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Les perspectives globales proposent pour la plupart des typologies d'entreprises On en dénombre principalement deux : les typologies en deux ou trois classes différenciées le long

d'un axe unique et les typologies en trois ou quatre classes situées le long de deux axes de

différenciation.

3.1.1. Les perspectives unidimensionnelles

Perlmutter (1969) est sans conteste le précurseur de ce que nous avons intitulé les

"perspectives globales". Partant de la question de la nature des entreprises multinationales,

Perlmutter délimite trois degrés de "multinationalité" en se fondant sur les attitudes des cadres

et

des

dirigeants par

rapport

aux "idées, ressources

et personnes provenant

de

l'étranger"(p.lO) :

• les entreprises ethnocentriques sont celles au sein desquelles les dirigeants sont

totalement orientés vers la maison mère ("home-country oriented") : les standards de

performance sont ceux de la société mère, les flux de communication vont du siège aux filiales, les dirigeants proviennent de l'entreprise mère, les décisions y sont centralisées. L'idée sous-jacente peut se résumer à la formule: "ça marche au siège; ça doit donc marcher dans votre pays" (p.12),

• les entreprises polycentriques sont celles au sein desquelles les dirigeants sont totalement orientés vers les filiales ("host-country oriented") : les normes de performance sont locales, les flux de communication entre les filiales et le siège sont peu importants, le personnel est recruté localement et la gestion des carrières est circonscrite à chaque pays, les décisions sont décentralisées. Les dirigeants pensent que la meilleure gestion des filiales est faite par des locaux et que la filiale doit avoir "une identité aussi locale que possible" (p.12),

• les entreprises géocentriques sont celles au sein desquelles les dirigeants sont totalement orientés vers l'international ("world-oriented") : les normes de performance sont à la fois universelles et locales, les flux de communication entre le siège et les filiales sont intenses et multilatéraux, il n'y a pas de nationalité dominante parmi les dirigeants, les décisions sont prises en collaboration entre le siège et les filiales. Comme le déclare Perlmutter (1969, p.l3) :

"Le géocentrisme se résume

à

la déclaration d'intentions d'un président

d'Unilever : 'nous voulons unileveriser nos indiens et indianiser nos

unileveriens '. "

Cette classification des entreprises en trois types, de la moins à la plus "multinationale", a inspiré un certain nombre d'auteurs qui utilisent d'autres termes et caractérisent ces trois étapes de façon différente mais dont les typologies restent très proches de la perspective de Perlmutter.

Kindleberger (1984), par exemple, s'intéresse à l'attitude des entreprises par rapport au risque de change, aux profits réalisés à l'étranger, aux joint-ventures, aux politiques de recherche et de développement de nouveaux produits, aux relations filiales-gouvernements, etc., qu'il décline en trois catégories : les entreprises nationales avec des activités à l'étranger, les entreprises multinationales et les entreprises internationales.

Hedlund (1986) se focalise sur le type d'environnement, les choix stratégiques des entreprises multinationales et la structure des relations entre le siège et les filiales ; il délimite trois types de structure : la hiérarchie qui correspond au type ethnocentrique de Perlmutter, le marché, proche du type polycentrique, et la "hétérarchie", correspondant au type géocentrique, qu'il définit comme une structure constituée de plusieurs centres, où les responsabilités sont

partagées entre toutes les entités et où les décisions sont prises par formation de coalitions. La hétérarchie ressemble fort à une fédération gérée sur le mode du clan.

On peut enfin établir un parallèle entre la typologie de Davidson (1984) et celle de Perlmutter, bien que la référence au modèle de Perlmutter ne soit pas faite par Davidson. Cet auteur s'intéresse au concept de "flexibilité administrative" qu'il définit comme (p. Il) "le degré de différentiation des styles de gestion adoptés par les unités". Le "style de gestion" inclut pour Davidson aussi bien la centralisation des décisions que la définition des objectifs, les systèmes de mesure, les structures, et les systèmes de planification et de contrôle : une société qui permet une grande variété de pratiques de planification ou de critères d'évaluation des performances entre les unités qui la composent atteint, selon lui, un haut niveau de flexibilité administrative. Ce concept

est

donc très proche du concept de fragmentation ou d'unification des systèmes au sein d'une entreprise. Dans un deuxième temps, Davidson délimite trois "orientations administratives", correspondant à trois degrés de flexibilité administrative:

• le modèle "flexible autonome" correspond aux entreprises qui laissent aux unités une grande autonomie dans l'adoption de leurs systèmes et de leurs pratiques. Ces entreprises suivent le modèle du holding avec une équipe centrale extrêmement réduite et une grande différenciation des unités,

• le modèle "flexible coordonné" inclut les entreprises pour lesquelles la diversité d'approches est orchestrée par le centre. TIrésulte de cette perspective une certaine flexibilité administrative malgré l'existence de "parties" de systèmes unifiés et d'une importante équipe de fonctionnels au siège. Ces entreprises sont des groupes industriels diversifiés,

• le modèle "centralisé" comprend les entreprises qui appliquent des systèmes-uniformes et standardisés, définis par le centre,

à

toutes les unités. Les équipes de fonctionnels sont dans ces entreprises relativement réduites et leur rôle limité à garantir la standardisation des systèmes dans l'ensemble des unités. Ces entreprises sont décrites comme des conglomérats.

Davidson montre la supériorité des résultats financiers des opérations internationales des entreprises qui suivent le modèle flexible coordonné. Cette supériorité serait due, selon lui, au fait qu'une importante équipe centrale s'attache à la coordination des unités et qu'en même temps, ces dernières ont la possibilité de s'adapter à leurs environnements différenciés. On retrouve ainsi la problématique intégration-différenciation.

En effectuant un parallèle avec la typologie de Davidson, on peut déduire de la lecture des différents auteurs que :

• le type ethnocentrique est caractérisé par l'unification des systèmes et des stratégies, le "modèle" appliqué dans les filiales étant celui de la société mère. La duplication du

système parental dans les filiales vient, selon Perlmutter, de l'attitude "suffisante" des dirigeants et de leur croyance en la supériorité de ce qui provient de la maison mère. Elle provient également, comme le laisse entendre Kindleberger, de l'incapacité de ces entreprises à s'adapter à l'étranger, ce qui les conduit à reproduire le modèle parental dans les filiales. Elle est enfin cohérente avec la structure hiérarchique et avec la stratégie d'exploitation des avantages compétitifs détenus par l'entreprise mère qui caractérisent ces fumes selon Hedlund,

• le type polycentrique se distingue par une fragmentation des systèmes et des stratégies entre les différentes filiales et l'entreprise mère: selon Perlmutter, la gestion des filiales y est "la plus locale possible" ; pour Kindleberger, les filiales se conforment aux législations, normes et pratiques locales ; pour Hedlund, les différentes entités se situent dans des environnements cloisonnés avec des contacts et des échanges réduits, ce qui favorise la fragmentation des systèmes; pour Davidson, ces entreprises ont une équipe centrale extrêmement réduite et une philosophie de gestion décentralisée qui laisse à chaque unité la responsabilité de son adaptation aux environnements locaux, • le type géocentrique est caractérisé à nouveau par l'unification des systèmes et des

stratégies, assorti cependant d'un certain degré de fragmentation selon Davidson. Le modèle adopté est un modèle "universel" ou "transnational" lorsque les normes de résultats et de comportements sont déterminées en collaboration avec le siège et les filiales comme le décrivent Perlmutter et Hedlund, ou parental lorsque l'adaptation des systèmes est coordonné par le siège comme le pense plutôt Davidson. On peut donc s'attendre à une modification des systèmes présents dans les filiales et dans la société mère, jusqu'à l'obtention d'un compromis acceptable par tous, ou bien, selon Davidson, on peut admettre l'existence de systèmes intégrés à côté d'autres systèmes plus fragmentés.

Cette typologie en trois classes est intéressante dans la mesure où, comme nous venons de le montrer et comme le résume le tableau 4.4, elle permet un lien immédiat avec la problématique de l'unification et de la fragmentation des systèmes de contrôle au sein des entreprises multinationales. Elle comporte cependant des présupposés critiquables qu'il convient de souligner ici :

Tableau 4.4

Tableau récapitulatif des perspectives globales en trois classes et implications sur l'unification des systèmes

au sein ~ entreprises multinationales

Auteurs Axe de Type 1 Type

n

Type

nI

différenciation

Perlmutter Attitude des Ethnocentrique Polycentrique Géocentrique

(1969) dirigeants vis-à-

vis de l'étranger

Davidson (1984) Flexibilité Centralisé (type Flexible Flexible

administrative ou conglomérat) autonome (type coordonné (type

variété des styles holding) groupe industriel

de gestion diversifié)

Kindleberger Ensemble National avec des Multinational International

(1984) d'attitudes, de activités à

politiques et de l'étranger pratiques

Hedlund (1986) Structure des Hiérarchie Marché Hétérarchie

relations siège- filiales

Implications Unification des Forte Faible Moyenne à forte

systèmes

Modèle de Modèle parental Modèle local Modèle universel

référence ou parental

• on peut aisément entrevoir un jugement normatif derrière les critères choisis par Perlmutter pour classifier les entreprises multinationales : l'échelle classe les entreprises en fonction de leur plus ou moins grande tolérance envers l'étranger. Un raccourci immédiat conduit à dire que les entreprises les plus "tolérantes" sont les plus performantes 17. Ceci paraît cependant difficilement testable en utilisant un unique

critère d'attitude qui promet d'importantes difficultés d' opérationalisation. Cette connotation normative, présente chez Perlmutter, n'est cependant pas apparente chez les autres auteurs ;

• une hypothèse implicite de convergence des organisations vers une forme organisationnelle unique se retrouve chez trois auteurs (sauf Davidson, qui remarque tout de même une performance supérieure de la forme "flexible coordonnée" sur les autres). Cette hypothèse est conforme au modèle de Stopford et Wells (1972) qui

17 Ce que Davidson démontre d'ailleurs en utilisant des critères de résultats fmanciers, mais en prenant la mesure, non pas des attitudes, mais de la flexibilité administrative.

présume la supériorité de la structure matricielle (le parallèle entre les trois types d'entreprises et les trois étapes du modèle de Stopford et Wells est d'ailleurs fait par Hedlund). L'hypothèse de convergence laisse supposer un déterminisme fort dans l'adoption des attitudes, des stratégies ou des structures par les dirigeants : selon ces auteurs, plus l'activité internationale grandit, plus les dirigeants sont conduits à "penser en termes mondiaux" et à abandonner leurs principes antérieurs. il est tout à fait possible de présumer cependant que les attitudes, ou les structures, ou les positions stratégiques, peuvent parfois rester intactes malgré la pression des événements, comme le laissent d'ailleurs entendre les leçons tirées par Bartlett et Ghoshal sur certains cas d'entreprises multinationales (1989, p.54):

"Cenains chercheurs pensent que les entreprises peuvent modifier leur

stratégie ou la structure formelle de leur organisation pour retrouver la

cohérence entre les deux. Nos résultats, cependant, suggèrent que de tels

changements sont très difficiles

à

réaliser, puisque, aussi bien la

stratégie que la structure sont des produits de l'héritage administratif,

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