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critères de vitalité, de morbidité et de mortalité

I. Critères de morbidité et de mortalité

I.2. Marqueurs squelettiques de la morbidité et de la mortalité aux stades fœtal et post- post-natal post-natal

I.2.5. Traumatismes de la naissance

L’identification des traumatismes osseux est plus complexe sur l’individu immature du fait de la plasticité des os, des caractéristiques immatures du périoste (plus épais, plus actif et moins solidement attaché à la corticale diaphysaire, Cf. supra, chap. II I.2.) ainsi que d’une guérison accélérée (Lewis, 2013). Les fractures sont connues pour se distinguer par un aspect « en bois vert », c’est-à-dire une fracture partielle due à l’arrachement du périoste (touchant la corticale mais pas la cavité médullaire).

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La diaphyse est courbée d’un côté et fracturée de l’autre (Ortner, 2003 ; Lewis, 2017b). Ces fractures peuvent causer de larges hématomes ainsi que la formation d’un cal cicatriciel, cette néoformation osseuse pouvant être interprétée comme un marqueur d’infection ou de problème métabolique (Lewis, 2017b). Les traumatismes peuvent également se manifester sous la forme de déformation plastique de la diaphyse (lorsqu’il existe une courbure inhabituelle sans fracture), de « torus » ou « buckle fracture » (bombement des métaphyses dans le cas d’une fracture de compression), ou encore des fractures spécifiquement métaphysaires (Lewis, 2013, 2017b).

Les sujets décédés en période périnatale ont pour particularité de pouvoir présenter des

traumatismes de la naissance, catégorie définie comme ‟any condition that adversely affects

the fetus during delivery” (Gresham, 1975, p. 317). Ces atteintes sont fréquemment liées à ce qu’on appelle le « dilemme obstétrical », c’est-à-dire l’existence au niveau du bassin féminin de contraintes évolutionnaires fortement antagonistes (Rosenberg et Trevathan, 2005 ; Wittman et Wall, 2007 ; Wells et al., 2012). Alors que la bipédie implique une réduction de la hauteur du bassin ainsi qu’un élargissement de ses dimensions médio-latérales, l’encéphalisation exceptionnelle du fœtus nécessite de conserver une largeur antéro-postérieure suffisante pour laisser passer la boîte crânienne (Wells et al., 2012). Le processus de naissance humain, à la différence de celui des autres grands singes (Trevathan, 1988 ; Rosenberg et Trevathan, 2002) comporte donc des manœuvres complexes avec le passage du fœtus dans le petit bassin (figure 56) et le franchissement des détroits supérieur durant la phase d’engagement, et inférieur durant la phase d’expulsion12.

Ce processus constitue donc un difficile compromis entre ces deux dynamiques évolutives, ce qui l’a amené à être en partie qualifié de « roulette russe », ‘‘where either mother

12 Mijcke F., Cours de physiologie de la grossesse, Haute École provinciale de Hainaut Condorcet, 2008

Figure 52. Coupe antérieure du bassin maternel avec les détroits successivement passés par le fœtus au cours de l’accouchement, modifié d'après Mijcke (2008)

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or offspring might receive the ‘fatal bullet’ arising from the risks of obstructed labor’’ (Wells et al., 2012, p. 40–41). Certains travaux tendent toutefois à remettre en question le dilemme obstétrical en mettant en évidence que les dimensions du bassin ne seraient en réalité que rarement impliquées dans la mortalité maternelle et fœtale (Bouhallier, 2006, 2015).

Dans ce contexte biologique, les traumatismes de la naissance sont souvent dus à une mauvaise présentation du fœtus ou à des compressions et / ou tractions exercées sur la mère ou ce dernier. Ils accompagnent aujourd’hui moins de 3 % des naissances vivantes, mais peuvent aussi être responsables du décès du nouveau-né : ils sont actuellement la cause de 2% des décès néonataux et des mort-nés dans les populations à haut niveau de prise en charge médicale (Gresham, 1975). Ils se traduisent ostéologiquement par un pattern typique de fractures touchant la clavicule, l’humérus, la partie proximale du fémur et la voûte crânienne (Caffey et Silverman, 1945). Pour ces dernières, les cas de traumatismes crâniens avec céphalhématome peuvent être identifiés lorsque l’individu a survécu quelques semaines et que le cal s’est ossifié (Lewis, 2017b). Les observations de Griffith (1919) ont par ailleurs montré que des hémorragies intra-crâniennes potentiellement responsables d’une infirmité motrice cérébrale (Cf. supra, chap. I.2.5.) étaient observables dans 15 % des naissances prématurées de l’époque. Celles-ci peuvent conduire à un hématome localisé, notamment dans la région occipitale lorsque l’enfant est déposé sur le dos (Lewis, 2017b). Dans le cas des mort-nés ou des sujets ayant survécu sur une très courte durée, les fractures crâniennes perimortem apparaissent souvent comme impossibles à distinguer des fracturations taphonomiques. Le cal au niveau des atteintes diaphysaires est identifiable à partir de huit ou neuf jours (Caffey et Silverman, 1945), même s’il est difficile de distinguer ce processus de celui de la croissance naturelle de l’os (Lewis, 2013, 2017b). Lorsque la néoformation est unilatérale elle est plus à même d’être d’origine pathologique (à l’exception des infections non spécifiques responsables de périostite, d’ostéite et d’ostéomyélite bilatérales), mais le diagnostic différentiel avec le cal osseux issu d’une fracture doit être envisagé. La cicatrisation rapide et le remodelage osseux durant la croissance rendent toutefois ces fractures difficiles à identifier (Lewis, 2013). À partir du Moyen-Âge, ces atteintes sont parfois amplifiées par l’usage d’instruments comme les forceps ou les crochets d’extraction (Caffey et Silverman, 1945 ; Brill et Winchester, 1987). Les traumatismes de la naissance sont également à même de toucher le maxillaire et de causer des infections localisées, qui se traduisent par des néoformations osseuses réactives autour des germes dentaires (Caffey et Silverman, 1945).

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Il est toutefois difficile de distinguer macroscopiquement les néoformations osseuses pathologiques des néoformations osseuses dues à la croissance appositionnelle normale (Cf supra, chap. II,. I.2.). Dans certains cas, des dommages au muscle sternomastoïdien mènent aussi à l’apparition d’un torticolis congénital s’exprimant ostéologiquement sur le nourrisson âgé de quelques semaines par l’apparition d’une asymétrie du massif facial et de la mandibule, une plagiocéphalie, un aplatissement du frontal ainsi qu’un élargissement des processus mastoïdes (Laruelle et Deraa, 2010). Certains traumatismes de la naissance peuvent enfin toucher les membres : c’est en particulier le cas des fractures physéales ou fractures des

plateaux de croissance. Elles sont dues au déplacement des épiphyses cartilagineuses durant

le travail et peuvent dans certains cas se caractériser par une fracture transversale de l’épiphyse, souvent dans la région distale de l’humérus (Kacki et al., 2013 ; Verlinden et Lewis, 2015).