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Systèmes de contrôle et modes d'intégration

1. Les modes d'intégration des filiales

1.3. Les modes personnels d'intégration des filiales

Selon Martinez et Jarillo (1989), les mécanismes informels recouvrent trois catégories d'instruments (p.495) :

• les relations latérales (groupes de projets, comités interfonctionnels, interdivisionnels et/ou internationaux, intégrateurs),

• les communications informelles (réseaux et contacts personnels, visites, réunions, conférences, emploi d'expatriés),

• la socialisation (formation et développement, gestion des carrières, expatriation).

Parmi les auteurs qui se sont plus spécifiquement focalisés sur l'emploi d'expatriés et sur les communications informelles comme moyens d'intégration, on peut citer Edstrom et Galbraith (1977) et Hulbert et Brandt (1980).

1.3.1. Edstrom et Galbraith (977) : les politiques d'expatriation

Edstrom et Galbraith (1977) considèrent le transfert du personnel comme un moyen de coordonner et contrôler les filiales dans les entreprises multinationales. A partir de l'étude de quatre entreprises européennes, ces auteurs relèvent trois types de politiques d'expatriation :

• l'expatriation dans le but de pourvoir à des postes vacants (cas de deux entreprises) : les expatriés y sont peu nombreux, ce sont pour la plupart des techniciens en début de carrière, ils proviennent du siège et sont employés dans les filiales où les compétences locales sont insuffisantes,

• l'expatriation dans l'objectif de développer les managers à potentiel (cas d'une entreprise) : les expatriés y sont relativement nombreux, ils ont des postes techniques ou administratifs, sont en début ou en milieu de carrière, proviennent du siège ou des plus importantes filiales et sont placés dans les filiales ayant des compétences locales insuffisantes ou ayant une compétence spécifique dont pourrait bénéficier l'ensemble,

• l'expatriation pour permettre la socialisation du personnel (cas d'une entreprise) : les expatriés y sont très nombreux, de tous âges, de toutes qualifications et de toutes nationalités, ils proviennent aussi bien du siège que des filiales et sont positionnés aussi bien au siège que dans les filiales.

Edstrom et Galbraith considèrent que ce troisième type d'expatriation permet d'opérer un contrôle des filiales par socialisation : la création d'un réseau international de contacts personnels, la multiplication des occasions d'échanges et de recueil d'informations verbales, l'accroissement des facultés d'adaptation, les changements continuels et fréquents provoquant une identification aux normes et aux valeurs de l'entreprise et un sentiment fort d'appartenance à une même entité permettent la coordination et le contrôle des filiales tout en conservant une structure décentralisée.

1.3.2. Hulbert et Brandt

(980) _

étude comparative des modes de contrôle et de communication

Hulbert et Brandt (1980) effectuent une comparaison d'entreprises multinationales d'origines nationales différentes : leur recherche porte sur 63 filiales brésiliennes d'entreprises américaines, japonaises et européennes. lis étudient plus particulièrement la délégation des décisions, les systèmes de planification et de contrôle, et les modes de communication entre les filiales et le siège (reporting et visites). Des différences importantes par nationalité d'origine apparaissent :

• les entreprises européennes se conforment à un mode de relations filiales-siège décentralisé, relativement peu formalisé, avec des niveaux faibles de communication et de contrôle. Le taux d'expatriés y est élevé: des hommes de confiance du siège détiennent les postes clés des filiales et disposent d'une grande latitude d'action. lis dirigent les filiales en entrepreneur et rendent compte personnellement de leurs résultats. Dans la filiale, donc, les décisions sont concentrées dans les mains du représentant du siège et la différenciation par rapport au siège y est extrêmement poussée. Les auteurs avancent un certain nombre d'explications historiques parmi lesquelles figurent la tradition coloniale et l'étroitesse du marché domestique des entreprises européennes,

• les entreprises américaines (ce qui est conforme aux résultats des travaux de Hedlund et Negandhi analysés plus haut) ont une gestion de leurs filiales beaucoup plus formalisée : la mise en place de systèmes uniformisés de planification et de reporting, de procédures, de manuels d'entreprises et de limites d'autorité permet une intégration forte des filiales, une autonomie relative des managers locaux (quoique très circonscrite) et une moins grande présence d'expatriés dans les filiales, au prix d'une rigidité et complexité globales importantes. Les raisons évoquées sont

essentiellement d'ordre culturelles et historiques : importance de la responsabilité contractuelle9, d'une structure clairement définie, mise en place uniforme d'un style de

management commun,

• les entreprises japonaises se conforment à un mode relativement centralisé, avec de nombreuses visites de représentants du siège et un nombre élevé d'expatriés. Les filiales japonaises semblent être très influencées par le style de management japonais ; simultanément, les managers japonais tentent avec difficultés de trouver un

système acceptable à la fois par les japonais et par les locauxlO• Ces difficultés seraient

dues, selon l'auteur, à un manque d'expérience des entreprises japonaises à

11

l'étranger .

On peut déduire de cette lecture de l'étude de Hulbert et Brandt trois modes dominants d'intégration:

• l'intégration par l'intermédiaire du directeur de filiale expatrié, qui fait la jonction entre le siège et les filiales, ces dernières étant très différenciées (cas des entreprises européennes ),

• l'intégration par l'unification et la formalisation des systèmes administratifs, de planification et de contrôle en particulier (cas des entreprises américaines),

• l'intégration par la centralisation des décisions (cas des entreprises japonaises), avec des tentatives d'adaptation des systèmes présents dans les fIliales.

1.3.3. Les modes personnels d'intégration et l'unification des systèmes

Les modes personnels d'intégration avancés par ces deux auteurs recouvrent donc trois domaines : l'emploi d'expatriés, la socialisation du personnel local et les relations interpersonnelles (visites, communications informelles). On peut véritablement parler de modes personnels d'intégration dans la mesure où ce sont

ks.

personnes. et non les systèmes (politiques, procédures, plans, budgets, etc.)

wn

permettent la jonction entre ~ filiales et ~ entreprises mères.

On peut distinguer deux stratégies différentes d'intégration: le transfert de personnel (facilitant les contacts personnels entre filiales et siège) et la socialisation du personnel des filiales (permettant l'intemalisation des normes de comportements de l'entreprise) :

9 Hulbert et Brandt se réfèrent ici à la notion d"'accountability". On ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec les travaux de d'Iribarne (1989) sur la logique du contrat qui sous-tend les relations employeurs-employés dans les entreprises américaines (voir également Segal, 1991, 1991b).

10 Ces résultats confmnent les recherches comparatives consacrées au transfert des systèmes de gestion japonais (et notamment Trevor, 1983 ; Negandhi et alii, 1985). Voir chapitre 3, section 2.2.

11 On peut noter que les mêmes raisons sont évoquées par Negandhi (Negandhi et Baliga, 1979; Negandhi et Welge, 1984 ; Negandhi, 1989) pour justifierrautonomie et la faible formalisation des filiales japonaises.

• dans le premier cas, les agents intégrateurs sont des managers à potentiel expatriés (Edstrom et Galbraith) ou des hommes de confiance du siège (Hulbert et Brandt). Les employés locaux ne sont pas soumis à un processus de socialisation.

TI

y a une "ligne de démarcation" entre ces agents intégrateurs représentants du siège et les autres membres du personnel de la filiale.

TI

est intéressant de noter qu'on retrouve cette idée chez les auteurs de management comparatif autour du concept de système dual (voir section 2.2 du chapitre 3),

• dans le second cas, les agents intégrateurs sont des managers acculturés (Edstrom et Galbraith). Tous les managers, qu'ils proviennent du siège ou des filiales, sont soumis au même processus de socialisation. Se constituent alors, dans chaque filiale, des "poches d'employés locaux, internationalisés et socialisés dans l'entreprise" (Edstrom et Galbraith, 1977, p.258) qui permettent d'aider à l'intégration des nouveaux venus et de transférer à l'ensemble du personnel local la culture de l'entreprise. Ceci rappelle également la stratégie d'acculturation développée par les entreprises japoanises dans leurs filiales (voir section 2.2 du chapitre 3).

La différence entre ces deux stratégies tient au nombre (seulement les dirigeants ou tous les managers) et à l'origine nationale (expatriés ou locaux) des agents intégrateurs. D'autres facteurs entrent également en jeu. Par exemple, Hulbert et Brandt remarquent que, dans le premier type d'entreprises, la différenciation des filiales s'accompagne d'une centralisation des décisions aux mains du directeur de la filiale12 (1980, p.142) :

"Historiquement, dans la plupart des entreprises européennes, le pouvoir de

décision est détenu par un petit nombre de dirigeants au siège et dans les filiales

étrangères. En conséquence, les liens organisationnels entre les sièges et les

filiales restent relativement distendus et non structurés. Parce que les décisions

importantes sont prises par les dirigeants soit au siège soit

à

l'étranger, il

y

a

moins besoin d'une

organisation élaborée conçue pour

décentraliser la

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