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Les tribute bands en tant que « monde de l’art »

Chapitre 2. Une approche interactionniste

2.2 Les tribute bands en tant que « monde de l’art »

Depuis la publication de l’ouvrage Les mondes de l’art (1988 [1982]), cette approche a inspiré maintes études analysant l’art essentiellement comme un travail en réseau et régi par des conventions. Par ailleurs, qu’elles soient inspirées directement des travaux de Becker ou non, plusieurs études ont depuis brisé le mythe de l’artiste-génie et ont montré l’importance du travail et des rôles d’autrui dans la production artistique, aussi bien que celui de la structure sociale, des conditions économiques et, plus largement, du système juridique (à titre d’exemples, cf. Menger 2002b, 2005, 2009 ; Heinich 1992 ; DeNora 1998).

D’autres auteurs, comme Antoine Hennion (2001, 2007), ont prolongé la perspective beckerienne pour souligner l’utilité d’une « sociologie des médiations » afin de mieux comprendre l’art, en s’éloignant des définitions essentialistes. Hennion appelle à prendre en compte la diversité des personnes et des situations (les médiations) qui aboutissent à créer de l’art, à le diffuser, à le contempler ou à le juger. Hennion (2012) a aussi davantage insisté sur la dimension collective de la « réception » de la musique dans ses travaux sur les amateurs - les individus qui aiment la musique.

Selon l’auteur, le goût musical doit être considéré, non comme un donné ou comme un « item de questionnaire », mais bien comme une « épreuve », un « mode d’attachement », un « apprentissage » ou encore « une performance, une façon de s’engager avec son corps dans des dispositifs et des dispositions soigneusement mis en place par un milieu » (op. cit : 38). En prenant le contre-pied de la sociologie dite « déterministe », cet auteur insiste sur l’utilité d’une approche « pragmatique » de l’art et du goût culturel (Hennion 2005). Il s’agit notamment de « prendre au sérieux le grand amateur », ou encore de :

« Sortir la sociologie du goût d’une conception critique devenue hégémonique, qui ne le conçoit que comme un jeu social passif et ignorant de lui-même. Le goût est une modalité problématique d’attachement au monde. Il est possible de l’analyser, selon cette conception pragmatique, comme une activité réflexive, corporée, cadrée, collective, équipée, produisant dans le même geste les compétences d’un amateur et le répertoire des objets auxquels il tient. » (Hennion 2005 : 1)

Un nombre considérable de publications témoignent de l’influence de l’approche beckerienne à ce jour, une approche qui se voit mobilisée dans des travaux sociologiques portant autant sur l’art que sur d’autres domaines de la société. La sociologie du travail et des professions, la sociologie des organisations ainsi que quantité d’études portant sur les « mondes » du sport, de la médecine ou d’autres encore s’appuient aujourd’hui tant sur les « chaînes de coopération » que sur les

« conventions » beckeriennes. Des ouvrages collectifs et des actes de colloques comme Les mondes pluriels de Howard S. Becker. Travail sociologique et sociologie du travail (dir. Perrenoud, 2013) ou Howard Becker et les mondes de l’art. Colloque de Cerisy (dir. Benghozi & Paris, 2013) donnent un aperçu de la variété des travaux qui prolongent cette approche. Les exemples sont nombreux notamment dans les études portant sur différents genres musicaux. Pour ne citer que quelques ouvrages récents, mentionnons ceux de Marc Perrenoud, Les musicos. Enquête sur des musiciens ordinaires (2007), de Karim Hammou, Une histoire du rap en France (2012), ou encore L’orchestre au travail. Interactions, négociations, coopérations (2015) par Hyacinthe Ravet.

Déjà en 1989 [2007], dans The Hidden Musicians. Music-Making in an English Town, Ruth Finnegan adoptait une approche similaire pour analyser les différents mondes musicaux au niveau local dans une petite ville britannique. L’auteure sépare les mondes de la musique classique, de la fanfare, du folk, du théâtre musical, du jazz, du country et western, et, enfin, du rock et pop, chacun étant organisé autour d’un réseau particulier. Ces mondes « se comprennent rarement », selon Finnegan, et ils ont « chacun leurs conventions spécifiques et leur propres modes d’apprentissage, de transmission, de composition et de mise en scène122 » (op. cit. : 6).

122 « In Milton Keynes, as in so many other towns, there are several different musical worlds, often little understood by each other yet each having its own contrasting conventions about the proper modes of learning, transmission, composition or performance. »

Parmi d’autres études récentes sur des mondes musicaux, on peut également citer celles de Nick Crossley et de Wendy Bottero sur les mondes du punk (2011) et du jazz (2015). Les auteurs s’appuient sur l’approche beckerienne pour expliciter le processus de l’émergence du punk en Grande-Bretagne comme une forme culturelle

« déviante » au sein d’un réseau étroit prenant le contre-pied d’autres mondes musicaux. Il s’agirait là d’une action collective, au sens beckerien du terme, plus que du « talent » ou du « génie » de quelques individus. De même, dans son article « Authorship and the Popular Song » (2011), Keith Negus propose plusieurs exemples de musiques actuelles qui renvoient à une action collective au sein d’un monde de l’art. Une vedette telle Madonna, rappelle l’auteur, n’est qu’un « maillon » dans la collaboration de nombreux individus (paroliers, compositeurs, instrumentistes, metteurs en scène, promoteurs parmi d’autres) et les produits culturels associés à son nom (chansons, albums, vidéo-clips) sont le résultat de cette action collective.

Dans le même ordre d’idées, nous nous proposons d’analyser le phénomène des tribute bands comme le résultat d’une action collective, un monde de l’art à part entière, ou comme un « micro-monde » au sein des musiques actuelles, particulièrement du rock. Un monde de l’art qui s’appuie sur ses propres réseaux de coopération, reposant sur des règles de jeu et des conventions distinctes de celles prévalant dans d’autres. S’il convient de s’intéresser comme sociologue à ce phénomène, c’est notamment en raison des paradoxes qui l’entourent et des

« controverses » s’agissant de sa reconnaissance artistique, méritée ou non. Une approche beckerienne permet alors de mieux saisir le processus de valorisation d’une activité actuellement loin d’être acceptée au sein du monde de la musique ; elle nous permet également d’examiner ce qu’il en est de la naissance et de la stabilisation d’un « monde de l’art » en émergence. Dans l’ouvrage Propos sur l’art, Becker lui-même nous invite à aller dans ce sens :

« Limiter l’analyse à des domaines sur lesquels tout le monde est plus ou moins d’accord laisse de côté trop d’aspects intéressants. C’est le cas de tous les domaines marginaux où les acteurs recherchent le label artistique mais se le voient refusé, ou ceux dont les œuvres pourraient répondre aux termes de la définition selon des observateurs extérieurs mais qui ne souhaitent pas l’obtenir (par exemple les arts populaires ou les soi-disant artistes naïfs). » (1999 : 105)

Etudier des « domaines marginaux » permet de s’interroger plus largement sur les valeurs artistiques, car les moments de « crise » font apparaître les non-dits ou les conventions autour desquelles se construit le monde de l’art. Examiner les tribute bands sous un angle similaire, ou en tant que « circuit parallèle » (Becker 1988), permet non seulement d’étudier ce phénomène, mais aussi de s’interroger sur la création artistique et sur le monde musical plus largement. Les conventions qui régissent les mondes musicaux sont intrinsèquement liées à la définition même de la musique. Les valeurs artistiques ainsi que le plaisir du « beau » ne peuvent être séparés des façons de fonctionner du monde de l’art concerné et des conventions qui le régissent (Becker 1988 ; Crossley & Bottero 2015). Simon Frith a aussi avancé un argument similaire :

« Les jugements critiques de la musique, en bref, sont presque toujours enchevêtrés d'explications sociales des raisons pour lesquelles la musique est bonne ou mauvaise, et une grande partie de notre argumentation quotidienne à propos de la musique se fait de la même façon : aux jugements esthétiques se mêlent des jugements éthiques123. » (1996 : 70)

Nous pouvons prolonger cet argument et dire que les jugements autour de la

« bonne » ou « mauvaise » musique relèvent d’une certaine « inertie », pour reprendre la notion introduite par Becker (1988). Le modèle de l’auteur(e)-compositeur(e)-interprète, qui peut être qualifié de convention, paraît aujourd’hui la norme et s’inscrit dans l’inertie du monde de l’art du rock. Contrairement aux années 1950, les reprises, et notamment celles « à la note près » comme dans le cas des tribute bands, font exception de nos jours. Les critiques et les interrogations sur la valeur artistique de ces reprises ne sont pas rares, qu’elles relèvent de l’esthétique ou de l’« éthique ». Les conventions propres au monde de l’art des tribute bands permettent de juger ces derniers comme étant « bons » ou « mauvais », selon des critères esthétiques et techniques, mais les opposent aussi à la norme ou à l’inertie du monde du rock en termes plus « éthiques » pour ce qui est de la reconnaissance de l’activité musicale.

123 « Critical musical judgments, in short, are almost always entangled with social explanations of why the music is good or bad, and much of our day-to-day argument about music is conducted in just this way: aesthetic judgments are tangled up with ethical judgments. »

Dans cette perspective, il serait possible de comparer les tribute bands aux « francs-tireurs » de la typologie proposée par Becker, car il s’agit là d’artistes qui ne suivent pas les conventions établies et les remplacent par d’autres. Les tribute bands sont évalués selon des critères et des conventions spécifiques par des professionnel-le-s et des « publics assidus » au sein d’un cercle qui s’avère relativement restreint de par la nouveauté du phénomène. Comme les « francs-tireurs », les tribute bands sont aussi, à certains égards, des « rebelles », des « hors-norme », des artistes qui vont à l’encontre de l’inertie du monde de la musique.

Or, dans l’histoire de l’art, les œuvres des « francs-tireurs » sont souvent devenues, au fil du temps, plus valorisées et ont même donné lieu à de nouvelles conventions artistiques, capables elles-mêmes de définir une nouvelle inertie, comme dans le cas de bon nombre de mouvements artistiques d’avant-garde. Ne disposant pas d’assez de recul, il est aujourd’hui difficile de pousser plus loin cette comparaison et d’analyser les tribute bands en tant que « francs-tireurs ». A ce stade, arrêtons-nous au postulat selon lequel le travail des tribute bands est jugé plutôt hors-norme et leur statut, inférieur à celui des auteur(e)s-compositeur(e)s-interprètes.

En réalité, afin de rendre compte de l’activité des tribute bands, il serait nécessaire d’ajouter un cinquième type d’artiste à la typologie beckerienne – les artistes de tribute. Notre enquête démontrera comment le monde de l’art des tribute bands dérive et existe en symbiose avec celui des stars qui peuvent être des « francs-tireurs » ou des « professionnel-le-s intégré-e-s ». De plus, les discours des musicien-ne-s de tribute bands reflètent ce statut subalterne comparé aux « groupes normaux », pour reprendre leurs propres termes, ces groupes qui jouent des compositions originales.

Comme dans l’exemple de la pièce Peer Gynt d’Henrik Ibsen, ou encore dans celui de la naissance du punk comme genre musical (Bottero & Crossley 2011), le monde de l’art des tribute bands rejette aussi certaines conventions du monde musical ; il en renforce d’autres et en crée de nouvelles, qui lui sont spécifiques. Les tribute bands défient, par exemple, la norme du monde du rock selon laquelle on devrait de préférence jouer ses propres compositions. Ils renforcent, par contre, des conventions plus générales de ce monde (comme la manière de jouer ou de se tenir

sur scène en tant que « rocker »), mais ils en créent également d’autres comme on le verra au chapitre 4. Le concept de conventions nous est utile pour montrer que, dans le cas des tribute bands, les accords tacites et les codes partagés entre les musicien-ne-s et les publics sont nécessaires à la compréhension de l’œuvre, et même qu’ils s’avèrent plus visibles que dans d’autres domaines culturels. Sans ces conventions, il peut du reste se produire des malentendus entre les individus impliqués, malentendus allant jusqu’à conduire à des déceptions pour les publics ou à des abandons de carrière pour les musicien-ne-s. Les conventions permettent même au tribute band de « cadrer » (Goffman 1991 [1974]) le jeu sur scène, ce qui rapproche leur activité du théâtre ou de la mise en scène. Les règles du jeu séparent clairement le moment du concert de ce qui précède et de ce qui suivra : les

« coulisses » (les « vraies » identités des musicien-en-s), pour reprendre le vocabulaire de Goffman (1973 [1959]), sont distinctes de la scène (le rôle joué, la reprise d’un personnage musical célèbre). Reprendre des éléments visuels comme les costumes scéniques peut aider à séparer et à délimiter le jeu sur scène des

« coulisses » ou de la vie quotidienne.

Pour que ces conventions soient efficaces, elles doivent alors être comprises et acceptées par tous les maillons de la chaîne de coopération, y compris par les publics. Le phénomène des tribute bands étant relativement récent, les publics familiers de ces conventions sont à l’heure actuelle limités. La distinction de Becker entre « public occasionnel » et « public assidu et averti » permet d’examiner les jugements portés sur les tribute bands en termes esthétiques aussi bien qu’« éthiques ». Si les publics assidus connaissent les conventions, acceptent le concert du tribute dans le cadre du « jeu » et l’évaluent selon des critères esthétiques et/ou techniques, alors les publics dits occasionnels jugeraient plus en termes « éthiques » pour qualifier celui-ci d’« indigne », d’« inintéressant » ou encore relevant du « plagiat ».

L’analyse de tels jugements met en lumière non seulement les causes et effets des ambivalences qu’on observe dans ce monde de l’art, mais aussi certains des arguments avancés au sujet des valeurs artistiques plus généralement. Le concept de « registres de valeur », élaboré par Nathalie Heinich (2006), rend bien compte des clivages entre ces deux types de publics : étudier des prises de position et des

jugements de valeur implique souvent de se retrouver face à des désaccords qui persistent autant sur la qualité de l’objet évalué (entre, par exemple, le « beau » et le

« laid ») que sur le type d’évaluation qui lui convient (faudrait-il le juger en termes esthétiques, éthiques, techniques, économiques ou d’autres encore ?). Il est donc nécessaire, selon Heinich, d’étudier les différents « registres de valeur » - les catégories générales de types d’évaluation à partir desquels ces jugements sont émis, comme le registre esthétique, le registre éthique et ainsi de suite. Ainsi les publics « occasionnels » et « assidus » ne s’appuieront-ils pas sur les mêmes

« registres de valeur » dans leurs jugements des tribute bands et, de ce fait, ils se comprendront rarement et difficilement.

Le « cadrage » du jeu implique, forcément, des contraintes imposées aux participant-e-s, comme le souligne encore Becker. Nos analyses révèlent, aussi, à quel point certaines conventions s’avèrent contraignantes pour les musicien-ne-s, les intermédiaires et les publics simultanément. Un exemple révélateur est la question (brûlante) de savoir s’il convient de reprendre ou non des éléments visuels rappelant l’artiste originel-le : devant des publics différents, les équipes organisatrices de concerts imposeront des contraintes auxquelles les musicien-ne-s devront se plier, nous y reviendrons.

Sans ces règles du jeu et conventions spécifiques, le concert d’un tribute band ne pourrait, de fait, pas exister, les malentendus étant trop importants. En ce sens, des parallèles peuvent être tracés entre les tribute bands et ce que sont les différents genres artistiques. A la suite de Becker, plusieurs auteurs ont défendu l’idée selon laquelle un genre musical s’avère fondé essentiellement, voire exclusivement sur des conventions. Simon Frith relève, par exemple, qu’une « chanson d’amour » n’existe pas en tant que telle, mais qu’elle est le résultat de connaissances et d’expériences partagées entre artistes et publics – il ne s’agit, par conséquent, que d’un « discours de genre » (1996 : 201). Dans le cadre d’un genre musical, ces conventions servent aussi à cadrer la production et la mise en scène où les artistes aussi bien que les membres du public ont un rôle à jouer dans l’interprétation des codes (op. cit. : 207).

Nicholas Cook (2003) soutient, lui aussi, que cette notion de « production » renvoie à la dimension sociale de la musique, même si un seul individu paraît y participer. La signification de la production musicale (« performative meaning ») ne peut être

analysée qu’en tant que processus social, étant irréductible au seul produit (ibid.).

Les tribute bands devraient également être analysés d’un point de vue semblable : un processus social, et non un produit « fixe », qui ne peut se réaliser et être compris que si tous les individus impliqués acceptent de « jouer le jeu » des conventions.

Dans le cas des tribute bands, ce « jeu » affiche des chevauchements avec d’autres mondes musicaux, notamment le rock, tant au niveau des conventions que des réseaux professionnels. Il demeure tentant de considérer les tribute bands comme un « circuit parallèle » au monde du rock, mais le réseau professionnel et la chaîne de coopération de ce monde de l’art s’entremêlent avec d’autres. Les mêmes lieux de production peuvent accueillir des groupes de composition aussi bien que de tribute bands, et certain-e-s musicien-ne-s jouent dans plusieurs types de groupes et côtoient différents mondes musicaux, chacun défini par un ensemble de conventions spécifiques. Aussi bien nombre de musicien-ne-s jouent-ils à titre d’amateurs tandis que d’autres dépendent financièrement de la musique. Toutes ces différences de situation et cet enchevêtrement de mondes musicaux peuvent potentiellement créer des conflits et des rivalités entre les musicien-ne-s d’un groupe, entre les groupes, ou encore entre les tribute bands et les intermédiaires.

Les individus qui participent à cette chaîne de coopération travaillent ensemble pour accomplir leur « mission » et jouer le concert, car chacun y trouve un intérêt particulier. Malgré la coopération, cette chaîne n’échappe pas, elle non plus, aux conflits et rivalités qu’on observe dans ce métier, conflits et rivalités relevant notamment du statut jugé inférieur des tribute bands.

* * *

Dans la présente étude, il n’a jamais été question de valider ou de rejeter la « théorie des mondes de l’art » en la soumettant à un test empirique. L’approche beckerienne a plutôt servi de « guide » dans la démarche empirique et les analyses sur un terrain jusqu’ici peu étudié, dans une tentative de « chercher des segments de cohérence sous l’incohérence générale » du terrain, comme le dirait Jacques Coenen-Huther (2012 : 152). Becker lui-même relève ceci :

« La théorie est pour moi un ensemble plus ou moins cohérent d’idées qui me disent quoi regarder quand je poursuis mes recherches sur un sujet. » (2005 : 71)

Aussi avons-nous adopté une posture sociologique, non pas « de surplomb », mais plutôt « à côté » des individus étudiés, dans une perspective chère à l’approche interactionniste. Everett C. Hughes ne préconisait-il pas, dans les années 1950, de ne jamais viser à émettre des jugements critiques, mais bien à expliquer des mécanismes sociaux en récoltant divers discours et en tentant de les « coller » ensemble ? N’en sachant pas plus que ce que les individus interrogés lui auront dit, le sociologue en saura néanmoins toujours plus que n’importe lequel de ces individus pris séparément, et ceci parce qu’il aura alors recueilli – au travers de son enquête – divers points de vue, diverses prises de position qu’il lui revient d’analyser avec les armes de sa discipline (Becker 2002 [1998] : 165 ; Pessin 2004 : 117).