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CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE

SECTION 2 : TRAVAUX PORTANT SUR LE LYCÉE

2. Étude transversale au lycée : C Michaut

Dans la prolongation de son travail de thèse soutenue en 2001, Michaut (2013) s’intéresse particulièrement au travail des lycéens concernant les devoirs à la maison dont il considère qu’ils « constituent une composante essentielle du métier d’élève » (p. 1) et sont une condition indispensable de la réussite scolaire. En 2012, il réalise une enquête par questionnaire afin d’explorer les disparités du temps de travail personnel et les méthodes de travail des lycéens, auprès de 1618 lycéens, prenant en compte tous les niveaux et voies de formation (seconde, première, terminale, voies générales, technologiques et professionnelles) mais sans considérer une discipline particulière d’enseignement.

Dans un premier temps, les réponses des participants permettent de percevoir la répartition du temps de travail hebdomadaire, et ensuite d’expliquer ces disparités grâce à des caractéristiques sociodémographiques et scolaires. Le temps personnel déclaré varie d’un élève à l’autre selon ses capacités, sa méticulosité, ainsi que les injonctions professorales déterminées par des contraintes disciplinaires et institutionnelles, et dépend aussi de l’environnement de travail. De plus, le temps déclaré peut correspondre à la durée réellement consacrée aux devoirs et donc refléter le niveau d’engagement des élèves, comme il peut inclure le temps perdu à divers moments d’activités non scolaires. Les résultats montrent une forte dispersion entre les lycéens pour la durée du temps de travail. Les filles sont plus studieuses que les garçons : elles sont nettement plus nombreuses à travailler régulièrement et pendant plus longtemps, à relire le cours, le compléter, le remettre au propre, et faire des fiches. Michaut explique cela par des dispositions antérieures acquises dès le primaire (voir Kapko et Rayou) et un apprentissage précoce de l’autonomie du travail. Si le genre est un facteur différentiateur, le niveau scolaire n’en est pas un avec peu de différences entre les meilleurs et les autres, contrairement à la filière. Ceci conforte l’un des résultats de la recherche de Barrère (1997). En effet, les lycéens généraux et technologiques travaillent davantage que les lycéens professionnels, mais cela peut être expliqué en partie par la nature des enseignements et les exigences des formations professionnelles. Par ailleurs, ces derniers sont moins impliqués dans le travail scolaire que les autres (travail moins régulier, moins d’aide et d’échanges avec les autres) et ont des comportements plus "déviants" (distraction, plagiat, triche…). Enfin, l’internat constitue un espace favorable au travail, les élèves qui y sont hébergés travaillent plus que les autres, surtout en semaine, plus régulièrement, et demandent plus d’aide ; ils ont recours à des méthodes "traditionnelles" en raison des contraintes de l’hébergement.

Michaut cherche ensuite à repérer les manières d’étudier. Il considère que « la mise

en forme des informations saisies en classe, la réalisation des devoirs et la révision des cours constituent l’essentiel du travail hors classe des lycéens » (p.4). Les réponses

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révèlent que les formes d’études les plus répandues sont, par ordre décroissant, la relecture du cours, l’apprentissage par cœur et la réalisation des exercices, les élèves cherchant moins à faire des fiches ou à réaliser des recherches complémentaires. Le type d’activité dans laquelle s’engagent les élèves détermine le temps de travail : Michaut oppose les stratégies d’apprentissage en profondeur (par exemple faire des fiches synthétiques) qui nécessitent plus de temps aux stratégies d’apprentissage en surface (par exemple se contenter de relire le cours). Par ailleurs, il semble que les élèves qui sollicitent l’aide de l’entourage ou des enseignants travaillent plus que ceux qui s’isolent. Enfin, bien que l’ordinateur occupe une place importante dans la réalisation des devoirs surtout pour la recherche et peu pour la prise de note, les élèves s’en servent beaucoup plus pour des usages récréatifs que scolaires.

Enfin, Michaut établit une classification de quatre figures de lycéens (dilettante, productif, oisif, et laborieux) qui permet de décrire les méthodes de travail privilégiées par chaque type d’élèves. Il recherche des liens entre les méthodes choisies d’une part, le niveau scolaire, le temps de travail personnel, les activités extrasolaires et les critères sociodémographiques d’autre part. Les "productifs", surtout des filles issues de milieux favorisés, inscrit dans une filière générale en première et terminale, et ayant un bon niveau scolaire de départ, sont les plus studieux : ils travaillent nettement plus que les autres lycéens, utilisent les manuels, et ont recours à l’aide des enseignants. Les "laborieux", surtout des élèves de seconde et de voie technologique, ressemblent aux "productifs" en termes de méthodes de travail et sont plus méticuleux, mais obtiennent des résultats moins bons malgré leur engagement dans un travail considérable et le respect des règles scolaires. Les "dilettantes", en général des bons collégiens issus de milieux intermédiaires ou favorisés et ayant rejoint la voie générale, s’opposent aux "productifs" : ils travaillent moins et cherchent les méthodes rapides sans perte de temps ; au niveau des loisirs peu tournés vers le numérique, ils choisissent plutôt des activités extrascolaires culturelles ou sportives. Enfin les "oisifs", élèves ayant eu des difficultés dans leurs parcours scolaires, issus de milieux défavorisées, inscrits dans les filières professionnelles, ont des méthodes de travail opposées à celles des "laborieux" ; leurs activités extrascolaires se focalisent sur les loisirs numériques. Il est alors possible de faire un rapprochement entre ces quatre figures et celles définies par Barrère (1997) : d’abord, les "productifs" correspondraient aux "bosseurs" avec leurs bons résultats et leur engagement vis-à-vis du travail, auxquels s’opposent les "laborieux" dont le profil ressemble au "forçat" avec des résultats qui ne reflètent pas l’assiduité du travail ; par ailleurs, nous pouvons associer les "dilettantes" aux "touristes" dont les résultats sont meilleurs que le travail effectué, tandis qu’à l’opposé les "oisifs" se rapprochent plutôt des "fumistes".

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Pour conclure, les résultats montrent que les manières d’étudier des lycéens sont extrêmement variées, et « fortement dépendantes du travail prescrit par les enseignants ;

elles représentent […] l’effort fourni par les lycéens, leur méticulosité, et leur efficacité dans la production des devoirs » (p.7). L’enquête met donc en évidence une diversité de

la durée et des modalités du travail personnel des lycéens qui sont moins corrélées aux performances scolaires qu’au genre, à l’origine sociale et à la filière.