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contextes géographiques et chronologiques

I.2. L’île de Saï

I.2.1. Aperçu historique et occupations de l’île

Les premières occupations de l’île datent de l’Acheuléen, comme en témoignent les outillages lithiques retrouvés au niveau du Gebel Adou (Arkell, 1949 ; Geus, 1996 ; Van Peer et al., 2003). L’occupation est davantage marquée au Néolithique (figure 61), période identifiée grâce à la découverte de haches polies et de céramiques caractéristiques du Nord de l’Afrique, présentant des décors ponctués organisés en lignes ondées ou “Dotted Wavy Line” (Geus,

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2000 ; Honegger, 2005). Cette céramique est attribuée à une industrie connue sous l’appellation de “Khartoum Variant”, datée par 14C des environs de 5000 av. J.C. sur le site proche de Soleb (Hassan, 1986 ; Van Peer et al., 2003). Les sites néolithiques sont distribués le long du trait de rivage du début de l’Holocène. L’île est occupée dès le Kerma ancien, vers 2400 / 2100 av. J.C. (Gratien, 1978 ; Bonnet, 1980 ; Van Peer et al., 2003), comme le signalent la présence d’une nécropole évaluée à plusieurs milliers de tombes et incluant des tumuli, ainsi qu’au moins une zone d’habitat à l’est de la grande nécropole (Gratien et Olive, 1981 ; Gratien, 1985 ; Vercoutter, 1986 ; Geus, 1988, 1996). Elle constitue un avant-poste important de la civilisation Kerma durant toute la période (Gratien, 1978, 1985 ; Bonnet, 1992b, 2000 ; Bonnet et al., 2006). D’après une inscription de la cataracte de Dal et la présence sur l’île de restes de campements datés de la XIIe dynastie, elle aurait pu constituer dès l’an 10 du règne de Sésostris III un lieu de passage, voire un objectif de raid militaro-commercial pour les troupes égyptiennes (Gratien, 1985 ; Tallet, 2005). À la suite de la conquête égyptienne par la XVIIIe dynastie des régions dominées par le royaume de Kerma entre Semnah et la IVe cataracte (figure 61), l’île accueille de manière pérenne une importante occupation militaire égyptienne entre 1700 et 1100 av. J.C. (Gratien, 1985). Le site pharaonique principal est une ville fortifiée (mnw14) située sur la pointe septentrionale de l’île et administrée par un gouverneur (ḥqȝous les ordres du Fils royal de Koush (Gratien, 1985). L’île devient un centre administratif du Vice-roi de Koush sous Thoutmosis III, ce qui montre son importance politique à l’échelle des territoires conquis (Gabolde, 2012 ; Thill, 2017). La nécropole du Nouvel Empire date de la XVIIIe jusqu’à la XXe dynastie, et s’étend au sud-sud-ouest de la forteresse. Elle se caractérise par des tombes de grandes dimensions, soit construites en briques crues (dans certains cas accompagnées d’un puits conduisant à une chambre voûtée), soit des hypogées creusées dans le grès et présentant un enclos rectangulaire, une chapelle dont le puits donne accès aux chambres funéraires et une petite pyramide (Gratien, 1985). Aucune trace d’occupation n’est à l’heure actuelle identifiée sur l’île entre 1100 et 800 av. J.C, mais on relève par la suite des occupations napatéennes (725-660 av. J.C.) puis méroïtiques, entre (725-660 av. – 350 ap. J.C. (Gratien, 1985). Sous le Bas-Empire romain la région est occupée par la culture dite du Groupe-X (Museur, 1969), qui marque l’île par de nombreuses nécropoles et des tumuli de grandes dimensions entre 350 et 550 ap. J.C. (Gratien, 1985). L’île est finalement occupée sous l’ère chrétienne (habitats, cimetières et églises), puis par les sultans ottomans au XVIe, avant d’être conquise par le vice-roi d’Égypte Mehemet Ali en 1820 (Gratien, 1985).

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I.2.2. Historique des découvertes

La localisation de l’île, éloignée des sites archéologiques principaux autant égyptiens que kermas (plateau de Giza, région thébaine, ville de Kerma, etc.), la maintient longtemps à l’écart des campagnes archéologiques. Elle est pourtant mentionnée au XVIIIe siècle par Maillet, Consul français en Égypte (Gratien, 1985), puis par l’explorateur Browne en lien avec son voyage au Darfour. Son potentiel archéologique est jugé médiocre au XIXe siècle par l’explorateur suisse Burckard, qui n’y pose pas le pied, et se contente de l’observer depuis la rive du fleuve. Cette mention a cependant pour effet d’attirer les premiers voyageurs dans la région, avant que son potentiel historique et archéologique ne soit identifié en 1821 avec la visite du français Cailliaud. Budge et Crowfoot confirment ces observations en 1905 et exportent plusieurs de ses monuments afin de fournir le musée de Khartoum alors en création (Gratien et Olive, 1981 ; Gratien, 1985 ; Vercoutter, 1986 ; Soulé-Nan, 2002). Les fouilles archéologiques des équipes françaises sur l’île de Saï commencent en 1954 sous l’égide de Jean Vercoutter (Vercoutter, 1958, 1986 ; Geus, 1988, 1995, 1996). Elles connaissent une période d’interruption suite à l’appel de l’UNESCO pour le sauvetage des monuments de la Nubie, avant de reprendre en 1969. En 1993, la direction des fouilles de l’île est reprise par Francis Geus (Geus, 1988, 1994, 1995, 1996, 2000, 2004 ; Geus et al., 1995), puis par Didier Devauchelle avec l’Université de Lille III en 2005 (Devauchelle et Doyen, 2012) suite au décès de F. Geus, avec participation de Julia Budka et Vincent Francigny.

I.2.3. La nécropole 8B-51

La nécropole 8B-51 (figure 63) est découverte en 1995 par M. de Dapper et R. Goosens au cours de prospections géomorphologiques, grâce à la mise au jour d’ossements humains d’adulte affleurant en bordure du ouadi (Maureille et al., 2006).

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Sa numérotation est à l’origine 8B-SP14 (pour « sépulture paléolithique »), puis 8B-31 et enfin 8B-51, relativement au quadrillage archéologique du Soudan en carrés de 20 km de côté établi par F. Hinkel dans le but de localiser facilement les sites d’intérêt (Hinkel et al., 1977). La nécropole s’étend le long de la côte est de l’île, à l’extrémité d’un ouadi (figure 64). Le site a été daté de la fin du Kerma classique grâce à la présence de poteries caractéristiques de la période (de forme « tulipe » avec une bande noire) et par plusieurs datations 14C (Murail et al., 2004). Il a livré un total de 66 individus, 2 adultes et 64 sujets immatures, dont les dispositifs funéraires ont été étudiés ci-après (Cf. infra, chap. XV.). Parmi les individus immatures, 54 ont pu être sélectionnés pour notre étude biologique, après que notre estimation de leur âge osseux a permis de les identifier comme appartenant à la classe d’âge des individus décédés en période périnatale selon la définition donnée précédemment (Cf. supra, chap. V, III.). Leurs âges estimés sont compris entre 24 et 46 s.a.

L’impossibilité d’accès à une partie des individus des collections médiévales, de même que l’existence d’une synthèse extrêmement récente sur Provins apportée par la thèse de Portat (2018) ont amené à privilégier cette série pour le croisement de données biologiques et archéologiques (Cf. infra, chap. XV.).

152 II. L’église dite « anonyme » de Blandy-les-Tours (France)