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TI faut noter que ces difficultés semblent mineures, si l'on s'en réfère aux jugements des singapouriens sur les entreprises américaines: selon Williams et alii (1990), comparées au

sociétés japonaises et locales, ces entreprises sont perçues comme les mieux gérées, et ont le

personnelle plus loyal. Mais elles sont aussi jugées comme les moins protectrices du point de

vue de l'emploi.

12 On peut noter que l'ensemble de la littérature de management comparatif portant sur Singapour, du moins celle que nous avons analysée, (à l'exception de Putti et alii, 1993) semble englober sans distinction les entreprises américaines et les entreprises européennes (voire australiennes) sous une même étiquette. il n'est donc pas possible de percevoir des comportements différenciés dans cette catégorie, ce qui nous semble génant. Dans l'étude de Puthi et alii (1993), cependant, les entreprises européennes et américaines ont des comportements extrêmement similaires.

Les études comparatives plus tardives incorporent le transfert des pratiques japonaises:

• Putti et Chong (1985), suivis par Lim (1987), appliquent le modèle de Negandhi et Estafen (1965) et montrent que les entreprises japonaises ne transfèrent pas leurs pratiques à leurs filiales singapouriennes, à la différence des entreprises américaines qui le font. Tous deux attribuent ces résultats au fait que la culture singapourienne est plus proche de la culture américaine que de la japonaise. Lim (1987) montre également que les entreprises américaines implantées à Singapour atteignent de plus hauts niveaux de productivité que leurs concurrentes japonaises, mais que ces deux types de sociétés sont plus petformantes dans leur pays d'origine qu'à Singapour.

• Fukuda (1988), en utilisant la perspective de Sethi et alii (1984), compare les filiales japonaises basées à Singapour et à Hong Kong, et les entreprises chinoises de Hong

Kong. Il montre une homogénéité des comportements des filiales japonaises d'un pays à l'autre, avec un transfert sélectif des pratiques de gestion.

TI

confirme les résultats de Sethi en notant diverses stratégies de transfert : système d'emploi dual, système unique, système mixte avec adaptation des pratiques et intégration partielle des employés locaux. Le système mixte semble être dominant à Singapour comme à Hong Kong. Parmi les pratiques transférées uniformément par les entreprises japonaises, on trouve les pratiques de groupe et la prise de décision par consensus ; parmi les pratiques non transférées, on remarque la formation sur le tas et la rotation des postes. Ces résultats contredisent quelque peu les conclusions de Ishida (1986).;

• Chong et Jain (1987), Negandhi et alii (1987) et Jain (1990) comparent les pratiques de gestion des ressources humaines dans les filiales japonaises implantées à Singapour et dans les entreprises locales: les résultats montrent une similitude de pratiques entre ces deux types d'entreprise, et des déviations importantes avec les pratiques des entreprises japonaises au Japon. Chong et Jain (1987) expliquent ces résultats par le fait que les entreprises japonaises s'adaptent de manière consciente au contexte singapourien, et par le fait que les entreprises locales adoptent certains traits japonais, sous l'impulsion notamment du gouvernement singapourien. Les auteurs notent par exemple des similarités dans les politiques de promotion interne et de formation sur le tas, dans l'utilisation des cercles de qualité, et dans la gestion des relations syndicales .

• Yuen (1986) analyse les politiques de recrutement des filiales singapouriennes d'entreprises multinationales. Elle note des différences sensibles et durables entre les entreprises japonaises et les occidentales (américaines, européennes, australiennes) : les entreprises japonaises ont tendance, à Singapour, à recruter du personnel moins diplômé, moins ambitieux, et selon des critères de personnalité et de connaissance du

milieu culturel japonais, alors que les entreprises occidentales recherchent plutôt du personnel qualifié et diplômé, mais qui, ayant plus d'attentes en termes de' salaires et de promotions, est aussi plus difficile à retenir. Yuen conclut sur l'influence de la culture nationale des expatriés sur leur mode de recrutement : la culture agirait comme un filtre pour sélectionner les individus les plus à même de s'adapter à l'organisation qui les recrute13. Ces résultats iraient donc dans le sens d'un transfert

des critères de sélection propres aux entreprises japonaises d~s leurs filiales singapouriennes, dans le but d'obtenir une plus grande homogénéité et loyauté de leur personnel.

TIapparaît relativement clairement que les entreprises japonaises ne transfèrent pas ou peu de leurs pratiques à leurs filiales implantées à Singapour, à la différence semble-t-il des entreprises occidentales. Selon Williams et a1ii (1990), elles sont cependant jugées positivement par les singapouriens du point de vue de leur bonne gestion et de leur politique de respect de l'individu.

Cette conclusion est confirmée par la recherche de Putti et a1ii (1993). Ceux-ci ont une approche un peu différente de la problématique du transfert : ils étudient l'autonomie et l'adaptation locale des pratiques dans les filiales singapouriennes d'entreprises américaines, européennes et japonaises. TIs montrent que les filiales japonaises ont plus d'autonomie et adaptent plus leurs pratiques que leurs équivalentes européennes et américaines. Cependant, au vu des entretiens, il apparaît que le niveau réel d'autonomie et d'adaptation des filiales japonaises est moins important que les résultats des questionnaires veulent bien l'indiquer. Les auteurs interprètent cette différence en soulignant qu'une importante présence d'expatriés japonais dans les filiales singapouriennes, expatriés qui semblent centraliser la plupart des

décisions prises au niveau de la filiale, induit un biais dans la perception d'autonomie par ces dirgeants : certes, les décisions sont prises dans la filiale, mais pas par des locaux. Les auteurs suggèrent qu'il existe peut-être un arbitrage entre autonomie et adaptation locale des pratiques et que cet arbitrage trouve son origine dans des conceptions différentes du management des filiales: d'un côté la conception japonaise (centralisée, aves des systèmes de gestion "locaux"), de l'autre la conception américaine (décentralisée mais avec des systèmes de gestion unifiés au sein de l'entreprise multinationale).

13 Ce filtrage par la personnalité ne joue pas dans les deux sens, puisqu'il semble que les traits de personnalité n'influencent précisément pas le jugement des individus sur la performance et le climat de travail dans les différentes entreprises implantées à Singapour (japonaises, américaines, locales) (Williams et alii, 1990).

Parmi les explications qui sont données à cette différence manifeste de comportement, on peut noter:

• l'amplitude des différences linguistiques et culturelles entre les japonais et les singapouriens (Ong, 1981/2 ; Putti et Chong, 1985 ; Milton-Smith, 1986 ; Chong et Jain, 1987), et plus généralement les différences entre les environnements nationaux (Milton-Smith, 1986 ; Negandhi et alii, 1987). Par exemple, Milton-Smith (1986) note que le niyeau de ''friction culturelle" constaté dans les joint-ventures entre japonais et singapouriens est parmi les plus élevés, et que les scores de Singapour et du Japon le long du critère 'Contrôle de l'incertitude' de Hofstede (1980) sont exactement aux deux extrêmes. Ong (1981/2) remarque également que, à la différence des japonais, les singapouriens sont avant tout des spécialistes ; ils résistent donc vigoureusement aux programmes de formation par rotation des postes .

• L'importance de l'influence culturelle des Etats-Unis et du monde occidental en général (Putti et Chong, 1985 ; Lim, 1987). Putti et Chong (1985, p.113) explicitent ce point:

"Sans une histoire comparable, et sans ni l'homogénéité ni l'insularité de la nation japonaise, le développement de Singapour, tout au long de son histoire, s'est fondé sur la compétition individuelle. Comme les Etats-Unis, sa population s'est trouvée propulsée dans un environnement de travail où les meilleurs sont récompensés sur la base de leur mérite individuel. La méritocratie prévaut aussi bien dans le secteur public que dans le privé. Bien que les ancêtres de la majorité de la population aient adhéré au bouddhisme et aux enseignements de Confucius, le système d'éducation, qui est largement de conception occidentale, produit des

'battants' appliqués à atteindre un succès individuel et instantané.

C'est pourquoi Singapour est, comme les Etats-Unis

l...],

une nation unifiée mais hétérogène. Il n'est donc pas surprenant que les sociétés américaines n'éprouvent pas de difficultés à transférer leurs pratiques de management à Singapour. "

• La difficulté des iaponais à intégrer des non-iaponais dans leurs organisations (Milton- Smith, 1986 ; Putti et alii, 1993). Ainsi que le résume Christopher (1984, cité par Milton-Smith, 1986, pA08) :

"Il y a, au coeur du comportement des japonais avec les étrangers, un 'exclusionisme instinctif et une méfiance pour le cosmopolitanisme', 'attitude née de la pénurie historique d'espace, de ressources et d'opportunités au Japon'."

• Le mode de contrôle et le type de rapports établis entre les filiales et leur siège qui, pour les fùiales japonaises, sont fondés sur des rapports personnels étroits, ce qui rend

difficile l'accession à des postes de direction du personnel local (Putti et alii, 1993), point souligné par Negandhi et alii (1985).

• Le rôle stratégique des filiales japonaises off-shore de production et les liens solidement établis avec les compagnies de trading, font qu'aucune incitation ne pousse les entreprises multinationales japonaises à adopter une structure divisionnelle globale comme la plupart des entreprises occidentales (Milton-Smith, 1986). Ces liens flexibles et de nature personnelle leur permettent en effet, selon Milton-Smith, d'atteindre (p.4lO) :

"Une flexibilité maximale, des économies d'échelle, une coordination

mondiale efficace et une réactivité aux demandes des différents

gouvernements d'accueil. "

,

Ceci expliquerait que les systèmes de contrôle et les décisions restent aux mains des japonais, même au sein des fIliales étrangères.

On remarque que la plupart de ces explications invoquent la notion de distance ou de spécificité culturelle. Or, cet aspect n'est, comme nous l'avons entrevu plus haut lors de notre analyse de la littérature traitant du transfert des pratiques japonaises, qu'un des éléments qui peuvent expliquer le transfert, ou le non-transfert, des systèmes de gestion des sociétés mères aux filiales étrangères. Les autres aspects sont à rechercher, à notre avis et comme cela est évoqué principalement par White et Trevor, mais aussi par Milton-Smith, dans les stratégies développées par les sociétés mères à l'égard de leurs filiales. Pour cela, il nous semble intéressant d'analyser la littérature traitant des modes de gestion et de contrôle des filiales dans les entreprises multinationales. C'est l'objectif du chapitre 4.

CHAPITRE 4

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