• Aucun résultat trouvé

L’information des actionnaires : une divergence de régime des modalités d’information

Para II un contrat soumis à un processus décisionnel formaliste

A- Un formalisme pour assurer les informations

1- L’information des actionnaires : une divergence de régime des modalités d’information

331. L’information des actionnaires est un impératif dans la restructuration de l’entreprise étant précisé qu’ils doivent recevoir communication des documents concernant l’évolution de « leurs biens communs ». Mais les modalités pratiques de cette information divergent entre les deux systèmes juridiques, étant entendu que si en droit français, une volonté d’alléger les obligations d’information est de plus en plus affirmée, en droit OHADA, la finalité est au contraire au renforcement de ce protectionnisme.

a- L’allègement des obligations d’information en droit français

332. Cette information est allégée en droit français parce que le législateur a multiplié les réformes239 en vue de simplifier les procédures en matière de restructuration d’entreprise par voie de fusion. Désormais, en plus de la dispense du rapport du commissaire à la fusion, le législateur dispense aussi les dirigeants des sociétés parties à la restructuration d’établir le rapport écrit (a.1). Toutefois, il est bon de préciser qu’à cette simplification, s’ajoute une obligation nouvelle qu’il convient de mettre en lumière, qui consiste à informer leurs actionnaires respectifs avant la date prévue de la tenue de l’assemblée générale appelée à approuver le projet de fusion de toute modification importante de l’actif et du passif (a.2).

a.1 Dispense du rapport des dirigeants sur la restructuration

333. Avant la réforme de 2011 portant simplification et amélioration de la qualité du droit, il était impératif de mettre à la disposition des actionnaires un mois avant l’assemblée d’approbation, le projet de restructuration, le rapport des dirigeants, les documents nécessaires à la restructuration et le rapport du commissaire à la fusion. Toutefois, la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie avait ouvert la possibilité de ne pas procéder à la

239

Ces réformes de simplification en droit français ont été alimentées par l’ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés. Sur la présentation de cette ordonnance, voy. Réflexions collectives sur l’ordonnance du 31 juillet 2014 relative au droit des sociétés Revue des sociétés novembre 2014, p. 611 et s. La présente ordonnance est prise en application de l'article 3 de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. En premier lieu, la réforme vise à renforcer l'attractivité de la place financière française, en apportant aux investisseurs des clarifications concernant le régime juridique de certains titres financiers. Ces clarifications faciliteront l'utilisation de ces titres (notamment les actions de préférence et valeurs mobilières donnant accès au capital ou donnant droit à l'attribution de titres de créance) et, ce faisant, permettront d'améliorer le financement des entreprises françaises. Ces dernières se verront, en outre, offrir la faculté de dynamiser la gestion de leur dette par la faculté qui leur est désormais conférée d'identifier les porteurs de titres obligataires. Il est également prévu une adaptation de la réglementation en vue de permettre à court terme une harmonisation européenne du

traitement des opérations sur titres.

En second lieu, la réforme a pour objet d'assouplir certaines règles de fonctionnement des sociétés commerciales ainsi que d'accroître la transparence au sein des sociétés anonymes, d'une part, et de sécuriser certaines opérations dans lesquelles les sociétés peuvent être impliquées (notamment, la valorisation des droits sociaux en cas de cession ou de rachat ainsi qu'à l'occasion de contrôles conjoints du Haut Conseil du Commissariat aux comptes), d'autre part.

désignation d’un commissaire à la fusion si l’ensemble des actionnaires des sociétés participantes y consentaient à l’unanimité240

et prévu qu’ils devaient être consultés « avant que ne commence à courir le délai exigé pour la remise de ce rapport préalablement à l’assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet de fusion » . C’est à dire concrètement, bien plus d’un mois avant la date prévue pour la tenue des assemblées241.

La loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit étend cette faculté de dispense aux mêmes conditions d’unanimité de tous les associés des sociétés participantes au rapport écrit des dirigeants sur la fusion. Il est précisé que :

« Sauf si les actionnaires des sociétés participant à l’opération en décident autrement dans les conditions prévues au II de l’article L.236-10, le conseil d’administration ou le directoire de chaque société participant à l’opération établit un rapport qui est mis à la disposition des actionnaires». 242

334. La dispense de rapport des organes d’administration sur la fusion suppose que les actionnaires de toutes les sociétés participant à l’opération de fusion soient consultés, avant que le délai exigé pour la remise du rapport du commissaire à la fusion, préalablement à l’assemblée générale de fusion, ne commence à courir243

. Cela signifie que les actionnaires des sociétés absorbante et absorbée doivent statuer sur la dispense de rapport des organes

240 C. Com art. L.236-10, II.

241 Si l’unanimité requise n’est pas obtenue, les sociétés participantes doivent conserver matériellement la

possibilité de faire désigner un commissaire à la fusion et lui laisser le temps d’établir son rapport. Comme ce rapport doit être mis à la disposition des actionnaires au moins un mois avant la date prévue pour la tenue des assemblées générales, c’est « bien avant » (le début de ce délai d’un mois) que l’unanimité doit être recherchée. Il semble qu’elle puisse l’être par tous moyens, sans qu’il soit nécessaire de procéder à cet effet à la convocation d’une assemblée (v. en ce sens, Mémento Lefebvre Sociétés commerciales, 2015, n° 83170, p.1490, et l’avis récent du comité juridique de l’Ansa : CJ Ansa n° 11-057, 12 oct. 2011, « Nouveau régime des fusions après la loi de simplification du 17 mai 2011 : questions diverses », p. 2 et 3). V. cependant, contra, SAINTOURENS B. et EMY P., « Simplification et amélioration de la qualité du droit après la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 » : Rev. sociétés 2011, p. 467 et s., spéc. n° 18, p. 474.

242

C. com., art. L. 236-9, al. 4 nouv.

d’administration au plus tard un mois avant la date de l’assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet de fusion244.

Pratiquement, cette consultation des actionnaires devra être nécessairement intégrée dans le calendrier de fusion avant l’expiration de ce délai d’un mois.

335. La dispense de rapport des organes d’administration sur la fusion suppose que les actionnaires de toutes les sociétés participant à l’opération de fusion soient consultés avant que le délai exigé pour la remise du rapport du commissaire à la fusion, préalablement à l’assemblée générale de fusion ne commence à courir.

336. Cela signifie que les actionnaires des sociétés absorbante et absorbée doivent statuer sur la dispense de rapport des organes d’administration au plus tard un mois avant la date de l’assemblée générale appelée à se prononcer sur le projet de fusion245

.

337. Cette date correspondant toutefois à la date limite prévue pour l’établissement du rapport des dirigeants sociaux, c’est bien avant qu’il conviendra de consulter les associés sur le point de savoir s’il convient ou non de les en dispenser à l’effet d’éviter que l’opposition d’un seul associé n’oblige à différer la date de réalisation de la fusion pendant le délai nécessaire à l’établissement du rapport 246

.

338. En pratique, cette consultation des actionnaires devra être nécessairement intégrée dans le calendrier de fusion avant l’expiration du délai d’un mois sus cité. A cette dispense d’établissement du rapport correspond une obligation nouvelle pour les associés.

a.2 Une obligation nouvelle pour les associés

339. Cette obligation nouvelle consiste pour les organes d’administration à informer « leurs actionnaires respectifs avant la date prévue pour la tenue de l’assemblée générale appelée à approuver le projet de fusion de toute modification importante de leur actif et de

244 C.Com.article R. 236-3-2°. 245 C.Com. art. R. 236-3-2°. 246

En ce sens, également, FRECHETTE-KERBRAT A. ,« La réforme du régime des fusions opérée par la loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit » : Option finance n° 1130, 20 juin 2011, p. 28, spéc. § 1.

leur passif intervenue entre la date de l’établissement du projet de fusion et la date de réunion de l’assemblée appelée à approuver l’opération. » 247

340. Le décret du 9 novembre 2011 portant application de ce nouvel alinéa de l’article L. 236-9 du Code de commerce prévoit pour sa part que « sauf si les actionnaires de chacune des sociétés participant à l’opération de fusion en décident à l’unanimité, l’information qui leur est due leur est communiquée selon les formes prévues par voie d’insertion d’un avis au BODACC, ou par la publication de l’avis sur le site internet de la société 248 et ce à compter du jour où les conseils d’administration ou les directoires des sociétés participant à l’opération en ont eu connaissance »249 . Si cette obligation marque une révolution en droit français nous remarquons qu’elle n’est pas exempte de critiques.

a.2-1 une obligation critiquable sur le fond

341. Sur le fond, la loi de simplification et d’amélioration du droit est allée sur le point discuté, un peu beaucoup plus loin que ce que lui imposait la directive européenne relative aux fusions de sociétés commerciales. Le texte communautaire se contente en effet d’exiger que les actionnaires soient informés d’une modification « importante » de l’actif et du passif de leur société non pas avant que l’assemblée générale ne se tienne mais à l’occasion de la tenue de cette assemblée générale250

.

342. Le parti pris par la loi française peut donc légitimement surprendre non pas seulement parce que l’assemblée générale est normalement le lieu où une information est due

247 C. com., art. L. 236-9, al. 5.

248Et notamment sans qu’il y ait lieu de respecter le délai de trente jours prévu, uniquement, pour la publication

de l’avis de fusion puisque la loi se contente de prévoir que l’information qui est due sur « la modification importante de l’actif ou du passif de la société » doit être communiquée « avant » (seulement) que ne se tienne l’assemblée générale.

249

C. com., art. R. 236-5-1 issue de décret n° 2011-1473 du 9 nov.2011. JORF n°0261 du 10 novembre 2011 p. 18893.

aux actionnaires251, mais aussi et surtout parce que le droit français n’a pas cru bon de distinguer entre le cas des sociétés « cotées » habituées à l’information permanente et celui des sociétés « non cotées » qui le sont beaucoup moins.

343. Pour ces dernières, la loi de « simplification » du droit n’en est donc pas vraiment une d’autant que les modalités de l’information des actionnaires ne sont pas si souples que l’on pouvait logiquement s’y attendre. Au-delà qu’entendre exactement par « modification importante de l’actif ou du passif » ?

344. À sa lecture, cette formulation peut viser deux types de modifications : des modifications en termes de montant et des modifications en termes de composition de l’actif ou du passif pour autant qu’elles soient « importantes ». Ce dernier qualificatif est bien entendu nécessaire dans la mesure où l’actif et le passif d’une société ont vocation à évoluer tous les jours. En pratique, il nous semble que devraient être visées :

– toutes les modifications qui sont de nature à avoir une influence sur la parité d’échange (lorsqu’une telle parité est requise), c’est-à-dire ayant un impact significatif sur la valeur de la société, par exemple la perte exceptionnelle d’un actif significatif non couvert, ou partiellement couvert, par une assurance ;

– de même sans que la modification ait nécessairement une influence sur la valeur de la société, toute modification du montant total de l’actif ou du passif pour autant qu’elle soit importante, par exemple la conclusion d’un emprunt important.

345. Enfin, à la lecture du texte et bien que cela soit sans doute moins évident, une simple modification de la composition de l’actif ou du passif (sans nécessairement avoir un impact sur leur montant total ou sur la valeur de la société) semble également être de nature à nécessiter une telle information.

251 C’est pourquoi, le comité juridique de l’Ansa avait préconisé, dès 1992, que les actionnaires « réunis en

assemblée » soient tenus informés des modifications importantes survenues dans le patrimoine des sociétés participant à l’opération depuis la signature du projet de fusion. CJ Ansa n° 2584, 8 janv. 1992, « Rétroactivité des fusions et traitement des pertes intercalaires ».

346. Par exemple, l’acquisition d’un actif significatif financée par la trésorerie de la société (qui transformerait de la trésorerie en actif) devrait faire l’objet de l’information spécifique prévue par le Code de commerce. De même, une condamnation dans le cadre d’un contentieux d’ores et déjà provisionné pour le montant de la condamnation (qui transformerait une provision en dette certaine) devrait à la lettre du texte faire l’objet d’une information spécifique si elle est considérée comme suffisamment importante. La principale difficulté pratique pour les dirigeants de la société sera de déterminer le seuil au-delà duquel il sera considéré que la modification est « importante ». La loi ne donnant pas d’indication. Pour les sociétés cotées, un des indicateurs sera sans doute le seuil retenu dans le cadre de la publication de l’information permanente.

347. En outre, il conviendra de mettre en place les procédures nécessaires à l’effet de suivre ces évolutions. Néanmoins, le laps de temps entre l’établissement du projet de fusion et la réalisation de l’opération étant en pratique relativement court, les informations concernées devraient tout de même rester limitées.

a.2-2 une obligation critiquable sur les modalités

348. Sur les modalités de l’information des actionnaires, le décret du 9 novembre 2011 prévoit que « sauf si les actionnaires de chacune des sociétés participant à l’opération de fusion en décident autrement dans les conditions d’unanimité, l’information qui leur est due leur est communiquée par voie d’insertion d’un avis au Bodacc ou le cas échéant par la publication d’un simple communiqué sur le site Internet de la société si elle en est dotée ».

349. L’expression « sauf si les actionnaires de chacune des sociétés participant à l’opération de fusion en décident autrement » manque de clarté. Elle ne permet pas aux actionnaires nous semble-t-il, de dispenser les dirigeants de leur communiquer l’information qui leur est due en cas de « modification importante de l’actif ou du passif » de leur société (car la loi est impérative sur ce point, lorsqu’elle impose aux dirigeants de porter cette information à la connaissance de leurs actionnaires), mais seulement de convenir « à l’unanimité »que cette information pourra leur être communiquée par d’autres voies que celles prévues par le décret.

350. À cette condition, tout moyen peut donc être convenu selon la structure de l’actionnariat de chaque société (courriel, courrier, etc.) ; encore que comme toutes les sociétés sont invitées quoiqu’indirectement à ouvrir à leur nom un site Internet rien ne paraît plus simple finalement que ce moyen de communication lorsque de l’autre côté l’unanimité est requise si l’on veut s’en passer.

351. En plus, les dirigeants de la société affectée par une « modification importante » de son actif ou de son passif, ont désormais l’obligation nouvelle d’en informer aussi « les conseils d’administration ou les directoires des autres sociétés participant à l’opération ». Sur ce point, le décret du 9 novembre 2011 s’est contenté de préciser qu’ils doivent le faire « sans délai » et « par tous moyens contre accusé de réception ».

352. En résumé, l’objectif du législateur français est de faciliter la restructuration de l’entreprise en allégeant les formalités relatives à son déroulement. Cette solution quoique louable contient des imperfections et place le droit aux antipodes du droit OHADA qui est très formaliste.

b- Le renforcement des obligations en droit OHADA

353. Cette information est formaliste en droit OHADA car il est imposé de mettre à disposition des actionnaires les documents nécessaires à la restructuration de l’entreprise. En effet, outre rapport des dirigeants sur la restructuration, les actionnaires doivent recevoir copie de tous les documents nécessaires.

b.1.Le rapport des dirigeants

354. Dans le droit africain, il est fait obligation de mettre le rapport des dirigeants à la disposition des actionnaires. En effet, « Le conseil d’administration de chacune des sociétés participant à l’opération établit un rapport qui est mis à la disposition des actionnaires... »252 Ce rapport explique et justifie le projet de manière détaillée, du point de vue juridique économique, notamment en ce qui concerne le rapport d’échange des actions et

les méthodes d’évaluation utilisées qui doivent être concordantes pour les sociétés concernées ainsi que le cas échéant les difficultés particulières d’évaluation253

.

355. C’est dire qu’il est expressément prévu que les associés des sociétés participant à l’opération doivent se prononcer au vu des rapports présentés par les organes d’administration et direction de la société de la lecture du projet de fusion et du ou des rapports des commissaires à la fusion254. A défaut d’un tel rapport, le consentement des actionnaires ne peut valablement être éclairé.

b.2 La mise à disposition des documents inhérents à la restructuration

356. Outre le rapport des dirigeants, les actionnaires doivent pouvoir prendre connaissance quinze jours au moins avant la date de l’AGE appelée à se prononcer sur le projet, les documents suivants :

1°) le projet de fusion ;

2°) les rapports du conseil d’administration

3)° les états financiers de synthèse approuvés par les assemblées générales ainsi que les rapports de gestion des trois derniers exercices des sociétés participant à l’opération ;

4°) un état comptable établi selon les mêmes méthodes et suivant la même présentation que le dernier bilan annuel, arrêté à une date qui, si les derniers états financier de synthèse se rapportent à un exercice dont la fin est antérieure de plus de six mois à la date du projet de fusion ou de scission doit être antérieure de moins de trois mois à la date de ce projet.

Toute actionnaire peut obtenir à ses frais sur simple demande copie intégrale ou partielle des documents susvisées255.

253

A.U. DSC et du GIE art.672 alinéa 3.

254

Voir en ce sens B.SAINTOURENS, note sous Cass. Com., 29 janv. 2008, n° 06-20.311 aff. GDF –SUEZ BJS 2008, 392 faisant droit à la demande des administrateurs élus par les salariés de voir convoquer le conseil d’administration à la suite d’une procédure de communication de griefs émanant de la Commission européenne.

255 A.U.D.S.C. et du G.I.E. art. 674. Notons que ces documents s supplémentaires qui doivent être tenus à la

disposition des actionnaires sont les mêmes que requiert le législateur français. Voy. C. Com., art. R 236- 3. Seule diffère la différence de délai ( en droit OHADA il est de 15 jours tandis qu’en droit français il est de 30 jours) qui semble s’expliquer par le fait qu’en droit OHADA, l’objectif prôné est la célérité de la restructuration. Il faut prendre des mesures idoines et rapides pour parvenir à réorganisation l’entreprise. Ce ci à l’avantage d’accélérer donc la procédure de restructuration, toutefois, ce délai peut sembler bref au regard des dispositions techniques et pratiques qui doivent être traitées lesquelles requiert une analyse minutieuse.

Documents relatifs