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critères de vitalité, de morbidité et de mortalité

I. Critères de morbidité et de mortalité

I.2. Marqueurs squelettiques de la morbidité et de la mortalité aux stades fœtal et post- post-natal post-natal

I.2.2. Pathologies infectieuses

Les sujets au stade fœtal sont particulièrement sensibles aux infections qui peuvent les atteindre par l’intermédiaire du placenta, ce qui est favorisé par la vascularisation importante de ce dernier. Les pathogènes rentrent par la veine ombilicale ou via l’ingestion de liquide amniotique infecté. Les pathogènes transplacentaires sont nombreux et comptent notamment la variole, la rubéole, la tuberculose, la syphilis, la lèpre, la varicelle, les oreillons, la rougeole, la

Figure 51. Courbures des os longs de l’individu B532 du site de Kellis 2, oasis de Dakhla (Égypte, 50-450 ap. J.C.), identifié comme atteint d’osteogenesis imperfecta, de gauche à droite : humérus droit,

vue médiale, ulna droite, vue antérieure, fémur gauche, vue médiale, fibula gauche, vue antérieure, d’après Cope et Dupras (2011, p. 193).

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scarlatine, la poliomyélite ou le virus Zika (Naeye et Blanc, 1965 ; Lorin et al., 1983). L’enfant risque d’être exposé à des fluides maternels contaminés au cours de la naissance, puis directement aux pathogènes infectieux dans les toutes premières semaines de vie ex utero (Zeichner et Plotkin, 1988 ; Lewis, 2017a). Il peut par la suite développer une réaction auto-immune avec une ostéoformation périostée généralisée, mais ces réactions inflammatoires peuvent être réduites de par l’immaturité de son système immunitaire, ce qui limite également l’expression des signes osseux (Holt et Jones, 2000 ; Lewis, 2017a).

Il existe en effet pour cette classe d’âge deux types d’immunité : l’immunité active, acquise par l’exposition de l’organisme à des antigènes étrangers, et l’immunité passive, acquise par le transfert de lymphocytes d’un individu immunisé à un autre non immunisé. Le sujet en période fœtale acquiert une importante immunité grâce au transfert d’anticorps transplacentaires et de facteurs anti-infection maternels. À partir de la naissance, le nouveau-né passe d’un environnement stérile à un environnement au fort risque d’infection (Goenka et Kollmann, 2015). Il renforce son immunité acquise grâce au colostrum, le lait maternel des premiers jours, qui lui apporte une protection contre la diarrhée, les maladies respiratoires, les otites, la septicémie néonatale, certaines infections virales et les infections à salmonelle, streptocoques et E. coli (Hoshower, 1994). L’immunité acquise lui permettrait aujourd’hui dans certains cas d’être protégé contre le tétanos, la diphtérie, la rubéole, les oreillons ou encore la rougeole (Palmeira et al., 2016). Les anticorps maternels, transférés à l’enfant au cours des derniers mois de la grossesse et dont la demi-vie est de 21 jours, peuvent encore être présents dans son organisme dans les trois premiers mois après la naissance, jusqu’à l’obtention d’une immunité active (Lewis, 2017b). En cas d’infection bactérienne, le système immunitaire du nouveau-né peut ainsi répondre avec la production d’antigènes et de phagocytes, même si dans certains cas l’immaturité du système de régulation immunitaire peut causer des problèmes médicaux importants. Une réponse immunitaire non régulée peut en effet causer durant les deux premières années de vie un choc septique ainsi que la défaillance des organes vitaux (Lewis, 2017b).

Parmi les infections particulièrement graves au stade fœtal, puis post-natal, on compte la rubéole congénitale. La rubéole contractée par la mère au cours du premier trimestre de grossesse est responsable d’avortements tardifs spontanés et de décès à la naissance, parfois sans modification squelettique identifiable. Le virus a la faculté d’inhiber la multiplication cellulaire des ostéoblastes et des fibroblastes (Naeye et Blanc, 1965 ; Reed, 1969).

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Selon Rudolf et collaborateurs (1965), cela cause chez 45 % des sujets exposés des défauts localisés de calcification entre une et huit semaines post-partum (Lewis, 2017a ; b). Lors du diagnostic différentiel, ces lésions doivent être distinguées de celles produites par le rachitisme et la syphilis congénitale (Lewis, 2017a ; b). Des régions radiotransparentes et des spicules osseux peuvent apparaître dans la région métaphysaire des os longs, en association avec une fontanelle antérieure élargie pour les individus plus âgés (Rudolph, 1965 ; Rudolph et al., 1965 ; Lewis, 2017a ; b). L’infection peut produire de l’os périosté néoformé avec un élargissement des métaphyses (Naeye et Blanc, 1965 ; Reed, 1969 ; Steyn et al., 2002 ; Blickman et al., 2004). Les lésions peuvent disparaître quelques mois plus tard en cas de survie de l’individu (Sekeles et Ornoy, 1975). La varicelle congénitale peut quant à elle être contractée in utero dès le premier trimestre de grossesse et causer des microcéphalies. Lorsqu’elle est contractée au 2e ou 3e trimestre, elle est responsable parfois d’un raccourcissement unilatéral des membres, une agénésie des doigts ou des atrophies diffuses (Lewis, 2017b).

Le moment de la grossesse où le fœtus peut être contaminé par la syphilis via le système sanguin fait l’objet d’un débat : certains auteurs considèrent qu’elle peut être transmise à partir de la 16e s.a. (Fiumara, 1970), d’autres dès la 9e s.a. (Lewis, 2017a). La maladie affecte toutes les régions de croissance enchondrale, en particulier les métaphyses. Sur les os longs, les signes osseux indicateurs d’une infection sont une ostéochondrite (perturbation de la vascularisation du noyau d’ossification), une ostéomyélite (la corticale s’épaissit tout en devenant poreuse) et une périostite, résultant en une néoformation osseuse subpériostée (Caffey, 1939 ; Jaffe, 1972 ; Ortner, 2003 ; Lewis, 2017b ; a). Cette ossification périostée peut également toucher la voûte crânienne. La maladie peut causer l’apparition d’hypoplasies à la morphologie caractéristique sur les incisives supérieures, ainsi que des atteintes spécifiques des molaires ou ‟mulberry molars” (Hutchinson, 1857 ; Cheraskin, 1958). L’un des signes les plus caractéristiques (reporté dans 50 % des cas) est le signe de Wimberger, une atteinte bilatérale et symétrique de la partie médiale de la métaphyse distale du fémur et de la métaphyse proximale du tibia (Caffey et Silverman, 1945 ; Steinbock, 1976). Les toxines libérées par les bactéries mortes peuvent provoquer une réaction allergique et des contractions, lesquelles sont parfois responsables d’une mort in utero dès la première moitié de la grossesse (Genc, 2000). Les sujets ne montrent alors aucun signe osseux de l’infection. Les sujets survivants jusqu’à la période du terme peuvent être mort-nés, prématurés, ou au contraire sans expression de la maladie (Dorfman et Glaser, 1990 ; Lewis, 2017b ; a). Cette infection a été suspectée en contexte archéologique

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grâce à l’étude biologique d’un fœtus âgé de sept mois daté de l’Antiquité tardive et trouvé dans le bassin maternel à Costebelle, en France (Pàlfi et al., 1992). Elle a été identifiée à partir de l’étude ADN de deux sujets décédés en période périnatale retrouvés à Huelva en Espagne (Montiel et al., 2012).

La transmission transplacentaire de la tuberculose a longtemps fait l’objet d’un débat (Jordan et Spencer, 1949 ; Lorin et al., 1983 ; Cantwell et al., 1994). La possibilité d’une transmission par le lait maternel a également été soulevée (Roberts et Buikstra, 2003). La bactérie peut causer un retard de croissance in utero puis un décès à la naissance ou dans les premières semaines de vie (Norris et Landis, 1918). L’infection transplacentaire par la lèpre, bactérie proche de celle de la tuberculose, est possible et peut également provoquer des avortements spontanés. La poliomyélite, infection transmise par la voie digestive, a aussi longtemps fait l’objet d’une épidémie dans le monde entier, et ce jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle et l’apparition des vaccins. Lorsqu’elle est contractée par la mère durant le premier trimestre de grossesse, elle peut être responsable d’un avortement spontané ou d’une transmission au fœtus (Siegel et Greenberg, 1956).

Une infection encore courante aujourd’hui est l’ostéomyélite périnatale, qui se caractérise par des abcès et des séquestrations touchant plusieurs os dans 41 % des cas, et les articulations dans 70 % des cas (Trueta, 1959 ; Weissberg et al., 1974). Elle peut apparaître dans les jours qui suivent la naissance, en raison par exemple d’un épanchement sanguin traumatique, et touche particulièrement l’humérus et l’articulation fémoro-tibiale. Un élargissement des foramens nourriciers peut en être révélateur, de même qu’une néo-formation d’os périosté et des lésions arrondies sur la surface métaphysaire (Gilmour, 1962 ; Ogden et al., 1979).

Plus rarement, les nouveau-nés peuvent être touchés par la « maladie de Caffey » ou

hyperostose corticale infantile, dont l’origine reste mal connue (Benomar et Najdi, 1998) mais

dont l’étiologie infectieuse est suspectée. Elle peut apparaître autour de la 24e semaine de gestation, puis se manifester dans les cinq premiers mois de vie extra-utérine. Elle cause des néoformations osseuses souvent asymétriques au niveau de la mandibule, du gril costal ou de la clavicule, ainsi que des angulations du tibia ou encore une fusion radio-ulnaire (Caffey et Silverman, 1945 ; Guerin et al., 1993 ; Hochwald et Osiovich, 2011 ; Prior et al., 2012) .

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