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Les travaux de Doz et Prahalad permettent de mettre en évidence un certain nombre d'éléments intéressants pour notre recherche:

• la relation qui existe entre la dépendance de la filiale par rapport aux ressources de la

société mère et le transfert du système de contrôle organisationnel. La dimension de

dépendance est présente chez d'autres auteurs de la littérature (Hayashi, 1978 ;

Negandhi et Baliga, 1979 ; Me1eka, 1985) qui la considèrent comme un moyen de

contrôle largement utilisé par les entreprises multinationales, plus particulièrement par

les entreprises japonaises (Hayashi, 1978) ou encore dans les pays en voie de

développement (Meleka, 1985). Elle représente également chez beaucoup d'auteurs

une dimension importante de ce qui constitue le rôle stratégique de la filiale (Bartlett

et Ghoshal, 1986 ; Ghoshal et Nohria, 1989 ; Martinez et Ricks, 1989 ; Gupta et

Govindarajan, 1991),

• la différence, que nous avons déjà notée, effectuée entre le concept de niveau

d'intégration des filiales et les moyens utilisés pour permettre cette intégration. Nous

avons relevé, au cours de la première section de ce chapitre, trois moyens

d'intégration:

la centralisation, les modes impersonnels et les modes personnels

d'intégration. Doz et Prahalad en ajoutent un quatrième: la dépendance,

• l'interférence de plusieurs niveaux d'analyse pour rendre compte du degré et des

moyens

d'intégration

utilisés

pour

chaque

filiale

:

le

secteur

industriel,

l'environnement local de la filiale, le rôle stratégique de la filiale. Par contraste, on peut remarquer que le secteur industriel est le seul niveau considéré dans le modèle de Bartlett et Ghoshal.

3.2.2. Martinez et Ricks (989)

Martinez et Ricks (1989) s'intéressent à l'influence de la société mère sur les pratiques de gestion des ressources humaines dans les filiales mexicaines d'entreprises américaines (une centaine de cas sont étudiés). L'influence peut se comprendre comme le degré de similitude de ces pratiques entre la filiale et l'entreprise mère ; elle découle de deux facteurs : la dépendance (Pfeffer et Salancik, 1978) et l'autorité statutaire (Hedlund, 1981), qui découle elle-même de la détention de parts de capital. Le modèle théorique qui résulte de ces deux types de contingence, que nous présentons dans la figure 4.6, fait apparaître quatre variables:

• la dépendance de la fùiale par rapport aux ressources de la société mère,

• la dépendance de l'entreprise mère par rapport à la filiale que traduit le concept d'importance stratégique relative de la filiale pour la société mère,

• le nombre d'expatriés présents dans la filiale qui exprime aussi une dépendance de la filiale par rapport à la société mère,

• la part du capital détenu par la société mère qui rend compte de l'influence découlant de l'autorité statutaire.

Les résultats obtenus confirment totalement le modèle proposé.

Figure 4.6

Modèle de Martinez et Ricks (1989. pAn)

Dépendance relative de la filiale Importance relative de la filiale Nombre de managers expatriés dans la filiale

Part du capital détenu par la société mère

+

Niveau d'influence de la société mère sur la filiale

La recherche de Martinez et Ricks est intéressante à plus d'un titre:

• on peut noter un élargissement intéressant du concept de dépendance par rapport aux travaux de Doz et Prahalad : les liens de dépendance deviennent "réciproques" entre la filiale et la société mère,

• le sens de la relation n'est pas identique entre Prahalad et Doz (1981) et Martinez et Ricks (1989) : de la lecture du premier groupe d'auteurs, on peut déduire un effet négatif de la dépendance sur l'unification des systèmes et un effet positif de la lecture du second,

• enfm, le nombre d'expatriés apparaît comme symptomatique des liens de dépendance réciproque entre la filiale et la société mère : plus la filiale est importante, plus elle dépend de sa société mère, et plus le nombre d'expatriés présent dans la filiale est important. Cet élément montre que l'emploi d'expatriés dans les filiales résulte non seulement d'un impératif de contrôle (comme Edstrom et Galbraith, 1977 et Hulbert et Brandt, 1980 l'ont montré) mais aussi d'un certain nombre d'autres facteurs que Boyacigiller (1990) reprend autour du concept de management de l'interdépendance.

3.2.3. Rosenzweig et Nohria (994)

La recherche de Rosenzweig et Nohria (1994) est à notre avis celle qui se rapproche le plus de notre problématique pour les raisons suivantes:

• ces auteurs étudient les pratiques de gestion des ressources humaines utilisées dans les filiales américaines d'entreprises multinationales européennes, japonaises et canadiennes (250 cas). Ils cherchent à établir la conformité de ces pratiques aux pratiques locales, d'une part, et aux pratiques de l'entreprise mère, d'autre part, • ils tentent d'identifier quels éléments du contexte environnemental et organisationnel

de la filiale influencent l'adoption de pratiques locales ou de pratiques issues de la société mère.

Le modèle théorique développé par Rosenzweig et Nohria est repris dans le tableau 4.8. L'idée sous-jacente est reprise de l'ouvrage de Fayerweather (1969) et d'une série de réflexions de Rosenzweig et Singh (1991). Selon ces auteurs, deux ensembles de forces influencent les pratiques de gestion des lùiales :

• les forces d'isomorphisme local qui vont dans le sens de la conformité avec les pratiques locales,

• et les forces de cohérence interne qui vont dans le sens de la conformité avec les pratiques de l'entreprise mère.

Tableau 4.8

Modèle de Rosenzweig et Nohria .;.

facteurs explicatifs des pratiques de gestion des ressources humaines dans

ks.

filiales d'entreprises multinationales.

hypothèses et résultats

Effet escompté sur la Résultats conformité aux pratiques

locales Facteurs liés à la filiale:

fondation par acquisition Positif Confirmé

âge Positif Non confirmé

taille Positif Non confirmé

dépendance par rapport aux

ressources locales, Positif ConfIrmé

présence d'un syndicat Positif ConfIrmé

niveau de régulation Positif Non confirmé

Facteurs liés à l'entreprise mère :

distance culturelle Négatif Confirmé

expérience à l'étranger Positif Non confirmé

niveau de contrôle Négatif Non confirmé

Facteurs liés à l'intensité des flux fIliale- société mère :

emploi d'expatriés Négatif Confirmé

dépendance par rapport aux

ressources de la société mère Négatif Non confirmé

intensité de la communication

Négatif Confirmé

Facteurs liés au secteur d'activité :

caractère mondial Négatif Non confirmé

Plusieurs niveaux interfèrent pour influencer les pratiques des filiales:

• les facteurs liés à la filiale qui justiftent de ses attaches plus ou moins fortes avec l'environnement local : mode d' acquisition (création ou acquisition), âge, taille, niveau de dépendance par rapport aux ressources locales, présence de syndicats et niveau de réglementation de l'activité locale,

• les facteurs liés à la société mère qui expliquent la plus ou moins grande importance attachée à la cohérence interne des pratiques: origine nationale, niveau d'expérience à l'étranger et degré de contrôle exercé,

• les facteurs liés à l'activité, une activité de type mondial (au sens de Bartlett et Ghoshal, 1989) rendant la cohésion interne plus nécessaire que l'isomorphisme local,

• enfm, les facteurs liés à l'intensité des flux échangés entre la filiale et la société mère, le transfert d'expatriés, la dépendance par rapport aux ressources de la société mère, et l'intensité de la communication oeuvrant tous trois pour une plus grande cohésion interne.

Les résultats de ces auteurs tendent à prouver une influence prépondérante du modèle local sur les pratiques des filiales américaines. Des différences par entreprises sont cependant notées, différences qui tendraient notamment à montrer l'existence de profils nationaux dans les types de réponses apportées : les entreprises japonaises sont celles qui ont les pratiques les plus éloignées du modèle local, les entreprises allemandes, néerlandaises et suédoises les plus éloignées du modèle parental. Des différences par pratiques apparaissent également, ce qui permet aux auteurs de conclure que les filiales fournissent des réponses ad-hoc et différenciées à la question de l'adaptation locale de leurs pratiques de gestion.

L'intérêt de cette recherche est pour nous considérable. Elle fournit, en effet, et c'est la seule à le fournir à notre connaissance, un cadre théorique et des hypothèses de travail adaptés à notre problématique. Elle permet notamment d'identifier les différents "niveaux" de facteurs pouvant interférer sur les pratiques des filiales : secteur d'activité, caractéristiques de l'entreprise mère, environnement local de la filiale, nature des échanges filiale-mère. Ces niveaux reprennent pour partie ceux relevés par la littérature sur les modes d'intégration et par les travaux de Doz et Prahalad.

Un certain nombre de faiblesses doivent, cependant, être soulignées

• alors que les variables "conformité aux pratiques locales" et "conformité aux pratiques parentales" sont conçues et mesurées de manière différente, l'impact des facteurs de contingence sur la conformité aux pratiques parentales n'est pas analysée. Cette omission est due, à notre avis, à une assimilation implicite des deux variables, la conformité aux pratiques locales étant considérée comme l'inverse de la conformité aux pratiques parentales. On peut cependant imaginer des situations où les pratiques de la filiale sont conformes aux pratiques locales et aux pratiques parentales ou sont éloignées des deux. La recherche de Rosenzweig et Nohria ne permet pas d'envisager ces cas,

• les pratiques considérées par les auteurs ne sont pas représentatives de la gestion des ressources humaines dans la filiale: on y trouve pêle-mêle les avantages accordés aux employés, les congés payés, le niveau des primes, la participation dans les prises de décisions, le pourcentage de femmes employées et le montant alloué

à

la formation. Ce sont pour la plupart, à notre avis, des pratiques isolées, disparates, extrêmement liées à des réglementations et usages locaux et non pas à ce qui constitue le coeur

avec des unités indifférenciés. Les perspectives locales. qui étudient, par type de filiale, par type de marché ou par type de pays, les solutions possibles sont plus rares, • l'importance relative des recherches de type contingent, et, au sein des ces dernières,

1

du paradigme stratégie-structure. Par exemple, on p~ut compter que, sur une trentaine de travaux analysés, les deux tiers sont fondées sur une théorie contingente, et, au sein de ces dernières, plus de la moitié se réfèrent au cadre théorique défini par Chandler (1962). Un nombre non négligeable de recherches cependant, pour la plupart plus récentes (Prahalad et Doz, 1981 ; Ghoshal et Nohria, 1989; Martinez et Ricks, 1989 ; Ghoshal et Bartlett, 1990 ; Rosenzweig et Nohria, 1994), se placent dans le cadre des théories de la dépendance (Emerson, 1962 ; Cook, 1977 ; Pfeffer et Salancik, 1978). Ce nouveau pôle d'intérêt va de pair avec un recentrage des recherches, d'une part, sur les perspectives locales, et, d'autre part, sur les relations de pouvoir pouvant faire contrepoids aux relations d'autorité (Ghoshal et Bartlett, 1990). Ainsi, la focalisation initiale sur les relations d'autorité (et donc sur les aspects d'intégration) dans les entreprises multinationales ferait place aujourd'hui à un intérêt plus marqué pour les échanges de ressources et les situations de dépendance croisée entre les filiales et le siège (et donc pour la différenciation des solutions adoptées). Ces considérations induisent une représentation différente de l'entreprise multinationale, considérée non plus comme une organisation unique dirigée par le centre, mais comme un réseau d'organisations interdépendantes et différenciées (Ghoshal et Bartlett, 1990 ; Gupta et Govindarajan, 1991 ; Rosenzweig et Singh, 1991),

• une littérature relativement marquée par l'étude des grandes entreprises multinationales américaines et, dans une moins grande mesure, européennes (avec l'impulsion notamment de l'école de Stockholm). On remarque un intérêt plus récent pour les entreprises japonaises (Hulbert et Brandt, Negandhi, Bartlett et Ghoshal). Ceci peut expliquer la présence d'une littérature largement anglophone et le fait que les relations filiales-siège aient été pour la plupart étudiées sous l'angle formel (focalisation sur les relations d'autorité). Hayashi (1978, p.47) remarque en effet qu'à la différence des entreprises américaines qui fondent le contrôle de leurs filiales sur le droit de propriété, les entreprises japonaises cherchent des moyens de contrôle différents, notamment par l'intermédiaire de la répartition des ressources entre les filiales et le siège. On retrouve dans ce schéma l'alternative dépendance-contrôle organisationnel mise en évidence par Prahalad et Doz (1981).

Ces différents traits caractéristiques de la littérature en limitent la portée pour notre recherche qui adopte une perspective différente en de nombreux aspects :

• nous nous intéressons au système de contrôle dans les filiales et seulement de manière indirecte aux relations filiales-siège,

• nous cherchons à comprendre comment les systèmes de contrôle des filiales peuvent.à

la fois être adaptés aux exigences internes que posent les relations avec la société

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