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Diagnostic biologique direct

6. DIAGNOSTIC BIOLOGIQUE

6.5. Diagnostic biologique direct

6.5.1. Isolement du virus en cultures cellulaires

Historiquement, les cultures virales étaient réalisées sur des souriceaux nouveau-nés par inoculation intra-cérébrale [118]. Actuellement, elles reposent le plus souvent sur l’inoculation de cellules cultivées en monocouche ou en suspension. Les cellules les plus utilisées car permissives pour isoler ZIKV sont les cellules rénales de singe (Vero E6 du singe vert africain, LLC-MK2 du macaque rhésus) ou les cellules de moustiques (C6/C36 d’Ae. albopictus) [68]. D’autres lignées cellulaires peuvent être utilisées comme les cellules MRC5 (fibroblastes de poumon fœtal humain).

La culture de virus est chronophage et nécessite du personnel qualifié et des équipements spécifiques (enceinte ou poste de sécurité biologique, étuve à CO2,…). Elle est particulièrement

difficile lorsque la virémie est faible. Cette technique n’est pas utilisable en routine et est réservée aux laboratoires spécialisés. Elle est considérée comme la technique de référence pour mettre en évidence la réplication virale. En pratique, l’échantillon infecté est traité pour éliminer les contaminations bactériennes (antibiotiques) et par levures (antifongique) et éventuellement broyé ou filtré s’il est solide. Il est ensuite inoculé, par mise en contact direct avec ou sans centrifugation, aux cellules permissives. Les cellules sont ensuite cultivées de manière aseptique jusqu’à ce que la mise en évidence de la multiplication virale soit possible. La mise en évidence de la multiplication virale s’effectue par un examen de la nappe cellulaire au microscope en contraste de phase à la recherche d’anomalies morphologiques cellulaires appelées effet cytopathique (ECP) plus ou moins caractéristique du virus ( Figure 33) [70]. Pour les cellules Vero et LLC-MK2, l’ECP dû à ZIKV apparaît au bout de 3 jours environ (source : doi:10.1038/emi.2016.99).

Revue bibliographique Chapitre 6.Diagnostic biologique

Figure 33. Cultures de hNPCs observées en contraste de phase après infection par le virus Zika [85]

Au bout de 72 h, on observe une importante perte cellulaire comparée aux cultures incubées en présence de milieu d'inoculation dépourvu de virus (mock-infection).

En l’absence d’ECP ou pour confirmer sa spécificité, divers tests sont réalisés sur les cellules ou le surnageant de culture. Ces tests comprennent :

- la virologie moléculaire : mesure d’une augmentation de la charge virale ; ou

- l’immunofluorescence indirecte (IFI) : détection de l’antigène viral par un anticorps monospécifique (monoclonal ou non), puis révélation de cette reconnaissance par une antiglobuline marquée par un fluorophore ; ou

- la microscopie électronique : détection de particules flavivirus-like.

6.5.2. Diagnostic antigénique

Il n’y a pas à ce jour de diagnostic antigénique des infections à ZIKV, contrairement au diagnostic antigénique de la dengue par dépistage de l’antigène NS1 [78].

6.5.3. Biologie moléculaire

Le diagnostic moléculaire a supplanté l’isolement viral pour le diagnostic direct. Il existe à ce jour une dizaine de kits commerciaux disponibles. En Europe, certains ont reçu le marquage CE (« conformité européenne »). Aux États-Unis, aucun kit n’a encore été validé par la FDA. Néanmoins, compte tenu des risques que représente le ZIKV pour la santé publique, l’agence américaine a d’ores et déjà délivré plusieurs autorisations d’utilisation en urgence (EUA) [119].

Qu’elle soit conventionnelle ou en temps-réel, simplexe ou multiplexe, le principe de base de la PCR reste le même.

6.5.3.1. Polymerase chain reaction

Principe. La PCR (polymerase chain reaction) repose principalement sur trois éléments :

- Le chauffage de l’ADN double brin jusqu’à au moins 90°C permettant une dissociation complète des deux brins d’ADN (étape de dénaturation) ;

- Après le chauffage et la séparation de l’ADN double brin en simples brins, un refroidissement progressif permettant une hybridation entre des séquences complémentaires (étape d’hybridation des amorces) ;

- La propriété de recopiage d’un brin cible à partir de l’extrémité OH’ libre de l’amorce complémentaire hybridée sur le brin, grâce à des ADN polymérases, enzymes thermostables (étape d’élongation).

Ces différentes étapes sont répétées pendant un nombre n de cycles (Figure 34) [120].

Figure 34. Principe de la PCR [120]

Chaque cycle se décompose en trois temps auxquels correspondent trois températures, 1 : phase de dénaturation à 95°C ; 2 : phase d’hybridation ou d’appariement des amorces sur la matrice, par exemple ici à 60°C ; 3 : phase d’élongation à 72°C permettant l’action de l’ADN polymérase.

Revue bibliographique Chapitre 6.Diagnostic biologique Étant donné que le ZIKV est un virus à ARN, il est nécessaire de réaliser une RT-PCR (Reverse Transcription-PCR). Cette méthode consiste à transformer au préalable l’ARN génomique du virus en ADN complémentaire (ADNc) grâce à une transcriptase inverse. Le brin d’ADNc est ensuite converti en ADNdb qui sera amplifié au cours de la PCR. La rRT-PCR (real time RT- PCR) est actuellement préférée à la RT-PCR conventionnelle du fait de sa rapidité [68, 119]. Il s’agit d’une technique où amplification et détection au moyen d’une sonde fluorescente sont réalisées conjointement. La RT-PCR cible soit des gènes spécifiques du genre Flavivirus soit des gènes spécifiques de ZIKV. Dans la première approche, l’utilisation d’amorces universelles ciblant les régions conservées du genre, telles que le gène NS5, permet la détection simultanée de multiples flavivirus (> 50 flavivirus) [30]. L’amplification est suivie d’un séquençage et d’une identification par comparaison de la séquence obtenue avec les bases de données. Dans la seconde approche, la PCR spécifique permet de détecter directement le virus incriminé. Récemment, le CDC a élaboré une rRT-PCR multiplexe capable d’amplifier simultanément plusieurs cibles d’ADN et de les différencier en une seule réaction de PCR (virus cibles : ZIKV, DENV et CHIK). Elle a obtenue pour cela une EUA de la FDA [119].

Protocoles. Le facteur essentiel de toute PCR est la connaissance d’une séquence d’au moins 25 bases située sur chacun des brins d’ADN que l’on veut amplifier. Dans le cas de ZIKV, ces séquences ont été choisies parmi les différents gènes qui composent son génome. Il s’agit des gènes codant pour la protéine E, la protéine prM et les protéines non structurales NS1, NS2B, NS3, et NS5 [121]. L’un des protocoles les plus utilisés est celui de Lanciotti et al. qui utilise une combinaison de 2 rRT-PCR ciblant les gènes prM et E de ZIKV [68]. Cependant, comme la plupart de ces protocoles ont été mis au point avant les épidémies survenues en Amérique, les amorces créées ne s’apparient pas parfaitement au génome des souches actuellement en circulation. Ces mésappariements peuvent aller jusqu’à 10 nucléotides. La faible sensibilité de ces protocoles peut aussi conduire à des faux négatifs chez 20 à 80 % des patients infectés, particulièrement lorsque la charge virale est faible et proche de la limite de détection45 (LD) [121]. Une récente étude a comparé les performances de diverses amorces dans des échantillons cliniques humains variés (incluant sang et urine). Ces amorces ciblent différentes régions conservées du génome viral des lignées asiatiques ou africaines : 5’-NCR, E’ (i.e., séquence E modifiée pour inclure des souches plus récentes), NS2A, NS5 et 3’-NCR. Elle en a conclu que

45 La limite de détection correspond au plus petit signal exprimé en quantité ou en concentration qui peut être

l’amorce ciblant la région 5’-NCR possédait la meilleure sensibilité (LDtranscrits d’ARN in vitro= 5-10

copies d’ARN/réaction et LD ARN génomique = 3.0x10-1 UFP/ml46) et spécificité (absence de

mésappariement, absence de réaction croisée avec 9 autres membres de la famille des Flaviviridae (dont DENV, YFV, WNV, JEV et HCV), et CHIKV [121].

Avantages et inconvénients de la PCR. Les techniques de PCR permettent un diagnostic rapide en phase aiguë de la maladie, avec une excellente spécificité. Néanmoins, elles nécessitent du matériel sophistiqué, des réactifs coûteux et un personnel qualifié.

6.5.3.2. Tests “point-of-care”

Il existe un besoin et un intérêt manifestes pour des tests de diagnostic in vitro, rapide et simple d’utilisation, pour le dépistage de l’infection par le ZIKV sur les lieux de soins ou à proximité de ceux-ci. Dans cette optique, de nouvelles méthodes de diagnostic ont vu le jour, telles que la RT- LAMP (reverse transcription – loop mediated isothermal amplification), l’utilisation de biocapteurs combinés à une technique d’amplification d’acides nucléiques, et le séquençage du métagénome nouvelle génération [121]. Cependant, ces méthodes sont encore en cours d’évaluation et ne seront pas développées dans ce mémoire.