• Aucun résultat trouvé

Noua avons vu, au cours de la première partie de ce chapitre, ce qui est généralement entendu par processus de contrôle par les auteurs de contrôle de gestion : fIxation d'objectifs, mesure et

comparaison, rétroaction. Nous avons également souligné les diffIcultés qu'ont rencontré ces

auteurs à situer le contrôle par rapport aux étapes du processus et la vision partielle du contrôle

qui en résulte.

Conformément à un certain nombre d'auteurs mentionnés plus haut (Guchi, 1979 ; Jaeger et

Baliga, 1985 ; Snell, 1992), nous adoptons ici une perspective "élargie" du contrôle (selon les

termes de Snell, 1992, p.294) et incluons dans le processus de contrôle non seulement sa partie

centrale (ce que Katz, 1984, appelle les mécanismes actifs du contrôle), que nous intitulons la direction, mais aussi la rémunération, la sélection et la formation. Nous obtenons donc un processus de contrôle en quatre étapes, comme le montre la figure 2.4 :

(1) la direction25 recouvre la fixation d'objectifs ou de normes de référence (qui correspond à la

phase d'instruction opératoire de Child, 1984), la mesure des résultats obtenus et la comparaison avec les objectifs fixés (qui correspond à sa phase de rétroaction). Les objectifs fixés peuvent être plus ou moins précis ou de nature plus ou moins économique ; ils peuvent couvrir un horizon à plus ou moins long terme ; ils peuvent porter sur les comportements ou sur les résultats. On peut tirer de la lecture de Jaeger et Baliga (1985, p.Il8) quatre exemples d'objectifs: des objectifs de performance quantifiés, des normes qualitatives communes de performance, une philosophie commune de management, des procédures écrites. Chacun de ces exemples renvoie à un standard de comportement ou de résultat qui sert de référence pour les actions des personnes contrôlées et pour leur évaluation. Cette étape du processus de contrôle est la seule considérée par la perspective classique,

(2) la rémunération inclut l'ensemble des sanctions et récompenses attribuées en compensation du travail fourni et des performances obtenues. La rémunération renvoie à tous les éléments soulignés par Etzioni (1969), à savoir à des aspects de sécurité (emploi à vie), à des aspects économiques (primes, augmentations de salaires) et à des gratifications de nature honorifique (promotions, augmentation des responsabilités, citation en exemple) ou morale (inclusion dans le groupe, sentiment d'appartenance, etc.),

(3) la sélection regroupe le filtrage des membres de l'organisation,

(4) enfin la formation inclut non seulement l'enseignement des aspects techniques ou professionnels, mais aussi l'inculcation des normes de comportements et des valeurs de l'organisation que certains auteurs regroupent sous le terme de socialisation (Van Maanen et Schein, 1979; Katz, 1984; Jaeger et Baliga, 1985).

25 Traduction du terme anglais "monitoring" que les auteurs mentionnés ci-dessus utilisent. Voire note 20 à ce propos. Pour préciser notre position par rapport à ces derniers, nous incluons dans la phase "monitoring" révaluation mais pas la rémunération.

Figure 2.4

Perspective élargie du processus de contrôle

sélection

formation

avant

4.2.3. Notion de mode de contrôle

direction

Corn portem ent contrôlé pendant rémunération après Perspective élargie

Le mode de contrôle est un idéal-type de système de contrôle organisationnel que nous caractérisons à l'aide de deux dimensions : la dimension personnel-impersonel et la dimension hiérarchique-non hiérarchique. Ces deux dimensions reprennent partiellement les axes de différenciation des modes de contrôle mis en évidence par la littérature que nous avons analysée

plus haut. Elles s'appuient essentiellement sur le modèle de Boisot et Child (Child, 1984 ; Boisot, 1986, 1987; Boisot et Child, 1990).

La dimension personnel-impersonnel renvoie aux dichotomies formel-informel (Burns et Stalker, 1961), bureaucratique-culturel (Child, 1984 ; Jaeger et Baliga, 1985), organisations de type A-de type Z (Ouchi et Jaeger, 1978 ; Ouchi, 1981) et explicite-implicite (Snodgrass, 1984 ; Kreder et Zeller, 1988) avancées par la littérature26• Le tableau 2.6 reprend les caractéristiques de ces deux

types de contrôle. TI nous permet de dire qu'un contrôle de type impersonnel s'appuie sur une définition précise et formelle des fonctions, une sélection des employés sur la base de critères techniques ou professionnels, une individualisation des responsabilités et des carrières, la motivation sur la base de la conformité à des règles impersonnelles de comportements ou à des standards quantifiés de résultats et sur la base de rétributions externes liées à cette conformité. Ainsi, la coopération des individus s'obtient-elle par une adhésion individuelle calculée (pour reprendre la typologie de Etzioni, 1969) à l'effort commun et par une mise en commun des capacités techniques et des compétences professionnelles individuelles. A l'inverse, un contrôle de type personnel s'appuie sur une définition vague et informelle des fonctions, une sélection stricte et une socialisation intensive des employés, un partage des valeurs qui permet des promotions lentes, des responsabilités collectives et s'appuie sur des carrières de généralistes, une communication intensive et largement personnalisée.

L'adhésion

aux buts communs se fait sur la base de l'implication personnelle des individus, compensée par une protection assurée par le groupe.

26 Nous avons préféré utiliser cette terminologie de "personnel-impersonnel" (présente chez Reeves et Woodward, 1970, chez Child, 1984 et chez Boisot, 1986, 1987) pour éviter les ambiguïtés des autres terminologies: voir notes 10, 13, 14, 15, 16 et 18.

Tableau 2.6

Contenu de la dimension personnel-impersonnel défIni.à l'aide de la littérature

Un contrôle Burns Ouchi Mintz- Child Snod- Jaeger Boisot Lebas Bou- FiaI impersonneVperson- et et berg (1984) grass et (1986, et quin (1991) nel se caractérise Stalker Jaeger (1982) (1984) Baliga 1987, Weig. (1991)

1nar: (1961) (1978) (1985) 1990) (1986)

la formalisation x x x x x x x x x x

la spécialisation x x x x x x

l'impersonnalité x x x x de la communication

l'emploi à court terme/à vie x x x x

des évaluations et x promotions rapides/lentes

des x x responsabilités individuelles/col- lectives

l'importance des x x x x x contrôles comptables et budgétaires/de la socialisation et communication interne

des rétributions x x externes/internes

pas de nécessité/ x x x nécessité du partage des valeurs

La dimension hiérarchique-non hiérarchique recouvre les oppositions contrôle des comportements- des résultats (Ouchi, 1977 ; Merchant, 1982 ; Jaeger et Baliga, 1985), centralisation-délégation (Child, 1984), recours

à

la coordination hiérarchique-latérale (Boisot, 1986, 1987 ; Boisot et Child, 1990). Le tableau 2.7 reproduit le contenu de ces oppositions. Ainsi peut-on dire qu'un contrôle de type hiérarchique s'appuie sur une coordination verticale, essentiellement par le biais de la hiérarchie, et donc sur une communication descendante. Les compétences et l'information sont réparties de manière inégalitaire entre le haut et le bas de la hiérarchie, les décisions sont centralisées et le contrôle porte sur les comportements des employés et l'application des décisions.

A l'inverse, un contrôle de type non hiérarchique est fondé sur une communication latérale, la diffusion des informations et des compétences, une certaine délégation des décisions et la mise en place de mécanismes latéraux de coordination. Le contrôle porte sur les résultats (que ceux-ci soient formalisés sous forme d'objectifs quantifiés ou qu'ils prennent la forme de normes implicites de performance).

Tableau 2.7

Contenu de la dimension hiérarchique-non hiérarchique défini.à l'aide de la littérature

Un contrôle Burns Ouchi Mintz- Child Snod- Jaeger Boisot Lebas Bou- Fiol hiérarchique/non et et berg (1984) grass et (1986, et quin (1991) hiérarchique se Stalker Jaeger (1982) (1984) Baliga 1987, Weig. (1991)

caractérise par : (1961) (1978) (1985) 1990) (1986)

la concentration x x x x des compétences en haut de la hiérarchiena diffusion des compétences

la centralisationna x x x x x délégation des décisions une structure x x x x

hiérarchique/non hiérarchique x x x x

une communication descendante/ latérale x

des barrières/pas de barrières à la diffusion de l'information! x x x x x

un contrôle des comportements! des résultats x x

une distance hiérarchique/pas de distance hiérarchiQue

La combinaison de ces deux dimensions met en évidence quatre idéaux-types de modes de contrôle qui reposent principalement sur la typologie de Boisot et Child (Child, 1984 ; Boisot, 1986, 1987 ; Boisot et Child, 1990) : le contrôle personnel hiérarchique (modèle du fief), le contrôle personnel non hiérarchique (modèle du clan), le contrôle impersonnel hiérarchique (modèle de la bureaucratie) et le contrôle impersonnel non hiérarchique (modèle du marchë\ Le tableau 2.8 souligne les similitudes et les différences qui existent entre ces quatre modes de contrôle et les catégories des typologies présentées dans ce chapitre. TI montre ainsi que de nombreux recoupements existent entre ces différentes classifications. Par ce tableau, nous ne voulons pas recouvrir, à tous prix, toutes les typologies existantes, ce qui serait extrêmement ambitieux, mais nous souhaitons plutôt montrer qu'une relative cohérence existe entre notre modèle et les typologies de modes de contrôle existantes.

Les quatre catégories que nous avons ainsi identifiées sont, il convient de les souligner à nouveau, des idéaux-types de modes de contrôle (au sens de Weber, 1922) : ce sont des construits théoriques qui permettent de représenter la réalité.

n

est clair que ces représentations extrêmement simplifiées et ordonnées des organisations n'existent pas en tant que telles. Les organisations "réelles" en effet:

• peuvent utiliser simultanément plusieurs instruments de contrôle : un contrôle par les règlements peut par exemple être exercé conjointement avec un contrôle par le marché (Lebas et Weigenstein, 1986),

• voient coexister plusieurs systèmes de contrôle : on peut envisager qu:il existe des systèmes différents d'une division à l'autre, d'un département à l'autre (Boisot, 1987), et même au sein d'un même département d'un "couple supérieur-subordonné" à l'autre, ou que les cadres et les employés relèvent de systèmes différents (Snodgrass, 1984 ; Snell, 1993). On peut aussi rencontrer des situations où le "contrôle invisible" exerce des influences complémentaires, neutres ou contradictoires par rapport au système de contrôle organisationnel (Bouquin, 1988, p.20),

• sont plus complexes que ce que leur positionnement sur deux dimensions peuvent le laisser entendre.

Ceci doit nous contraindre à une certain prudence dans l'interprétation de nos résultats.

27 TI ne s'agit pas, comme chez Ouchi (1980), de l'institution économique du marché mais du mode de régulation des comportements que produit cette institution et qui est introduit dans l'entreprise (comme le montrent par exemple Lebas et Weigesntein, 1986, p.265 ; Hennart, 1991, p.72).

Tableau

il

Les quatre idéaux-types de modes de contrôle

l'aune de la littérature

Contrôle Contrôle Contrôle Contrôle Remarques impersonnel impersonnel personnel personnel

hiérarchique non non hiérarchique hiérarchique hiérarchique

Burns et Stalker Type

--

Type

--

Chez ces auteurs, les dimensions (1961)/Perrow mécaniste/ organique/ "hiérarchique" et "impersonnalité" (1970)/ Kreder et planification ajustement des contrôles ne sont pas

Zeller (1988) /modè1e mutuel! indépendantes systémique modèle

behavioral

Reeves et Impersonnel Personnel Chez cet auteur, les deux types de Woodward (1970) contrôle sont "hiérarchiaues" Ouchi (Ouchi et Contrôle des Contrôle des

--

--

Le contrôle rituel présenté en 1977 Maguire, 1975 ; comporte- résultats par Ouchi n'est pas vraiment du Ouchi,1977) ments contrôle personnel: c'est une

apparence de contrôle

Ouchi (1979, Hiérarchie Marché Clan

--

Il n'y a pas chez Ouchi de contrôle

1980) personnel hiérarchique

Ouchi (1981)/ Type A/contrôle Type Z!contrôle Il n'y a pas chez ces auteurs de Jaeger et Baliga, bureaucratique/contrôle culturel!contrôle implicite dimension "hiérarchique" 1985)/ Snodgrass explicite

(1984)

Merchant (1982)/ Contrôle des Contrôle des Contrôle du

--

Même remarque pour ces auteurs Snell (1992) actions/des résultats personnel!

comporte- des entrants ments

Mintzberg (1982) Standardisa- Standardisa- Ajustement Supervision Nous n'avons pas inclus la tion des tion des mutuel directe standardisation des normes et des procédés résultats qualifications qui, pour Mintzberg, opèrent un contrôle fondé sur le partage des valeurs avec une certaine délégation des décisions. Le fait, cependant, que ces normes et qualifications fassent l'objet d'une certaine standardisation (et donc d'une formalisation) les rend cependant plus proches d'un contrôle de type impersonnel. Boisot (1986, Bureaucra- Marché/ Clan! Fief/

1987) / Child tie/ contrôle contrôle des contrôle contrôle (1984 ; Boisot et bureaucra- outputs culturel personnalisé Child, 1990) tique centralisé

Lebas et Pyramide Marché Famille Les "machines" opèrent un contrôle Weigenstein de type impersonnel et fondé sur (1986) une certaine décentralisation. En cela, ils se rapprochent du modèle du marché. Ils diffèrent cependant par le fait que les marchés reposent sur des mécanismes externes (les prix) alors que les machines utilisent des règles internes. Les familles opèrent un contrôle par la culture et sont fondées sur l'ordre hiérarchiQue LlS

Bouquin (1991) Solution Direction ThéorieZ

--

Même remarque que pour Ouchi bureaucra- par objectifs (1979, 1980)

tiaue

Fiol (1991) Contrôle par Contrôle de Contrôle par Contrôle par Cet auteur souligne les similitudes les gestion la culture les facteurs de sa propre typologie avec celle de règlements de Boisot. Il souligne également qu'il et satisfaction existe une différence essentielle procédures entre les deux: le modèle de Boisot

ne met pas en évidence la complémentarité des différents idéaux -types de modes de conver~ence des buts (p.650)

Néanmoins, le niveau d'analyse auquel nous nous plaçons (le système de contrôle organisationnel de chaque filiale et non de chaque département ou de chaque service) et l'intérêt que nous portons aux politiques mises en place par les dirigeants nous obligent à une modélisation (et donc à une simplification) de la réalité et à une focalisation sur le système de contrôle organisationnel tel qu'il est perçu et restitué par l'équipe dirigeante. De plus, l'instrumentation théorique développée dans ce chapitre nous permet de représenter et de comparer les systèmes de contrôle organisationnel présents dans des organisations d'activités, de statuts et d'origines extrêmement disparates. Pour prendre un exemple, on peut supposer que le mode impersonnel hiérarchique est plus représentatif des sociétés françaises que des britanniques (Boisot, 1986 ; Lebas et Weigenstein, 1986) ou que le mode personnel hiérarchique traduit les modes de contrôle usuels des entreprises chinoises et de certaines entreprises japonaises (Boisot, 1986; Boisot et Child, 1990). Ceci a pour nous un intérêt essentiel lorsque l'on se place, comme nous allons le faire au chapitre 3, dans la perspective d'une recherche comparative.

28 Cet aspect n'est pas très clair chez Lebas et Weigenstein (1986) pour lesquels le contrôle par la culture est assorti d'une minimisation de la coordination hiérarchique. Chez Hofstede (1994) cependant, les "familles" sont fondées sur la concentration de l'autorité et des décisions en haut de la hiérarchie qui est représenté par la figure du père ou du grand-père tout puissant (p.188).

CHAPITRE 3

LES APPROCHES DU MANAGEMENT COMPARATIF:

Outline

Documents relatifs