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CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE

SECTION 4 : TRAVAUX RELATIFS AUX CPGE

3. Travail personnel en école d’ingénieurs : la thèse de N Adangnikou

Dans sa thèse, Adangnikou (2007) propose une évaluation de l’efficacité de l’enseignement supérieur français, en se penchant particulièrement sur le cas des CPGE de voie scientifique. Ainsi, la question centrale de la thèse est la suivante : « Les classes

préparatoires contribuent-elles à développer chez les étudiants des comportements spécifiques qui, d’une part, les distingueraient des étudiants passés par d’autres formations bac +2 et, d'autre part, leur permettraient par la suite une meilleure réussite académique ainsi qu'une meilleure réussite professionnelle ? » (p.24). Afin de pouvoir

comparer les pratiques d’étude des étudiants de classes préparatoires scientifiques et celles des autres étudiants des formations bac +2 scientifiques, il cherche à mettre en place un outil d’investigation qui « permettrait de connaître l'intensité du recours aux

différentes pratiques d’étude et […] d’en départager l’origine entre la part liée à la formation bac +2 et celle liée à la scolarité antérieure » (p.113). Après une phase

exploratoire, comprenant notamment des entretiens avec des étudiants et enseignants d'universités ou d'écoles d'ingénieurs, Adangnikou développe ce qu’il appelle une "représentation stylisée de la formation en classes préparatoires" ayant comme élément central les variables liées à la productivité scolaire (rythme de travail, méthodes de travail et compétences). Celle-ci lui permet d’élaborer un questionnaire qu’il fait passer dans des écoles d’ingénieurs à recrutement mixte, auprès d’étudiants en première année issus surtout de CPGE, mais aussi de DEUG, DUT et BTS50, avec pour principal objectif d'appréhender leurs pratiques d’étude. Le questionnaire développé est formé de 74 propositions qui sont associées à quatre stratégies d'apprentissage : stratégies cognitives, stratégies métacognitives, stratégies affectives et stratégies de gestion des ressources. Il demande aux étudiants une auto-évaluation de la fréquence (échelle de notation de 1 à 5)

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de leurs pratiques d’étude et compétences avant et après leurs deux premières années d'études supérieures.

Pour ce qui est de l’efficacité interne, soit « l'analyse d'effets sur les apprenants, et sur

le système de formation » (p.26) ou en d’autres termes la réussite dans les études, nous

retiendrons les principaux résultats en rapport avec le rythme du cours et les stratégies d’apprentissage cognitives, en comparant les étudiants issus de CPGE avec ceux de DEUG. En premier lieu, les étudiants des classes préparatoires, ayant en perspective le concours et devant gérer une lourde charge de travail se trouvent obligés de trouver des moyens pour maximiser leur temps de travail. C’est ce que note Millet (2003) pour les étudiants de médecine en les opposant aux étudiants de sociologie. On retrouve également ici les résultats sur le rapport au temps du travail de Darmon (2013) ainsi que de Daverne et Dutercq (2013). Ainsi, il semble que les étudiants de CPGE travaillent systématiquement plus que les autres en dehors des cours, révisent plus régulièrement leurs cours, sont plus persévérants pour accomplir le travail et sont plus nombreux à se fixer un plan de travail afin d’organiser leur temps. De même, ils ont moins de difficultés que les autres à suivre le rythme des cours en école d’ingénieurs grâce à leur formation en CPGE. En second lieu, nous relevons quelques résultats en rapport avec les stratégies d’apprentissage cognitives. Celles-ci sont de cinq types : stratégies cognitives de répétition (consiste à reprendre l'information telle qu'elle est présentée sans la modifier), d'élaboration (imposer une signification aux connaissances afin de les rendre plus compréhensibles et ainsi de mieux les assimiler), d'organisation (établir des liens au sein des nouvelles connaissances à apprendre), de généralisation et de discrimination (savoir quand et pourquoi apprendre un savoir ou utiliser une technique). Les stratégies de répétition sont plus particulièrement développées par les étudiants issus de CPGE. Pour les stratégies d’élaboration, ils sont plus nombreux que les autres étudiants à chercher à connaître les démonstrations des formules et à retenir la démarche pour retrouver les formules qui doivent être apprises plutôt que de se contenter de les apprendre par cœur. Par contre, seule une minorité d’entre eux s’investit dans l’aspect cours des stratégies d’organisation (réécriture personnalisée du cours dans les fiches, réalisation de schémas de synthèse), le travail organisateur sur le cours étant généralement plus répandu en DEUG. Ceci fait écho avec les interprétations de Castela (2011) qui souligne que

« l’apprentissage du cours est un enjeu qui est plus mis en avant par la population universitaire que par les élèves de la classe préparatoire » (p.86). Adangnikou attribue

cela au caractère complet et structuré des cours proposés en CPGE qui permet d’alléger le travail complémentaire des étudiants, même si le recours à des sources d'informations complémentaires (manuels, ouvrages…) reste majoritaire en CPGE ainsi qu’en DEUG. Quant à l’aspect exercices des stratégies d’organisation (prise de note des subtilités de résolution rencontrées dans les exercices afin de s’en souvenir), il semble légèrement plus présent parmi les étudiants issus de DEUG que ceux de CPGE, ce qui est contradictoire

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avec ce que trouve Castela (2011) concernant le fait de considérer les exercices comme une source d’idées à retenir, tendance plus répandue en CPGE qu’à l’université. Enfin, pour les stratégies de généralisation, le fait de chercher à changer les données des exercices que l'on vient de résoudre est une pratique très minoritaire, plus présente en DEUG qu'en CPGE.

Adangnikou conclut sa thèse sans revenir sur les différences en termes de gestes d’études, mais en soulignant le fait que : « [par rapport aux] stratégies d’apprentissage, il

apparaît que les étudiants des classes préparatoires ne se distinguent singulièrement des autres que pour quelques domaines spécifiques. Sans véritable surprise, il s'agit d’éléments résultant plus particulièrement du contexte et du rapport aux études plus particulièrement marqué par la concentration sur des activités scolaires. Ainsi les étudiants des classes préparatoires se distinguent des autres concernant la priorité qu’ils accordent au travail scolaire, le rythme soutenu et la persévérance dans le travail, le stress lié au rythme et l’interrogation sur la pertinence de tout ce qu’ils apprennent. Le recours aux stratégies d'apprentissage montre également que les étudiants des classes préparatoires ont des comportements qui ne sont pas aussi uniformes qu'on aurait pu le supposer. [Ils] semblent avoir une capacité de travail plus affirmée durant la formation bac +2, un pouvoir de concentration plus important, une plus grande capacité à suivre un rythme de cours soutenu, une plus grande aptitude d'organisation du travail, une plus grande persévérance, une plus forte capacité d'apprentissage et des connaissances en mathématiques et physique plus importantes » (pp.224-225).

De plus, les résultats des étudiants au cours des deux premières années d’école d’ingénieurs ne montrent pas de différence de réussite en faveur des étudiants des classes préparatoires. Adangnikou explique cela par plusieurs facteurs. D’abord, le fait que ces étudiants se trouvent souvent dans ces écoles qui ne sont pas les mieux cotées par choix forcé, n’ayant pas intégré l’école souhaitée. En classes préparatoires, ils n’étaient vraisemblablement pas parmi les meilleurs et peut-être pas parmi les plus motivés. Enfin, le processus d'homogénéisation qui s'opère durant la formation à l'école contribue à lisser les différences entre les étudiants issus de CPGE et ceux des autres formations. Néanmoins, l’hypothèse selon laquelle les étudiants des classes préparatoires développeraient des méthodes de travail efficaces qui les différencieraient des autres n’est pas pour autant invalidée. Par ailleurs, même si nous ne nous sommes pas intéressées à l’efficacité externe, il faut signaler que si les données ne révèlent pas une meilleure réussite académique des étudiants ingénieurs issus de CPGE, leur réussite professionnelle est meilleure.

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Parmi les rares travaux sur le travail personnel des étudiants en CPGE, l’étude de Castela dans la continuation de laquelle se situe notre travail, s’intéresse aux gestes d’étude en mathématiques réalisés par les étudiants en comparant les deux institutions CPGE et Université. Castela cherche à mettre en évidence des indices en faveur de son hypothèse que les classes préparatoires favorisent plus que l’université la construction de connaissances praxéologiques sur le fonctionnement mathématique. Elle s’intéresse particulièrement au type de rapport au savoir mathématique et aux formes de travail que développent les étudiants de chaque institution en fonction de leur niveau de réussite, prenant en compte les aspects de l’organisation institutionnelle qui les déterminent. Ses résultats montrent que les étudiants de CPGE ont un style de travail particulier autour des exercices, qui les pousse à décontextualiser et à chercher des formes transférables dans la résolution d’exercices plutôt que de se limiter à un simple entraînement, contrairement à ceux de l’université qui accordent moins d’importance aux connaissances pratiques.

Dans sa thèse, Najar explore les facteurs potentiellement à l’origine des difficultés que rencontrent des étudiants de CPGE scientifiques en Tunisie en algèbre et analyse. Il consacre une partie de son analyse à l’exploration des modalités de travail personnel pour la préparation d’une épreuve et leurs effets sur la formation des étudiants sous l’influence des contraintes institutionnelles, en comparant le secondaire et le supérieur. Ses conclusions rejoignent celles de Castela, soulignant l’importance de l’acquisition des connaissances pratiques et l’influence du contexte institutionnel sur les méthodes de travail des étudiants.

Par ailleurs, Adangnikou s’intéresse au travail personnel des étudiants en école d’ingénieurs. Il compare les pratiques d’étude des étudiants de classes préparatoires scientifiques et celles des autres étudiants des formations bac +2 scientifiques dans une perspective d’évaluation de l’efficacité de l’enseignement supérieur français. Ses résultats sont congruents à ceux de Castela, Darmon, Daverne et Dutercq, ils mettent en évidence des dispositions et méthodes de travail que développent les étudiants de CPGE mais pas ceux d’autres formations (notamment DEUG). En effet, l’enquête montre que, même sans nécessairement avoir une meilleure réussite académique, les étudiants des classes préparatoires se distinguent des autres sur plusieurs aspects, notamment la priorité qu’ils accordent au travail scolaire, le rythme soutenu et la persévérance dans le travail, le stress lié au rythme et l’interrogation sur la pertinence de tout ce qu’ils apprennent. De plus, ils développent des méthodes de travail efficaces qui les différencieraient des autres, sans toutefois avoir des comportements uniformes.

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