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Syndrome congénital associé à l’infection à ZIKV

5. CLINIQUE

5.4. Syndrome congénital associé à l’infection à ZIKV

Le syndrome congénital à ZIKV (i.e., présent à la naissance) associe microcéphalies et complications neurologiques autres. Il résulte de la transmission intra-utérine du virus de la mère au fœtus. Le lien de causalité entre infection prénatale et anomalies congénitales cérébrales a été établi grâce aux critères de tératogénicité de Shepard38 [21] et aux critères de Bradford-Hill39 [98].

Définitions de cas. [96]

Syndrome congénital associé à ZIKV.

Cas suspect de syndrome congénital associé à ZIKV.

Tout nouveau-né présentant :

- Une microcéphalie : périmètre crânien en-dessous de - 2 écarts-types (SD, standard

deviation) pour l’âge gestationnel et le sexe, et mesuré à 24 h post partum ; OU

- D’autres malformations congénitales du SNC. ET dont la mère :

- A voyagé, ou résidé, dans une région où les vecteurs du virus étaient présents pendant la grossesse ; OU

- A eu des relations sexuelles non protégés avec un partenaire ayant résidé, ou voyagé, dans

37Les plaquettes sont lavées au contact d’un anticorps anti-immunoglobuline fluorescent qui détecte les anticorps

présents à la surface des plaquettes, puis une analyse en cytométrie de flux est effectuée.

38Les critères de tératogénicité de Shepard prennent en compte le degré d’exposition à l’agent potentiellement en

cause et l’incidence de la pathologie. Pour rappel, la tératogénicité correspond à la capacité à provoquer une malformation embryonnaire ou fœtale par perturbation de l’organogenèse.

39Les critères de Bradford-Hill comprennent la force de l’association, la consistance, la spécificité, la temporalité, le

Revue bibliographique Chapitre 5.Clinique une région où les vecteurs du virus étaient présents.

Cas probable de syndrome congénital associé à ZIKV.

Tout nouveau-né répondant aux critères d’un cas suspect de syndrome congénital associé à ZIKV ET :

- Dont les altérations morphologiques intracrâniennes ont été détectées par une méthode d’imagerie, et n’ont pu être expliquées par d’autres causes connues ; OU

- Dont la mère a développé une éruption cutanée pendant la grossesse.

Cas confirmé de syndrome congénital associé à ZIKV.

Tout nouveau-né répondant aux critères d’un cas suspect de syndrome congénital associé à ZIKV ET pour lequel le ZIKV a été détecté dans ses échantillons, indépendamment de la détection d’autres pathogènes.

Fausse couche ou mortinaissance associée à ZIKV.

Cas suspect de fausse couche ou mortinaissance associée à ZIKV.

Fausse couche ou mortinaissance chez une femme, qui pendant la grossesse : - A développé une éruption cutanée ET

- A voyagé ou résidé dans une région où les vecteurs du virus étaient présents ; OU a eu des rapports non protégés avec un partenaire ayant résidé, ou voyagé, dans une région où les vecteurs du virus étaient présents.

Cas confirmé de fausse couche ou mortinaissance associée à ZIKV.

Cas suspect chez lequel les échantillons de la mère (sang ou urine) ou du fœtus avorté/bébé mort-né sont positifs pour ZIKV lors des examens de laboratoire.

Diagnostic de la femme enceinte. Il n’existe actuellement aucune différence avérée dans le tableau clinique des femmes infectées par le ZIKV, qu’elles soient enceintes ou non. Chez les femmes enceintes symptomatiques, les tests biologiques sont la détection génomique virale sur échantillon sanguin et urinaire, et la détection d’IgM par technique immuno-enzymatique ou d’immunofluorescence. Chez les femmes enceintes asymptomatiques exposées continuellement au virus, l’ARN viral doit être recherché trois fois pendant la grossesse. Le premier test doit être réalisé au cours de la première visite pré-natale. Il doit être suivi par deux tests supplémentaires, dont le moment et la fréquence dépend du risque d’exposition au virus et du résultat du premier test. L’ARN viral peut aussi être détecté dans le liquide amniotique, mais cet échantillon ne doit

pas être utilisé comme échantillon principal pour détecter le ZIKV. Chez la femme enceinte, la virémie est plus durable ; elle peut persister jusqu’à 80 jours suivant l’apparition des symptômes (environ 12 semaines) [88]. Cette susceptibilité accrue vis-à-vis de l’infection peut s’expliquer par la mise en place d’une modulation des compétences immunitaires maternelles par interaction réciproque entre la mère, le placenta et le fœtus.

Diagnostic différentiel. Il convient d’écarter d’autres facteurs pouvant être à l’origine d’anomalies cérébrales ou autres. Il peut s’agir d’anomalies génétiques, d’une exposition à des tératogènes environnementaux (alcool, tabac, drogue [cocaïne,…], certains médicaments [thalidomide, isotrétinoïne,…], métaux lourds [mercure,…], produits chimiques, rayonnements toxiques,...), d’atteintes cérébrales pré- et périnatales (hypoxie-ischémie, traumatisme), de malnutrition fœtale, d’insuffisance placentaire, d’hypertension maternelle ou encore d’agents infectieux [106]. Les principaux pathogènes qui compromettent le développement cérébral in utero sont regroupés sous le terme TORCH (Toxoplasmose, Others [syphilis, VZV, virus B19], Rubéole, Cytomégalovirus et virus de l'Herpès simplex), mais il en existe d’autres, parmi lesquels on trouve le HIV. Seuls quelques cas anecdotiques ont été signalés après infection par un arbovirus (WNV, CHIKV) [11, 30, 56]. Pour mémoire, le CMV et le virus de la rubéole induisent de fréquentes malformations neurologiques (ressemblantes à celles du ZIKV pour le CMV [49, 107]), cardiaques (rubéole uniquement) et oculaires avant la 20ème semaine de grossesse. En fin de grossesse, les atteintes fœtales sont limitées (surdité) ou le plus souvent absentes. La toxoplasmose congénitale est responsable de macrocéphalie avec hydrocéphalie (parfois microcéphalie), de calcifications intracrâniennes et d’atteinte oculaire. L’HSV-1 et le HSV-2 sont transmis en per partum et sont responsables chez le nouveau-né d’encéphalites herpétiques néonatales et de formes viscérales généralisées gravissimes [70].

Spectre des anomalies fœtales et du nouveau-né. L’ensemble des anomalies congénitales associées à une infection par ZIKV est encore en cours d’investigation. Cependant, au regard des données disponibles, il en ressort que le cerveau est le principal organe touché. Actuellement, il n’existe aucun signe pathognomonique de ce syndrome.

 Microcéphalie. La microcéphalie est le premier signe clinique ayant suscité l’inquiétude chez les femmes enceintes, les professionnels de santé et les décideurs (Figure 29). Toutes étiologies confondues, son incidence mondiale varie de 0,5 pour 10 000 naissances (0,005 %) à 10 – 20 pour 10 000 naissances (0,1 – 0,2 %). Dans le cas du

Revue bibliographique Chapitre 5.Clinique ZIKV, le taux de microcéphalie varie selon les pays. Le périmètre crânien doit être mesuré chez le fœtus par échographie, ou chez le nouveau-né au minimum 24 heures après la naissance, ou au cours des 72 premières heures de vie. Une microcéphalie est suspectée lorsque le périmètre crânien est inférieur de deux écarts types (SD) à la moyenne pour le sexe et l’âge gestationnel. La microcéphalie n’est pas systématiquement associée à des anomalies neurologiques. Elle est considérée comme sévère si le périmètre crânien est inférieur à – 3 SD, avec un risque de développement neurologique perturbé plus élevé.

Figure 29. Nourrissons atteints de microcéphalie modérée ou sévère dont la mère a été infectée par le virus Zika (en comparaison avec un nouveau-né type) [37]

Les nouveau-nés dont le périmètre crânien est inférieur à - 2 SD, soit plus de 2 écarts types en dessous de la moyenne (âge et sexe équivalents), sont considérés comme présentant une microcéphalie. Ceux dont le périmètre crânien est inférieur à – 3 SD sont considérés comme présentant une microcéphalie sévère. Entre – 2 SD et – 3 SD, la microcéphalie est dite modérée (source : OMS).

 Anomalies neurologiques. Les troubles neurologiques observées comprennent hypertonicité, hyper-réflexie, spasticité, clonies, crises convulsives, mouvements anormaux, irritabilité, dysfonctionnement du tronc cérébral (e.g., difficulté à la déglutition), contracture des membres, anomalies auditives et oculaires. Parfois, ces anomalies neurologiques surviennent sans microcéphalie associée [56].

 Malformations structurelles intracrâniennes (Figure 30). En plus de la microcéphalie, les malformations cérébrales comprennent : disproportion crânofaciale, calcifications

intracrâniennes (corticales et subcorticales), ventriculomégalie, arthrogrypose40,

anomalies du cerveau (sulcation et gyration41 anormales [polymicrogyrie, pachygyrie ou

lissencéphalie42], atrophie cérébrale), dysgénésie du corps calleux43, anomalies

cérébelleuses dont atrophie, hypoplasie du tronc cérébral, microphtalmie et calcifications oculaires. Les anomalies cérébrales peuvent survenir sans microcéphalie associée [52, 56].

Figure 30. Nouveau-né microcéphale infecté par ZIKV et anomalies détectées par tomodensitométrie [82] À gauche. Le nouveau-né présente des caractéristiques phénotypiques comprenant une disproportion crânofaciale,

une importante protubérance occipitale externe et un cuir chevelu distendu.

Au centre et à droite. Les caractéristiques radiologiques détectées sur les images cérébrales correspondent à une

réduction de volume du parenchyme cérébral cortical, des calcifications corticales et subcorticales, des motifs du gyrus simplifiés et une ventriculomégalie.

 Autres issues défavorables au cours de la grossesse et au décours de la naissance. Ont été signalés des retards de croissance intra-utérine [17, 82, 56], une insuffisance placentaire [17], des calcifications placentaires [17], des morts fœtales in utero et des mortinaissances [53]. Cependant, il n’est pas encore certain que l’infection à ZIKV contribue à l’interruption spontanée de la grossesse et aux mortinaissances [56]. Par ailleurs, les connaissances existantes au sujet d’autres infections congénitales (e.g., TORCH) laissent supposer qu’il pourrait exister un éventail beaucoup plus large de

40Atteinte congénitale du nouveau-né caractérisée par la rigidité d’une ou de plusieurs articulations associée à une

atrophie musculaire.

41La mesure du degré de sulcation, comme celle du degré de gyration, tous les deux relatifs aux sillons, est l'un des

nombreux paramètres dans l'estimation de la maturité viscérale, pour évaluer l'âge gestationnel.

42La lissencéphalie désigne une anomalie de l’apparence des circonvolutions du cerveau (qui peuvent apparaître

simplifiées ou complètement absentes) associée à une organisation anormale des couches du cortex, en raison d’un défaut spécifique de migration neuronale lors de l’embryogenèse.

Revue bibliographique Chapitre 5.Clinique maladies, allant de l’absence complète de symptômes à des atteintes graves du cerveau et d’autres organes. Il reste à savoir si les implications cliniques d’une infection à ZIKV chez le fœtus dépendent de l’âge gestationnel au moment de l’infection, de la manifestation et sévérité des symptômes maternels (ou virémie – durée, charge virale), de la persistance du virus dans le LA [49], du taux de réplication dans le placenta [73], et d’autres cofacteurs possibles (co-infections, infection ancienne à un autre flavivirus, terrain génétique, réponse immunitaire,…). Il a été suggéré que le syndrome congénital survenait plus fréquemment lorsque la mère avait une maladie prononcée à ZIKV. Chez les mères asymptomatiques, le risque n’est pas clairement défini [33].

Évolution. L’évolution in utero, notamment en matière de fausse couche et de morti-naissance, et le pronostic des malformations fœtales demeurent encore indéterminés du fait d’un suivi limité à ce jour. Des données indirectes liées à d’autres infections intra-utérines (en particulier l’infection à CMV et la toxoplasmose) suggèrent que la présence d’une microcéphalie et/ou d’une atteinte neurologique chez le fœtus ou le nouveau-né est presque systématiquement associée à un mauvais pronostic, notamment un retard du développement neurologique, une déficience intellectuelle, des troubles visuels et une perte auditive neurosensorielle [107]. En revanche, en l’absence d’anomalies graves du cerveau, certains de ces nouveau-nés microcéphales pourront présenter un développement neurologique normal. Il sera important de savoir si une co-infection par le ZIKV et d’autres flavivirus influence la progression de la maladie et les conséquences maternelles, fœtales et néonatales.

Tests prénatals. Les tests prénatals concernent les femmes enceintes vivant ou ayant séjourné dans des zones de transmission active du ZIKV.

 Échographie de routine (ou ultrasonographie44). Les femmes enceintes doivent passer une échographie visant à détecter des anomalies fœtales entre 18 et 20 semaines de grossesse, ou dès que possible si la première consultation a lieu après 20 semaines. Une attention particulière doit être portée au système nerveux central du fœtus. Les femmes ayant des antécédents de maladie clinique, dont les tests pour l’infection à virus Zika sont négatifs et dont le fœtus ne présente aucune anomalie cérébrale ou autre à l’échographie,

44 Technique d'imagerie non invasive permettant la représentation d'organes et de structures ou fonctions à l'aide

doivent continuer à bénéficier d’un suivi prénatal de routine. En effet, un examen normal de l’anatomie fœtale ne présage pas d’une issue normale. Une deuxième échographie à la fin du deuxième ou au début du troisième trimestre, de préférence entre la 28ème et la

30ème semaine de grossesse, est recommandée car elle permet de détecter beaucoup plus facilement une microcéphalie et/ou d’autres anomalies du cerveau chez le fœtus (Figure 31).

Figure 31. Images ultrasonographiques prénatales [17]

A. L’image A montre de nombreuses calcifications dans diverses parties du cerveau (flèches) et une dilatation de la

corne occipitale du ventricule latérale.

B. L’image B montre de nombreuses calcifications dans le placenta.

Concernant les femmes ayant une infection confirmée, possible ou présumée, un suivi par échographie fœtale (toutes les 3 à 4 semaines) devra être envisagé afin d’évaluer la croissance et l’anatomie fœtale, particulièrement la neuro-anatomie.

 Amniocentèse. Une amniocentèse peut être envisagée pour les femmes dont le fœtus présente des anomalies cérébrales à l’échographie. Quand elle est indiquée, la procédure doit être réalisée uniquement après avoir discuté des risques et des bénéfices de la procédure. En effet, son utilité dans le diagnostic d’infection congénitale à ZIKV est limitée. La précision diagnostique du test RT-PCR (sensibilité et spécificité) sur des prélèvements de LA n’est actuellement pas connue [108], et on ne sait pas si un résultat positif constitue un facteur prédictif de malformation fœtale consécutive. De plus, l’amniocentèse présente un risque accru de fausse couche (augmentation de 0,8 % au premier trimestre) et d’accouchement prématuré [109]. Comparativement aux amniocentèses précoces, celles qui sont réalisées au deuxième trimestre sont plus sûres et

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