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Complications neurologiques

5. CLINIQUE

5.2. Complications neurologiques

Les manifestations neurologiques les plus fréquemment observées dans les pays épidémiques à ZIKV sont les SGB. A ce jour, 16 pays ont enregistré une augmentation de l’incidence des SGB avec au moins un cas confirmé d’infection à ZIKV [26]. Dans 6 pays touchés, la diminution de l’incidence des SGB s’est déroulée concomitamment à celle des infections à ZIKV [32]. Au vu des données disponibles (association spatio-temporelle, plausibilité biologique, force de l’association,…), l’explication la plus probable est que l’infection à ZIKV est un déclencheur du syndrome de Guillain-Barré [98]. Avant d’aller plus loin, nous avons jugé opportun de rappeler

brièvement quelques généralités sur le SGB, dont certaines notions ont été extraites des écrits de l’Académie nationale de Médecine.

5.2.1. Syndrome de Guillain-Barré

Définition générale du SGB. Le SGB (ou polyradiculonévrite aigüe) est une neuropathie30 inflammatoire démyélinisante d’installation aigüe (en moins de quatre semaines) et régressant le plus souvent spontanément. Plusieurs entités cliniques sont décrites. A l'opposé des formes purement démyélinisantes, comme la polyneuropathie démyélinisante inflammatoire chronique (AIDP, Acute Inflammatory Demyelinating Polyradiculoneuropathy), se trouvent les rares formes axonales pures dont on peut en rapprocher la neuropathie motrice axonale d'évolution aiguë (AMAN, Acute Motor Axonal Neuropathy). Ces deux variantes ont été constatées lors des épidémies à ZIKV [81, 99]. Reste à découvrir l’ensemble des caractéristiques cliniques relatives au SGB post-ZIKV, y compris les formes atypiques.

Épidémiologie. L’incidence mondiale habituelle du SGB est estimée entre 0,8 et 1,9 (moyenne 1,1) cas pour 100 000 personnes-année [100]. Pendant les épidémies de Zika, l’incidence a augmenté d’un facteur 2,0 à 9,8 [32]. Bien qu’elle puisse toucher les personnes de tout âge, cette maladie est selon l’OMS plus fréquente à l’âge adulte et chez les sujets de sexe masculin. Ces caractéristiques ont été retrouvées dans le cas du SGB post-Zika [99, 100]. Par ailleurs, le SGB peut survenir pendant la grossesse. Il est par conséquent important de rechercher une infection à ZIKV chez toutes les femmes enceintes présentant ce syndrome dans un contexte de transmission active du ZIKV.

Définitions de cas. [96]

Cas suspect de SGB associé à ZIKV.

Tout patient qui :

- Réside, ou a récemment voyagé, dans une région où les vecteurs du ZIKV étaient présents ; OU

- A eu des relations sexuelles non protégées avec une personne résidant, ou ayant récemment voyagé, dans une région où les vecteurs du ZIKV étaient en circulation ;

Revue bibliographique Chapitre 5.Clinique ET

Qui présente les signes et symptômes suivants (niveau 3 des critères de Brighton) : - Faiblesse bilatérale et flasque des membres ; ET

- Baisse ou absence des réflexes ostéotendineux dans les membres faibles ; ET

- Profil de maladie monophasique, avec un intervalle de 12 heures à 28 jours entre l’apparition de la faiblesse et son nadir, suivi d’un plateau clinique ; ET

- Absence d’un autre diagnostic expliquant la faiblesse.

Cas confirmé de SGB associé à ZIKV.

Patient répondant aux critères d’un cas suspect de SGB associé à ZIKV et pour lequel les analyses de laboratoire ont confirmé une infection récente à ZIKV.

Symptomatologie. Le tableau clinique du SGB à la phase d’état est fait d’une paralysie ascendante symétrique touchant les quatre membres, avec douleurs fréquentes (pouvant persister longtemps), déficit sensitif modéré et aréflexie ostéotendineuse. L’atteinte des racines cervicales voire crâniennes peut entraîner une paralysie respiratoire et une diplégie faciale. Environ 25 % des patients atteints de SGB nécessitent des soins intensifs. Néanmoins, même dans les cas les plus graves, la plupart des personnes se rétablissent pleinement bien qu’une faiblesse musculaire puisse persister chez certains. Malgré la présence de soins de soutien adéquats, 3 à 5 % des malades décèdent de complications liées à une paralysie des muscles respiratoires, un sepsis, un arrêt cardiaque ou une thrombose [101]. Dans le SGB post-Zika, les décès restent rares [81].

Mécanismes physiopathologiques. Les manifestations neurologiques du SGB post-Zika apparaissent soit concomitamment à la maladie (syndrome para-infectieux), évoquant alors un mécanisme non auto-immun tel qu’une toxicité neurale directe (cf. 4.5.3.2 «Infection du système nerveux périphérique ») [81], soit quelques jours après la maladie à ZIKV, ce qui est compatible avec un mécanisme auto-immun post-infectieux [99]. La première hypothèse semble être la plus vraisemblable en raison de la proximité entre les signes de la maladie Zika et l’apparition des symptômes de type SGB.

 En dehors du contexte ZIKV, le SGB est caractérisé par l’apparition d'auto-anticorps spécifiques de constituants du système nerveux, parmi lesquels les gangliosides. Les gangliosides sont des sphingolipides présents de façon prédominante dans les membranes cellulaires du système nerveux. Par un phénomène de mimétisme moléculaire entre les

glycolipides naturellement présents à la surface des cellules et des tissus de l’hôte et les molécules de surface des agents infectieux, les anticorps de l’hôte vont cibler les molécules du soi. Les différentes variantes des SGB sont liées à la spécificité antigénique de ces anticorps et à la distribution des gangliosides dans le SNP. Ces derniers peuvent être détectés dans le sérum des patients. Les gangliosides GM1, GM2, GD1a, GD1b et GT1b sont fortement présents dans les nerfs périphériques. Le GQ1b est uniquement présent dans les nerfs oculo-moteurs. Dans les formes axonales du SGB, les anticorps anti-GM1 ou anti- GD1b, de classe IgG, sont mis en évidence dans 95 % des cas en phase aiguë, puis disparaissent en 6 mois en cas d’évolution favorable. En revanche, dans le SGB « classique », des anti-GM1 sont retrouvés dans 20 à 30 % des cas, leur titre étant peu significatif [102].

 Dans l’étude cas-témoin réalisée en Polynésie Française, 1/3 des patients ont présenté des anticorps anti-gangliosides, notamment contre GA1 [99]. Bien que l’exploration électrophysiologique fût compatible avec une AMAN, les anticorps caractéristiques de cette forme n’ont pas souvent été retrouvés. La nature nouvelle de l’infection à l’origine du SGB et la population étudiée pourraient expliquer cette discordance. De plus, les tests de mimétisme moléculaire n’ont pas révélé d’homologie entre les gangliosides GA1 et les protéines virales. La neuropathie pourrait donc être liée à d’autres types d’auto-anticorps, à une dissémination des épitopes, à une production de superantigènes31, à une activation aberrante du système immunitaire ou bien encore à une neurotoxicité virale directe [33].

Diagnostic. La définition des cas de SGB se base sur les critères de Brighton qui reposent sur les manifestations cliniques, les résultats de tests auxiliaires, comme les examens neurophysiologiques32 (étude de la conduction nerveuse, électromyographie) et les ponctions

lombaires (PL). Une dissociation albumino-cytologique du LCR (taux de protéines au-dessus de la valeur de référence du laboratoire et nombre de globules blancs total < 50 cellules/μl) est en faveur d’un SGB si le contexte clinique s’y prête. Il faut savoir que la PL et les analyses sanguines ne sont pas nécessaires pour poser le diagnostic de SGB et ne doivent en aucun cas

31Les superantigènes sont des protéines aux propriétés antigéniques non conventionnelles puisqu'ils activent des

familles entières de lymphocytes T sur la base non pas de leur spécificité antigénique mais sur leur seule appartenance à certaines familles Vβ du récepteur à l'antigène (TCR).

Revue bibliographique Chapitre 5.Clinique retarder le traitement. Cependant, il est recommandé de réaliser une PL en cas de suspicion clinique dans le cadre d’une épidémie.

Étiologies. Le SGB est généralement connu comme étant une affection sporadique de nature dysimmunitaire, cellulaire et humorale. Elle est précédée dans 2/3 des cas d’un épisode infectieux. Les étiologies infectieuses les plus fréquentes sont à la fois bactériennes (Campylobacter jejuni, Mycoplasma pneumoniae,…) et virales (CMV et EBV). D’autres virus peuvent être mis en cause : VZV, HSV, HIV, HHV-6, HEV, Influenzavirus [70]. Parmi les arbovirus, CHIKV, DENV, WNV et JEV ont été décrits comme pouvant parfois entraîner un SGB [99].

Existence de cofacteurs. Malgré la mise en place d’un système de surveillance, des groupes de cas de SGB ont été signalés dans certaines régions géographiques mais pas dans d’autres. Les individus infectés par ZIKV ne développent donc pas toujours de SGB. L’existence d’autres facteurs ou cofacteurs étiologiques pourraient expliquer cet état de fait :

- Facteurs environnementaux : statut socio-économique, exposition environnementale ; - Facteurs liés à l’hôte : âge de la mère, statut nutritionnel, prédisposition génétique, statut

immunitaire ;

- Circulation concomitante ou passée d’autres arbovirus ou vaccination antérieure. Par analogie avec les formes sévères de la dengue, le cofacteur qui retient le plus l’attention des immunologistes est une infection passée par le DENV. Cependant, son impact sur la sévérité de la maladie à ZIKV due à une infection passée ou à une vaccination antérieure n’est pas encore connu.

Prise en charge du SGB. L’évolution du SGB pouvant être fatale, les patients atteints de ce syndrome doivent être hospitalisés afin d’être étroitement suivis. Ils doivent bénéficier de soins de soutien optimaux, reposant notamment sur des évaluations neurologiques fréquentes et la surveillance des signes vitaux et de la fonction respiratoire. En cas d’atteinte respiratoire, une ventilation mécanique est nécessaire.

Traitement. Il n’existe actuellement aucun traitement curatif mais les thérapies disponibles permettent de soulager les symptômes et de réduire la durée de la maladie. En raison de la nature auto-immune de la maladie, sa phase aiguë est généralement traitée par administration

d’immunoglobulines intraveineuses ou plasmaphérèse33 visant à éliminer les anticorps du sang

[101]. Cette approche est plus souvent bénéfique lorsqu’elle est initiée rapidement ; dans les 7 à 14 jours après l’apparition des symptômes. Des soins de rééducation peuvent être nécessaires pour aider les patients à retrouver leur force musculaire et leur capacité de mouvement.

5.2.2. Autres atteintes du système nerveux

Parallèlement au SGB ont été notifiées d’autres formes de complications neurologiques telles que des encéphalites, méningo-encéphalites et myélites. Toutefois, des travaux complémentaires sont nécessaires pour déterminer la totalité des troubles neurologiques associés à ZIKV.