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Infection du système nerveux central

4. VIROLOGIE ET PATHOGENÈSE

4.5. Tropisme cellulaire et tissulaire

4.5.3. Neurotropisme

4.5.3.1. Infection du système nerveux central

Afin d’appréhender les mécanismes impliqués dans les troubles du développement neuronal, dont la microcéphalie, il est difficile d’obtenir des cellules neurales humaines fœtales. Développée il y a une dizaine d’année, une technique nouvelle a permis de faire avancer la biomédecine. Elle consiste à reprogrammer les fibroblastes humains de la peau en cellules souches pluripotentes induites humaines (hiPSCs). Ces cellules sont capables de se différencier en plusieurs types cellulaires qui constituent l'organisme. Leur engagement dans la voie de différenciation neurale permet d’obtenir des cellules souches neurales humaines (hNSCs) multipotentes, dont les cellules gliales radiaires (RGCs). Ces hNSC se différencient ensuite en cellules progénitrices neuronales humaines (hNPCs), capables de donner naissance à tous les types de neurones, ainsi qu’aux cellules gliales18dont les astrocytes19 et les oligodendrocytes20

(Figure 21). Pendant le développement cortical embryonnaire, les cellules matures peuvent aussi provenir directement des hNSCs.

18Les glies ou cellules gliales rassemblent plusieurs familles cellulaires associées aux neurones. Elles remplissent

diverses fonctions : isolement des tissus nerveux, soutien squelettique, protection face aux lésions, aide à la transmission de l’influx nerveux.

19Les astrocytes, qui comme leur nom l'indique ont une forme étoilée (aster = étoile), ont un rôle de support et un

rôle dans le métabolisme du tissu nerveux.

20 Les oligodendrocytes sont les équivalents dans le système nerveux central des cellules de Schwann dans le

Figure 21. Les cellules progénitrices neuronales humaines, cibles du virus Zika [83]

Au niveau cellulaire, l’infection productive des hNPCs est à l’origine d’une perturbation dans la progression du cycle cellulaire et d’une augmentation de la mort cellulaire par apoptose. Au niveau moléculaire, on observe une dérégulation de plusieurs voies de signalisation, incluant une sous-expression des gènes impliqués dans le cycle cellulaire et une surexpression des gènes de l’apoptose. hiPSCs : human-induced Pluripotent Stem Cells, hNPCs : human Neural Progenitor Cells

Plusieurs études indépendantes ont montré que le ZIKV infectait efficacement les monocouches bidimensonnelles (2D) de hNSCs et de hNPCs et les cultures tridimensionnelles (3D) de neurosphères21 provenant de hiPSCs ou de tissu cérébral fœtal, et ce quelle que soit la lignée virale [71]. Par ailleurs, l’infection par ZIKV induit la sécrétion de cytokines en culture, telles que le LIF (leukemia inhibitory factor) et le VEGF (vascular endothelial growth factor), responsables d’une différenciation aberrante ou de la mort des progéniteurs neuraux du système nerveux central (SNC). Cette capacité à infecter et altérer les cellules neurales peut avoir des conséquences sur le neurodéveloppement du cerveau.

Cependant, les cultures cellulaires sont incapables de reproduire convenablement l’organisation structurelle, les propriétés et les signatures moléculaires d’un cortex en développement. Pour y

21 Les neurosphères sont constituées de populations hétérogènes, dont des cellules souches neurales (hNSC) à

Revue bibliographique Chapitre 4.Virologie et pathogenèse remédier, les chercheurs ont eu recours aux organoïdes22 cérébraux (3D) issus de hiPSC [84].

Chez certains bébés nés de mères infectées, il a été retrouvé une plus grande finesse de la couche corticale, caractéristique de la microcéphalie. Plusieurs groupes ont montré que le ZIKV réduisait la croissance de ces organoïdes. Il semblerait que le ZIKV infecte préférentiellement les RGCs plutôt que les progéniteurs intermédiaires ou les neurones immatures, aboutissant à leur mort cellulaire (Figure 22). Les RGCs externes (oRGCs pour outer Radial Glia Cells) peuvent être également infectées par le ZIKV. Cette population cellulaire, localisée en abondance dans la zone sous ventriculaire externe (oSVZ), est le pivot présumé de l’accroissement en taille et en complexité du cortex humain. Fait intéressant, la souche brésilienne de ZIKV semble avoir un effet plus important sur la réduction de l’épaisseur de la couche neuronale des organoïdes cérébraux humains, comparée à la souche africaine. Ces données suggèrent que les effets neurologiques de ZIKV pourraient être spécifiques de la souche virale en cause.

Figure 22. Modèle illustrant le développement cortical humain normal et l’impact de l’infection à virus Zika

[71]

VZ: Ventricular Zone; SVZ: SubVentricular Zone; iSVZ: inner SubVentricular Zone; oSVZ: outer SubVentricular Zone; RGC: Radial Glia Cell; IPC: Intermediate Progenitor Cell; oRGC: Outer Radial Glia Cell

D’autres études réalisées sur des cultures de tissus fœtaux et des modèles animaux sont venues corroborer et compléter ces données. Dans l’idéal, ces modèles doivent permettre d’élucider les mécanismes de la pathogenèse chez l’Homme et les effets sur le développement fœtal d’une infection à ZIKV. Afin de permettre une réplication virale efficace, les modèles murins utilisés sont soit des souriceaux nouveau-nés soit des souris adultes déficientes pour les récepteurs aux IFN. L’infection directe des tissus fœtaux humains a montré une localisation préférentielle pour les cellules souches neuro-épithéliales et les RGCs par rapport aux neurones immatures. De plus, une désorganisation des RGCs a été observée dans un échantillon clinique de fœtus microcéphale infecté par ZIKV [17]. Les modèles murins ont également montré une infection des RGCs entraînant la mort cellulaire et une diminution de l’épaisseur de la couche corticale, semblable à une microcéphalie, ainsi qu’une infection des progéniteurs neuronaux des ventricules latéraux et du gyrus dentelé. Chez un autre modèle animal, les embryons de poussins, une exposition à ZIKV conduit à un phénotype proche de la microcéphalie, avec diminution du télencéphale et du tronc cérébral.

À côté des hNSCs et des hNPCs, les astrocytes humains cultivés en monocouche ou provenant d’organoïdes peuvent être également infectés par le ZIKV. Il en est de même chez les modèles murins. La moelle épinière est aussi impactée par l’infection ZIKV puisque des anomalies ont été retrouvées chez un fœtus microcéphale [17] et des modèles murins infectés par ZIKV. En culture, les progéniteurs neuronaux issus de la moelle épinière peuvent aussi être infectés par le ZIKV, conduisant à leur mort cellulaire.