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CHAPITRE I : LE CONTEXTE DE LA RECHERCHE

SECTION 2 : TRAVAUX PORTANT SUR LE LYCÉE

4. La classe de Première Scientifique : les travaux de C Castela

Castela a initialement centré son travail sur la résolution de problèmes. Elle postule que tout problème a en mathématiques une dimension générique qui n'est pas totalement prise en charge par le savoir essentiellement théorique explicitement enseigné et institutionnalisé. Des connaissances complémentaires, d’orientation pratique, considérées comme relevant d’une technologie pratique dans le modèle praxéologique (Castela, 2008b) sont considérés comme des appuis favorisant l’approche de problèmes nouveaux, surtout pour ceux dont la solution suppose des prises d’initiative. Nous reviendrons plus précisément sur ce point à travers notre cadre conceptuel (cf. chapitre III).

Castela s’intéresse notamment à la Première Scientifique, classe qui est marquée pour de nombreux élèves jusque là en réussite en mathématiques par une baisse notable dans la hiérarchie scolaire. Pour Castela, ceci s’explique par le phénomène suivant : le rythme imposé par l’ampleur des programmes et les horaires disponibles imposent aux enseignants de réduire notablement par rapport au collège l’étude en classe de chacun des objets étudiés. On assiste ainsi à un désengagement de l’institution d’enseignement vis à vis de l’étude des praxéologies mathématiques et de la construction des connaissances

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pratiques. Nous notons que ces hypothèses ont trouvé une forme de validation au niveau de la seconde dans la thèse d’Erdogan (2006). Plus on avance dans la scolarité au lycée, plus les problèmes à résoudre exigent que les élèves prennent des initiatives. Les lycéens doivent donc investir un territoire de l’étude autonome, en plus du travail organisé par l'enseignant, pour que les savoirs enseignés et les expériences mathématiques vécues aient des effets d'apprentissage. Certains élèves ne sont pas à même de faire face à ces nouveaux besoins, l'inadéquation de leur travail personnel est un facteur qui contribue fortement à leur échec.

Nous nous centrons ici sur la recherche consacrée à des lycéens de Première Scientifique (Castela 2007a, 2007c, 2009). En 2005, Castela mène des entretiens avec 10 élèves de Première Scientifique dans un lycée du centre-ville de Rouen, dont l’origine sociale ne représente pas un facteur explicatif des difficultés. Ces entretiens ont pour objet les façons de travailler. D’environ 45 minutes, ils ont été conduits, en s’inspirant de la technique de l’explicitation, avec une consigne initiale centrée sur le récit de la préparation du contrôle précédant la rencontre. À travers ces entretiens, Castela cherche à explorer les pratiques de préparation d’un contrôle de mathématiques de chaque élève selon son niveau en mathématiques. Elle présente ainsi une description des différents gestes déployés : des gestes de reprise du cours ou des exercices entre deux séances, des gestes d’évaluation de l’état de l’apprentissage relatif aux exercices faits dans la phase de révision du contrôle, des gestes visant à pallier les ignorances diagnostiquées (lecture, lecture et résolutions écrites répétées, implication du professeur dans l’étude personnelle, sollicitation de systèmes didactiques auxiliaires), enfin des gestes de prolongement de l’étude (développement des moments du travail et de l’évaluation de la technique grâce à la résolution d’exercices supplémentaires, développement de la technologie et institutionnalisation, reprise d'une praxéologie ancienne). Ainsi, il est possible de résumer les principales observations comme suit. D’abord, les élèves moyens et bons se distinguent des faibles par le caractère plus systématique et plus rigoureux des gestes qu’ils accomplissent pour évaluer l’état de leur apprentissage à l’issue de la suite de séances pour lesquelles le contrôle représente une forme de clôture. Ensuite, les élèves moyens et bons semblent viser une capacité à reproduire exactement la solution du professeur pour tous les exercices tandis que les faibles sont moins exigeants, travaillant seulement certains exercices et se contentant de gestes de lecture des corrections. Enfin, les gestes de développement de la technologie et de reprise réussie d’une praxéologie ancienne se trouvent chez les bons élèves, tandis que le développement du travail de la technique grâce au recours à des livres d’exercices corrigés est le fait d’élèves faibles ou moyens. On rencontre aussi chez un élève faible une tentative échouée de remédiation à un défaut d’apprentissage sur une praxéologie ancienne.

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Ensuite, Castela s’attarde sur le cas de trois excellentes élèves de Première Scientifique, cherchant à comprendre comment leur travail personnel leur permet de faire face aux exigences de cette classe. Elle s’intéresse à la façon dont ces élèves sollicitent des ressources personnelles relatives aux gestes de l’étude des mathématiques pour construire les connaissances nécessaires à leur réussite dans cette discipline et dans cette classe. Il ressort des entretiens que les élèves jusque là en réussite mais qui se trouvent en difficulté à partir de la première S sont ceux qui reproduisent le mode de travail rencontré dans les travaux de Félix (2002a, 2002b, 2004) chez les bons élèves de troisième, une stratégie qui leur a sans doute été bénéfique au collège et en seconde : ils ne reviennent que très succinctement sur ce qui a été fait en classe. Par opposition, les trois meilleures élèves, se rendant compte que le passage en première S produit une déstabilisation et un sentiment d’insécurité, remettent en cause et modifient leurs formes de travail afin de retrouver une efficacité perdue. Entre autres, elles sont capables de donner des exemples détaillés de techniques relatives à des types de tâches correspondant au chapitre révisé ou à d’autres plus anciens et de dégager une technique à partir du nombre très limité d’exercices d’un même type résolu avec le professeur. Ainsi, elles se situent dans une démarche de construction de praxéologie, « le travail personnel est un espace sur lequel

elles exercent une réelle souveraineté » (Castela, 2007c, p.20). Leur réussite aux

contrôles valide les modifications apportées à leur mode de travail, recrée et entretient leur confiance.