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la transmission liée à la date de la mention au Registre du Commerce et des Sociétés

Para I l’indétermination du moment de la transmission de l’universalité

B. Une double solution source de controverse

2. la transmission liée à la date de la mention au Registre du Commerce et des Sociétés

150. Pour les tenants de cette thèse aux antipodes de la première, le moment de la transmission est celle de la mention au Registre du Commerce de l’opération de concentration.

151. La Cour a jugé qu’en cas de fusion absorption, la dissolution d’une société n’est opposable aux tiers que par sa mention au registre du commerce et des sociétés avec l’indication de sa cause ainsi que celle de la raison sociale ou dénomination, forme juridique et siège des personnes morales ayant participé à l’opération. Dans cette espèce, la cour a rappelé que dans la réalisation d’opération de restructuration touchant les sociétés, telles les fusions ou les scissions, la maîtrise des formalités s’avère un élément essentiel de la réussite. La société Banco Exterior France a été absorbée par la société Banco exterior international selon les termes d’une convention de fusion du 30 octobre 1990. L’arrêt rapporte que cette opération avait été publiée dans un journal d’annonces légales et que la société absorbée a fait l’objet d’une radiation au registre du commerce et des sociétés. La société Banco Exterior France a été assignée en justice par acte du 10 janvier 1992 mais cette assignation a été annulée par les juges du fond pour avoir été délivré à l’encontre d’une personne morale inexistante. Pour fonder sa position, la cour d’appel avait retenu que la convention de fusion du 30 octobre 1990 avait entraîné la dissolution de la société absorbée, cette convention étant opposable aux tiers dès lors qu’elle a fait l’objet d’une publication dans un journal d’annonces légales et que la radiation de cette société au RCS est intervenu le 14 janvier 1991 et qu’elle a été publiée au BODACC le 24 janvier 1991. L’assignation effectuée ultérieurement aurait donc visé une personne morale qui n’existait plus. La chambre commerciale ne partage pas cette vision et prononce la cassation en rédigeant un attendu qui sonne comme un rappel à l’ordre. Pour la Haute juridiction, en cas de fusion absorption, la dissolution d’une société n’est opposable au tiers qu’à compter de sa mention au registre du commerce et des sociétés avec l’indication de sa cause ainsi que celle de sa raison sociale ou dénomination, forme juridique et siège des personnes morales ayant participé à l’opération.

152. La position ainsi exprimée nous paraît des plus conformes aux textes et permet de prendre bien conscience de la raison d’être des formalités de publicité dont la diversité,

même si elle constitue un facteur de complication de la gestion juridique des sociétés permet de répondre aux exigences particulières attachées à chaque opération réalisée.

153. Selon l’alinéa 3 de l’article L. 237-2 du code de commerce, la dissolution d’une société ne produit ses effets à l’égard des tiers qu’à compter de la date à laquelle elle est publiée au registre du commerce et des sociétés. Les dispositions de nature règlementaire relative au registre du commerce viennent préciser le contenu des mentions qui doivent faire l’objet de l’inscription modificative requise.

154. Ainsi, l’article R 123-69 3° du code de commerce précise- t- il qu’en cas de fusion ou de scission de société l’inscription modificative doit inclure l’indication de la cause de la dissolution … Les intéressés n’ont donc pas le choix des formes de publicité. Dans la mesure où la dissolution résulte d’une fusion, c’est bien l’accomplissement des formalités au RCS, selon les précisions imposées par les textes, qui va déclencher l’effet d’opposabilité aux tiers. Il ne s’agit pas là d’une règle inutilement tatillonne, mais qui est parfaitement adapté à l’hypothèse de la fusion absorption.

155. Comme le dit si joliment l’article L.236-3 du code de commerce, la fusion entraîne la dissolution sans liquidation des sociétés qui disparaissent et la transmission universelle de leur patrimoine aux sociétés bénéficiaires. L’opposabilité de l’opération aux tiers prend alors un tour particulier. Les dettes de la société absorbée seront automatiquement mises à la charge de la société absorbante. Les créanciers ont donc un intérêt particulier à disposer de toutes les informations nécessaires pour suivre au plus près la défense de leurs droits. Les formalités sont aussi nécessaires et la Cour de Cassation n’entend pas faire preuve de laxisme en la matière.

156. Le présent arrêt rejoint d’ailleurs un précédent par lequel la Haute Juridiction avait affirmé que « les actes modificatifs affectant une société ne sont opposables aux tiers que s’ils ont été publiés au registre du commerce et des sociétés, même s’ils ont fait l’objet d’une autre publicité »119

. Le courant jurisprudentiel ainsi formé ne saurait être négligé. Tant que la publication au registre du commerce et des sociétés n’est pas accomplie, et selon les conditions et modalités prévues par les textes, l’opération n’est opposable aux tiers. Ainsi en dépit de la dissolution de la société absorbée suite à la fusion absorption, une assignation faite au nom de cette société produira ses effets et ce même si d’autres formalités de publicité ont

été accomplies ou que, par d’autres moyens, l’auteur de l’assignation avait connaissance de la fusion absorption120.

157. C’est dire que le problème du moment de la transmission du patrimoine donc de la perte de la personnalité morale est une question d’actualité et fortement discutée. Pour preuve, ainsi qu’il vient d’être démontré, la doctrine est divisée car une partie de celle-ci rattache le moment de la transmission universelle du patrimoine à la date de l’assemblée d’approbation de l’opération. Pour l’autre partie, c’est la date de mention du registre du commerce qui matérialise le moment de ladite transmission universelle du patrimoine.

158. Pour notre part, la seconde hypothèse nous paraît la plus adaptée pour la raison toute simple que la personnalité morale naissant à l’immatriculation de la société au registre du commerce et des sociétés, il apparait tout à fait logique que sa disparition soit consécutive à la mention portée au registre du commerce et en conclusion c’est à la date de cette mention que la transmission universelle du patrimoine serait opérée. Cette solution se place aux antipodes de l’assertion de Monsieur RAFFRAY121

pour lequel si en effet la fusion des sociétés prend la forme d’un contrat122

conclu entre deux sociétés, elle ne devient par conséquent parfaite au jour où les délibérations d’assemblées se rejoignent sur le principe du rapprochement, la transmission universelle du patrimoine causant la dissolution de la société. Pour lui, c’est donc cette date qui devrait être retenue comme la date de réalisation définitive de l’opération de fusion et, par là, comme date de la dissolution de la société absorbée et de la transmission de son patrimoine à l’occasion d’une fusion absorption, étant entendu que la dissolution n’est ensuite opposable aux tiers qu’en vertu de sa publication au RCS. Cette solution pour notre part apparait critiquable.

159. Quoiqu’il en soit, selon les articles L. 236-4 et 194 de l’acte uniforme OHADA, la date de prise d’effet de la fusion est fixée, dans le cadre de la fusion par création d’une société nouvelle, au jour de l’immatriculation de cette nouvelle société sans que la règle ne souffre aucun tempérament et, dans le cadre d’une fusion absorption, à la date de la dernière assemblée générale ayant approuvé l’opération. Toutefois, dans ce dernier cas, les sociétés en cause ont la possibilité de retenir conventionnellement une autre date de leur choix. Leur liberté n’est cependant pas totale puisque la date retenue doit être contenue entre

120

V. déjà en ce sens, ROUEN, 4ème Ch., 14 février 1991, Dr. Sociétés 1991, n° 392.

121

RAFFRAY R., note sous Cass.com., 24 mai 2011, BJS 2011, n° 10, p. 758.

la date de clôture du dernier exercice clos de la ou les sociétés qui transmettent leur patrimoine et la date de clôture de l’exercice en cours de la société bénéficiaire. Autrement dit, le traité de fusion peut décider soit de faire rétroagir la date d’effet de la fusion, soit de la différer même si en pratique cette seconde solution n’est pas préconisée123

.

160. Pourquoi est-il si fréquent que les sociétés parties à cette opération fassent rétroagir la date d’effet ? La raison en est simple même si les problèmes techniques sont nombreux. Les négociations entre les sociétés vont durer dans le temps alors qu’à un moment donné il faudra arrêter les valeurs respectives des sociétés pour arrêter définitivement la parité d’échange. Or, après la fixation de cette parité, les négociations peuvent encore durer tandis que les sociétés continuent leurs activités respectives ce qui conduit à faire varier journellement leur valeur. Pour respecter ces évolutions, il conviendrait de réviser chaque jour les valeurs ayant servi de base à la parité d’échange. Le problème serait insurmontable.

161. Par convention, il est dès lors préférable d’arrêter une date de fixation définitive de la valeur respective des sociétés en cause et de la parité d’échange. Lorsque toutes les négociations auront abouti, la fusion sera réputée être intervenue à compter de cette date. Aussi, les diverses opérations réalisées par l’absorbée entre la date de la fusion retenue conventionnellement et celle de la dernière assemblée sont réputées avoir été accomplies par la société absorbante. Pratiquement, les déficits générés par l’absorbée durant la période intercalaire seront mis à la charge de l’absorbante, les opérations réalisées entre les deux sociétés ne sont pas prises en compte pour la détermination du résultat imposable de l’absorbante. C’est pourquoi, en pratique, la date retenue est souvent celle du premier jour de l’exercice en cours de la société absorbante. Toutefois, cette rétroactivité n’a d’effet qu’entre les parties et son bénéfice ne saurait être revendiqué par un tiers, une caution par exemple124. La portée de cette clause est discutée fortement : doit-elle être limitée à des considérations purement comptables ou doit elle aussi produire de véritables effets juridiques125.

162. A coté des problématiques juridiques importantes que pose le moment de la transmission universelle du patrimoine, existent d’autres obstacles à sa réalisation qu’il convient de mettre en exergue.

123 Sur la portée de la clause de rétroactivité dans le cas des fusions, VAMPARYS X., portée de la clause de

rétroactivité dans une opération de fusion absorption, Bulletin Joly Sociétés, 01 décembre 2006 n° 12, p. 1450.

124

ROUTIER R., note sous Cass.com., 23 mars 1999 BJS 1999, p.679.

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