée par les transformations subies par la zone d'implantation utérine. Après la nidation, la muqueuse utérine complète son processus de décidualisation (i.e., différenciation des cellules stromales utérines sous l'effet d’hormone œstro-progestative) et se transforme en caduque. Les artères spiralées utérines se développent et sont remodelées par l'infiltration de cellules trophoblastiques. La partie fœtale du placenta est prédominante. Elle est formée d'une arborisation villositaire choriale comportant essentiellement des villosités dont les extrémités sont libres dans l'espace intervilleux, ou villosités flottantes, et des villosités ancrées dans l'endomètre maternel, ou villosités crampons. Le sang maternel baigne dans l'espace intervilleux.

L'unité structurale et fonctionnelle du placenta humain est donc la villosité choriale (Figure 24).

 Villosité crampon. La villosité crampon est formée, à sa base, de colonnes de cellules cytotrophoblastiques (CTB) hautement prolifératives. Ces cytotrophoblastes dits intermédiaires acquièrent un phénotype invasif, générant les cytotrophoblastes extra- villeux (CTEV). Ces derniers pénètrent la caduque et migrent de façon orientée vers les artères utérines (cytotrophoblastes intravasculaires) pour en détruire la tunique musculaire lisse, transformer leur paroi en une tunique fibreuse atone n'offrant aucune résistance au flux sanguin maternel et pour en remplacer l'endothélium.

 Villosité flottante. La villosité flottante mature est formée d'un axe mésenchymateux contractile parcouru par les vaisseaux sanguins fœtaux et contenant des macrophages

26 Partie maternelle de l’espace intervilleux où se produisent l’implantation et le premier contact entre le

Revue bibliographique Chapitre 4.Virologie et pathogenèse tissulaires, ou cellules de Hofbauer (CHB). Elle est bordée d'une couche interne de cellules mononucléées, les cytotrophoblastes villeux qui se différencient pour former la couche cellulaire externe : le syncytiotrophoblaste (STB). C'est une masse cytoplasmique multinucléée et polarisée, dont la membrane apicale est bordée par de nombreuses microvillosités qui se projettent directement dans l'espace intervilleux. En contact direct avec le sang maternel, le STB est la zone privilégiée des échanges mère-fœtus.

Figure 24. Structure du placenta humain [86]

A. Coupe longitudinale d'une villosité choriale. B. Coupe transversale d'une villosité choriale.

CHB : cellules de Hofbauer, CTB : cytotrophoblastes, CTEV : cytotrophoblastes extra-villeux, STB : syncytiotrophoblaste

Le placenta constitue au sens large « une barrière protectrice » contre les agents infectieux. Cependant certains pathogènes peuvent franchir cette barrière, soit par voie hématogène, soit par transfert cellulaire depuis la caduque maternelle jusqu’à la villosité crampon.

4.5.4.2. Mécanismes de transmission materno-fœtale

L’analyse d’un placenta issu d’une fausse couche après infection par ZKV a révélé la présence d’antigènes ZIKV à l’intérieur des villosités choriales [53]. Afin de mieux comprendre le processus de transmission de ZIKV au niveau de l’interface materno-fœtale, l’exploration du tropisme placentaire s’avère primordiale. En juin 2016, El Costa et al. ont utilisé un modèle ex

vivo obtenu à partir de fragments d’organes issus d’interruptions volontaires au premier trimestre de grossesse. La souche virale utilisée était la souche brésilienne [73].

La caduque basale maternelle, lieu de réplication virale active. El Costa et al. ont démontré que la caduque maternelle pouvait être le siège de l’infection à ZIKV et que la réplication virale était possible. Celle-ci s’accompagne alors d’altérations morphologiques tissulaires. L’équipe a montré que les particules virales infectieuses produites dans la caduque étaient capables d’infecter expérimentalement une lignée de CTEV. Parmi les cellules qui composent la caduque, les fibroblastes et les macrophages ont été décrits comme particulièrement permissifs à ZIKV. Tout comme les cellules dendritiques, les macrophages expriment le récepteur DC-SIGN. En définitive, la caduque basale maternelle peut donc, en début de grossesse, assurer la multiplication virale avant que le virus ne se dissémine au placenta fœtal par l’intermédiaire des CTB invasifs situés à la base des villosités crampons [73].

L’infection à ZIKV endommage le placenta fœtal du premier trimestre. Le ZIKV peut aussi provoquer une altération de l’architecture tissulaire du placenta fœtal, occasionnant une rupture de la barrière placentaire. S’ensuit alors la dissémination du virus au fœtus. Fait intéressant, certains placenta ont montré un taux de réplication viral élevé tandis que d’autres avaient un taux de réplication faible. Malgré des résultats discordants par le passé, la microscopie confocale a montré, par détection antigénique, que les cellules fœtales du placenta prélevées au premier trimestre (trophoblastes CTB, STB et ETV, cellules mésenchymateuses et CHB) étaient permissives vis-à-vis de ZIKV. Ces résultats suggèrent d’une part que le virus peut passer des cellules de la caduque maternelle aux cellules de la villosité crampon, pour ensuite atteindre le fœtus et que d’autre part, le virus présent dans le sang maternel de l’espace inter-villeux serait capable d’envahir l’intérieur des villosités après infection des STB [73].

Le ZIKV se réplique dans le cordon ombilical du premier trimestre. En février 2016, les présences d’ARN ZIKV et d’IgM anti-ZIKV ont été détectées dans le liquide amniotique (LA) de deux femmes enceintes dont le fœtus était atteint de microcéphalie [49]. Or, le liquide amniotique baigne le fœtus et le cordon ombilical, riche en cellules souches mésenchymateuses (CSM). Il peut ainsi les contaminer. Depuis, El Costa et al. ont montré que le virus pouvait se répliquer dans le cordon ombilical. De plus, les CSM et les cellules endothéliales des veines ombilicales humaines (exprimant fortement le récepteur AXL) [80], ont été décrites comme étant hautement permissives au ZIKV, tout comme les trophoblastes vus précédemment. Par

Revue bibliographique Chapitre 4.Virologie et pathogenèse conséquent, il a été suggéré que le virus pouvait infecter le cordon ombilical via le liquide amniotique ou via le sang fœtal. Par ailleurs, nous savons que les CSM sont capables de se différentier en différents types cellulaires, dont les progéniteurs neuronaux. Une différentiation anormale des CSM pourrait en partie expliquer les complications neurologiques observées lors des infections congénitales à ZIKV [73].